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Depuis le début des années 2000, des discours se sont globalisés, qui visibilisent la circulation des femmes orientées vers les services et la lient aux catégories de « trafic », « traite des êtres humains » et « esclavage moderne » ou « contemporain ». Ces discours sur les services – aussi bien domestiques que sexuels – insistent sur la prédominance des femmes et des jeunes filles parmi les « victimes », des hommes « étrangers » parmi les trafiquants, et des femmes parmi les employeurs qui recourent à la violence à l’égard des domestiques. La domesticité est pourtant une relation de travail complexe. Elle gagne à être abordée sous un angle politique, même si :

[Les domestiques] sont très rarement syndiquées ; elles manifestent encore plus rarement dans la rue. La presse n’en parle pratiquement pas (sauf dans quelques cas de “scandales”) […], les hommes politiques jamais.

Destremau et Lautier 2002 : 251

Suivant les analyses féministes du travail et les critiques de l’histoire coloniale et migratoire, j’ai souligné ailleurs, avec Jules Falquet, le rôle crucial des politiques, notamment migratoires, et des relations entre les sociétés (Moujoud et Falquet 2010). Nous avons montré comment l’ambigüité des politiques étatiques françaises, qui n’abolissent pas certaines conditions d’existence favorables à l’exploitation, se manifeste parfois dans le discours pro-femmes qui participe à voiler le traitement réservé aux domestiques migrantes sans droits. Mais pourquoi le traitement par la violence existe-t-il dans de nombreux pays, et pourquoi le travail des domestiques frôle-t-il la domesticité « en servitude », avec des employées maltraitées et sous payées, alors même que l’esclavage est aboli et que les droits (des femmes) sont officiellement proclamés par les États contemporains ?

Il s’agit ici de mieux montrer les liens entre la domesticité d’aujourd’hui et la servitude, en se plaçant au niveau de l’histoire locale et postcoloniale, à partir d’un cas concret : celui du Maroc, qui est emblématique. D’abord, parce que le Maroc postcolonial connaît une survisibilisation du thème des violences extrêmes envers les « bonnes », qui révèle en réalité la dureté des rapports de classe à l’oeuvre dans cette société. Puis, les positions dominées des « bonnes » étant généralement attribuées à leur mentalité rurale (populaire) réputée arriérée, les violences qu’elles subissent sont présentées comme la conséquence d’une défaillance parentale ou d’une criminalité des intermédiaires locaux, qui seraient du reste à l’origine du « trafic » de domestiques (comme de la non scolarisation des filles). En outre, l’histoire du Maroc illustre les contradictions du système colonial quant à la question de l’esclavage, qui se prolonge pendant la colonisation et l’introduction du salariat, et les recompositions de cette problématique au lendemain de l’indépendance. Enfin, le Maroc est le pays où se trouve la plus importante population montagnarde et amazighe (berbère) de l’Afrique du Nord, une population dont le territoire a été placé au centre des agissements répressifs pendant la colonisation ainsi que de nombreuses luttes et migrations, et a été longtemps ignoré des politiques sociales d’éducation ou de santé du Maroc indépendant (Boujrouf 2001).

Mon engagement ethnographique auprès des domestiques a eu lieu auprès de femmes originaires de cette population, qui vit généralement dans les territoires dits « éloignés » du Maroc et représente un important fournisseur de travailleuses recherchées par les employeurs. Il a été mené dans la perspective d’une ethnographie de longue durée. Il a démarré en 1998 après l’apprentissage de la langue amazighe (le berbère) et s’est appuyé sur des échanges de longue haleine, poursuivis au fil des années dans des espaces privés (domicile), avec une trentaine de montagnardes âgées, au début de mes recherches, de 13 à 30 ans, ainsi qu’avec leurs proches et avec deux anciennes domestiques dans la soixantaine. Ces personnes sont toutes natives de « Tuda », une région du Haut-Atlas auquel j’attribue un nom d’emprunt pour ne pas renforcer la stigmatisation de sa population. Leur usage local en amazighe du mot trafic, qui désigne le moyen de transport et la circulation des biens et des personnes, explique mon utilisation antérieure de ce terme, qui se confond avec « la traite » pour qualifier les circulations des femmes locales travailleuses en ville (Moujoud et Pourette 2006). Les employées vivent à Casablanca. Afin de ne pas restreindre l’analyse au cas de Tuda et de mieux saisir le contexte transnational des violences envers les domestiques, j’ai également réalisé des entretiens avec des acteurs associatifs dans cette ville et une enquête auprès du Comité contre l’esclavage moderne en France[1]. Une partie des résultats a alimenté ma thèse sur l’importance des résistances individuelles des migrantes populaires peu intégrées dans les mobilisations collectives (Moujoud 2007). Ces résultats ont été approfondis par des témoignages de personnes âgées rencontrées en 2014 et 2015 au Maroc ou en France à propos des circulations et trajectoires de montagnard(e)s au début du XXe siècle. Ils seront ici enrichis d’un entretien avec une femme (54 ans, ingénieure), issue d’une famille riche originaire de la ville de Salé, qui a bénéficié des rapts de montagnardes au cours de la colonisation.

Pour interroger la référence à la domesticité en servitude, et rendre visibles le contexte historique et les résistances introduites par le bas, je procéderai en trois temps. J’attire d’abord l’attention sur l’apparition pendant la colonisation de nouvelles formes de servitude visant à contourner les interdits consécutifs à l’abolition de l’esclavage, et sur l’émergence dans ce contexte d’une nouvelle domesticité, laquelle se poursuit dans la période postcoloniale et s’identifie parfois à la servitude, c’est-à-dire à la maltraitance et au déni de droits, essentiellement avant l’adoption de la Loi du 26 juillet 2016 sur la protection juridique des domestiques[2]. Ensuite, j’analyserai le cas précis de Tuda, qui illustre ce qui amène une population appauvrie à résister à de nouvelles formes de dépendances par le « choix » d’un nouveau travail (la domesticité) qui s’apparente à la servitude. Enfin, j’aborderai la réalité des conditions de travail, en particulier l’ambigüité du vécu, pour ces femmes, des violences, des attachements et des circulations, ainsi que l’importance des résistances contre la domesticité en servitude, que les employées et leurs proches introduisent en marge des mobilisations collectives. Ces aspects nous conduiront, en conclusion, vers quelques propositions sur les apports d’une analyse de la domesticité comme relation de travail qu’il convient de replacer dans le cadre d’une critique globale du néolibéralisme (Falquet 2008).

Des (esclaves) domestiques aux « bonnes »

Un secteur d’emploi important, surtout pour les femmes des « territoires éloignés »

Pendant les dernières années de la colonisation (1950-1960), la domestique devient « la figure de travailleuse la plus répandue » en Afrique du Nord en général (Knibiehler et Goutalier 1985 : 247). Au Maroc plus particulièrement, la domesticité garde son importance, en lien avec l’accélération de l’urbanisation qui fait suite à l’indépendance. Dans les années 1970, 50 % de la migration rurale vers les villes est féminine et la domesticité constitue l’un des emplois « les plus courants et les plus accessibles pour les immigrées d’origine rurale » (Mernissi 1981 : 37). Ce mouvement des femmes vers la ville se construit au moment où les premiers gouvernements nationaux « enfourchent le jacobinisme, le centralisme, la dictature administrative, plutôt que de réfléchir sur ce qui s’est passé [lors du protectorat] » (Pascon 1980 : 19). Ces gouvernements investissent dans des domaines (santé, éducation, économie nationale) pour lesquels le protectorat « avait peu fait » (ibid. : 18). Cependant, ils ont reconduit la marginalisation des territoires dits « éloignés » (le « Maroc inutile », selon le langage colonial), qui restent à l’écart des nouveaux privilèges accordés à d’autres territoires.[3]

La domesticité contredit le discours nationaliste urbain de l’émancipation par l’école et les nouvelles positions de femmes et d’hommes de milieux favorisés, qui parviennent à acquérir des formations et des professions reconnues. En effet, si le Maroc indépendant a généralisé la scolarisation des filles, alors que la colonisation encourageait surtout l’école pour les « fils de notables », la montagne ne bénéficie pas des réformes introduites lors de l’indépendance et ses populations se retrouvent parfois amenées à quitter leur village pour intégrer une famille citadine engagée dans un parcours de mobilité des hommes et des femmes par l’école et le travail salarié.

Dans les années 1980-1990, la domesticité des rurales devient un objet de discours à travers la victimisation des « bonnes » et la criminalisation des employeuses dans un contexte de médiatisation des violences à l’encontre des employées. Des sources médiatiques et littéraires relatent très souvent des histoires de meurtres, de séquestration ou de violences diverses subies par des jeunes domestiques et perpétrées essentiellement par des femmes employeuses (Zahy 2001). À partir du début des années 2000, les « bonnes » font de plus en plus l’objet de campagnes de sensibilisation sur les violences soutenues par différents organismes nationaux et internationaux (Calcetas-Santos 2000). Ces campagnes se saisissent de « scandales » dénoncés par les médias et participent à la dénonciation des situations d’extrême violence, et peut-être à l’émergence de nouvelles évolutions, avec le renforcement de la baisse du travail des mineures et du passage d’une domesticité à demeure à l’emploi domestique journalier. On remarquera cependant que ces campagnes sont en général plutôt déconnectées de toute politique publique plus durable sur la question et surgissent en l’absence de luttes collectives pour la reconnaissance des droits des travailleuses et des différences de classe, même si le projet d’une loi destinée à accorder une protection juridique aux domestiques est envisagé depuis de nombreuses années.

En même temps, malgré la grande visibilité des discours sur « les bonnes », la traite ou l’esclavage moderne, peu d’études se penchent sur l’émergence de la domesticité contemporaine dans une perspective historique. Un retour sur la période coloniale s’avère pourtant fort utile pour comprendre les liens entre l’esclavage domestique précolonial, la domesticité postcoloniale et les conditions de travail domestique en servitude.

Des esclaves aux montagnardes : une substitution ?

Au Maroc, l’histoire de l’esclavage contraste avec le discours colonial sur son abolition. L’esclavage domestique – qui dominait au Maroc – n’a pas été assurément aboli par la colonisation. En effet, le pouvoir colonial « n’intervient pas directement dans ce qui appartient à la sphère privée de l’homme musulman : les ‘abid [esclaves], [et] les femmes » (Rivet 1999 : 412). Fatema Mernissi écrit qu’au cours de cette période, les administrateurs coloniaux « entouraient le musulman, qu’ils avaient agressé au niveau politique et économique, d’un curieux “respect des traditions” » (Mernissi 1981 : 24). Ce respect concernait des notables et des élites, notamment citadines, qui bénéficiaient de l’esclavage historique aux dépens de populations subsahariennes. Des mesures administratives « furent adoptées contre les aspects les plus choquants » de cet esclavage (Ennaji 1997 : 182). Ainsi, le commerce public en fut interdit en 1922, mais l’institution en elle-même ne fut pas déclarée illégale, et l’acquisition ou la possession d’esclaves ne donnèrent pas obligatoirement lieu à des poursuites légales. Si la fermeture des principales voies d’approvisionnement en esclaves a effectivement tari les apports extérieurs dès la fin du XIXe siècle, les « plus attachés à l’institution, les caïds et la grande bourgeoisie des villes ne perdront pas goût de sitôt [à ces pratiques] » : jusqu’à ce que « la mainmise de l’État » et la « modernité » cessent de permettre ces abus, ils opteront pour « le rapt de personnes libres » à l’intérieur du Maroc (Ennaji 1997 : 198).

Ces rapts sont mentionnés dans de nombreux écrits, comme ceux de Mernissi (1997), Essafi (1935) ainsi que Hervé et Kerrest (1980), qui donnent de très brèves indications sur les personnes touchées : des « femmes berbères » ou « des petites filles dans les familles pauvres de la montagne ». Tahar Essafi évoque un procès qui eut lieu à Fès, au début des années 1930, contre des trafiquants qui avaient pratiqué des rapts de « femmes berbères du Sous » (Essafi 1935 : 33). À ce moment, « on trouve [parmi les trafiquants] des noms fleurant la très bonne société locale » (Rivet 1999 : 99). Pour l’administration coloniale, il fallait ménager les alliances avec les notables (Ennaji 1997 : 183). Les oulémas (hommes religieux) de la très bourgeoise ville de Fès soutenaient ce processus grâce à des réinterprétations de leur cru du texte religieux. Ils produisirent un avis juridique officieux autorisant les rapts et précisant que « les femmes berbères du Sous ayant la peau olivâtre ne pouvaient être assimilées aux femmes blanches dont le commerce est interdit par le Coran » (Essafi 1935 : 33). Ainsi, « forts de cette opinion juridique, les traitants firent le commerce en grand des filles de Sous » (idem).

Le Sous désigne une région de l’Anti-Atlas. En revanche, une dénomination est en usage en ville et parmi les arabophones pour englober toutes les populations amazighes du Sud du Maroc : les Chleuhs de l’Anti-Atlas et du Haut-Atlas. Il est possible que les références précitées utilisent le Sous pour désigner la région chleuhe en général. Les récits des personnes âgées originaires du Haut-Atlas montrent l’implication de ce territoire : ils relatent les risques de rapts d’enfants dans les années 1930-1940. Un homme âgé de 82 ans (né dans le Haut-Atlas et rencontré à Casablanca, en 2014) m’a dit l’importance de ces rapts et la tendance des trafiquants à « utiliser le charbon » pour « déguiser les enfants en noirs ». Des témoignages de descendants de familles riches ayant bénéficié de ces rapts peuvent enrichir l’analyse. Ainsi, une femme issue de la ville de Salé et aujourd’hui dans la cinquantaine m’a confié avoir été élevée par une Chleuhe, qui a été sa principale dada (nourrice, historiquement Noire dans le langage bourgeois marocain)[4]. Cette dada avait été victime d’un rapt au début des années 1930. De son enfance, elle se rappelle uniquement de la technique utilisée pour son enlèvement : des fèves disposées en ligne de manière à attirer l’enfant vers un sac dans lequel elle a été enfermée pendant de nombreuses heures pour être déplacée en ville. Lors de notre entretien, la femme ingénieure n’a pas relevé la violence dans cette histoire. Elle a précisé que « l’enfant chleuh » avait accompli des services domestiques avant de devenir une dada et de s’occuper des enfants de la même famille (nés dans les années 1950) puis de leurs descendants. Il s’agit de deux générations d’hommes et de femmes hautement qualifiés. Leur dada est morte en 2007, à l’âge d’environ 80 ans. Elle n’a jamais pu localiser sa famille ou son village de naissance.

Dans les années 1930, les populations peu privilégiées de la montagne ne connaissaient ni la domesticité ni l’esclavage. Elles ont été fragilisées au moment où il était « devenu pratiquement impossible de “ravitailler” en esclaves les familles bourgeoises » (Mernissi 1984 : 49). Leur précarisation est multidimensionnelle. Si leur territoire a été un « champ d’application et d’expérience » de « l’exploitation totale et méthodique » pendant les différentes périodes de l’histoire du Maroc (Baroudi 1983 : 699), la « pacification » française a prolongé la destruction des moyens militaires, politiques et économiques de la montagne (ibid. : 691-692). Les caïds sont instrumentalisés au point de devenir une « catastrophe » pour la population (Rivet 1999 : 310), qui se retrouvait ainsi privée de ressources pour lutter. Du coup, en dehors de « quelques cas de revendications émanant de parents particulièrement tenaces, les rapts ont été couverts par la prescription de l’oubli, de la négligence ou de la résignation » (Essafi 1935 : 33).

Le rapt de montagnardes montre qu’au Maroc, l’histoire de la domesticité en servitude est indissociable de l’histoire de l’esclavage dans le contexte colonial. Les montagnardes ont initialement découvert ce travail par le rapt pendant la colonisation. Néanmoins, cette histoire ne se confond pas avec l’esclavage. Les victimes de l’esclavage domestique historique ont appartenu à des groupes subsahariens. Bien qu’il y ait des éléments historiques sur la légitimation de l’esclavage pour les femmes de Sous – donc d’une région amazighe du Sud, comme Tuda – et que la domestique peut être séquestrée et traitée « comme une esclave » (Salahdine 1987 : 121), je ne défends pas l’idée selon laquelle la domesticité en servitude est le produit de l’esclavage historique. Il ne s’agit ni des mêmes populations, ni des mêmes conditions. L’esclavage comporte le racisme de couleur que ne subissent pas les populations rurales ou amazighes non noires du Maroc (qui ont participé à l’esclavage des Noirs). Puis, les domestiques dont il est question ne sont ni vendues ni cédées à des tiers. Elles n’ont pas cette « caractéristique de biens-meubles » que Roger Botte (2005 : 657) souligne dans l’esclavage d’antan et dans ses abolitions. En dehors des situations de rapts datant des années 1930, les premiers moments de la domesticité parmi les montagnards appréhendés dans cet article se développent à partir du début des années 1950. Ces premiers moments ont déployé un large spectre de relations avant de porter ensuite (dans les années 1980) l’empreinte de la servitude, car les employeurs, qui ne font pas forcément partie des anciennes familles ayant bénéficié de l’esclavage, recourent à la violence pour mieux exploiter et transformer la domesticité en un travail en servitude.

Montagnardes attachées et exploitées en ville

Un territoire et des circulations exemplaires

Tuda se compose d’un ensemble de villages localisés dans une des zones les plus élevées du Haut-Atlas[5]. Ce territoire se situe à plus de 350 km de Casablanca, la ville de travail des personnes rencontrées pour cette recherche[6]. Le choix de Tuda se justifie par trois raisons. D’abord, le caractère pionnier de la migration féminine. Les femmes ont été les premières de Tuda à s’installer en ville (où elles travaillent comme domestiques), à partir des années 1950 et jusqu’aux années 1980. Elles constituent la première génération de migrants à l’extérieur du territoire de montagne – alors que les jeunes hommes s’engageaient comme bergers dans l’Anti-Atlas et ne bénéficiaient pas d’un réseau social ou familial en ville.

Ensuite, l’histoire de ce territoire illustre la construction politique de la domesticité. Le Haut-Atlas étant d’abord une région rebelle, révoltée contre le système central, caractérisée par une faible mobilité nationale et internationale, ses habitant(e)s se sont peu à peu soumis(e)s à ce que Robert Montagne (1952 : 18-19) appelle, en évoquant les communautés de ce territoire, « la double dépendance qu’elles avaient évitée jusqu’alors, celle de la ville islamique et celle de l’économie moderne ». Ce processus a particulièrement touché les hautes montagnes du Haut-Atlas (Montagne 1952). En effet, si la montagne a été en général soumise à une désagrégation de ses structures sociales et économiques (Rivet 1999), contrairement à d’autres régions de ce territoire, la haute montagne du Haut-Atlas est demeurée à l’écart de l’émigration et du recrutement de la main-d’oeuvre au cours de la colonisation (Montagne 1952). Ainsi, Tuda n’a pas connu le recrutement colonial de la main-d’oeuvre masculine pour les exploitations internes au Maroc ou pour la métropole. Ce recrutement officiel est par définition destiné aux hommes ; la population qui en était exclue a probablement été amenée à se spécialiser dans l’émigration informelle et féminine. C’est dans ce cadre de mutations migratoires que Tuda a renforcé la circulation de jeunes hommes comme bergers et que certaines familles ont instauré la mobilité de jeunes filles vers la ville. Ces deux formes de circulation émergent en parallèle à une demande de la part de familles originaires de l’Anti-Atlas qui ont connu le recrutement colonial de travailleurs : les familles restées dans la montagne cherchent des bergers, les familles devenus citadines, des domestiques.

La troisième raison qui justifie le choix de Tuda est l’existence en son sein d’une professionnalisation des intermédiaires entre employeurs et employées. Ils sont des habitants de Tuda qui partagent parfois des liens familiaux avec les domestiques. Depuis la fin des années 1950, ces intermédiaires (notamment deux individus) amènent et placent des filles dans des familles dispersées à Casablanca. Des hommes âgés originaires de l’Anti-Atlas les surnomment « notre Mora interne », en référence à Félix Mora, l’agent français recruteur des Houillères du Nord et du Pas-de-Calais qui, dans les années 1950, a embauché des hommes de la région du Haut-Atlas[7]. Pendant plusieurs années, ces intermédiaires ont été parmi les seuls à transporter les villageois(e)s désirant faire une démarche médicale ou administrative en ville ou dans les villages d’en bas. La circulation interrégionale des employées en ville des années 1950 à la fin des années 1990 dépend du mouvement des intermédiaires qu’elles voient deux ou trois fois par an, avec lesquels elles ont des affinités et qu’elles considèrent comme des proches. Le réseau téléphonique n’était pas disponible dans les villages de Tuda qui, comme plusieurs autres territoires de montagne, n’accèdent à l’électrification qu’au début des années 2000. Aujourd’hui, le téléphone portable a transformé les pratiques de communication. En même temps, des écoles primaires ont été construites dans ce territoire, qui connaît de nouvelles circulations parfois scolaires. La population de Tuda est dorénavant réticente face à l’emploi dans les services domestiques.

La relation de domesticité, entre attachement(s) et violences

Comme on l’a vu, les employeurs des femmes que j’ai rencontrées sont des familles issues de l’Anti-Atlas, constituant la première ou la deuxième génération de migrants à Casablanca. La première génération est composée de commerçants ou d’ouvriers, alors que la deuxième comporte des fonctionnaires, enseignants, instituteurs, médecins ou ingénieurs. Ces familles proviennent de régions historiquement proches de Tuda. Certaines sont aujourd’hui éloignées du modèle montagnard ou désirent s’en distinguer par la langue, la formation, le travail salarié pour les femmes, l’habillement, l’identification, etc. La double thématique de l’éloignement et des liens caractérise les récits sur les relations avec ces familles, qui développent de nouvelles formes d’appropriation du travail à partir de la moitié des années 1980.

Toutes les femmes et les jeunes filles de Tuda rencontrées n’ont pas connu le statut de travailleuses et n’ont bénéficié ni de rémunération satisfaisante, ni de scolarité ou de parcours professionnel comparables à ceux des autres membres de la famille d’accueil. Cependant, les deux femmes âgées de plus de soixante ans que j’ai rencontrées (et qui ont peut-être constitué les premières employées de Tuda en ville) ont des relations d’alliance avec les « anciens employeurs » et ont connu des mobilités sociales et des trajectoires matrimoniales similaires à celles des filles de ces familles. En effet, les premières générations sont à la fois désignées par une appellation familiale (ma soeur, ma fille, etc.) et intégrées dans le cadre des normes de la famille (lieu et mode de sommeil, repas collectif, sorties partagées, habits et langues similaires, participation aux fêtes, mariage organisé par la famille « d’accueil », etc.). Leurs relations avec la famille d’accueil s’inscrivent dans la durée et impliquent le partage de travaux domestiques entre les différentes femmes de la famille.

Les générations suivantes sont parfois désignées par des appellations familiales, d’autres fois explicitement identifiées à des domestiques. Elles vivent en tout cas de nouvelles situations où elles assument seules une grande partie des travaux domestiques et se distinguent fortement des autres membres féminins et masculins de la famille. Elles doivent adopter une nouvelle langue (l’arabe, et parfois le français), de nouvelles pratiques culinaires et ménagères, et, souvent, elles font état de comportements de soumission et d’un sentiment d’isolement ; elles dorment parfois dans la cuisine ou peuvent être « prêtées » aux autres membres de la famille ou à des amis pour des services ; elles sont parfois violentées physiquement, ou sexuellement, et en général très peu intégrées dans les échanges familiaux. Ainsi, Yamna, 13 ans, une des plus jeunes domestiques que j’ai interrogées en 1998, ne parlait presque pas sur son lieu de travail. Elle avait honte de ne pas bien parler arabe et ne voulait pas que l’on se moque d’elle. Ses employeurs l’appelaient « la muette » jusqu’au jour où ils la découvrirent en train de mener une discussion à voix haute avec l’épicier chleuh du quartier.

Pour les domestiques qui connaissent des violences extrêmes, visibles depuis la moitié des années 1980, le départ est le principal recours. Le plus souvent, ces employées attendent le passage de l’intermédiaire pour s’en prévaloir. Certaines arrivent pour la première fois en ville et n’ont aucun contact ni aucun moyen pour communiquer avec leur famille. Elles sont très jeunes (de 13 à 18 ans), ont peur de l’administration, ne parlent pas la langue dominante en ville et en ont honte. Celles qui supportent douloureusement leur condition espèrent améliorer leur situation, voulant croire que ces violences ne sont que passagères. Cela les amène à supporter, parfois pendant plusieurs années, des conditions pénibles. Ainsi à 23 ans, Amina, rencontrée en 1999 et en 2003, a presque perdu deux ongles des doigts de sa main à cause des produits ménagers. Elle a, en plus, de sérieux problèmes de varices et de chevilles – dont ne souffrent pas ses amies au village. Depuis son arrivée à l’âge de treize ans, elle a travaillé dans la même famille, restant pendant plus de huit ans avant de comprendre qu’il fallait partir, que les violences ne s’arrêteraient pas et qu’au contraire, il ne fallait pas attendre que sa patronne (enseignante), ou elle-même, en arrive à commettre un acte mortel. « J’avais envie de l’agresser et je voyais qu’elle pouvait me tuer ! », m’a dit Amina en 2003. Ce sentiment a été le déclic pour partir. Elle est alors retournée dans son village. Cependant, se sentant dépaysée, ou l’attrait pour « l’aventure », dont parlait A. Sayad (1977) à propos des hommes, étant plus fort, elle a elle-même demandé à un intermédiaire de lui « trouver une autre famille » avant de se lier à un artisan originaire du village et de s’installer avec lui à Casablanca.

Les risques des liens et les bienfaits de la rupture

La circulation et le placement familial

Dans le cas d’Amina, comme dans des relations moins violentes, les domestiques sont attachées à la famille au sein de laquelle elles ont été initiées à l’urbanité. Elles évoquent souvent le modèle de « réussite » des deux premières villageoises placées en ville dans les années 1950, qui ont connu une promotion sociale par le mariage à des riches commerçants originaires de l’Anti-Atlas. L’attachement aux familles urbaines se construit peut-être aussi sous l’effet d’une compréhension élargie des relations familiales, qui ne les limite pas au lien biologique. Il renvoie à l’importance « traditionnelle » du placement des enfants dans la montagne marocaine, puis à ses redéfinitions dans le contexte postcolonial.

En effet, si, dans le Maroc actuel, l’adoption impliquant des droits égaux aux enfants biologiques n’est pas légalement reconnue, la kafala est par contre une adoption reconnue par le droit national. Elle permet à des enfants nécessiteux d’être pris en charge par une famille (Bargach 2002). En même temps, même si la loi étatique ignore l’adoption plénière, les sociétés précoloniales avaient institutionnalisé la pratique de placement (Bertrand 1977). On voit bien ici comment cette pratique est utilisée dans le processus de mise en place de la domesticité. En effet, les plus âgées des (anciennes) domestiques de Tuda ont été considérées comme des membres de la famille et inscrites dans des relations durables. Les employeurs, originaires de l’Anti-Atlas, étaient historiquement liés à Tuda par des pactes (pâturages, échanges de produits et de services, etc.) et des alliances (mariage) qui n’incluaient ni les services domestiques ni la mobilité des femmes pour le travail. Or, à partir du début des années 1950, des jeunes femmes de Tuda ont suivi le mouvement de ces familles de l’Anti-Atlas vers Casablanca. Pour elles comme pour leurs proches, il s’agit d’un contrat d’accueil dont le sens est double : famille et travail. Ce contrat se définit par l’espoir de vivre mieux (ou moins mal) en ville.

Ce sont essentiellement des jeunes orphelines (de père ou de mère) n’ayant pas de soeur mariée et dont le parent veuf s’installe dans un nouveau mariage qui sont concernées par ce type de contrat. Ce choix dépend d’une stratégie de résolution d’un conflit (à la suite du veuvage du père ou de la mère, puis d’un remariage) et d’un désir de promotion (individuelle et familiale). Les parents croient très souvent, au départ, fournir à leur enfant des possibilités de vivre mieux ou de fuir des situations difficiles. Les familles d’accueil des « premières » migrantes étaient issues de groupes voisins, la jeune fille se retrouvait dans un milieu proche, notamment au niveau de la langue et de la pratique du placement. Dans les années 1950-1960, la jeune fille placée était déscolarisée au même titre que d’autres filles de la famille d’accueil (l’aînée) et invitée à suivre des formations similaires (couture, cours d’alphabétisation adaptés aux horaires du travail domestique, etc.). Son accueil ne supposait pas des formes importantes de distinction entre femmes (du même âge) : toutes étaient invitées à accomplir des travaux domestiques, par différence avec les hommes.

Depuis la deuxième moitié des années 1980, les familles d’accueil accèdent à des qualifications reconnues aussi bien pour les hommes que les femmes nés dans les années 1960. Ces derniers deviennent de nouveaux employeurs. Or, à l’instar des employeuses rencontrées par Judith Rollins (1990 : 74), les patronnes marocaines « qualifiées » font rarement pression sur leur mari pour partager les charges de l’entretien de la maison, et ce, malgré leur conscience d’être à la peine. Les maris interviennent rarement dans la relation avec l’employée. Lorsque les violences sont manifestes, leur silence constitue une complicité parce qu’ils tirent profit des services de l’employée et du travail domestique de l’épouse. Nous pouvons dire que l’ambiguïté entre travail et famille tend à masquer les « habits neufs » de « l’oppression au travail » (Botte 2005), dans un contexte où l’État se désengage de la reconnaissance des employées dans les services domestiques et où les hommes se déchargent du travail domestique au sein de la famille.

Du côté des employées violentées, le consentement provisoire se nourrit de représentations stigmatisant la montagne que partagent montagnard(e)s et citadin(e)s, et se redéfinit avec la prise de conscience des décalages qui existent entre employées et employeurs.

Représentations partagées et prise de conscience

Pour les jeunes filles de Tuda explicitement engagées comme domestiques, l’existence d’un contrat oral et formel, dans le sens où il y a clairement travail et rémunération, devient plus fréquente depuis l’amplification des mobilités des jeunes filles à partir du milieu des années 1980, avec l’apparition d’employeurs issus d’autres régions du Maroc. Toutefois, dans ce dernier cas aussi, alors que de plus en plus de jeunes s’expriment en termes de travail et de salaire, les employeurs persistent à parler de « famille » ou de « tradition ». Ainsi, la référence à ces deux registres est utilisée dans le langage des employeurs pour contrôler la jeune (interdiction de sortir seule sous prétexte de protéger) en lui disant : « tu es comme notre fille ! », pour justifier sa rémunération en nature (« comme avant ») ; ou pour préconiser des manières d’accomplir le travail domestique sans utiliser l’électroménager, par exemple (« de manière traditionnelle »). En utilisant ce langage, les employeurs ont recours à ce que Roger Botte (2005 : 659) appelle « les armes immatérielles grâce auxquelles [la] soumission est obtenue ». Ils parviennent parfois à faire passer la relation de pouvoir qu’ils exercent pour un service rendu aux employées et à leurs proches. Seulement, c’est le partage de représentations valorisant la ville au détriment du village qui détermine la soumission.

Pour les jeunes rencontrées, la ville s’oppose au village (l’ennui, la routine et le constat du manque de moyens et de salaires). J’ai souvent entendu ces travailleuses dire au départ qu’elles ne faisaient rien au village, alors qu’elles répondent pourtant avec précision aux questions liées à leurs multiples activités quotidiennes de travail là-bas (domestique et agricole) et de loisirs (chant, promenades et festivités). Le mode de vie au village n’est pas reconnu et ne permet pas la reconnaissance du travail par le salaire. Les jeunes désirent se conformer aux modèles représentés comme citadins et valorisés par les familles citadines. Or, leur position de dominées les prédispose, plus spécialement dans la première phase de leur migration, à s’accoutumer à l’existence qui leur est réservée dans la ville où elles découvrent l’exploitation féroce, alors qu’elles espéraient accéder au salariat ou à l’argent (pour elles et pour leurs proches). Celles qui retournent au village, à la suite de désillusions et de violences, ne se reconnaissent ni dans le mode de vie local ni dans son marché matrimonial, qui leur propose de s’allier avec un berger dont elles ont appris à dévaloriser le statut. Elles peuvent d’ailleurs ne pas être reconnues comme aptes à entrer sur ce marché, ainsi que le souligne Ali Amahan (1998) dans son travail sur les mutations socioculturelles dans un village du Haut-Atlas.

Cependant, les employées ne partagent pas toutes les représentations dominantes sur elles. Elles ne s’identifient pas à des « victimes » et ne qualifient pas leurs proches de trafiquants ou de parents déficients. Les violences extrêmes apparaissent lors du premier emploi. La majorité des employées s’aperçoivent vite que le respect qu’elles ont à l’égard des employeurs n’est pas réciproque et que ces derniers ne partagent pas leur espoir d’une vie meilleure (pour elles), bien qu’ils les assimilent à la famille. Elles aspirent à une promotion en ville, à la différence de leurs employeurs, qui veulent les maintenir dans un statut d’infériorité. En même temps, elles restent dans des familles plus ou moins abusives et se soumettent à des situations de dépendance, car elles ont développé une certaine affection à l’égard des employeurs. Ainsi, Amina n’est partie, m’a-t-elle expliqué, qu’une fois qu’elle a compris que pour ses employeurs elle ne serait jamais un membre de la famille.

Avec le temps, les jeunes employées revoient l’image de la ville et joignent l’action à la prise de conscience alors qu’elles prennent conscience des « armes immatérielles » utilisées par les (premiers) employeurs. Elles résistent en se retirant de la famille violente, mais rarement de la ville. Elles rejoignent ensuite d’autres employeurs à Casablanca. Elles s’y marient et quittent ainsi la domesticité, mais ne parviennent jamais à obtenir un autre travail salarié ou à se mobiliser comme travailleuses. En outre, leurs conditions de travailleuses sans droits sociaux attirent rarement le féminisme institutionnel marocain ou transnational. Toutefois, leur propre prise de conscience des violences, ainsi que les mutations villageoises, familiales et migratoires, amènent les employées à redéfinir leurs trajectoires, comme dans le cas de Tuda, où le placement de jeunes domestiques a pris fin au début des années 2000.

Conclusion

En somme, l’étude anthropologique auprès de domestiques violentées confirme l’intérêt de faire référence, dans l’étude de la domesticité, au concept de servitude, sans oublier toutefois que celui-ci s’incarne dans une histoire locale : les servitudes actuelles ne se confondent pas avec l’esclavage d’antan mais possèdent une profondeur historique. C’est le traitement historique et politique réservé à certaines régions et populations du Maroc qui constitue la toile de fond de l’émergence des services domestiques chez de jeunes montagnardes en ville, qui se sont ensuite spécialisées dans la domesticité avant de prendre conscience de l’oppression dont elles sont victimes, laquelle s’apparente parfois à l’exploitation et aux violences extrêmes. L’analyse de leurs trajectoires a mis en évidence des logiques locales, familiales et individuelles qui participent fortement à transformer la domesticité par le bas et à la séparer de la servitude.

Les montagnardes appauvries effectuent un travail que d’autres Marocain(e)s ne souhaitent plus assumer ; les femmes qui peuvent l’éviter ne souhaitent plus le réaliser, les hommes n’y ont pas été contraints, et l’État s’en décharge, comme le remarque Christine Delphy (2003) à propos du cas français. Pour maintenir ces avantages des employeurs, les montagnard(e)s sont condamné(e)s dans les discours, ce qui les rend vulnérables, mais vigilant(e)s face aux patrons alternant violence et douceur. Les relations qu’ils et elles reconstruisent, ainsi que les espoirs que les femmes nourrissent et les résistances qu’elles inventent, ont participé à ce que l’offre de domestiques de Tuda diminue et à ce que les formes de domesticité en servitude reculent. Ces résistances ont précédé les récentes réformes du droit au Maroc. Elles sont rendues possibles par des circuits économico-familiaux, que les employées et leurs proches redéfinissent non sans mal, en recréant les liens sociaux, sans s’identifier à des esclaves ou à des victimes. La prise en compte du point de vue des employées dans l’analyse de décision de migrer, tout comme des relations avec les intermédiaires ainsi qu’entre ces derniers et les parents (mère ou père), va à l’encontre des discours dominants sur la traite : elle ne permet pas d’attribuer aux intermédiaires la responsabilité centrale de la migration.

De plus, la réalité des violences qui prennent place dans la domesticité contredit le discours institutionnel sur la promotion des droits. Elle met en effet en évidence ce que le discours majoritaire (colonial puis étatique et parfois militant) tend à dissimiler, c’est-à-dire l’importance du contexte historique ainsi que des différences de classe pour comprendre la question de l’oppression dans ce travail dans toute sa complexité. Cette question met en lumière la façon dont les systèmes de pouvoir (de classe, sexe et « race »), qui sont intrinsèquement liés à la configuration postcoloniale de la société marocaine, se renforcent l’un l’autre pour invisibiliser et dévaloriser certaines circulations et les femmes qui les pratiquent. Elle montre aujourd’hui les contradictions dans l’attitude de l’État néolibéral envers les femmes, dont il déclare défendre les droits, tout en précarisant les conditions de travail, de mobilité et de luttes, surtout de celles qui sont à la fois appauvries et ethnicisées (par la culture, l’origine rurale ou étrangère, etc.) (Falquet 2008). Enfin, l’analyse des rôles des États, la reconnaissance des droits dans le « sale boulot » du service domestique (Fraisse 1979 ; Anderson 2000), et la prise en compte des résistances en marge nous semblent nécessaires pour mieux connaître les pratiques contemporaines de servitude et peut-être y remédier.