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La revue Santé mentale au Québec est très heureuse de compter sur une nouvelle équipe éditoriale. Nous tenons à remercier Jean Caron pour avoir dirigé cette mission avec rigueur, dévouement et un engagement sans faille durant ces années de transition. Il a contribué au maintien d’une mission importante, engendrée par des fondateurs militants pour la place d’un savoir théorico-pratique en santé mentale. Le rôle de Jean Caron s’est inscrit dans un relais des bâtisseurs comme Yves Lecomte. C’est allumé d’une vaste connaissance de la science, de l’organisation, de la politique et à l’aise dans un vaste réseau de collaboration internationale qu’il a représenté la Revue. Je retrouvais par hasard dans mon déménagement sa thèse doctorale qu’il m’avait donnée et intitulée : L’organisation sociale et l’utilisation de l’espace chez l’omble fontaine (salvenidus fontinalis). Quel itinéraire ! Nos dirigeants actuels, eux, nous mettent dans un bocal. C’est ainsi que notre Revue ne pourra plus encore une fois renouveler son partenariat avec le CIUSSS de la Capitale nationale puisque la responsable de la santé mentale de ce CIUSSS n’a pas trouvé les arguments – notamment la responsabilité des CIUSSS dans le transfert des connaissances en santé mentale par le truchement de leur Institut – pour impliquer son organisation dans un partenariat avec notre Revue. Cela traduit le hiatus entre les décisions administratives actuelles des personnes en charge de nos organisations en santé et la nécessité de renouveler continuellement notre savoir au regard de nos pratiques en santé mentale et psychiatrique au Québec. Ce hiatus est à suivre de près, car dans tout le réseau actuel des signes inquiétants montrent encore une fois cette méconnaissance générale ou cette discrimination à l’égard de la santé mentale dans l’ensemble d’une pensée de la santé globale au Québec. C’est là où on coupe quand il faut couper ! Nos dirigeants dans ce domaine sont plus des comptables et des notaires que des créateurs engagés comme le sont des Yves Lecomte, Jean François Saucier et Jean Caron, ou comme l’étaient Camille Laurin, Dominique Bédard ou Denis Lazure. Les ombles fontaines ont fait place à du poisson congelé. Les saveurs sont parties, la forme est uniforme, beige.

Fort heureusement, ce sont désormais Marc Corbière et Catherine Briand qui assureront la responsabilité éditoriale de la Revue. Marc Corbière est professeur à l’Université du Québec à Montréal au Département d’éducation et pédagogie, et le titulaire de la nouvelle Chaire de recherche en santé mentale et travail, créée par la Fondation de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal. Marc Corbière a reçu une formation en psychologie sociale et du travail (maîtrise et DESS) – Université de Toulouse Le Mirail (France), là où les cours d’eau ont encore quelques truites. Il détient un doctorat en psychologie du counseling de l’Université de Montréal et il a réalisé deux stages postdoctoraux en psychiatrie sociale à McGill University et à University of British Columbia, là où il y a beaucoup de saumons. Marc Corbière vise à évaluer dans le cadre de ses projets de recherche, les facteurs personnels, programmatiques et ceux de l’environnement de travail qui sont liés au retour/à la réintégration au travail de personnes avec un trouble mental. Il possède une expertise dans la conception et l’implantation d’interventions novatrices en santé mentale et travail, ainsi que dans le développement et la validation d’outils de mesure. Pour finir, il entretient de nombreuses collaborations nationales et internationales qui lui permettent de comparer les résultats de recherche à d’autres contextes tels que l’Asie, l’Australie, les États-Unis et l’Europe. Catherine Briand a reçu une formation en ergothérapie et en sciences biomédicales (psychiatrie) de l’Université de Montréal. Elle a fait sa formation postdoctorale à la Faculté de médecine et des sciences de la santé – Université de Sherbrooke puis, à la Faculté des sciences de l’Éducation – Université Laval et ce, en même temps qu’elle fondait une famille. Elle est professeure à l’École de réadaptation de l’Université de Montréal. Son expertise est la modélisation des pratiques et services de réadaptation offerts aux personnes atteintes de troubles mentaux graves et l’évaluation des écarts et enjeux d’implantation des pratiques recommandées pour ces clientèles. Elle a été « leader » dans l’implantation et la diffusion au Québec du programme Integrated Psychological Treatment (IPT) pour les personnes atteintes de schizophrénie. En 2010, elle a fondé le Centre d’études sur la réadaptation, le rétablissement et l’insertion sociale (CÉRRIS) qui a pour mission de sensibiliser et faire réfléchir aux meilleures pratiques de réadaptation axées vers le rétablissement, et faciliter l’accès aux données de la recherche en français. Le CÉRRIS utilise les technologies de l’information et des communications pour permettre le transfert et le partage des connaissances. Catherine Briand travaille avec plusieurs partenaires pour soutenir l’utilisation des technologies en réadaptation auprès et avec la clientèle, l’amélioration continue des pratiques des intervenants ainsi que pour soutenir l’implantation de pratiques axées vers le rétablissement et la transformation des services. Elle a des collaborations en France, Suisse, Angleterre et Allemagne, sur l’utilisation des technologies en réadaptation et l’implantation de services de type Recovery College. Ils sont tous les deux chercheurs au Centre de recherche de l’IUSMM. J’ai eu le plaisir et le privilège de travailler en recherche avec les deux. Ils vont naviguer dans le courant avec aisance et franchiront avec nous les barrages, quelle que soit la hauteur. Ils vont se répartir le travail en fonction des thématiques et des articles de notre section Mosaïque.

Notre Revue est aussi très heureuse d’accueillir une thématique pertinente à sa mission de transfert de connaissances : la santé mentale des populations.

L’appel à publications a été lancé par trois rédacteurs invités de talent : Louise Fournier, Pasquale Roberge et Arnaud Duhoux. Dans leur introduction, ils décrivent l’ensemble des articles qui traitent de cette thématique avec une diversité intéressante qui enrichit la palette de notre savoir sur cette question. Louise Fournier est professeure titulaire à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (SPUM), directrice des programmes de deuxième cycle en santé publique et chercheuse au CR-CHUM. Elle a la responsabilité du regroupement santé mentale du Réseau de recherche en santé mentale des populations. Elle est accompagnée pour ce numéro par Pasquale Roberge, professeure adjointe au Département de médecine de famille et de médecine d’urgence de l’Université de Sherbrooke et chercheuse au Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke. Elle est également psychologue et chercheuse en santé mentale des populations. Enfin pour compléter le trio, Arnaud Duhoux est infirmier Ph. D. en santé publique et professeur adjoint à l’Université de Montréal à la Faculté des sciences infirmières. Il est chercheur régulier au Centre de recherche de l’Hôpital Charles-Le Moyne. Sa longue expérience de bénévole auprès de personnes itinérantes l’a sensibilisé aux problèmes de santé mentale et a non seulement orienté le sujet de ses recherches, mais aussi contribué à son objectif de soutenir l’avancement des sciences infirmières dans le domaine de la santé mentale populationnelle à travers l’enseignement en ligne et en classe. Les travaux d’Arnaud Duhoux portent principalement sur la mesure et l’amélioration de la performance des services de santé à l’aide de méthodes épidémiologiques. Nous leur laissons le soin de présenter chacun des articles dans une succession adaptée à des compréhensions globales de la santé mentale des populations. En cette période d’inondation, la fluidité des articles et le maintien dans le lit donnent un exemple réconfortant du travail accompli. Merci.

Le numéro s’accompagne de cinq articles mosaïques. Le premier concerne l’évaluation de la qualité de l’implantation d’un programme dans une école secondaire (Martine Poirier et coll.) Le second se penche sur la recension des pratiques dans le traitement de l’anorexie mentale (Isabelle Thibault et coll.) Il montre l’évolution prometteuse dans ce domaine et traduit la nécessité de faire encore des progrès dans le domaine des troubles alimentaires.

Un autre article porte sur les professionnels de santé mentale engagés auprès du mouvement des entendeurs de voix (Christian Laval). C’est un exemple qui illustre une fois de plus les implantations de ce mouvement.

L’article suivant intitulé « Les médecins de famille et la santé mentale, une expertise en mal de reconnaissance ou une pratique différente de celles des psychiatres ? » (Philippe Karazivan et coll.) illustre la pertinence dans le contexte actuel au Québec de l’organisation des soins pour la santé mentale en première ligne, de bien distinguer à la fois les besoins de la première ligne avec des médecins de famille et les modèles de pratique reliés à l’expertise des psychiatres.

Le dernier article concerne l’usage de l’humour en psychothérapie. Il est écrit par deux psychiatres Guillaume Chaloult et Claude Blondeau. Il fait vraiment du bien. Que les larmes ne débordent pas !

Enfin, dans la partie Témoignage, Andréanne Wassef, résidente IV en psychiatrie, nous fait part de ses réflexions en tant que future psychiatre. Un texte sincère et lucide qui annonce l’arrivée d’une relève de qualité, sensible et responsable.

Bonne Lecture