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Fig. 1

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Quatre ans après The Darker Side of Travel: The Theory and Practice of Dark Tourism (2009, Bristol, Channel View Publications), dirigé par Richard Sharpley et Philip R. Stone, l’ouvrage collectif Dark Tourism and Place Identity: Managing and Interpreting Dark Places constitue une autre contribution remarquable à la compréhension scientifique du dark tourism. À l’intersection des travaux sur l’identité du lieu et le dark tourism, ce livre propose une approche internationale de l’objet dans une perspective transdisciplinaire. Sous la direction de Leanne White, professeure en marketing à l’Université Victoria à Melbourne, et Elspeth Frew, professeure en gestion du tourisme à l’Université La Trobe à Melbourne, 27 collaborateurs de disciplines et d’origines géographiques différentes ont contribué à l’ouvrage, articulé autour de trois piliers centraux : les motivations des visiteurs, la stratégie managériale des sites et l’interprétation historique des événements. L’objectif sous-jacent du livre est d’explorer les caractéristiques fondamentales du site macabre pour comprendre la singularité de tels lieux par rapport aux autres lieux touristiques (et, par voie de conséquence, proposer une meilleure gestion de ce particularisme).

À l’exception du chapitre 1, « Exploring Dark Tourism and Place Identity », qui situe l’ouvrage dans son contexte scientifique en recensant les principales avancées théoriques récentes, la qualité du travail ne procède pas d’une conceptualisation approfondie, mais de la richesse élargie des cas considérés. Du chapitre 2 au chapitre 18, l’ouvrage rassemble des travaux sur des thèmes aussi variés que : battlefield tourism, heritage tourism, cultural tourism, thanatourism, atrocity tourism, morbid tourism, grief tourism, doomsday tourism, dissonant heritage, conflict heritage, undesirable heritage, dark events, dark exhibitions, dark shrines, dark conflict sites, dark camps of genocide, place perception, place branding, and destination marketing (p. 277).

Du cimetière du Père-Lachaise à Paris à la prison sud-coréenne de l’île de Geoje en passant par le mémorial du génocide rwandais à Kigali, la diversité des points de vue permettra au lecteur avisé de trouver quantité de points d’ancrage pour amarrer sa réflexion sur l’opportunité que présentent ces sites macabres dans la composition d’une identité collective et d’un décollage économique local. Quelle stratégie faut-il suivre afin de garantir un développement harmonieux des sites ? Comment accueillir les visiteurs, respecter les victimes, véhiculer des valeurs communes et éviter l’écueil de la glorification des événements passés ?

Si la qualité de l’ouvrage repose sur un recensement généreux des éléments favorables au développement des sites noirs, son unité tient dans un questionnement transversal autour de l’identité du lieu. Fondé sur une documentation scientifique solide, ce livre offre aux universitaires une pléthore d’études de cas à exploiter. Toutefois, l’âpreté du style et l’herméticité du vocabulaire gêneront l’accès au contenu pour les plus novices. Il est donc clair que la densité de l’ouvrage répond à l’appel lancé par Sharpley et Stone sur le manque d’écrits scientifiques concernant le dark tourism. C’est pourquoi le chercheur averti y trouvera des réponses stimulantes tandis que le lecteur béotien passera son chemin.