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Introduction

Comme l’indiquaient en 2011 Carsrud et Brannback dans leur article paru dans Journal of Small Business Management, la recherche en entrepreneuriat a peut-être abandonné trop tôt certains champs d’études sans les avoir complètement approfondis. Parmi eux, ils citaient notamment les théories et les approches de la motivation entrepreneuriale. Traditionnellement abordée sous un angle économique, la motivation à entreprendre est identifiée comme le désir de se procurer des revenus ou de les améliorer à la suite, par exemple, d’une découverte ou de l’exploitation d’une innovation, ou poussé par un manque de travail. Cette conception de la motivation entrepreneuriale a alors donné naissance aux travaux s’appuyant sur la théorie push and pull (Gilad et Levine, 1986 ; Shapero, 1975, 1982 ; Vesper, 1980) et reste encore très utilisée, comme c’est le cas notamment dans les enquêtes du Global Entrepreneurship Monitor (GEM). Pour autant, de plus en plus d’auteurs reconnaissent que, pour certains types d’entrepreneurs, la motivation économique n’est pas celle qui est recherchée en priorité (Carsrud et Brannback, 2011).

Construit complexe (Kirkwood et Campbell-Hunt, 2007), la motivation entrepreneuriale nécessite des outils d’analyse plus fins allant au-delà d’une analyse push/pull et permettant de prendre en compte les facteurs environnementaux ou le cycle de vie de l’individu (Jayawarna, Rouse et Kitching, 2011 ; Williams et Williams, 2012). Aussi, Gabarret et Vedel (2015) proposent-ils un modèle de la motivation entrepreneuriale avec une double grille de lecture, push/pull et économique/non économique, mieux adapté pour l’étude de la motivation des populations d’entrepreneurs qui ne s’identifient pas avec l’entrepreneuriat par nécessité ou par opportunité.

Dans le même temps, force est de constater une certaine « démocratisation » de l’entrepreneuriat (Estay, 2003), à la suite des encouragements des gouvernements pour la création d’entreprise d’une part, mais également d’une évolution des aspirations soci(ét)ales en général d’autre part, qui fait émerger des entrepreneurs différents (Alter, 2012). Dans cette perspective, la communauté des chercheurs est alors invitée à repenser les modèles entrepreneuriaux anciens (Jennings, Perren et Carter, 2005 ; Tedmanson, Verduyn, Essers et Gartner, 2012) pour comprendre l’émergence de nouveaux profils d’entrepreneurs, tels que les lifestyle ou les entrepreneurs sociaux, qui sont loin d’avoir des motifs exclusivement de recherche d’opportunités économiques. Cette diversité entrepreneuriale appelle donc à une nouvelle lecture des théories explicatives en entrepreneuriat.

Parmi les nouvelles figures d’entrepreneurs apparaît celle de la mampreneur. Richomme-Huet, Vial et d’Andria (2013) définissent la mampreneur comme une femme qui, s’identifiant à la fois comme mère et femme d’affaires, impulse une organisation, dont elle est propriétaire et gestionnaire, afin d’atteindre un équilibre professionnel et privé difficile, voire impossible dans le salariat et, dont l’opportunité d’affaires est généralement en lien avec l’expérience particulière d’avoir des enfants. Pour ces mamans et entrepreneures (Cobe et Parlapiano, 2002), l’entreprise et l’enfant sont conçus de manière presque simultanée. Comme le spécifie d’Andria (2014), « cette nouvelle forme d’expression entrepreneuriale au féminin semble plutôt contre-intuitive compte tenu des contraintes personnelles, familiales et professionnelles que la maternité, d’un côté, et la création d’une entreprise, de l’autre côté, imposent. Mais les faits sont là » (d’Andria, 2014, p. 12). Estimées à plusieurs millions de l’autre côté de l’Atlantique (Froger, 2010), les chiffres manquent en Europe, mais la constitution d’associations et la structuration de réseaux de mampreneurs en France (Richomme-Huet et d’Andria, 2013) et également au Royaume-Uni, en Belgique ou en Suisse attestent de la vitalité de cette nouvelle figure entrepreneuriale[2]. Une récente étude, menée en Suisse et datée de janvier 2015, montre par exemple que la moitié des créations d’entreprise au féminin est due aux mamans entrepreneures[3].

Concernant la motivation entrepreneuriale féminine, les résultats des études sont variés. Des facteurs économiques s’entremêlent avec une recherche d’équilibre travail-famille ainsi qu’une contribution sociétale. Spécifiquement, et contrairement à d’autres groupes d’entrepreneures, la conciliation travail-famille apparaît comme une dimension principale de la motivation dans le cas des mampreneurs (Korsgaard, 2007 ; Nel, Maritz et Thongprovati, 2010 ; Jean et Forbes, 2012). Néanmoins, en raison de la complexité du cycle de vie des femmes au moment de la maternité, entre la famille et le travail, les changements psychologiques et sociaux… le terrain des mampreneurs se présente comme un contexte empirique idéal pour étudier plus en profondeur la motivation entrepreneuriale.

Dans cette perspective, l’objectif de notre recherche est alors de mieux comprendre les déterminants de la motivation entrepreneuriale dans le cas de populations particulières, et encore peu étudiées. Reprenant la question posée par Carsrud et Brannback (2011), « Quels facteurs motivent les différents types d’entrepreneurs ? », nous l’appliquons dans cette recherche aux mampreneurs en contexte français. Notre question centrale est donc : quels sont les facteurs de motivation entrepreneuriale des mampreneurs françaises ? Pour répondre à cette question, nous nous sommes alors interrogées sur le modèle théorique de la motivation entrepreneuriale le plus adéquat pour appréhender ce nouveau profil d’entrepreneur. La grille d’analyse proposée par Gabarret et Vedel (2015) a été retenue dans la mesure où elle offre justement un cadre ouvert aux nouvelles situations entrepreneuriales observées actuellement. Ce faisant, nous nous sommes également interrogées à propos de la relation entre la motivation entrepreneuriale, le cycle de vie de la femme et les facteurs environnementaux comme le suggèrent Jayawarna, Rouse et Kitching (2011) ou Williams et Williams (2012) pour savoir si un lien pouvait être mis en lumière entre la maternité et la motivation entrepreneuriale. Et dans l’affirmative, comment se manifeste-t-il ? Les résultats de notre étude mettent en lumière la complexité de la motivation entrepreneuriale des mampreneurs, au-delà de la conciliation travail-famille. Ils permettent également d’actualiser la grille de lecture de Gabarret et Vedel (2015) en incorporant des dimensions spécifiques, et notamment la relation entre l’opportunité d’affaires et la maternité, ainsi que l’influence d’aspects de contexte tant externes (environnement économique et institutionnel, mesures politiques…) qu’internes (de nature culturelle et/ou psychologique) dans le développement de la motivation.

Cet article est présenté comme il suit : la première partie est consacrée au cadre théorique dans lequel nous développons plus spécifiquement, d’une part, les principales approches de la motivation entrepreneuriale, et d’autre part, la motivation entrepreneuriale des femmes et des mampreneurs. La deuxième partie présente la méthodologie de recherche et notre étude de terrain composée de quinze cas de mampreneurs françaises. Nous exposons ensuite dans la troisième partie les premiers résultats de la recherche. Puis nous discutons nos résultats et nous concluons en ouvrant des perspectives concernant une nouvelle manière d’étudier la motivation des entrepreneurs en général (hommes ou femmes) en considérant l’influence du contexte.

1. Les points d’ancrage de la motivation entrepreneuriale

Une grande partie de la littérature économique sur l’entrepreneuriat (aussi bien des hommes que des femmes) suppose que la décision de démarrer une entreprise est le résultat d’un processus de maximisation dans lequel l’individu compare les revenus de différentes activités et choisit celle qui fournira le meilleur rendement (Arenius et Minniti, 2005). Bien qu’il existe une abondante littérature sur la motivation de nature économique, la recherche montre également que le besoin de réalisation, la possibilité de créer son propre emploi et le désir d’autonomie (Verstraete et Saporta, 2006), ou encore l’envie d’améliorer sa qualité de vie (Peters, Frehse et Buhalis, 2009) ou celle des autres (Carsrud et Brannback, 2009) arrivent souvent au premier rang des facteurs de motivation. Autrement dit, la tendance à rechercher dans l’entrepreneuriat des gains de nature plus soci(ét)ale doit également être intégrée dans les facteurs de motivation.

Nous reprenons dans une première section les principaux facteurs de la motivation entrepreneuriale et présentons une récente adaptation de la grille d’analyse qui sert de fondement à notre recherche. Puis, nous abordons les motivations entrepreneuriales des femmes dans une section suivante et mettons ensuite en avant celles des mampreneurs à la lumière des premières recherches sur le sujet.

1.1. Le modèle fondateur de la motivation entrepreneuriale : apports et limites

La littérature en entrepreneuriat considère traditionnellement la création d’entreprise comme choisie ou subie. Développée à l’origine par Shapero (1975, 1982) et Vesper (1980) puis reprise par Gilad et Levine (1986), l’approche pull and push explicite les raisons qui amènent un individu à créer sa propre entreprise en distinguant deux grandes classes de motivations : les pull motivations et les push motivations. Dans le premier cas, un entrepreneur, attiré par une opportunité d’affaires ou par un désir d’indépendance, décide de créer une entreprise. Cette création, sous-tendue par des facteurs pull, est nommée motivation « par opportunité » (Reynolds, Bygrave, Autio, Cox et Hay, 2002). Dans le deuxième cas, l’individu ne trouvant pas d’alternative d’emploi ou se sentant insatisfait de son actuel travail est poussé vers la création d’entreprise pour faire face à ces situations ressenties comme négatives. Cet entrepreneuriat « subi » avec des motivations push est appelé alors entrepreneuriat « par nécessité » (Reynolds et al., 2002). Outre son apparente simplicité, l’intérêt de ce modèle est sa facilité d’application partout dans le monde (Eijdenberg et Masurel, 2013). Aussi, reste-t-il encore le plus utilisé dans les recherches (Krueger et Brazeal, 1994 ; Williams et Williams, 2012), et notamment dans les enquêtes du GEM.

Cette approche de la motivation entrepreneuriale est néanmoins la cible de plusieurs critiques de la part des chercheurs. Elles portent sur deux points majeurs : d’une part, l’exclusivité du choix, et d’autre part, la faiblesse de l’opposition du caractère push/pull (ou nécessité/opportunité) des facteurs de motivation. Concernant l’exclusivité du choix, de plus en plus d’auteurs (Stevenson, 1990 ; Hughes, 2003 ; Kirkwood, 2009 ; Verheul, Thurik, Hessels et Van der Zwan, 2010 ; Williams et Williams, 2012 ; Eijdenberg et Masurel, 2013) considèrent que le modèle est restrictif. Même le GEM reconnaît, dans son rapport 2008 (Bosma, Acs, Autio, Coduras et Levie, 2009), que les entrepreneurs qui n’arrivent pas à se définir comme push ou pull, auront tendance à choisir la seconde option, du fait notamment de la connotation négative associée à l’entrepreneuriat par nécessité (Kirkwood et Campbell-Hunt, 2007). Ainsi, les conclusions de l’étude du GEM peuvent-elles sous-estimer l’entrepreneuriat par nécessité et surestimer celui par opportunité (Bosma et al., 2009). Pour remédier aux inconvénients du choix exclusif, certains auteurs proposent alors d’étudier la motivation entrepreneuriale comme un continuum push/pull (Verheul et al., 2010), et classent les entrepreneurs en trois groupes : ceux relevant de la motivation push, ceux de la motivation pull et enfin ceux, dont les motivations sont mélangées (mixed motivation) (Verheul et al., 2010).

Concernant la faiblesse de l’opposition push/pull, les chercheurs font remarquer que certaines dimensions peuvent être interprétées aussi bien dans un sens que dans l’autre. Hughes (2003) montre par exemple que le désir d’indépendance peut attirer un individu vers l’entrepreneuriat (motivation pull), mais, en même temps, ce désir d’indépendance peut venir aussi d’un manque d’autonomie dans l’emploi précédent le poussant alors vers la création d’entreprise (motivation push).

1.2. Un modèle combinatoire des facteurs de la motivation entrepreneuriale

Le développement de l’entrepreneuriat avec notamment l’arrivée de nouveaux profils d’entrepreneurs invite à réinterroger le cadre théorique de la motivation entrepreneuriale pour mieux saisir la grande variété des entrepreneurs et des motifs qui les sous-tendent. Dès lors, reprenant les principales recherches sur les facteurs de motivation entrepreneuriale depuis plus d’une trentaine d’années, Gabarret et Vedel (2015) déconstruisent tout d’abord le concept de la motivation entrepreneuriale, et proposent ensuite de le recomposer de façon à disposer d’un outil d’analyse permettant de rendre compte d’une plus grande représentativité dans les situations entrepreneuriales observées. Pour ce faire, les auteurs proposent deux adaptations à la grille de motivation push/pull afin de dépasser les deux critiques majeures du modèle fondateur (Gabarret et Vedel, 2015).

La première adaptation concerne l’exclusivité du choix. Discutant puis ôtant cette contrainte de choix en distinguant les motifs économiques des motifs non économiques, ils mettent en exergue quatre dimensions : (1) la nécessité (avec la création de son propre emploi face à un manque de travail), (2) la volonté de saisir une opportunité d’affaires, (3) la recherche d’un travail satisfaisant et (4) le désir d’indépendance et d’autonomie. La deuxième adaptation de la grille se focalise ensuite sur l’ambivalence de la classification push/pull et pour laquelle ils montrent que chaque dimension peut être considérée aussi bien comme « positive » que « négative ». Ainsi, l’insatisfaction au travail (facteur négatif) peut être également considérée comme la volonté de recherche de satisfaction (facteur positif). Cette démarche peut aussi se vérifier dans les autres dimensions de la motivation, par exemple avec un manque d’indépendance versus la recherche d’indépendance, le manque d’emploi versus le désir de travailler, un manque de richesse versus la possibilité de gagner davantage. Comme ils le spécifient : « il devient alors possible d’interpréter la motivation entrepreneuriale au regard de ces quatre dimensions laissant aux individus le choix de l’assemblage des facteurs de motivation qui leur correspondent le plus » (Gabarret et Vedel, 2015, p. 19). L’apport majeur de cette double adaptation est alors de disposer d’un outil d’analyse de la motivation entrepreneuriale plus souple, avec des critères non exclusifs les uns des autres, et plus adapté pour rendre compte des motivations entrepreneuriales quel que soit le type d’entrepreneur. C’est donc ce modèle que nous avons choisi pour la suite de notre recherche.

1.3. La motivation entrepreneuriale chez les femmes

L’entrepreneuriat a longtemps été considéré comme une activité masculine. Bien que le nombre d’entrepreneures soit en hausse régulière, il reste inférieur à celui des hommes, et ce quels que soient les pays (Grilo et Thurik, 2004 ; Moult et Anderson, 2005 ; Kirkwood, 2009 ; Langowitz et Minniti, 2007 ; Allen, Elam, Langowitz et Dean, 2008 ; Kelley, Bosma et Amoros, 2011 ; Bernard, Le Moign et Nicolaï, 2013). La littérature en entrepreneuriat féminin s’est beaucoup développée (Duchéneaut et Orhan, 2000 ; Bird et Brush, 2002 ; Carrier, Julien et Menvielle, 2006 ; De Bruin, Brush et Welter, 2006, 2007 ; Jennings et Brush, 2013 ; Léger-Jarniou, Nelson et Chasserio, 2015) pour atteindre aujourd’hui « une maturité théorique incontestable et [faire] partie, à part entière, de la recherche académique sur l’entrepreneuriat » (Léger-Jarniou, Nelson et Chasserio, 2015, p. 19).

Concernant plus spécifiquement la thématique des motivations entrepreneuriales des femmes, des divergences de résultats apparaissent (Hughes et Jennings, 2012). Les rapports du Global Entrepreneurship Monitor révèlent une considérable variabilité dans les motivations et profils des entrepreneures, entre différents pays, mais aussi à l’intérieur d’un même pays (Hughes et Jennings, 2012). En effet, même si la conciliation travail-famille s’avère un facteur important de motivation pour certains groupes de femmes, elle ne l’est pas pour d’autres groupes de femmes (Buttner et Moore, 1997 ; Morris et Coxeter, 1995 ; Konrad et Langton, 1991 ; Brush, De Bruin et Welter, 2014).

D’un côté, les recherches comme celles de Buttner et Moore (1997), Hughes (2003, 2006), Kirkwood (2009), Humbert et Drew (2010) montrent que les motivations entrepreneuriales des femmes sont composées principalement de facteurs positifs, tels que : relever un défi, vivre dans un environnement agréable de travail, être indépendant, contrôler sa destinée, donner du sens à son travail… auxquels s’ajoute de façon prégnante, le facteur d’équilibre entre la famille et le travail. Au-delà des critères économiques qui sont présents, elles recherchent plus un équilibre entre leurs vies personnelles, familiales et professionnelles, voire une contribution sociétale. En contexte français, Lebègue (2015) montre que c’est la définition même de réussite qui est différente pour les entrepreneures. Par conséquent, c’est souvent le désir de gagner en flexibilité qui pousse les femmes à démarrer leur propre entreprise afin de pouvoir imbriquer les différentes facettes de leur vie, en arbitrant entre leurs préférences professionnelles, le style de vie auquel elles aspirent et selon leurs arrangements familiaux (Hakim, 2000) et pour certaines d’entre elles, celui d’être mère (Richomme-Huet, Vial et d’Andria, 2013 ; Bourgain et Chaudat, 2015).

D’un autre côté, Buttner et Moore (1997) rapportent qu’il existe également un groupe de femmes pour lequel le choix de carrière entrepreneuriale reposant sur la volonté de conciliation travail-famille ne prédomine pas plus que dans le cas des hommes (Morris et Coxeter, 1995 ; Konrad et Langton, 1991). Le défi et l’autodétermination ont été identifiés comme les facteurs les plus importants, suivis par la conciliation travail-famille et en dernière place la frustration face aux possibilités d’avancement de carrière, y compris la discrimination (Buttner et Moore, 1997). Dans leur étude développée en Égypte, Alexandre-Leclair et Redien-Collot (2013) indiquent que les femmes sont plus motivées par le besoin d’autonomie et par la réalisation de leurs rêves que les hommes[4]. Néanmoins, au-delà des facteurs positifs de la motivation, plusieurs études effectuées en Grande-Bretagne dans les années 1990 suggèrent que nombreuses sont les femmes qui sont devenues indépendantes en raison d’une nécessité économique (Hughes, 2003). À cela s’ajoute la prise en compte du contexte socioéconomique nécessitant de faire « un détour par la réalité du marché du travail et le statut des femmes salariées (le plafond de verre [étant] pour les plus qualifiées, un moteur de l’entrepreneuriat) » (Cornet et Constantinidis, 2004, p. 192). Kelley, Bosma et Amoros (2011) montrent qu’au niveau global des résultats de recherche les femmes sont majoritairement plus motivées par des facteurs de nécessité que ne le sont les hommes.

L’ambivalence et la contradiction de certains résultats des recherches sur la motivation des entrepreneures nous obligent à réfléchir sur le besoin de regarder le sujet d’étude de manière plus fine. Il est une évidence que toutes les entrepreneures ne sont pas identiques, et n’évoluent pas dans les mêmes contextes socioéconomiques dans lesquels elles développent leurs entreprises (Gundry, Ben-Yoseph et Posig, 2002). C’est pourquoi il convient d’envisager la motivation entrepreneuriale également en lien avec les cycles de vie de l’entrepreneure (Moult et Anderson 2005 ; David et Shaver, 2012). Dans cette perspective, on peut concevoir que la conciliation vie familiale/vie professionnelle puisse prendre de l’importance au moment de la maternité. Toutefois, lorsque les enfants grandissent, d’autres facteurs peuvent prendre la relève.

1.4. La motivation des mampreneurs : une littérature en construction

Inscrites dans le champ de l’entrepreneuriat féminin, les premières recherches sur les mampreneurs se sont attachées à expliciter les raisons de l’émergence de cette nouvelle figure d’entrepreneur en mobilisant le concept de motivation entrepreneuriale (Korsgaard, 2007 ; Nel, Maritz et Thongprovati, 2010 ; Ekinsmyth, 2011 ; Duberley et Carrigan, 2012 ; Jean et Forbes, 2012).

Il ressort de l’un des premiers articles sur le sujet que la principale motivation à entreprendre pour une femme et (future) mère est de pouvoir concilier sa vie professionnelle et sa vie familiale permettant, non seulement de trouver un équilibre entre son lieu de travail ou de carrière avec les besoins de sa propre famille, mais également de combiner ces éléments avec des expériences de travail intéressantes (Korsgaard, 2007). Plusieurs facteurs de motivation entrepreneuriale ont été ensuite identifiés. Ainsi, Nel, Maritz et Thongprovati (2010) mettent-ils en avant, à partir de trois études de cas approfondies de mampreneurs australiennes, les facteurs suivants : l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale, l’envie de se réaliser, la satisfaction personnelle, l’augmentation des revenus, la possibilité de gagner en respect sur la question de l’égalité des sexes et le fait de devenir indépendante. Les auteurs considèrent les mampreneurs comme des femmes altruistes, et le mampreneuriat comme l’entrepreneuriat dans un cadre d’entreprise familiale. D’après eux, les mampreneurs peuvent être motivées à entreprendre aussi bien par des facteurs push que pull, tout en ayant la recherche d’un meilleur environnement pour leurs familles et l’ensemble de la communauté comme premier objectif. En accord avec les études sur les entrepreneures, Nel, Maritz et Thongprovati (2010) considèrent que les mampreneurs ont moins de confiance en elles que les hommes, qu’elles ont moins de possibilités d’accès à des réseaux d’entreprises et qu’elles ont peur de l’échec.

De son côté, une étude originale d’Ekinsmyth (2011) examine les spatialités et les pratiques sur un échantillon représentatif de mampreneurs basées à Birmingham dans la région des West Midlands au sud de l’Angleterre, région qui a connu un déclin économique important avec la plus forte augmentation du taux de chômage enregistrée ces dernières années au Royaume-Uni. Elle montre notamment que les mampreneurs sont un sous-groupe de femmes entrepreneurs situées à l’interface entre le monde du travail rémunéré et la maternité. À la suite de cette recherche, les travaux de Duberley et Carrigan (2012) complètent cet éclairage sur ces femmes mères et entrepreneures de la même région. Elles montrent que ces femmes se lancent dans la création d’entreprise au moment de la venue d’un enfant afin d’expérimenter un nouveau mode de travail. Vécue comme une transition de carrière, la création de leur entreprise est un moyen pour ces femmes de devenir indépendantes tout en échappant à l’idée d’être perçues comme des mères au foyer. Les auteurs de l’étude notent cependant l’existence de tensions chez certaines mampreneurs, qui faisant face à des heures de travail jugées excessives limitent volontairement la croissance de l’entreprise.

Du côté nord-américain, la recherche de Jean et Forbes (2012) explore les motivations entrepreneuriales de mampreneurs canadiennes (de la province de l’Ontario). Leurs résultats indiquent que les mampreneurs sont uniquement motivées par des facteurs intrinsèques. Pour les vingt cas étudiés, il ressort que les mampreneurs se lancent dans la création de leur entreprise parce qu’elles pensent que c’est le moyen approprié pour leur permettre de mener en même temps leurs projets personnels et familiaux.

En considérant la dimension plus individuelle de la maternité dans la vie d’une femme, ainsi que la dimension temporelle et dynamique du processus (d’Andria, 2014), le phénomène biologique va entraîner entre autres, de nombreux changements dans les rapports avec le corps familial et social (Poizat, 2003). Dans ce contexte, l’entrepreneuriat se présente comme une option propice, et le développement de la motivation entrepreneuriale sera renforcé par le besoin de répondre au changement de l’environnement familial (avec l’arrivée de l’enfant) dans une perspective d’encastrement familial (Aldrich et Cliff, 2003 ; Brush, De Bruin et Welter, 2014).

En conclusion, l’état de l’art des recherches sur la motivation entrepreneuriale des mampreneurs montre d’une part la conciliation travail-famille comme une dimension principale (Korsgaard, 2007 ; Nel, Maritz et Thongprovati, 2010 ; Jean et Forbes, 2012), et d’autre part, l’envie de se réaliser professionnellement au-delà de la maternité, avec toutes les caractéristiques inhérentes à cette réalisation, telles qu’avoir un revenu, du respect, de l’égalité et de l’indépendance (Nel, Maritz et Thongprovati, 2010 ; Duberley et Carrigan, 2012). Afin de poursuivre les recherches, nous nous proposons d’expliciter les facteurs de motivation entrepreneuriale des mampreneurs en contexte français afin de mieux comprendre pourquoi des (jeunes) femmes se lancent dans la création de leur entreprise au moment de la venue de leur enfant ou quand celui-ci est encore tout petit.

2. Méthodologie

Cette deuxième partie méthodologique est organisée autour de trois points. Nous justifions tout d’abord le choix de notre approche méthodologique, puis nous spécifions les principaux éléments concernant la collecte et le traitement des données, et enfin nous présentons l’échantillon de notre étude.

2.1. Le choix d’une approche qualitative

Comme le rappellent Hlady-Rispal et Jouison-Laffitte (2015), et malgré des avancées significatives, le champ de l’entrepreneuriat est encore une science jeune. S’appuyant notamment sur Bygrave (2007), Hindle (2004), Fayolle (2004) et Verstraete (2008), les auteures insistent sur le caractère « non incrémental, composé d’allers-retours, de ruptures, d’enrichissement et d’abandons » du processus entrepreneurial et militent pour le développement et la diffusion des méthodes qualitatives arguant de leur « potentiel d’enrichissement des connaissances en entrepreneuriat dans la mesure où les outils mobilisés s’adaptent aux spécificités du champ étudié » (Hlady-Rispal et Jouison-Laffitte, 2015, p. 17).

C’est pourquoi nous avons opté pour une approche qualitative à caractère exploratoire (Miles et Huberman, 1994). Cette approche est en effet appropriée lorsque l’objectif du chercheur est de mettre en lumière de nouvelles connaissances encore difficilement identifiables au moyen d’une approche qui se voudrait normalisée et quantitative à ce stade de développement de l’objet de la recherche (Ettl et Welter, 2010). Dans notre cas, l’objectif de recherche est double. Il s’agit, d’une part, d’expliciter les facteurs de motivation entrepreneuriale des mampreneurs afin de mieux comprendre pourquoi des femmes se lancent dans la création de leur entreprise au moment de la venue de leur enfant ou quand celui-ci est encore tout petit, et d’autre part, de mettre en lumière le lien entre la maternité et la motivation entrepreneuriale à partir des discours et des représentations des mampreneurs. L’objectif de notre recherche devant nous conduire à une meilleure compréhension des facteurs de motivation entrepreneuriale en général.

2.2. La collecte et le traitement des données

La collecte des données a été effectuée par des entretiens individuels de type semi-directif (avec un guide d’entretien), d’une durée de 40 à 55 minutes environ, menés en face à face ou par téléphone auprès de mampreneurs françaises. L’entretien est un outil recommandé dès lors que le chercheur souhaite disposer d’informations en profondeur (Evrard, Roux et Pras, 1992 ; Liberman-Yaconi, Hooper et Hutchings, 2010). La relative liberté laissée au répondant permet de créer un climat propice à la collecte d’informations afin d’explorer la compréhension de questions complexes et sensibles (Merton, Fiske et Kendall, 1990), ou des sujets personnels (Orhan et Scott, 2001) comme le fait d’être mère et entrepreneure.

Au total, quinze entretiens de mampreneurs ont été réalisés et tous ont fait l’objet d’une retranscription. Ce nombre est adapté à notre objectif de recherche puisqu’il s’agit d’explorer en profondeur les facteurs de motivation entrepreneuriale des mampreneurs. Dans ce type de recherche, il ne s’agit pas de définir un nombre optimal d’entretiens, mais la valeur ajoutée apportée par chacun (Yin, 1994) afin de disposer d’un nombre suffisant permettant une saturation acceptable « à partir duquel l’apprentissage incrémentiel est minime » (Hlady-Rispal, 2002, p. 87). Le choix des cas de mampreneurs de cette recherche relève d’une démarche incrémentale. Il fait suite à des recherches antérieures (auteures) menées tout d’abord auprès de mampreneurs, fortement médiatisées, car investies dans le mouvement des mampreneurs françaises et dans le développement de ce nouveau type d’entrepreneuriat. À la suite de cette « entrée » dans leur réseau, il a été possible de constituer un nouvel échantillon par un effet « boule de neige » ; chaque nouvelle mampreneur indiquant une (ou plusieurs) de ses connaissances personnelles ou en affaires et nouvellement créatrices.

Les questions s’articulaient autour de qui elles étaient (comme élément de signalétique) et du pourquoi elles avaient décidé de créer leur propre entreprise (afin de faire émerger les facteurs de motivation). En fin d’entretien, des questions plus personnelles sont venues compléter nos données afin d’élargir notre compréhension de leur univers et de leurs représentations (comment avaient-elles vécu et assumé l’arrivée de l’enfant et la création de leur entreprise ?, quelles avaient été les réactions de leur entourage proche : leur conjoint, leur famille, ou les autres acteurs de leur écosystème ?).

Il a été procédé à une analyse de contenu (manuelle) par un découpage et un ordonnancement en unités d’analyse et de sens (Allard-Poesi, Drucker-Godard et Ehlinger, 1999). Nous avons commencé par identifier les dimensions de la motivation entrepreneuriale de chacune des mampreneurs en suivant la grille des quatre dimensions de la motivation entrepreneuriale décrites par Gabarret et Vedel (2015). Les auteures ont procédé par une lecture en parallèle des entretiens, avec des réunions d’échange afin de s’assurer d’une convergence dans leurs analyses. Après quelques ajustements mineurs d’interprétation, elles sont arrivées à une analyse consensuelle[5].

2.3. Présentation de l’échantillon

Notre échantillon se compose de quinze cas de mampreneurs[6] basées dans la région de l’Île-de-France. Les principaux éléments descriptifs ont été rassemblés dans le tableau 1.

Tableau 1

Principaux éléments descriptifs des mampreneurs

Principaux éléments descriptifs des mampreneurs
*

au moment de la création.

**

NC = non communiqué.

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3. Résultats

Comme nous l’avons indiqué précédemment, les entretiens ont fait l’objet d’une analyse thématique de la motivation entrepreneuriale à partir du découpage proposé par Gabarret et Vedel (2015). Les dimensions suivantes ont donc été recherchées : la nécessité, la volonté de saisir une opportunité d’affaires, la recherche d’un travail satisfaisant et le désir d’indépendance et d’autonomie, qu’ils soient ressentis positivement ou négativement. De plus, d’autres facteurs issus de la littérature ont été également observés. Chaque dimension est illustrée par des phrases témoins à partir de la retranscription des mots des acteurs (Wacheux, 1996).

3.1. Les quatre dimensions de la motivation entrepreneuriale

Les principaux résultats montrent que la motivation entrepreneuriale des mampreneurs se fonde sur une combinaison de facteurs avec une prédominance des dimensions relatives à l’(in)satisfaction et au désir d’indépendance. Viennent ensuite les dimensions concernant la découverte d’une opportunité et la nécessité (Tableau 2).

Tableau 2

Les dimensions de la motivation entrepreneuriale des mampreneurs

Les dimensions de la motivation entrepreneuriale des mampreneurs

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Concernant la dimension relative à l’(in)satisfaction, elle doit être considérée ici comme un continuum qui va de l’insatisfaction dans l’ancien emploi jusqu’à la recherche de satisfaction, par exemple l’envie de se réaliser ou le fait de suivre sa passion. Ainsi, les mampreneurs font part de leur insatisfaction compte tenu d’un manque de flexibilité de leur milieu professionnel ressenti au moment de leur maternité.

Je venais d’avoir un enfant, et je n’arrivais pas à trouver un terrain d’entente avec ma patronne pour me remettre en activité tout en profitant de mon bébé.

KCHE

Je voulais quitter mon emploi dans lequel je ne me sentais pas bien, en perte de sens […] Je ne me voyais pas dans 20 ans faire la même chose au même endroit.

KRAC

Aux 3 ans de mon dernier, je comptais garder mon mercredi, mais mon employeur m’a fait comprendre qu’être mère n’était plus compatible avec ma carrière professionnelle.

KRIB

En outre, deux d’entre elles évoquent avoir ressenti le phénomène du plafond de verre, tout d’abord en tant que femme puis plus spécifiquement au moment de leur maternité.

Je suis restée 5 ans dans cette entreprise et j’étais arrivée à un stade où je pouvais difficilement arriver à mieux avec ou sans enfants […]. Clairement, au bout d’un moment, pour accéder à certains postes c’est évident qu’il fallait faire des choix.

KLEL

J’étais jeune, plutôt bonne, mais dans un milieu d’ingénieur et dans une entreprise à culture très masculine. Cela ne m’a jamais dérangé, mais en fait, quand il a fallu reconnaître mes compétences et bien, ce n’était pas encore le moment ! Autant mettre les mots, j’ai été victime de ce qu’on appelle le plafond de verre. Ça, il n’y a pas de doute. […] Double plafond de verre, d’abord en tant que jeune femme ; ensuite lorsque j’ai été arrêtée pendant la grossesse.

KGAI

Pour autant, l’insatisfaction peut également être vécue d’une manière plus positive, en permettant aux mampreneurs d’exprimer un besoin de suivre une démarche de recherche de satisfaction.

J’étais directrice générale de X et l’entreprise venait d’être rachetée. Donc exit, dans ces opérations, on ne reprend pas l’équipe d’avant. […] Dans le fond, je pense que j’avais depuis longtemps l’envie de créer une boîte. […] C’est l’envie d’essayer de se lancer, de créer une transition dans ma vie.

KBAR

Bataillant avec un patron qui était persuadé qu’une femme en devenant maman avait perdu le peu de neurones que le ciel lui avait consenti… Puis les mains, le coeur, tout me démangeait, je devais créer. Alors, j’ai négocié un temps partiel (après un bilan de compétences) et suivi des cours de bijouterie.

KCAD

Concernant la dimension relative au besoin d’autonomie et d’indépendance, les mampreneurs déclarent une très nette envie de gagner en liberté de faire et de choisir.

Ma motivation première a été de gagner ma liberté ! Liberté d’action, d’organisation… mais aussi la liberté de me dépasser – En septembre 2005, j’ai fait un bilan de compétences d’où ressortait un énorme besoin d’indépendance et d’investissement dans mon travail, et surtout de réalisation de soi en tant que professionnelle, mais aussi en tant que maman.

KRIB

Réussir à créer mon propre emploi, en vivre décemment sans être redevable de personne. Être entrepreneure offre de nombreux avantages, notamment celui de se sentir décisionnaire de sa vie, créatrice de son emploi.

KCAR

Besoin de liberté, besoin de créer, besoin de faire quelque chose de pérenne, de donner du sens… je me suis dit que si je voulais faire les choses comme je le voulais et bien il fallait les faire moi-même.

KDEB

Concernant la dimension relative à la saisie d’une opportunité, elles expliquent avoir découvert l’opportunité de créer au moment de la venue de l’enfant, soit parce que l’idée a émergé au moment de leur grossesse, soit juste après. Cela passe par exemple par le désir de vouloir transmettre ce que l’on a soi-même reçu, de proposer des produits différents, respectueux des autres et de l’environnement.

J’avais commencé à faire des cookies pour mes amies et pour toutes sortes d’occasions, j’en apportais même au boulot ; c’était vraiment devenu ma passion. […] Et puis, je suis tombée enceinte, je ressentais bien que je ne voulais pas continuer comme avant et alors l’idée m’est venue de me reconvertir. Et si au lieu de faire des cookies que comme un loisir, j’en faisais mon métier.

KLEG

Les résultats montrent que les mampreneurs affichent une motivation entrepreneuriale par opportunité relativement éloignée de l’opportunité d’affaires classique d’enrichissement économique. Ainsi, ce n’est pas la découverte d’une innovation schumpetérienne, ni d’une possibilité d’arbitrage kirznérienne qui vont amener ces femmes vers la création. Il s’agit plutôt d’une opportunité, généralement en relation avec ce nouveau monde de la maternité, qui n’est pas considérée en principe comme une possibilité d’enrichissement économique, mais comme une réponse à un manque perçu.

En préparant la garde-robe de mon fils, et nostalgique de la mode de mon enfance que j’ai retrouvée en feuilletant les albums de famille, j’ai eu envie de créer une collection et faire revivre les modèles de mon enfance, en cachemire, qui est une matière très douce pour un nouveau-né.

KAMI

Les dessins de mes enfants s’entassaient, s’abîmaient et souvent j’en jetais à regret… L’idée m’est venue de les conserver sur un support durable dans un premier temps, et de les restituer sur d’autres supports dans un second temps, pour offrir ou pour soi.

KCAR

L’idée vient d’une double prise de conscience à la naissance de mon fils aîné en 2005 : « je ne sais rien des conditions de fabrication de ce qu’il porte » et « toute la layette se ressemble : mêmes formes, mêmes couleurs, mêmes petites sérigraphies ». D’où l’idée de lancer une collection en coton bio certifiée, fabriquée dans de bonnes conditions et personnalisée par un message brodé en France.

KMIC

Concernant la dimension relative à la création par nécessité, les mampreneurs l’abordent dans un contexte qui doit être mis en perspective. En effet, bien qu’un tiers d’entre elles étaient au chômage au moment de la création d’entreprise, aucune n’a mis en avant ce facteur comme explicatif de sa démarche entrepreneuriale. Ce serait même plutôt le contraire, puisque les mampreneurs expliquent avoir choisi de se faire licencier afin de bénéficier des mécanismes d’aides dispensés pendant leur période de chômage.

Ainsi, en prenant en compte que les mampreneurs ont « choisi » un chômage (non subi) pour des raisons particulières (suivre le mari, profiter des indemnités pour financer le projet, etc.), il semble que ces motifs ne correspondent pas à la nécessité telle que définie dans l’approche push/pull qui considère que l’individu doit créer son entreprise pour assurer sa survie et celle de sa famille. Cet aspect n’est pas une dimension motivationnelle en soi, mais une motivation créée par une influence du contexte, comme nous allons l’expliquer.

3.2. Les aspects contextuels influençant la motivation entrepreneuriale des mampreneurs

Au-delà des dimensions de la motivation repérées dans notre étude des mampreneurs, des aspects contextuels ont été identifiés comme déterminants pour le développement de la motivation entrepreneuriale.

Comme le rappellent Williams et Williams (2012), la motivation entrepreneuriale d’un individu peut varier et se modifier avec le temps en fonction des circonstances qu’il rencontre et/ou qu’il interprète. Dès lors, il convient d’être attentif aux différents aspects de contexte tant externes (environnement familial, économique et institutionnel, mesures politiques…) qu’internes avec des aspects plus personnels (de nature culturelle et/ou psychologique). En ce qui concerne le projet entrepreneurial des femmes, la prise en compte de ces différents facteurs de contextualisation s’avère indispensable, car il permet de mieux saisir leur encastrement social (Zahra, 2007 ; Welter, 2011). Ainsi, le contexte dans lequel est encastré l’individu peut faciliter la motivation entrepreneuriale et agir en renfort des facteurs d’attraction comme la famille, principalement la présence des enfants en bas âge et le support du mari, mais aussi l’environnement culturel et institutionnel (mécanismes d’aide financière, accompagnement).

Le fait d’avoir des enfants est une des principales raisons qui pousse les femmes sur la voie de la conciliation travail-famille. Dans la littérature en entrepreneuriat féminin, il est en effet depuis longtemps acquis que l’arbitrage et la recherche d’un équilibre entre le travail et la famille sont des facteurs de la motivation entrepreneuriale (Cromie, 1987 ; Brush, 1992 ; Hughes, 2006 ; Simonin, 2006). Les femmes trouvent plus de flexibilité en termes d’heures et de lieu de travail, ce qui leur permet de répondre conjointement à leur envie de travailler tout en étant plus disponibles pour leur famille et leur(s) enfant(s).

Je suis une mampreneur, parce que j’ai voulu plus que tout pouvoir concilier mon projet de création et ma vie de maman. Être plus disponible pour mes enfants, pouvoir m’organiser comme je le sens, les accompagner aux sorties scolaires ou aller les encourager dans leurs activités sportives et profiter de les voir grandir tout en pérennisant mon 3e bébé.

KCAR

C’est bien la combinaison vie pro et vie perso, tout en étant mère au foyer, pas avec une activité « annexe », mais une véritable activité qui prend finalement plus de temps qu’une activité salariée.

KLEL

Je travaille de chez moi, nous avons aménagé une grande pièce qui me sert de bureau et de stockage. Cela me permet d’être présente pour mes enfants si besoin, tout en ayant un réel espace consacré à mon activité. […] Je me rends disponible pour mes enfants et j’organise mon emploi du temps en fonction de leurs besoins.

KRIV

C’est un vrai choix de famille et d’être plus disponible pour mes enfants pallie la baisse des revenus. Je peux passer les mercredis avec eux, les récupérer à l’école à 16 h 30 et j’adapte mon emploi du temps, je travaille le soir et le week-end […] concilier une vie professionnelle passionnante avec une vraie vie de famille.

KMIC

Le désir de trouver un équilibre entre le travail et la vie familiale peut être identifié comme une recherche de satisfaction (flexibilité), et ainsi être interprété comme appartenant à la première dimension motivationnelle (satisfaction/insatisfaction). Néanmoins, dans le cas des mampreneurs, c’est la situation familiale (le fait d’avoir des enfants en bas âge) qui va influencer cette recherche de flexibilité, laquelle se matérialise comme une réponse à un facteur contextuel.

Le support (affectif et économique) du conjoint conditionne également leur décision de création d’entreprise.

Je ne pense pas que je me serais lancée aussi facilement si mon mari ne m’avait pas encouragée, et si financièrement il n’avait pas pu suivre, car il est vrai que c’est un investissement, en temps et en argent.

KMAI

Clairement, mon compagnon (aujourd’hui mon mari), m’a fait confiance, encouragé… et avec deux salaires (le sien + mon chômage), les risques matériels étaient moins importants… bien que si cela ne fonctionne pas il faut retrouver du travail et justifier l’échec, mais c’est ça aussi, il faut aussi savoir prendre des risques.

KDEB

Mon mari a été un vrai soutien. Il travaille dans la banque, cela m’a donné des facilités par rapport au regard qu’il a pu porter sur mon projet. Mais sur le fond de mon projet, il était vraiment d’accord et puis c’est vrai qu’avec ce système de plan social j’avais quand même un capital et puis aussi deux ans de chômage donc ce n’était pas un énorme risque. De toutes les façons, j’étais prête à reprendre un petit boulot, si cela ne marchait pas, même être caissière de supermarché, mais dans ma tête je me disais que cela allait marcher, je n’avais pas vraiment peur.

KGAI

D’autres aspects contextuels ont été repérés dans l’analyse du discours. Les mampreneurs vont alors s’appuyer sur une pluralité de dispositifs présents en France qui les aident à passer à l’acte d’entreprendre. Ils correspondent à la présence des aides gouvernementales pour la création d’entreprise ainsi qu’à l’activation de moyens mis à leur disposition par les pouvoirs publics comme les indemnités de chômage, les formations financées, etc. L’existence d’une association des mampreneurs contribue également dans leur démarche entrepreneuriale.

Je me suis retrouvée au chômage après mon retour de maternité, et je me suis dit que c’était le moment de me lancer dans l’aventure.

KCHE

J’avais quitté mon emploi suite à une expatriation [de son mari] et j’étais au chômage alors j’ai mis à profit ce temps entre parenthèses pour m’occuper de mon enfant tout en mûrissant mon projet.

KMIC

Je me suis fait licencier et je me suis donnée les moyens de créer ma propre activité.

KRIB

Finalement, notre recherche montre qu’au-delà des facteurs de la motivation, plusieurs aspects contextuels se manifestent dans l’étude de la motivation entrepreneuriale des mampreneurs. La maternité, qui mène les femmes sur la voie de la conciliation travail-famille, apparaît comme le principal aspect contextuel de motivation, suivi par l’accès aux aides ou la présence d’un conjoint qui supporte la création. Évidemment, notre étude a aussi identifié des facteurs économiques, perçus néanmoins comme mineurs dans un cadre motivationnel. Ils existent parce qu’une création d’entreprise est un acte économique qui permet de gagner de l’argent, mais ils n’ont pas une force déterminante principale dans la motivation. Les résultats de notre analyse montrent que la motivation entrepreneuriale est complexe, et, afin d’aider à sa compréhension, nous proposons de l’illustrer comme des strates motivationnelles. Nous présentons dans la figure 1 les strates motivationnelles des mampreneurs.

Figure 1

Les strates motivationnelles des mampreneurs entre 30 et 40 ans

Les strates motivationnelles des mampreneurs entre 30 et 40 ans

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4. Discussion des résultats

La littérature déjà existante en mampreneuriat montre la conciliation travail-famille comme principal facteur de motivation, suivie par le désir de se réaliser professionnellement. Face à ces résultats, notre étude vient compléter la recherche et permet de dévoiler plus en profondeur la composition des facteurs motivationnels, aussi bien économiques que non économiques, individuels ou liés au contexte.

Ainsi, d’un point de vue empirique, les résultats de notre étude montrent que les dimensions motivationnelles des mampreneurs françaises sont diverses et non mutuellement exclusives. Il peut être retenu que les facteurs de recherche de satisfaction et d’indépendance ont été les plus souvent avancés, de même que le désir de concilier vie professionnelle et vie familiale, ce dernier pouvant être considéré comme une recherche de satisfaction. Ceci dénote la présence d’une motivation principalement non économique. Les mampreneurs sont aussi majoritairement motivées par des opportunités d’affaires en général en relation avec leur cycle de vie. Les discours analysés les concernant ne montrent pas une recherche de maximisation de bénéfices, mais une possibilité de résoudre un problème rencontré lors de l’expérience de la maternité (marché de niche). Comme le rappellent Bourgain et Chaudat (2015), le lien travail-famille est une construction sociale qui dépend du type de division du travail prévalant entre les hommes et les femmes. Dans le cas de la France, cette division du (et au) travail se fait souvent au détriment des femmes en général et des mères en particulier. Pays à forte culture hiérarchique et dans lequel le pouvoir reste encore centralisé dans les mains des hommes, il y persiste encore une forte division entre les sphères familiales et professionnelles, qui laisse peu de place à la maternité dans l’entreprise.

Au-delà des facteurs principaux de la motivation entrepreneuriale, et en regardant l’influence de l’environnement sur la motivation, nos résultats tendent à montrer que les mampreneurs françaises mobilisent trois registres de ressources différents pour se lancer dans l’aventure de la création. D’une part, le fait d’avoir des enfants et en même temps de ne pas vouloir laisser de côté leur vie professionnelle ; d’autre part, le soutien (affectif et financier) de leur conjoint ou de leurs proches, et l’activation de moyens mis à leur disposition par les pouvoirs publics (comme les aides gouvernementales en faveur de la création d’entreprise, les indemnités de chômage, les formations financées…). La conjugaison de ces différentes ressources est perçue comme une sorte de barrière de protection contre le risque et l’incertitude potentiels, à laquelle se rajoute leur confiance concernant leur employabilité (en raison de leurs compétences professionnelles).

Du point de vue théorique, il nous semble que la grille de lecture des facteurs de motivation entrepreneuriale telle que revisitée par Gabarret et Vedel (2015) est pertinente dans les cas des mampreneurs. Comme ils le spécifiaient, ils attendaient de leur modèle « un nouveau regard sur la motivation entrepreneuriale [et] la base pour de futures recherches [permettant] une plus grande représentativité des situations observées » (p. 19). Appliquée pour la première fois sur les cas des mampreneurs, l’approche proposée nous permet une interprétation des motivations entrepreneuriales des mampreneurs à partir des quatre dimensions qu’ils avaient mises en évidence, à savoir : la nécessité, la volonté de saisir une opportunité d’affaires, la recherche d’un travail satisfaisant et le désir d’indépendance et d’autonomie, qu’elles soient ressenties positivement ou négativement. Non exclusives les unes des autres, ces quatre dimensions forment un assemblage suffisamment consistant pour comprendre un nouveau profil d’entrepreneur comme les mampreneurs.

Pour autant, deux facteurs influençant la motivation entrepreneuriale ont été mis en relief en dehors de la grille de Gabarret et Vedel (2015) : l’influence de l’environnement et l’équilibre travail-famille, ce dernier traditionnellement plus « spécifique » aux entrepreneures. Dès lors, les mampreneurs sont des entrepreneures qui cherchent à s’épanouir aussi bien dans la maternité que dans leur vie professionnelle en tant que chef d’entreprise ou indépendante. Ces résultats sont en phase, d’une part, avec ceux de Le Loarne-Lemaire, Cupillard, Rahmouni Benhida, Nikina et Shelton (2012), qui montrent que ce qui compte pour elles est plus la recherche d’un équilibre entre le travail et la famille, et d’autre part, avec ceux de Lebègue (2015), qui met en avant que l’idée de réussite est différente chez les entrepreneures avec une volonté de contribuer plutôt soci(ét)alement qu’économiquement, ce qui se traduit souvent par des carrières entrepreneuriales moins rectilignes que celles des hommes. À partir de ces résultats, nous pouvons proposer un modèle de la motivation entrepreneuriale des mampreneurs, en incorporant des dimensions contextuelles.

Les résultats de notre étude nous permettent de questionner la manière d’étudier la motivation entrepreneuriale. Limitée à une classification de facteurs push ou pull, la motivation entrepreneuriale ne peut pas être comprise dans la totalité de sa complexité. En effet, la motivation est un construit multidimensionnel. Considérer la motivation entrepreneuriale en dehors du contexte est limitatif pour sa compréhension. Nous proposons, alors, que la motivation entrepreneuriale, aussi bien des femmes que des hommes, prenne en compte, au-delà des facteurs économiques, les facteurs psychologiques et les facteurs externes d’environnement au moment de la décision de créer une entreprise. Cette motivation ne sera pas figée, elle pourra évoluer au fur et à mesure des changements dans les trois niveaux. Chaque individu aura une composition unique de facteurs, dont certaines strates peuvent être plus importantes que d’autres (Figure 2).

Figure 2

Les strates motivationnelles

Les strates motivationnelles

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Conclusion

L’objectif de la présente recherche est de mieux comprendre la motivation entrepreneuriale. Pour cela, et face aux résultats divergents de la recherche sur la motivation entrepreneuriale des femmes, nous avons voulu nous focaliser sur l’étude d’une figure nouvelle en entrepreneuriat, la mampreneur. La création d’entreprise féminine, considérée en lien avec le cycle de vie de la femme, et spécialement dans notre cas, par rapport au moment de la naissance des enfants, nous permet d’étudier un terrain complexe dans lequel différentes motivations vont se combiner.

Sur le plan théorique, une réflexion s’impose à propos de la généralisation des études sur les entrepreneures. Effectivement, en regardant les résultats contradictoires de la motivation en entrepreneuriat féminin, nous pouvons avancer qu’il n’y a pas de « femmes entrepreneurs », mais des « entrepreneurs de sexe féminin » qui, en fonction de leurs caractéristiques (âge, formation, emploi, culture, etc.), vont développer des motivations différentes, tout comme le font également les hommes. En conséquence, il est nécessaire de comprendre la motivation entrepreneuriale comme un concept qui se transforme en réponse aux caractéristiques de l’entrepreneur et en fonction de l’environnement dans lequel il (elle) évolue. Si nous considérons que les motivations entrepreneuriales changent avec le temps en s’adaptant aux différentes situations et environnements (Williams et Williams, 2012), nous pouvons alors regarder le mampreneuriat comme une forme spécifique d’entrepreneuriat (féminin). Autrement dit, les motivations de la mampreneur pourront encore se modifier plus tard (une fois que les enfants auront grandi).

En outre, cette recherche fait également écho à une meilleure prise en compte des évolutions soci(ét)ales et de leurs répercussions entrepreneuriales. En effet, considérer le facteur de conciliation travail-famille de façon quasi exclusive à l’entrepreneuriat féminin est limitatif pour la recherche. Étant donné l’accroissement des familles monoparentales avec une augmentation du nombre des hommes qui élèvent seuls leurs enfants, et également le développement de formes alternatives à un entrepreneuriat de nature capitaliste pour un entrepreneuriat soci(ét)al, la conciliation travail-famille est susceptible d’apparaître aussi comme une motivation de l’homme entrepreneur.

De plus, à côté des entrepreneurs « classiques », il y a du sens à mieux comprendre les motivations entrepreneuriales d’autres profils d’entrepreneurs. Ce peut être des femmes, des personnes handicapées, des autodidactes, des enfants de migrants, des étrangers… Ils ont souvent en commun le fait que rien ne les prédestinait au départ à entreprendre, du moins au regard de la conception classique et traditionnelle de l’entrepreneuriat. Leur spécificité ne repose pas seulement sur « un critère sexuel, social, ethnique ou physique », mais sur « un ensemble de comportements spécifiques dans le rapport au travail, aux autres et à l’entreprise » (Alter, 2012, p. 3) qui se concrétise par une expérience entrepreneuriale. Comme le montre Alter (2012), ces entrepreneurs « atypiques » ont en commun d’avoir rompu avec la trajectoire qui aurait dû être la leur pour construire leur propre histoire. Pour autant, ils continuent à rester « hors normes » en développant une « identité de l’entre-deux », car ils n’appartiennent ni aux normes dominantes ni aux minorités qui les représentent.

Sur le plan méthodologique, notre article propose des pistes de facteurs de motivation pour la création de nouvelles échelles pour valider (quantitativement) les dimensions de la motivation entrepreneuriale, ce qui se présente comme un défi à relever dans la recherche en motivation.

Notre recherche présente également des implications managériales. Nos résultats mettent notamment en lumière que les mampreneurs utilisent à leur profit les mécanismes protecteurs censés les éloigner du marché du travail (congé maternité, chômage « volontaire », formation…) pour justement se lancer dans la création de leur entreprise. Elles y trouvent alors le moyen de concilier activité professionnelle et maternité et en même temps d’acquérir une reconnaissance sociale en tant que mère et entrepreneure. En écho avec Bourgain et Chaudat (2015), notre recherche souligne l’importance des liens travail-famille et l’usage des dispositifs de congés légaux dans un pays comme la France et notamment ceux de la maternité et leurs incidences positives en termes de création d’entreprise par les mampreneurs. Comme nous l’avons déjà souligné précédemment, les raisons pour lesquelles les entreprises sont créées ne sont pas seulement personnelles, mais dépendent également de leur écosystème économique, culturel et institutionnel (Gundry, Ben-Yoseph et Posig, 2002). À cet égard, il convient de rappeler que la France a le 2e taux de natalité de l’Europe, avec un taux de fécondité de 1,99 enfant par femme (Insee, 2014). Cela la situe dans les pays à forte natalité puisque la moyenne des pays de l’Union européenne se maintient à 1,59 enfant par femme. Par ailleurs, l’âge moyen à l’accouchement continue de s’élever année après année. Il s’établit actuellement à 30,4 ans en moyenne (Insee, 2014). En outre, un tiers des mères qui accouchent ont entre 30 et 34 ans et la part de celles qui ont 40 ans et plus a doublé en vingt ans (représentant aujourd’hui 5 % des naissances). Ces chiffres peuvent sans doute éclairer la question des motivations entrepreneuriales des mampreneurs françaises. En effet, on peut raisonnablement avancer que, pour un certain nombre de femmes, plus instruites et en situation professionnelle, le fait d’avoir plus d’enfants et plus tard, a des incidences sur leurs besoins de (re)trouver un équilibre entre le travail et la famille. Dans un pays à forte tradition nataliste, longtemps encouragée par les pouvoirs publics, une réflexion fine et subtile à propos des politiques et des mécanismes mis à disposition des femmes – et des hommes – sur le congé maternité, le congé parental, les aides à la garde des enfants, ou la question de la parentalité en lien avec l’entrepreneuriat… nous semble nécessaire. Elle devrait permettre d’éviter des confusions ou des conclusions hâtives sur leur utilisation qui pourrait apparaître « détournée », mais qui à la lumière des faits apportent un soutien nécessaire et significatif dans le démarrage de l’activité entrepreneuriale.

Notre recherche présente quelques limites qui découlent principalement de l’échantillonnage effectué. En effet, toutes les entrepreneures de notre échantillon se trouvent dans la même tranche d’âge (autour de la trentaine). Cela est consistant avec la réalité de la maternité en France qui s’avère tardive. Néanmoins, nous pensons qu’il serait intéressant d’étudier dans de prochaines recherches le cas des mampreneurs plus jeunes (vingtaine) ou plus âgées (quarantaine) afin de compléter nos résultats. De plus, il conviendrait de poursuivre cette recherche avec des nouvelles données afin de voir si nos résultats liés aux facteurs contextuels se maintiennent et/ou si des évolutions se dessinent. En outre, face aux transformations sociétales, de nouvelles recherches sur les familles monoparentales ou sur les hommes qui élèvent leurs enfants, avec un questionnement sur la figure et les motivations du « dadpreneur »[7] seraient appropriées. Dès lors, afin d’étudier l’aspect de la relation maternité/paternité et création d’entreprise, nous croyons pertinent d’abandonner une position sexuée et de proposer pour de nouvelles recherches l’étude de la parentalité en entrepreneuriat.