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Jamais la psychologie ne pourra dire sur la folie la vérité puisque c’est la folie qui détient la vérité de la psychologie.

Foucault, M. (1954)

La quatrième édition du Cours d’été international relatif aux droits de l’enfant de l’Université de Moncton fut dédiée au thème de la santé mentale adolescente, au regard des articles 23 et 24 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE)[1]. L’article 23 proclame le droit des enfants handicapés à des soins spéciaux afin de mener une vie pleine et décente et l’article 24 garantit à tous les enfants au monde le droit de jouir du meilleur état de santé possible.

Durant la semaine, des experts de trois continents ont pu échanger et partager différentes perspectives professionnelles sur l’état d’avancement du droit de l’enfant à la santé mentale au sein de leurs pays respectifs. Les conférences ont traité de l’effet de la négligence et de l’abandon d’un enfant sur leur état psychologique, de la pénurie de services spécialisés en pédopsychiatrie dans les pays du Nord aussi bien que dans les pays du Sud, et surtout de la remise en question des approches médicales et pharmacologiques par les patients eux – mêmes. Dans certains pays la médecine traditionnelle doit céder doucement à l’avancement de la médecine moderne, alors que dans d’autres pays la médecine moderne doit aussi céder le pas aux approches plus traditionnelles. Dans tous les cas on veut prioriser les approches orientées vers le patient et on reste devant le constat que le bien-être psychologique et le processus de rétablissement appartiennent d’abord au patient, à sa famille et à sa communauté.

En ce sens la phrase de Foucault, citée plus haut, s’avère prophétique. Pendant des décennies nous avons développé de nouveaux diagnostics et de nouveaux traitements médicamenteux, mais aujourd’hui il y a de plus en plus souvent remise en question des vérités des experts par les familles et les patients et un discours grandissant en faveur de la voix des patients et d’une place plus grande pour leurs vérités.

Bien que le cours ait commencé avec l’ambition de repenser les services de santé mentale aux adolescents comme un droit fondamental et de travailler de façon interdisciplinaire et nouvelle dans le respect de ce constat, les échanges les plus fructueux ont été autour des débats sur la médicalisation des comportements, la course aux diagnostiques et aux traitements pharmacologiques, au refus du patient de se faire imposer une vérité et à son droit de demeurer maître de soi et responsable de son plan de rétablissement. Il appert de ces échanges qu’il peut y avoir plus de convergences que de conflits dans ces propos et une approche fondée sur les droits de l’enfant est utile afin de concilier les perspectives du patient et du psychiatre et de donner un fondement moral et juridique au discours de santé en faveur de la voix de ces jeunes patients.

Cette réflexion rétrospective sur les échanges du Cours d’été international relatif aux droits de l’enfant, 2015 tentera de creuser plus loin les bienfaits d’une approche fondée sur les droits. Elle étudiera de plus près les recommandations des experts au Comité des droits de l’enfant de Genève avant d’aborder les développements en faveur de la voix des patients dans les enjeux de santé mentale adolescente au Canada et au Nouveau-Brunswick. Enfin, elle scrutera plus loin comment cette approche pourrait informer les tendances globales en ce sens, en particulier au regard du International Declaration on Youth Mental Health[2].

1. Énoncé du problème

Les Instituts de recherche en santé du Canada ont initié en 2012 une nouvelle Stratégie de recherche axée sur le patient (SRAP) (Canada, 2011) afin de mieux arrimer la livraison de services de santé avec les besoins réels des patients. Trop souvent les patients ne reçoivent pas les services dont ils ont besoin et trop souvent ils peuvent même recevoir des services inutiles ou nocifs pour leur bien-être. La SRAP est une stratégie nationale visant à ce que chaque patient reçoive le bon traitement au bon moment.

Un des premiers programmes financés par la SRAP a été TRAM, un programme visant l’établissement d’un réseau national de transfert des connaissances afin de combler les lacunes dans les systèmes de santé mentale affectant les adolescents et jeunes adultes au Canada. On estime qu’au moins un jeune sur cinq pourra souffrir d’une maladie mentale et que les trois quarts de ces jeunes n’obtiendront pas les services dont ils ont besoin. D’abord parce que les jeunes méconnaissent leurs problèmes de santé et évitent les services en raison de la stigmatisation associée à ces conditions, mais aussi très souvent parce qu’elles sont mal diagnostiquées ou qu’ils sont orientés vers de mauvaises interventions ou se voient tout bonnement refusés des services même lorsqu’ils se présentent en cabinet ou à l’urgence.

En mai 2014, le Comité de sélection de TRAM a octroyé à l’équipe ACCESS une enveloppe de $ 25 millions sur cinq ans pour établir ce réseau national et mettre à l’essai des interventions visant à combler les lacunes notées et améliorer la livraison de services en santé mentale aux jeunes canadiens de 11 à 25 ans (Instituts de recherche en santé du Canada, 2014). Le Nouveau-Brunswick constitue le site de démonstration spéciale provinciale au sein de l’équipe ACCESS et participe à cette transformation des services avec 11 autres sites à travers le pays, en milieu urbain, rural et éloigné du Grand Nord canadien. En clôture du Cours d’été nous avons eu le plaisir d’accueillir le Dr Ashok Malla, chercheur principal désigné d’ACCESS et directeur du Centre de psychose précoce de l’Hôpital de recherche Douglas affilié à l’université McGill.

La conférence du Dr Malla a confirmé la position des jeunes membres du conseil aviseur jeunesse au programme ACCESS, ainsi que celle de jeunes enfants autochtones de la région de Vancouver pris en charge par l’État et souffrant de défis en santé mentale. La parole de ces jeunes est venue remettre en perspective le pourquoi des échanges au programme et valider les approches fondées sur la voix des jeunes.

La précarité de la voix de ces patients est tributaire de leur statut doublement et souvent triplement minoritaire. Trop souvent on agit pour eux sans les consulter, sans les écouter suffisamment, parce qu’ils sont atteints d’une maladie mentale, mais aussi parce qu’ils sont enfants. Souvent on retrouve dans cette population de jeunes gens une surreprésentation de jeunes personnes violentées ou prises en charge par l’État, de jeunes contrevenants, de jeunes souffrant de problèmes de dépendances, de jeunes itinérants ou de jeunes marginalisés en raison de leur race ou de leur ascendance minoritaire. Ce profil se retrouve aussi chez la population d’adultes confrontés aux problèmes de santé mentale, mais les enfants souffrant de maladies mentales ont généralement bien plus de mal à faire entendre leur voix. Et cette précarité en raison de l’âge se répercute chez les jeunes adultes aussi.

1.1. Le droit applicable sous la Convention internationale des droits de l’enfant

Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies (CDE) reste très préoccupé par la situation des enfants souffrant de maladies mentales. Dans ses commentaires généraux, il est revenu par trois fois sur cette question. C’est d’ailleurs un des premiers thèmes qu’il a étudié en 2003 dans son commentaire général no4 sur la Santé et le développement de l’adolescent[3]. Le comité se dit très préoccupé par l’augmentation du taux de suicide chez les adolescents dans plusieurs États et par l’augmentation de troubles mentaux tels la dépression, l’anorexie et les comportements automutilateurs. Pour contrer ces conditions, le comité exhorte les États à prendre toutes les mesures nécessaires :

29. En application de l’article 24 de la Convention, le Comité demande instamment aux États parties d’assurer aux adolescents atteints de troubles mentaux un traitement médical et des services de rééducation adaptés à leur handicap, d’informer la population des premiers symptômes permettant de dépister ces troubles mentaux et de la gravité de ces maladies et de protéger les adolescents de toutes pressions excessives, y compris du stress psychosocial. Les États parties sont aussi instamment invités à lutter contre la discrimination et l’ostracisme à l’égard des personnes souffrant de troubles mentaux, en application des dispositions contenues à l’article 2. Tous les adolescents atteints de troubles mentaux ont le droit de bénéficier d’un traitement et de soins, dans la mesure du possible dans leur environnement familier. Si l’hospitalisation ou le séjour dans un établissement psychiatrique est jugé nécessaire, cette décision doit être prise dans le respect du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. En cas d’hospitalisation ou de placement en établissement psychiatrique, il convient d’accorder aux patients, dans la mesure du possible, l’exercice de tous les droits qui sont reconnus dans la Convention, et notamment du droit à l’éducation et à des activités récréatives. Le cas échéant, il convient de séparer les adolescents des adultes. Les États parties doivent veiller à ce que les adolescents puissent faire appel à une personne extérieure à la famille pour représenter leurs intérêts, lorsque cela est nécessaire et utile. Conformément à l’article 25 de la Convention, il incombe aux États parties de procéder à un examen périodique de la situation des adolescents hospitalisés ou placés dans des établissements psychiatriques.

Dans son commentaire, le Comité insiste à plusieurs reprises sur l’importance de la voix des jeunes dans la prise de décisions concernant leur plan de santé. Il rappelle l’observation générale no14 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels qui stipule que : « Les États parties doivent prévoir à l’intention des adolescents un environnement sain et favorable leur donnant la possibilité de participer à la prise des décisions concernant leur santé, d’acquérir des connaissances élémentaires, de se procurer des informations appropriées, de recevoir des conseils et de négocier les choix qu’ils opèrent en matière de comportement dans l’optique de la santé. La réalisation du droit des adolescents à la santé est fonction de la mise en place de soins de santé tenant compte des préoccupations des jeunes et respectant la confidentialité et l’intimité,... »[4]

Le Comité des droits de l’enfant va jusqu’à dresser une énumération détaillée de la nature et du contenu des obligations imposées à l’État concernant la santé et le développement des adolescents :

39. Dans l’exercice des obligations qui leur incombent de favoriser la santé et l’épanouissement des adolescents, les États parties doivent toujours tenir pleinement compte des quatre principes généraux de la Convention. De l’avis du Comité, les États parties doivent prendre toutes les mesures nécessaires d’ordre législatif, administratif ou autres, pour garantir aux adolescents l’exercice de leur droit à la santé et à l’épanouissement qui est reconnu dans la Convention et veiller à son application. À cette fin, les États parties doivent notamment s’acquitter des obligations ci-après :

  1. Offrir aux adolescents un environnement sain et favorable, notamment au sein de la famille, à l’école, dans des établissements de toutes sortes dans lesquels ils ont été placés, sur leur lieu de travail et/ou au sein de la société;

  2. Garantir aux adolescents l’accès aux informations indispensables à leur santé et à leur épanouissement et la possibilité de prendre part aux décisions qui affectent leur santé (notamment par la procédure du consentement donné en connaissance de cause et par le respect du droit à la confidentialité), d’acquérir des compétences pratiques, d’obtenir des informations utiles et adaptées à leur âge et d’adopter des comportements favorables à la santé;

  3. Veiller à ce que tous les adolescents aient accès à des établissements, matériels et services de santé de bonne qualité et attentifs ou correspondant aux besoins des adolescents, y compris aux services de conseil et de soins de santé mentale et génésique;

  4. Donner aux adolescents des deux sexes la possibilité de participer activement à la planification et à la programmation de leur santé et de leur épanouissement;

  5. Protéger les adolescents contre toutes formes de travail susceptibles de compromettre l’exercice de leurs droits, notamment en abolissant toutes les formes de travail des enfants et en réglementant l’environnement et les conditions de travail conformément aux normes internationales;

  6. Protéger les adolescents contre toute forme de traumatisme intentionnel et non intentionnel, y compris ceux qui sont provoqués par la violence ou consécutifs à des accidents de la route;

  7. Protéger les adolescents contre toutes les pratiques traditionnelles dangereuses telles que les mariages précoces, les crimes d’honneur et les mutilations sexuelles féminines;

  8. Veiller à ce que les adolescents appartenant à des groupes particulièrement vulnérables ne soient pas laissés pour compte dans la satisfaction de toutes les obligations susmentionnées;

  9. Mettre en oeuvre des mesures visant à prévenir les maladies mentales et à promouvoir la santé mentale des adolescents.

Ces obligations doivent être remplies par les États parties par une stratégie multisectorielle invitant la coopération de tous les secteurs de service oeuvrant auprès des adolescents, notamment « avec des praticiens privés et/ou des tradipraticiens, des associations professionnelles, des pharmaciens et des organisations qui s’occupent de groupes d’adolescents vulnérables. » [5]Selon le comité, de telles stratégies doivent faciliter des approches fondées sur les quatre caractéristiques suivantes :

  1. Disponibilité. Il faut prévoir dans le cadre des soins de santé primaires des services axés sur les besoins des adolescents, notamment en matière de santé sexuelle et génésique et de santé mentale;

  2. Accessibilité. Il convient de porter à la connaissance de tous les adolescents l’existence d’établissements, de matériels et de services de santé et de leur en faciliter l’accès (sur les plans économique, géographique et social). Le respect de la confidentialité doit être assuré le cas échéant;

  3. Acceptabilité. Tout en respectant pleinement les dispositions et les principes de la Convention, tous les établissements, matériels et services de santé doivent respecter les valeurs culturelles, les sexospécificités, les principes d’éthique médicale et être acceptables tant pour les adolescents que pour les communautés dans lesquelles ils vivent;

  4. Qualité. Les services de santé et le matériel médical doivent répondre aux exigences scientifiques et médicales, ce qui implique du personnel formé aux soins aux adolescents, des installations adéquates et des méthodes scientifiquement acceptées.

Comme preuve de la nature endémique de ces problèmes, le Comité revient sur le sujet des maladies mentales dans son commentaire général no 9 sur Les droits des enfants handicapés de septembre 2006[6] et renvoie les États parties à son Commentaire général no4 afin de s’assurer qu’en développant les mesures générales de mise en oeuvre de la Convention pour les enfants handicapés : budgets, lois spéciales, mécanismes de plainte et recours, mesures éducatives et administratives, que les besoins développementaux des enfants handicapés au stade de l’adolescence soient particulièrement pris en compte.

Enfin en 2013, le Comité publie son commentaire général no 15 sur Le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible [7]où il réitère encore une fois l’importance du dossier de la santé mentale adolescente et où il exhorte les États à développer un plan de mise en oeuvre du droit à la santé qui insiste sur la participation des jeunes patients et qui soit orienté toujours vers l’intérêt supérieur de l’enfant. Le Comité insiste sur une approche fondée sur les déterminants de la santé, sur le rôle des institutions publiques mais aussi sur celui des parents et des familles ainsi que des acteurs non étatiques, y compris, le secteur privé, les médias et les chercheurs.

Parmi les acteurs du secteur privé le Comité rappelle aux institutions financières, aux donateurs, aux industries pharmaceutiques, d’assurance maladie et des technologies de la santé leur responsabilité de veiller au respect des droits de l’enfant, voire de « tenir compte, pour concevoir, appliquer et évaluer leurs programmes et services, de toutes les dispositions pertinentes de la Convention ainsi que des critères de disponibilité, d’accessibilité, d’acceptabilité et de qualité. »[8] Le Comité rappelle aussi aux chercheurs universitaires leur devoir de veiller au respect des droits énumérés sous la Convention en tout temps, de respecter les normes éthiques en matière de recherche appliquée aux êtres humains et de se rappeler que l’intérêt supérieur de l’enfant doit toujours l’emporter sur l’intérêt de la société en général ou sur le progrès scientifique.

Le commentaire général no15 est particulièrement utile pour déceler le contenu normatif de l’article 24 de la Convention garantissant le droit à la santé :

III. Contenu normatif de l’article 24
Article 24, paragraphe 1
« Les États parties reconnaissent le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible »
Le droit de l’enfant à la santé comprend un ensemble de libertés et de droits. Les libertés, qui gagnent en importance au fur et à mesure que l’enfant gagne en capacités et en maturité, comprennent le droit d’exercer un contrôle sur sa santé et son corps, y compris la liberté de faire des choix responsables dans le domaine de la santé sexuelle et procréative. Les droits comprennent le droit d’accéder à divers installations, biens et services et de jouir de conditions qui garantissent à chaque enfant, sur un pied d’égalité, la possibilité de jouir du meilleur état de santé possible.
« [Les États parties] s’efforcent de garantir qu’aucun enfant ne soit privé du droit d’avoir accès à ces services [de soins de santé] »
Le paragraphe 1 de l’article 24 impose aux États parties de veiller à ce que tous les enfants aient accès à des services de santé et d’autres services appropriés, en accordant une attention particulière aux régions et aux populations mal desservies. Cela suppose de mettre en place un système complet de soins de santé primaires ainsi qu’un cadre juridique adéquat et de prêter une attention soutenue aux déterminants de la santé des enfants.

Le commentaire du Comité invite les États parties à éliminer les obstacles financiers, institutionnels ou culturels à l’accès aux services de santé par les jeunes, de créer des environnements favorables à l’utilisation des services de santé par les enfants et par leur parents, y compris au moyen de services confidentiels d’orientation et de conseils « sans avoir besoin du consentement de leurs parents ou tuteurs, si les professionnels travaillant avec eux estiment que tel est leur intérêt supérieur. »  Enfin, en commentant sur le paragraphe 24(2) de l’article le Comité insiste sur le devoir de l’État de mettre en place un processus de veille et de monitoring de la situation de l’enfance et de la mise en oeuvre du droit à la santé :

Cela suppose, entre autres, de procéder à une analyse approfondie de la situation, en définissant les problèmes et les interventions prioritaires dans le domaine de la santé, et de définir et d’appliquer des mesures et des politiques fondées sur des données factuelles qui répondent aux déterminants clefs et aux problèmes de santé, en consultation avec les enfants en tant que de besoin.

CDE, 2003, p. 5

Ces commentaires généraux de la part du Comité des droits de l’enfant donnent un contexte plus précis au devoir de l’État d’assurer un accès équitable aux services de santé mentale à tous ses citoyens, particulièrement aux enfants. Dans le contexte national canadien, il faut aussi tenir compte des observations finales du Comité sur les 3e et 4e rapports du Canada sur l’application de la Convention concernant les services de santé mentale aux enfants. Le Comité a indiqué en décembre 2012 : 1) sa forte préoccupation face au haut taux de suicide rapporté parmi les jeunes canadiens, particulièrement chez les enfants autochtones; 2) sa préoccupation face aux hauts taux de diagnostics de troubles de comportements et la surmédication d’enfants sans examen adéquat des causes profondes ou des possibilités de thérapies de substitution; et 3) le non-respect de l’obligation d’obtenir le consentement informé et éclairé des enfants et des parents. Face à ces constats, le Comité (CDE, 2012) a formulé au Canada les recommandations qui suivent :

Santé mentale

66. Le Comité recommande à l’État partie :

  1. De renforcer et de développer la qualité des interventions visant à prévenir le suicide chez les enfants, en prêtant une attention particulière à la détection précoce, et d’élargir l’accès confidentiel à des services psychologiques et des services d’information et de conseil dans toutes les écoles, ainsi que de soutien social à la maison;

  2. De mettre en place un système de contrôle par des experts de la prescription excessive de psychostimulants aux enfants, et de prendre des mesures pour comprendre les causes profondes et améliorer la précision des diagnostics tout en améliorant l’accès à des interventions comportementales et psychologiques;

  3. D’envisager de créer un mécanisme de suivi dans chaque province et territoire, sous l’égide des ministères de la santé, afin de surveiller et de contrôler les pratiques des professionnels de santé relatives au consentement éclairé en ce qui concerne la prescription de médicaments psychotropes à des enfants.

2. Application des principes de droit international au problème énoncé

Cet éclairage sur les exigences du droit international des droits de l’enfant en relation avec la santé mentale adolescente et le droit des enfants de jouir du meilleur état de santé possible nous permet de mieux évaluer le plan d’action des acteurs étatiques et non étatiques sur le plan domestique au Canada et au Nouveau-Brunswick. Nous nous attarderons d’abord au plan national canadien avant de regarder de plus près la situation au Nouveau-Brunswick.

S’agissant du plan d’action national canadien, il existe depuis 2010 un Document-Cadre en matière de santé mentale des enfants et des adolescents, soit le Cadre Evergreen de la Commission de la santé mentale du Canada (Kutcher et McLuckie, 2010). Il est intéressant de noter que le conseil aviseur jeunesse de la Commission qui a participé à la rédaction du Document Cadre formule ses exigences face aux services de santé mentale en tant que droit. Dans sa préface au rapport, Bronwyn Loucks, membre du Comité aviseur jeunesse insiste que « la santé mentale est un droit et non un privilège. »

Le Document-cadre Evergreen marque un tournant important puisqu’il tente de fonder la restructuration des systèmes nationaux, provinciaux et territoriaux au Canada en santé mentale infantile et adolescente sur des valeurs universelles, dont ceux de la CIDE. Les auteurs du rapport stipulent :

Valeurs
L’ensemble des établissements, des organismes, des lois et de la gouvernance se fonde sur des valeurs. Ces valeurs sont tantôt manifestes, ouvertes et clairement énoncées, tantôt latentes, non déclarées, mais sous-entendues et parfois occultées. Dans une visée de transparence et dans un désir d’établir une pierre d’assise nationale commune en matière de santé mentale des enfants et des adolescents, on a décidé d’énoncer manifestement les valeurs du projet Evergreen. :

  • 1. Droits de la personne

  • Nous croyons que le maintien des droits de la personne est la clé vers l’amélioration de la vie des adolescents. Evergreen maintient les droits de la personne en parrainant les documents suivants en matière de droits de la personne, dont chacun a été accepté par le gouvernement du Canada :

    • Convention relative aux droits de l’enfant (1989) Nations Unies;

    • Convention relative aux droits des personnes handicapées (2006) Nations Unies;

    • Principes pour la protection des personnes atteintes de maladie mentale et pour l’amélioration des soins de santé mentale (1991) Nations Unies;

    • Bâtir un monde digne des enfants (2002). Nations Unies, et son équivalent canadien, Un Canada digne des enfants (2004);

    • Charte canadienne des droits et libertés (1982);

    • Loi canadienne sur les droits de la personne (1985);

    • Principe de Jordan (2007) (Kutcher et McLuckie, 2010, p. 17).

Parmi les autres valeurs retenues par le Cadre Evergreen, on souligne le respect du principe de non-discrimination (Dignité, respect et diversité); une approche fondée sur les preuves (meilleurs faits démontrés disponibles); une approche centrée sur l’enfant et l’adolescent au sein de leur famille (Choix, occasion et responsabilité); une approche holistique encadrant l’enfant et sa famille dans sa communauté (Collaboration, continuité et collectivité); et enfin une approche fondée sur l’accès à l’information et au respect de la vie privée (Accès à l’information, aux programmes et aux services) (Kutcher et McLuckie, 2010, p. 17-19).

C’était en 2004 que le Canada adoptait son premier plan national de mise en oeuvre des droits de l’enfant Un Canada digne des enfants (Gouvernement du Canada, 2004). Le plan reprend les quatre priorités ciblées du plan d’action mondiale et propose des pistes pour les mettre en oeuvre dans le contexte canadien. Ces quatre priorités modifiées et adaptées aux besoins des enfants canadiens sont : 1) d’appuyer les familles et de renforcer les collectivités; 2) de promouvoir une vie saine; 3) de protéger les enfants; et 4) de promouvoir l’éducation et l’apprentissage. Sous l’angle de la promotion de la vie saine, le plan canadien mettait l’accent sur la participation active des enfants aux sports, aux loisirs et aux activités culturelles et artistiques de leurs communautés afin d’assurer une bonne santé physique et émotionnelle. Plus loin le plan souligne l’importance de venir en aide aux enfants atteints de maladies mentales, mais le plan propose peu d’actions concrètes et aborde ces enjeux de façon très générale[9].

Suite à ce cadre général vient six ans plus tard le Cadre Evergreen et trois ans après la stratégie de recherche axée sur le patient et son programme de transformation de la recherche en santé mentale. Malheureusement ni la SRAP ni TRAM ne font mention des droits des jeunes patients. Il n’y a aucun lieu de croire que cette stratégie ou ce programme soit né d’une reconnaissance quelconque du devoir de l’État face à ces jeunes patients; il n’y pas non plus lieu de croire que la transformation envisagée sera impulsée par une reconnaissance nouvelle du clinicien face à son rôle de détenteur d’obligation à l’égard des enfants, ni même d’une conscientisation de l’enfant ou des jeunes face à leur statut d’ayant droit, ni du potentiel de cette conscientisation au niveau de la capacité du jeune, de son autonomie, de son développement ou de son rétablissement.

Pour que ces choses se concrétisent, il aurait fallu expliciter les liens entre le devoir de l’état au regard du droit conventionnel et les objectifs de la Stratégie et de ses programmes sous-jacents. Il faudrait que les chercheurs et scientifiques responsables de la gestion des programmes travaillent de façon interdisciplinaire afin de mieux maîtriser le discours moral, politique et juridique qui vient soutenir et impulser la démarche clinique et pédagogique. Il faudrait aussi que les différents ordres professionnels responsables de l’exécution des programmes et des services « transformés » assument la responsabilité de la mise en oeuvre effective des obligations de l’État face au respect des droits de l’enfant. Il faudrait enfin que ce devoir soit accompli consciencieusement et de façon transparente face aux titulaires de droit afin qu’à la fois les jeunes patients et les fournisseurs de services soient tenus informés et satisfaits de l’exercice du droit et du devoir acquitté.

Malheureusement, au Canada cette réorientation des approches à la lumière de la CIDE est encore mal entamée. Il faut souligner cependant la démarche de la Fondation du Dr Julien qui est en train de transformer les soins pédiatriques par le biais de la pédiatrie sociale, qui elle s’articule nettement autour du discours des droits de l’enfant. Le plaidoyer de la Société Canadienne de pédiatrie en faveur de ces droits est aussi devancier et salutaire. Enfin l’Association du Barreau Canadien, commence lentement – vingt ans après – à s’approprier les droits de l’enfant; son comité des droits de l’enfant, établi en 2012 au plan national, a essaimé dans les branches provinciales de l’association en 2015 et a publié cette même année un nouveau guide pratique pour permettre aux avocats canadiens de mieux plaider la Convention devant les tribunaux canadiens. Il y a donc lieu de croire que lentement mais sûrement les droits de l’enfant font leur chemin au pays. Au Nouveau-Brunswick cependant la transformation semble mieux ancrée et plus démontrée.

Le Plan d’action en santé mentale publié en 2011 (Province du Nouveau-Brunswick) ne décèle aucune orientation droits de l’enfant, mais elle met un accent particulier sur la santé mentale adolescente, sur la prévention et sur les approches fondées sur le rétablissement qui elles sont toutes respectueuses d’une approche fondée sur les droits. Depuis ce temps, le plaidoyer du Bureau du Défenseur des enfants et de la jeunesse du Nouveau-Brunswick s’est tourné plus décidément envers une approche fondée sur les droits et plusieurs acteurs institutionnels y ont emboité le pas.

La Prestation de services intégrés offre une nouvelle approche à la livraison de services aux adolescents qui est centrée sur le jeune, sa famille sa communauté dans une approche holistique qui tient compte des méso systèmes et macro systèmes qui influent sur l’enfant, dont le cadre juridique et les droits fondamentaux universels. Depuis 2011, l’évaluation des programmes tels la PSI ou la transformation ACCESS esprits ouverts se fait à la lecture d’indicateurs de santé publique relevés au cadre des droits et du mieux-être de l’enfance et contribuent ainsi à une meilleure mise en oeuvre des droits de l’enfant. Depuis 2013 le développement de nouveaux programmes et services par la Province ainsi que les lois et règlements approuvés au conseil des ministres doivent faire l’objet d’une évaluation des répercussions sur les droits des enfants (ERDE) néo-brunswickois. En 2015, suite à une mobilisation de la société civile sur deux ans la Province a adopté la Stratégie provinciale de prévention des dommages causés aux enfants et aux jeunes (Province du Nouveau-Brunswick, 2015) en application de l’article 19 de la CIDE et celle-ci donne priorité à la santé mentale et à la prévention des dommages affectifs et émotionnels en raison des séquelles que le traumatisme chez l’enfant peut avoir sur sa santé mentale, même rendue à l’âge adulte. En application de cette stratégie, le gouvernement provincial a créé un nouveau Comité interministériel des enfants et des jeunes chargé de l’application de la Stratégie et du suivi des ERDE. Ce travail de suivi sera effectué conjointement avec Champions des droits de l’enfant NB, une société à but non lucratif, fondée en 2013 et incorporée en 2016 dans le but de rassembler toutes les agences et organismes de la province travaillant auprès des jeunes afin de renforcir le plaidoyer en faveur des droits de l’enfant. Grâce au cours d’été international relatif aux droits de l’enfant, la Province cherche à former les spécialistes en santé, les enseignants, travailleurs sociaux, policiers, l’ensemble des intervenants qui travaillent auprès des jeunes en matière des droits de l’enfant. Enfin, le Programme des écoles respectueuses des droits de l’enfant et la semaine d’éducation aux droits de l’enfant cherchent eux aussi à former les enfants et les communautés à l’approche fondée sur les droits.

On ne peut pas dire pour autant qu’au Nouveau-Brunswick le respect des droits de l’enfant c’est la responsabilité reconnue de tout un chacun, dans le sens souhaité. On peut dire cependant que les conditions nécessaires à ce virage culturel sont bien en place. Le projet ACCESS Esprits Ouverts-NB peut devenir alors un cataliseur important du changement de culture souhaité. Le projet est conçu afin de permettre aux jeunes eux-mêmes de prendre en charge individuellement et collectivement leur plan de rétablissement et de lutte contre la stigmatisation des maladies mentales, en communauté et auprès du public en général. L’accès aux services dans des conditions d’égalité, avec une attention particulière aux besoins des plus marginaux, l’emphase sur la voix des patients, non seulement dans leur plan de rétablissement individuel, mais aussi dans la gestion du programme de recherche et dans la livraison des services transformés par la recherche-action et la mise en réseau de ce lourd vécu expérientiel, permettent de croire au rôle catalyseur du projet. Enfin, il y a aussi cette fois la reconnaissance explicite à travers le projet que la transformation de services souhaitée est conçue, livrée et évaluée en raison des importantes obligations de droit fondamental qui pèsent sur l’État en matière de droits de l’enfant.

Nous avons déjà constaté qu’au Nouveau-Brunswick, la livraison de services en protection de l’enfance a été rehaussée et transformée par la constitution d’un réseau provincial des jeunes pris en charge par l’État. Nous sommes dès lors très confiants qu’en mettant les ressources à l’appui du vécu des jeunes confrontés aux défis des maladies mentales et leur écoute, dans le respect de leur droit à la santé et de leur droit d’être entendus, la livraison des services en ressortira largement bonifiée.

Le programme ACCESS Esprits Ouverts-NB constitue le site de démonstration provincial à l’intérieur du projet national d’ACCESS. Le site NB est un de douze sites au pays mais le déploiement provincial du projet est rendu possible grâce à une contribution additionnelle de $ 2,5 millions par la Fondation de recherche en santé du Nouveau-Brunswick. ACCESS Esprits Ouverts-NB investira donc au-delà de $ 5 millions sur cinq ans à travers la province pour soutenir le déploiement d’un réseau de maisons de jeunes équipés d’experts cliniques et de pairs mentors ayant un vécu du rétablissement et des systèmes de soins en santé mentale. Ces maisons de jeunes répartis à travers le territoire ainsi qu’en territoire autochtone serviront de points d’accès pour privilégier l’accès rapide aux services, l’accès précoce dans le cours de la maladie et pour favoriser le bon choix des interventions et pallier la précarité du parcours de ces jeunes en donnant voix à ces patients, en travaillant à la fois sur leurs facteurs de résilience et en luttant contre la stigmatisation de la maladie mentale.

Ce programme s’insèrera à l’intérieur d’un cadre plus large de transformation des services comme composante du réseau d’excellence en santé mentale adolescente. Ce réseau sera chapeauté par un nouveau Centre d’excellence pour les jeunes à besoins complexe qui desservira les cas les plus complexe de la région atlantique et qui offrira un encadrement clinique aux jeunes patients en santé mentale à travers le Nouveau-Brunswick. Le Centre d’excellence sera appuyé par la nouvelle Chaire de recherche interdisciplinaire en santé mentale des enfants et des jeunes (CRISMEJ) établi au printemps 2016. Celle-ci contribuera à l’identification, la mise en oeuvre, l’évaluation et le monitoring des meilleures pratiques cliniques à cette même population. Le descriptif de cette nouvelle Chaire, sise à la Faculté d’éducation de l’Université de Moncton et appuyée par un groupe de recherche interfacultaire en droits de l’enfant démontre clairement comment cette démarche scientifique s’insère dans la mise en oeuvre effective de la CIDE au N.-B.

3. Comparaison du problème posé sur le plan universel

Brenda Robertson, première femme ministre de la Santé au Nouveau-Brunswick dans les années 1970, aimait dire que les services de soins en santé mentale ont été trop longtemps l’orphelin du système de la santé. D’autres ont rappelé plus tard que les services de santé mentale adolescente, sont l’orphelin de cet orphelin. Mais le fait est que de façon comparative les services en santé mentale, y compris en santé mentale adolescente sont très bien nantis au Canada (Jacobs, Dewa, Lesage, Vasiliadis, Escober, Mulvale, et Yim (2010)[10]. Si l’on compare ce que les pays développés dépensent en santé mentale des adolescents comparativement aux pays en voie de développement, on se rend vite compte que le gouffre est grand. Les échanges de l’été dernier à Moncton nous ont permis de faire ce constat.

Quant à la définition du problème les Canadiens sont loin d’être les seuls à supprimer la dimension des droits de l’enfant dans leur quête de solution. L’Australie est pionnière à bien des égards en matière du traitement de la psychose chez les adolescents et jeunes adultes. Les chercheurs là-bas ont été à la source d’un mouvement universel de la voix des jeunes patients dans ce secteur. Des jeunes qui se sont rassemblés de Killarney, à Brighton, puis à Montréal, pour revendiquer une participation plus active dans l’élaboration des stratégies, des services et des actions que mèneront les États en faveur d’un meilleur traitement des maladies mentales chez les jeunes. En 2013 à Brighton fut officiellement adoptée la International Declaration on Youth Mental Health (Buckley, Chambers, Duffy, Keeley, et McGorry, 2011). Cette déclaration est un véritable manifeste du patient. Un plan d’action en onze points est proposé pour parfaire cinq priorités pour i) réduire le suicide; ii) améliorer la littératie en santé mentale; iii) améliorer le dépistage; iv) accroître l’accès aux services spécialisés; et v) augmenter la participation des jeunes et des familles au développement des services.

Les objectifs recoupent sur le plan international la direction que le Canada s’est donné dans sa programmation de recherche et dans sa planification stratégique. Elles abondent aussi dans le sens des recommandations du Comité des droits de l’enfant. La Déclaration est formulée dans le langage d’une véritable revendication de droit, mais elle fait abstraction complète du droit proclamé qui pourrait pourtant servir de fondement à cette même revendication. Il semblerait qu’il n’y a eu à date aucun échange entre les experts cliniques et les experts juridiques sur ces questions. Les jeunes eux-mêmes sont conscients de la valeur fondamentale à la dignité humaine des revendications formulées, mais ils n’ont pas été formés ou habiletés à exprimer cette revendication dans le langage universel des droits qui leur sont garantis.

C’est un des grands défis du discours des droits de l’Homme que de le vulgariser et de permettre à chaque personne d’appréhender et de mettre en oeuvre ces droits. Pendant des siècles, le monde juridique s’est cloisonné dans un discours d’experts pour insister sur le recours à l’avocat afin d’ester en justice. Mais l’accès à la justice exige aujourd’hui le décloisonnement de ces services et ce n’est nulle part plus urgent ou nécessaire qu’en matière des droits fondamentaux. Le préambule de la Déclaration universelle des droits de » l’homme le dit bien en rappelant que ces droits sont un « idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société, ayant cette Déclaration constamment à l’esprit, s’efforcent, par l’enseignement et l’éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d’en assurer, par des mesures progressives d’ordre national et international, la reconnaissance et l’application universelles et effectives ».

La Déclaration de Genève de 1924, le premier texte de droit international à concevoir et reconnaître l’enfant comme sujet de droit le dit plus succinctement en rappelant que « l’humanité doit donner à l’enfant ce qu’elle a de meilleur ».

Conclusion

Nous sommes donc encore bien loin d’avoir atteint ces idéaux. La mise en oeuvre du droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible exigera une action réfléchie et conséquente de tous les organes de la société. Il ne suffit pas d’agir dans une démarche clinique ou dans le cadre d’une politique de santé informée par la voix des patients. En matière d’accès aux soins en santé mentale, les lacunes et les inégalités sont particulièrement criantes. Il nous faut reconnaître que l’accès égal aux services de santé, y compris la santé mentale, est une garantie fondamentale du droit international que nous nous engageons tous à mettre en oeuvre en droit interne. C’est une obligation contraignante qui doit informer non seulement la démarche des responsables des politiques mais aussi celle des chercheurs, des bailleurs de fonds, des experts cliniques, des fournisseurs de services auprès des jeunes et des jeunes eux-mêmes.

Cependant, il est évident qu’au Canada du moins, il existe une réelle complémentarité du discours entre les objectifs généraux de la Stratégie de recherche axée sur le patient (SRAP) et les objectifs précis du projet ACCESS, d’une part et les exigences du droit international en matière du droit à la santé des adolescents. La Stratégie et son programme prioritaire en santé mentale des adolescents et jeunes adultes traduit très fidèlement les priorités de disponibilité, d’accessibilité, d’acceptabilité et de qualité de services mises de l’avant par le Comité des droits de l’enfant. Mais il faut encore que les chercheurs, les administrateurs des programmes et les cliniciens prennent conscience de cette complémentarité et qu’elle soit mieux articulée et explicitée afin de renforcir, soutenir et pérenniser les efforts.

Un plaidoyer plus clair en faveur des droits fondamentaux peut servir à cerner les indicateurs de rendement à cibler. Il peut servir aussi à justifier la reconduite des enveloppes de recherche et de transformation des services. Une approche fondée sur les droits peut faciliter la participation des jeunes aux efforts de restructuration et d’amélioration des services. Surtout, en conscientisant les jeunes face à leurs droits et à ceux de leurs voisins, on appuie largement l’autonomisation de leur démarche ainsi que la maîtrise par le jeune de son plan de rétablissement. Enfin on arrive à créer aussi une société plus juste et tolérante ou la stigmatisation de la maladie mentale n’a plus sa place.

Au Nouveau-Brunswick, toutes les conditions nécessaires à une transformation des services fondées sur les droits semblent être en place. Il sera intéressant de mesurer et d’évaluer sur cinq ans l’efficacité de cette démarche. Entre temps il faudra aussi préparer en conséquence le prochain rapport quinquennal du Canada au Comité des droits de l’enfant en faisant état des efforts de chacun au regard de ces lourdes obligations de droit international. En se mobilisant et en se concertant de façon réfléchie avec les personnes touchées, dans ce rapport de 2018 nos jeunes pourront enfin partager aux experts de Genève et d’ailleurs leurs vérités.