Corps de l’article

1. Introduction

Le présent travail s’inscrit dans le cadre d’une démarche de développement durable conduite par le Réseau de Laboratoires de Biologie médicale Accrédités (LABAC). Cette association professionnelle rassemble sur le plan national des laboratoires de ville, hospitaliers et d’autres institutions, et est engagée dans la promotion de l’accréditation des laboratoires (NF EN ISO 15189, 2012). Cette accréditation a pour but d’améliorer la prise en charge du patient et de garantir la fiabilité de ses prestations auprès des cliniciens. Depuis 2009, le LABAC a inscrit la mise en place de la responsabilité sociétale dans ses nouveaux projets (NF EN ISO 26000, 2010). Deux questions centrales ont été privilégiées au regard des activités de la biologie médicale : l’environnement et l’hygiène-santé-sécurité au travail.

En ce qui concerne la question environnementale, le LABAC a tout d’abord réalisé, avec le concours d’un groupe de travail, une analyse environnementale des activités de l’ensemble des laboratoires de biologie médicale. Il en a résulté la mise en évidence des aspects environnementaux les plus significatifs pour ces laboratoires : les rejets liquides des automates de biologie médicale. En pratique, ces automates rejettent directement dans le réseau d’assainissement urbain des liquides contenant des produits biologiques (sanguins ou urinaires), et des réactifs chimiques variés. Avant rejet au réseau, ces rejets liquides sont pour la plupart « traités » avec de l’hypochlorite de sodium (Eau de Javel), pour éliminer le risque infectieux.

Dans ce contexte, LABAC a confié à l’équipe IPE (Impact des Polluants sur les Écosystèmes) du Laboratoire d’Écologie des Hydrosystèmes Naturels et Anthropisés (LEHNA) une étude visant à caractériser les dangers écotoxicologiques liés aux rejets liquides des automates de laboratoires de biologie médicale. Un des objectifs de cette étude était d’identifier les sorties d’automates les plus écotoxiques, ainsi que les principales substances responsables de l’écotoxicité, en vue de faire des propositions pour une gestion optimisée de ces rejets. Pour ce faire, il a été décidé de lancer une étude sur les rejets émis par les différents automates d’un laboratoire pilote, membre du réseau LABAC.

Le présent article qui rend compte de ces travaux se décompose en trois parties :

  • La première partie correspond à une présentation du laboratoire de biologie médicale pilote, de ses automates, et de ses rejets.

  • La seconde partie correspond à la description des matériels, méthodes et analyses mis en oeuvre au cours de l’étude.

  • La troisième partie expose et discute les résultats obtenus lors des essais d’écotoxicité, et des analyses chimiques réalisées sur les rejets.

Il s’achève par une conclusion générale intégrant des recommandations visant à améliorer la gestion des rejets des laboratoires de biologie médicale.

2. Présentation du laboratoire de biologie médicale pilote

Le laboratoire pilote sélectionné pour cette étude est le LBM (Laboratoire de Biologie Médicale) NEOLAB - site d’Écully qui se trouve dans la métropole du Grand Lyon. Des prélèvements ont été réalisés aux sorties des différents automates du site : la sortie d’un automate d’hématologie (SYSMEX), la sortie d’un automate d’hémostase (STAGO), et les trois sorties d’un automate de biochimie et immunologie (ABBOTT). Nous avons également prélevé le rejet général du site comprenant les rejets des automates, mais également les rejets des eaux-vannes. Enfin, pour les besoins de l’étude, un échantillon d’un rejet d’automate a été traité à l’Eau de Javel à la concentration de 0,5 % de chlore actif.

2.1 Les automates

L’automate SYSMEX est utilisé pour la réalisation des numérations formules sanguines des patients. Il permet de connaître le taux de globules blancs, le taux de globules rouges, l’hémoglobine et le taux de plaquette présents dans le sang humain. Cet automate permet aussi de détecter les éventuelles pathologies sanguines des patients : anémies, leucémies Grâce à un pipetage d’environ 12 μl de sang humain, mis en présence de nombreux réactifs, l’ensemble des analyses citées précédemment peuvent être réalisées en 30 secondes environ.

L’automate nommé STAGO est un automate d’hémostase. Il permet de savoir si la coagulation du sang des patients s’effectue correctement. Le réactif biologique humain utilisé est le plasma. Avant toutes les analyses, le sang du patient est centrifugé afin de recueillir uniquement le plasma. Grâce à un pipetage d’environ 50 à 100 μl de plasma, mis en incubation pendant 1 à 2 minutes avec de nombreux réactifs, le temps de coagulation est déterminé.

L’automate ABBOTT fonctionne selon deux parties distinctes. La première partie permet de réaliser environ 40 tests de biochimie générale (glycémie, taux de cholestérol, enzymes, etc.). Cette partie effectue les tests avec une prise d’effet très faible de sérum qui correspond au sang coagulé. La seconde partie réalise des tests d’immunologie qui permet de rechercher les éventuels anticorps dans le sérum des patients. Cette partie s’attache à déterminer si le patient est atteint de maladies immunologiques comme les hépatites, le VIH, etc.

Pour le fonctionnement des automates, des opérations de maintenance journalières sont réalisées, ainsi que des opérations de lavage après chaque test dans le but d’éviter le risque de contamination. Ces opérations nécessitent l’emploi de grandes quantités de diluants, mais également de réactifs de nettoyage concentrés. Au final, la quantité de produits sanguins est très faible dans les rejets d’automates par rapport à la quantité de réactifs chimiques employés pour la réalisation des analyses biologiques.

2.2 Les rejets liquides générés

Les quantités de liquides rejetés sont approximativement les suivantes :

  • L’automate SYSMEX rejette environ 20 L∙j-1 d’effluent, composé d’un mélange de sang humain et de réactifs chimiques (liste ci-dessous), collecté en bidons, chloré à 0,5 % de chlore actif (recommandation du syndicat de l'industrie du diagnostic in vitro), puis rejeté au réseau d’assainissement urbain.

  • L’automate STAGO rejette environ 10 à 15 L∙j-1 d’un mélange composé de plasma et de réactifs chimiques, récupéré en bidons et envoyé en filière DASRI (Déchets d’Activités de Soins à Risque infectieux).

  • L’automate ABBOTT rejette :

    • 25 L∙j-1 depuis la sortie dénommée « rinçage » et branchée directement sur le réseau d’assainissement urbain;

    • 10 L∙j-1 de rejets liquides concentrés depuis la sortie « biochimie », récupéré en bidons, chloré à 0,5 % de chlore actif puis rejeté au réseau d’assainissement;

    • 5,5 L∙j-1 provenant de la sortie « immunologie », contenant du sérum biologique et des réactifs chimiques, branchée directement sur le réseau d’assainissement.

2.3 Composés chimiques utilisés et potentiellement présents dans les rejets

L’association LABAC a établi, à partir des fiches de données de sécurité des fournisseurs d’automates, un tableau récapitulant l’ensemble des réactifs chimiques utilisés pour les activités des automates sur le site d’Écully ainsi que les molécules qu’ils contiennent (document interne). Sur la base de ce travail, nous présentons ci-après les principaux réactifs utilisés pour chaque automate, ainsi que leurs principaux composants.

L’automate SYSMEX effectue des analyses d’hématologie à l’aide des réactifs chimiques suivants :

  • Cellpack : diluant pour effectuer les analyses contenant du chlorure de sodium, de l’acide borique, du borate de sodium et de l’EDTA.

  • Sulfolyser : réactif de lyse contenant du dodécylique sulfate de sodium.

  • Stromatolyser : réactif de lyse contenant des sels d’ammonium quaternaire organique et des tensio-actifs non ioniques. On y trouve également du méthanol et de l’éthanol-1.2-diol.

  • Cellclean : produit utilisé pour la maintenance de cet automate, servant au nettoyage des analyseurs et contenant de l’hypochlorite de sodium.

Les principaux produits chimiques utilisés avec l’automate STAGO sont les suivants :

  • STA-Desorb U : solution décontaminante à base de produits d’origine humaine et/ou animale contenant de l’hydroxyde de potassium et de l’hypochlorite de sodium,

  • Solvant Neoplastine : solvant contenant du nickel et du sulfate hexa hydraté.

  • Solution STA CEPHASCREEN : solution contenant un mélange de 5-chloro-2-methyl-4-isothiazol-3-one/2-methyl-4-isothiazol-3-one.

  • Un réactif à base d’hypochlorite de sodium et d’hydroxyde de potassium est également utilisé pour la maintenance de l’automate.

Concernant l’automate ABBOTT, de très nombreux réactifs sont utilisés : azoture de sodium, 2-amino-2-(hydroxyméthyl)propane-1,3-diol, 2-méthyl-2H-isothiazole-3-one, 5-chloro-2-méthyl-2H-isothiazol-3-one, 2-methyl-2H-isothiazol-3-one, 2-amino-2-(hydroxyméthyl)propane-1,3-diol, cholamidopropyl dimethylammonio-1-propanesulfonate, 2-amino-2-méthylpropanol, 2,4,6-trinitrophénol, chlorure de benzéthonium, polyethoxyethylene nonylphenylether, polyethylene glycol octylphenyl ether, sarafloxacin hydrochloride,…

À noter que les réactifs chimiques utilisés pour réaliser les analyses sanguines ne sont, pour la plupart d’entre eux, pas présents dans la liste de la Directive 2013/39/UE (UNION EUROPEENNE, 2013) concernant les substances prioritaires à doser pour la gestion de l’Eau.

3. Matériel et méthodes

3.1 Campagne d’échantillonnage

3.1.1 Présentation du site pilote et des dispositifs de prélèvements

Plusieurs sorties d’automates ont été sélectionnées pour les besoins de l’étude : une sortie de l’automate d’hématologie (SYSMEX), une sortie de l’automate d’hémostase (STAGO), et trois sorties de l’automate biochimie-immunologie (ABBOTT).

De plus, un prélèvement sur 24 heures du rejet général du laboratoire a été effectué avant le déversement au réseau commun d’assainissement. Cet échantillon moyen sur 24 heures (13h-13h) a permis de comparer la sortie générale du site avec les sorties individuelles des automates, et ainsi d’identifier la(les) sortie(s) la(les) plus contributrice(s) à l’écotoxicité globale.

3.1.2 Prélèvements effectués

La campagne de prélèvement a eu lieu le 17 juin 2015 sur le site pilote d’Écully. Cette date correspond à l’activité d’un laboratoire de biologie médicale de 400 patients par jour. Ce jour, nous avons prélevé pour chaque sortie citée précédemment : quatre flacons d’une contenance de 500 mL en plastique (polyéthylène), deux flacons d’une contenance de 1 L en plastique et quatre flacons d’une contenance de 125 mL en verre. L’ensemble de ces échantillons ont été utilisés pour les tests d’écotoxicité (voir liste ci-dessous) réalisés sur le site de la Doua à Villeurbanne en collaboration avec le laboratoire INSAVALOR-POLDEN, ainsi que pour les tests « daphnies » effectués sur le site de l’ENTPE à Vaulx-en-Velin.

En plus de ces six sorties, nous avons prélevé des échantillons de l’automate ABBOTT « biochimie » que nous avons traités avec de l’hypochlorite de sodium, soit 0,5 % de chlore actif (recommandation du syndicat de l'industrie du diagnostic in vitro). Ces échantillons vont contribuer à statuer ultérieurement sur la nécessité ou non de traiter les rejets à l’hypochlorite de sodium.

En parallèle de ces prélèvements, le LABAC a sollicité deux autres laboratoires prestataires:

  • Un laboratoire de chimie analytique accrédité (CARSO) a réalisé des prélèvements sur les rejets non chlorés pour la réalisation d’analyses chimiques.

  • Un laboratoire de virologie et de bactériologie hospitalier a reçu des prélèvements des rejets non chlorés pour une caractérisation du risque infectieux.

3.1.3 Prélèvements effectués

Immédiatement après le prélèvement, les échantillons ont été placés en caissons isothermes et transportés le jour même dans les laboratoires où les analyses et les tests devaient être réalisés. Une fois arrivés au laboratoire, les échantillons destinés aux essais d’écotoxicité ont été congelés, compte-tenu de la possible évolution des rejets à 4 °C (NAUDIN et al., 1995). Leur décongélation a été effectuée lentement en plaçant les échantillons dans une pièce maintenue à 4 °C.

3.2 Essais d’écotoxicité (ou bio-essais)

La caractérisation des effets écotoxicologiques d’un rejet s’effectue généralement avec une batterie d’organismes choisie de manière à disposer de représentants des différents niveaux trophiques des écosystèmes cibles concernés (producteurs primaires, décomposeurs, consommateurs primaires, etc.). Pour CHARRISSOU et al. (2006), les essais choisis pour constituer la batterie de bio-essais doivent être complémentaires et non redondants.

Sur la base de ces recommandations, nous avons sélectionné quatre bio-essais très utilisés pour le compartiment aquatique : le test d’inhibition de la mobilité de Daphnia magna, le test d’inhibition de la luminescence de Vibrio fischeri, le test d’inhibition de la reproduction de Brachionus calyciflorus et le test d’inhibition de la croissance de l’algue Pseudokirchneriella subcapitata.

Ces quatre tests sont assez rapides et simples à mettre en oeuvre (SANTIAGO et al., 2002; CHARISSOU et al., 2006). Ils sont souvent présents dans les batteries d’évaluation de l’écotoxicité des rejets vis-à-vis des écosystèmes aquatiques. Nous les avons en particulier récemment largement déployés pour la caractérisation de l’écotoxicité d’effluents hospitaliers (BOILLOT et al., 2008, PERRODIN et al., 2013; PERRODIN et al., 2016).

Une synthèse des principales caractéristiques de ces tests, ainsi que les références des normes pour leur mise en oeuvre, figurent dans le tableau 1 ci-dessous.

Tableau 1

Caractéristiques des bio-essais sélectionnés

Characteristics of the selected bio-assays

Caractéristiques des bio-essais sélectionnés

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L’interprétation des données expérimentales issues des différents tests et la modélisation des courbes dose-réponse ont été effectuées à l’aide de l’outil REGTOX développé par VINDIMIAN et al. (1983).

3.3 Analyses chimiques

Afin d’orienter le choix des analyses chimiques à effectuer sur les effluents, nous avons tout d’abord élaboré un tableau des polluants potentiellement présents dans les rejets. Pour ce faire, nous avons valorisé le travail de synthèse effectué par le LABAC concernant l’ensemble des réactifs chimiques utilisés dans les laboratoires de biologie médicale contenant des molécules dangereuses. À partir de ce travail, nous avons retenu les composés les plus présents, et les plus écotoxiques au regard des données écotoxicologiques disponibles dans la littérature.

Dans un second temps, nous avons répertorié les molécules présentes dans la Directive Cadre sur l’Eau. Les molécules répertoriées dans cette Directive, et non présentes dans la liste précédente, ont été retenues en complément, à l’exception toutefois des molécules dont la recherche n’est pas pertinente dans le cadre de la présente étude (pesticides et hydrocarbures aromatiques polycycliques).

Dans un troisième temps, compte tenu du large usage de l’hypochlorite de sodium dans les laboratoires de biologie médicale, et pouvant réagir avec d’autres molécules pour générer des composés organochlorés variés, nous avons ajouté ces derniers à la liste.

Le LABAC a confié la réalisation de ces analyses chimiques à un laboratoire de chimie analytique extérieur accrédité COFRAC. Il s’est avéré que ce laboratoire n’était pas en capacité de doser toutes les molécules sélectionnées. Dans le tableau 2 ci-après, on trouvera donc la liste des molécules effectivement dosées par le laboratoire de chimie analytique dans les rejets testés.

Tableau 2

Analyses chimiques des six rejets étudiés

Chemical analyzes of the 6 liquid wastes studied

Analyses chimiques des six rejets étudiés

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4. Résultats et discussion

4.1 Ecotoxicité des rejets

Une représentation graphique des valeurs des CE50 obtenues pour chaque organisme, et pour chaque rejet étudié, est fournie dans la figure 1 ci-après.

Figure 1

Comparaison de l’écotoxicité des différents échantillons étudiés

Comparison of the ecotoxicity of the different samples studied

Comparaison de l’écotoxicité des différents échantillons étudiés

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Cette figure montre que la sortie de l’automate SYSMEX, ainsi que les sorties de l’automate « ABBOTT immunologie » et « ABBOTT biochimie traité à l’hypochlorite de sodium » sont les plus écotoxiques. Les sorties « ABBOTT rinçage » et « STAGO » correspondent aux rejets les moins écotoxiques. Le rejet général du laboratoire se situe logiquement à un niveau intermédiaire.

Le rejet général du site est néanmoins classé « très écotoxique » selon les critères définis par SANTIAGO et al. (2002) pour la classification de l’écotoxicité des effluents urbains. Par ailleurs, avec des CE50 se situant entre 1 et 10 %, selon l’organisme considéré, ce rejet général du site se situe dans la gamme des valeurs d’écotoxicité observées pour divers effluents hospitaliers dans différentes études récentes (BOILLOT et al., 2008; EMMANUEL, 2004; EMMANUEL et al., 2005; ORIAS et PERRODIN, 2013; PERRODIN et al., 2013; PERRODIN et al., 2016).

Le rejet « ABBOTT traité à l’Eau de Javel » se révèle également très écotoxique. Le traitement à l’hypochlorite de sodium des rejets avant de les déverser dans les réseaux communs d’assainissement pose donc le problème d’une augmentation de l’écotoxicité du rejet.

4.2 Analyses chimiques des rejets

Le tableau 2 ci-après récapitule les résultats des concentrations en polluants mesurées dans les six rejets étudiés.

À la lecture de ce tableau, on note tout d’abord que les rejets les plus riches en substances polluantes sont les rejets « ABBOTT biochimie », « ABBOTT immunologie » et « SYSMEX ». Le rejet « ABBOTT rinçage » est le moins chargé, et le rejet général du site correspond à une situation intermédiaire.

Il est difficile d’identifier précisément les molécules responsables de l’écotoxicité de chacun des rejets testés. En effet, on est vraisemblablement ici surtout en présence d’un effet « cocktail » lié à la présence dans les rejets d’un mélange complexe de nombreuses molécules plus ou moins écotoxiques pouvant interagir entre elles de différentes manières (additivité, synergie, antagonisme) pour produire un effet toxique global relativement important.

Néanmoins, l’analyse des résultats au regard de la comparaison des concentrations en polluants mesurées dans les rejets avec les CE50, et/ou CE10, et/ou NOEC des polluants disponibles pour les organismes testés (Tableau 3), mais aussi en prenant en compte le fait que certains solvants peuvent faciliter la biodisponibilité de certains composés organiques toxiques, permet de faire des premières hypothèses sur les substances les plus impliquées, parmi celles dosées, dans l’écotoxicité des rejets. Il s’agit :

  • Pour le rejet « ABBOTT biochimie », de l’arsenic, du cuivre, du zinc, des nonylphénols, de l’éthylène glycol, de l’acide acétique et de l’ammonium.

  • Pour le rejet « ABBOTT immunologie », du bromoforme, des nonylphénols, de l’éthylène glycol, et du 1.2-propylène glycol.

  • Pour le rejet « SYSMEX », des nonylphénols, de l’éthylène glycol, et du 2-phénoxyéthanol.

  • Pour le rejet « STAGO », du 2-phénoxyéthanol et de l’ammonium.

Tableau 3

Valeurs des CE 50, CE 10 et NOEC disponibles pour les polluants détectés

Available values of EC 50, EC10 and NOEC for the pollutants detected

Valeurs des CE 50, CE 10 et NOEC disponibles pour les polluants détectés

a) ECOTOX Knowledgebase (US ENVIRONMENTAL POLLUTION AGENCY, 2016) et b) INERIS, Portail substances chimiques (INERIS, 2015a et 2015b)

a) ECOTOX Knowledgebase (US ENVIRONMENTAL POLLUTION AGENCY, 2016) and b) INERIS, Chemical substances website (INERIS, 2015a and 2015b)

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On note que l’un des composés organochlorés systématiquement présent dans les rejets des laboratoires de biologie médicale est le chloroforme. Cette substance est aussi un des composés organochlorés généralement retrouvé dans les effluents hospitaliers (EMMANUEL et al., 2005; ORIAS et al., 2013; PERRODIN et al., 2013; BOILLOT et al., 2008).

Ces listes pourront être complétées, dans une étude ultérieure, par certaines des substances utilisées dans les laboratoires de biologie médicale, et qui n’ont pas pu être dosées dans les rejets dans le cadre de cette étude (Azoture de sodium, Dodecylique sulfate de sodium, N,N-diméthylformamide, Tétrachlorure de carbone, Chlorure de didécyldiméthylammonium, Chlorure de cétylpiridinium, Chlorure de benzéthonium, 2-méthyl-2H-isothiazole-3-one, Sarafloxacin hydrochloride, Tétrahydroborate de sodium, 2-aminoéthanol, Acide 4-morpholinopropanesulfonique, Polyethylene glycol octylphenyl ether, Nonylphénylether, Nitrophénol,…).

4.3 Comparaison des données physico-chimiques du rejet général avec les seuils de rejet dans le réseau urbain

La comparaison des analyses chimiques effectuées sur l’échantillon général, prélevé sur 24 heures, avec les prescriptions de rejet dans le réseau urbain de la station d’épuration de Pierre-Bénite, où les rejets du laboratoire pilote sont traités (GRAND LYON, 2013), figure dans le tableau 4 ci-après.

Tableau 4

Comparaison des données physico-chimiques de l'effluent général avec les prescriptions de rejet dans le réseau des eaux usées traitées à la STEP de Pierre-Bénite

Comparison of the general effluent physico-chemical data with the discharge requirements in the wastewater network treated in the Pierre-Bénite plant

Comparaison des données physico-chimiques de l'effluent général avec les prescriptions de rejet dans le réseau des eaux usées traitées à la STEP de Pierre-Bénite

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Ce tableau montre que le rejet général du site respecte les prescriptions du Grand Lyon pour l’acceptation de son déversement dans le réseau du bassin versant de la station d’épuration de Pierre-Bénite, sauf pour le taux d’azote global qui est un peu supérieur à la prescription. Cela s’explique en partie par la présence des eaux vannes du laboratoire dans le rejet général.

5. Conclusion

Suite aux différentes expériences réalisées et aux données recueillies, nous avons pu, pour la première fois, caractériser de manière relativement approfondie l’écotoxicité des différents rejets d’un site pilote représentatif des laboratoires de biologie médicale.

A l’issue de ce travail, on peut tirer les conclusions suivantes :

  • Les deux échantillons, non traités à l’Eau de Javel, les plus écotoxiques proviennent des automates « SYSMEX » et « ABBOTT immunologie ». Ces deux rejets sont donc à traiter en priorité.

  • L’échantillon « ABBOTT traité à l’Eau de Javel » s’est également révélé très écotoxique. Cela confirme qu’il est nécessaire de réduire au maximum l’utilisation de l’Eau de Javel dans les laboratoires de biologie médicale et, si possible, de ne plus traiter les rejets avec ce réactif avant de les déverser dans les réseaux d’assainissement urbains.

  • Les échantillons « STAGO » et « ABBOTT biochimie » ont une écotoxicité plus faible, mais qui reste importante (CE50 < 10 % pour plusieurs organismes testés). Ces rejets sont donc également à prendre en compte dans la réflexion sur l’optimisation de la gestion des rejets des laboratoires de biologie médicale.

  • Concernant le rejet général du site prélevé sur 24 heures, son écotoxicité se révèle logiquement intermédiaire par rapport à l’ensemble des rejets étudiés. Il est néanmoins considéré comme « très écotoxique » selon la classification proposée par SANTIAGO et al. (2002) pour les effluents urbains. L’écotoxicité de ce rejet global se situe dans la gamme des valeurs mesurées pour des effluents hospitaliers dans des études récentes conduites dans notre laboratoire.

  • Concernant la réponse des organismes utilisés, le test sur Brachionus calyciflorus s’est en général révélé le plus sensible, ce qui est également le cas pour bon nombre des effluents hospitaliers que nous avons testés dans le cadre d’autres études. Dans l’objectif d’affiner les résultats issus de cette première batterie de bio-essais (deux tests d’écotoxicité aiguë et deux tests d’écotoxicité chronique), on pourrait à l’avenir compléter celle-ci par d’autres bio-essais d’écotoxicité chronique, par exemple des essais de perturbation de la reproduction des daphnies (NF EN ISO 20665, 2009), et/ou par des essais de génotoxicité, tels que l’essai « SOS Chromotest » (QUILLARDET et al., 1985) ou l’essai « des comètes » (DEVAUX et al., 1997).

  • Dans l’état actuel des données disponibles, il est difficile d’identifier précisément les molécules pouvant être responsables de l’écotoxicité de chacun des rejets testés pour chacun des organismes, à l’exception notable du chlore dans le cas de rejet « ABBOTT traité à l’Eau de Javel ». On est vraisemblablement ici surtout en présence d’un effet « cocktail » lié à la présence dans les rejets d’un mélange complexe de molécules écotoxiques pouvant interagir entre elles de différentes manières (additivité, synergie, antagonisme) pour produire un effet toxique global relativement important. Sur la base des données disponibles, un certain nombre de molécules potentiellement impliquées dans l’écotoxicité globale des rejets de laboratoire ont néanmoins pu être identifiées. Cette information pourra être utilisée par les laboratoires de biologie médicale, en complément des résultats des essais d’écotoxicité, en vue de la mise en oeuvre de leurs stratégies d’optimisation des rejets.

Avant de conclure, il est important de rappeler que, à l’exception de la sortie générale du site, les essais écotoxicologiques et les mesures chimiques de cette étude ont été réalisés sur des rejets n’ayant subi aucune dilution puisqu’ils sortaient directement des automates d’analyses. Leur écotoxicité est avérée, mais en fonction du contexte local (dilution dans les réseaux et dans le milieu, dégradation partielle des polluants dans le système d’assainissement, etc.) les risques écotoxicologiques pourraient s’avérer moindre, voire acceptables, au moins pour certains rejets. Pour vérifier cela, il serait maintenant nécessaire de conduire une caractérisation précise de l’exposition des milieux récepteurs aux effluents et à leurs polluants, en faisant appel aux experts compétents (spécialistes en hydrologie urbaine, gestionnaires des réseaux urbains…). Sur la base de ces compléments, et des résultats de la présente étude, une évaluation des risques, dédiée aux rejets des laboratoires de biologie médicale, pourrait être conduite pour différents contextes (scénarios) de déversements.