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Nous avons tous beaucoup entendu parler ces dernières années de la « société du savoir », du « droit à la connaissance » et de la nécessité d’augmenter la qualification de la main-d’oeuvre par une production de plus en plus forte de diplômés à tous les niveaux de formation. Dans un contexte de complexification croissante des emplois, l’injonction de la qualification est devenue centrale dans nos sociétés modernes. Au Québec et au Canada, comme dans l’ensemble du monde occidental, cette injonction a fait en sorte que le nombre de jeunes inscrits dans les systèmes éducatifs est devenu de plus en plus important, et le niveau de scolarité de ces jeunes, de plus en plus élevé (Duru-Bellat, 2006). Les politiques visant à offrir au plus grand nombre l’égalité des chances d’accès à l’éducation, d’une part, et la nécessité d’une scolarisation de masse et d’un accroissement du niveau de qualification de la main-d’oeuvre pour soutenir une économie fondée sur le savoir et les avantages technologiques, d’autre part, ont donné lieu à un afflux croissant de diplômés sur le marché du travail (Uppal et Larochelle-Côté, 2014). Parallèlement, l’aspiration des individus à accéder aux emplois les plus qualifiés et les mieux rémunérés a contribué à une production accrue de diplômés dont la progression au cours des deux dernières décennies a été forte, notamment au niveau universitaire. À titre d’illustration, la proportion de personnes qui détenaient un diplôme d’études postsecondaires (certificat ou diplôme d’une école de métiers, d’un collège, d’un cégep ou d’une université) s’élevait en 2011 à 64,1 % au Québec et à 65,6 % dans l’ensemble du Canada (Boudarbat et Montmarquette, 2013). Au cours des vingt dernières années, au Québec, la proportion des travailleurs détenant un diplôme universitaire a presque doublé, passant de 13,3 % en 1990 à plus de 25 % aujourd’hui (Kilolo-Malambwe, 2014). Le rythme de croissance a été fort, notamment dans les grands centres urbains : entre 1991 et 2011, la proportion de diplômés universitaires a augmenté de 22 % à 29,9 % à Montréal, de 27,9 % à 37,3 % à Toronto, et de 21,4 % à 29,1 % à Vancouver (Boudarbat et Montmarquette, 2013).

Cette augmentation du nombre de diplômés a contribué à l’émergence et au développement du phénomène de la surqualification, définie comme la situation qui caractérise un individu dont le niveau de formation dépasse celui normalement requis pour l’emploi occupé (Vultur, 2012). Ce phénomène touche aujourd’hui une frange importante de la main-d’oeuvre, progresse à des rythmes variés, et tend à devenir un phénomène persistant (Hartog, 2000; Brynin et Longhy, 2009). Selon le niveau d’observation, les sources et la méthode utilisée pour la mesurer, les valeurs de la surqualification convergent vers des ordres de grandeur qui, dans certains secteurs comme celui des services aux entreprises, dépassent les 50 % (Kilolo-Malambwe, 2014). De même, en prenant en compte son évolution, on observe que depuis les années 1990, le phénomène a enregistré une tendance à la hausse, comme l’indiquent les données recueillies par divers chercheurs (Gagnon, 2008; Kilolo-Malambwe, 2014). Ainsi, de 1990 à 2011, dans l’ensemble du Québec, la proportion des personnes surqualifiées est passée de 17,9 % à 30,3 %. Trois personnes sur dix sont aujourd’hui surqualifiées par rapport à leur emploi (Cloutier-Villeneuve, 2014). Dans la grande région de Montréal, la proportion des travailleurs surqualifiés est passée de 29 % en 2001 à 32,1 % en 2006. Une hausse des taux de surqualification s’observe également dans les autres grands centres urbains du Canada comme Toronto (augmentation de 29 % à 31,3 % entre 2006 et 2011) et Vancouver (augmentation de 28,9 % à 30,7 % durant la même période) (Boudarbat et Montmarquette, 2013).

Objectifs et problématique de recherche

Ces données statistiques nous donnent une image de l’étendue des phénomènes de la diplomation et de la surqualification, et soulèvent des questionnements quant aux capacités d’absorption des flux des diplômés par le marché du travail et à leur insertion professionnelle. Divers travaux de recherche ont abordé ces phénomènes sous l’angle de l’« inflation des diplômes » (Duru-Bellat, 2006; Peugny, 2009) ou sous celui d’une « démocratisation bienfaitrice » (Maurin, 2007; Poullaouec, 2010) en les mettant en relation avec le rendement et l’intérêt économiques. Cependant, ces données et analyses ne nous permettent pas de savoir comment les individus perçoivent leurs diplômes et leurs situations de surqualification. Le vécu personnel, la subjectivité inhérente à toute interaction sociale, les perceptions et les représentations des divers phénomènes qui interfèrent dans les parcours des individus sont difficiles à appréhender, dans toute leur complexité, à partir de l’analyse des grands agrégats statistiques. Cette difficulté commande l’objectif de cet article qui vise à décrire le volet subjectif de la possession d’un diplôme et de ses effets, en se référant à la perception individuelle des phénomènes qu’on considère comme « objectifs » puisqu’ils sont réflétés comme tels par les données statistiques. Les questions de recherche qui donnent son contenu à notre article peuvent être formulées de la manière suivante : Quel est le sens donné par les individus au fait d’entreprendre des études universitaires et comment considèrent-ils la valeur des diplômes en tant que « bien subjectif »? Quel regard portent-ils sur la formation universitaire une fois qu’ils sont sur le marché du travail? Comment les diplômés vivent-ils les situations de surqualification auxquelles ils sont de plus en plus confrontés? Quelles conclusions peut-on tirer des réponses à ces questions du point de vue du rôle de la formation universitaire dans le processus d’insertion professionnelle? Nous explorons ainsi le rapport au diplôme en mettant l’accent non pas sur leur valeur marchande (ou valeur réelle au sens économique du terme), mais plutôt sur leur valeur d’usage, c’est-à-dire considérée du point de vue de leur détenteur. Cet angle d’approche permet d’appréhender le lien entre la situation objective réflétée par la possession d’un diplôme et la perception subjective de cette même situation. Le présupposé théorique sous-jacent à nos analyses peut s’énoncer comme suit : la valeur du diplôme ne dépend pas seulement des quantités relatives de diverses catégories de diplômés en concurrence pour l’emploi, mais également des qualités intrinsèques que le diplôme confère à ses détenteurs en fonction de leur perception et de leur sentiment à son égard et aux phénomènes qu’il induit (Vultur et Bélanger, 2014).

Ce questionnement de recherche est peu présent dans la littérature sur la valeur des diplômes et le rapport formation/emploi, qui est dominée largement par des enquêtes quantitatives (Nauze-Fichet et Tomasini, 2005). Ce type d’enquêtes « permet de projeter un éclairage sur une situation problème, […], d’attirer l’attention sur des enjeux sur lequel il importe de se pencher […] sans nécessairement dresser le portrait complet d’un problème » (Trottier, 2014, p. 276). Mais ces enquêtes ont des limites lorsqu’on veut rendre compte des facteurs sociologiques qui interviennent dans le rapport au diplôme, et révèlent peu de choses sur la manière dont les diplômés universitaires vivent la surqualification à différentes étapes de leur parcours professionnel, et sur les logiques sociales qui la sous-tendent (Peugny, 2009). De même, les auteurs qui ont étudié la perception subjective des diplômes, au Canada (Lamarre et Moulin, 2014; Vultur et Bélanger, 2014; Livingston, 2010) ou en Europe (Tenret, 2010), l’ont tous fait à partir de l’analyse de données statistiques issues de grandes enquêtes par questionnaire qui portaient sur le sentiment des individus à l’égard de leur niveau de formation en rapport avec leur emploi. À l’exception d’une recherche réalisée en France il y a une quinzaine d’années (Lazuech, 2000), à notre connaissance, aucun travail récent n’a abordé cette question en utilisant des entrevues semi-dirigées auprès de diplômés. Le caractère novateur et l’originalité du présent article consistent dans l’utilisation d’une approche qualitative permettant une meilleure compréhension de la valeur des diplômes et de la surqualification sur la base d’interprétations qui portent une attention particulière au sens que leur donne l’individu. Ce type d’approche permet de rendre compte de facteurs individuels qui interviennent dans le rapport au diplôme et dans la genèse ou la persistance de la surqualification, en dépassant les approches statistiques basées sur l’analyse de l’adéquation objective entre formation et emploi qui dominent présentement ce champ de recherche. En termes de pertinence sociale, l’article permettra de compléter les données quantitatives sur l’insertion professionnelle des diplômés universitaires et de proposer des pistes de réflexion qui font place à des éléments d’ordre qualitatif, notamment aux représentations et à la perception subjective que les jeunes diplômés ont de la surqualification et du diplôme universitaire. Portant sur des échantillons plus restreints, l’approche qualitative met en relief l’importance des facteurs non pris en compte dans les enquêtes quantitatives pour comprendre la perception du diplôme et les situations de surqualification qui ont des causes plus difficiles à interpréter que ne le laissent entendre les analyses statistiques. La mise en évidence d’une pluralité de conceptions individuelles du diplôme fournira ainsi, de façon plus nuancée que les informations fondées sur des indicateurs statistiques, des supports cognitifs mobilisables pour l’action publique. Cette problématique est importante étant donné l’accent mis de plus en plus dans le discours social et politique sur le rapport entre l’obtention d’un diplôme et le rendement économique de ce même diplôme. Ce discours, qui insiste sur le rôle de l’éducation dans la formation du capital humain et dans la préparation des étudiants à titre de travailleurs productifs fait abstraction de la personnalité et du vécu de ces étudiants qui poursuivent des études universitaires, même si le temps pour obtenir un diplôme est de plus en plus long et si l’avantage qu’il procure est stagnant ou en déclin. Le versant subjectif de la poursuite des études, renvoyant à des aspects liés à la satisfaction intellectuelle, à la consommation de biens de connaissance et à la socialisation des étudiants, est quasi absent de ce discours. La production accrue de diplômes universitaires et les phénomènes de surqualification apparaissent liés principalement à une inadéquation du système d’éducation par rapport au marché du travail et ne prennent pas en compte les aspirations des étudiants, leurs stratégies d’insertion professionnelle et les motivations non pécuniaires qui les conduisent à l’engagement dans les études. On peut évidemment s’interroger sur le rapport au diplôme du point de vue de la rationalité économique, sur l’intérêt de faire des études universitaires dans un contexte de dévalorisation relative du diplôme, mais il faut également aborder le problème par l’entremise d’analyses plus sociologiques qui peuvent contribuer à mieux expliquer le choix de faire des études universitaires, quitte à risquer de se retrouver en situation de surqualification.

Cadre théorique et conceptuel

Afin d’en arriver à décrire les aspects subjectifs du rapport au diplôme et à la surqualification des diplômés universitaires qui ont fait l’objet de notre recherche, nous mobilisons une série de concepts opérationnels qui permettront de mieux saisir la variété des éléments qui contribuent, du point de vue de l’individu, à définir les caractéristiques et la nature du diplôme et de la surqualification : le concept d’insertion professionnelle, celui de rapport instrumental et symbolique au diplôme, et celui de sentiment de surqualification, décliné par rapport à la surqualification contrainte ou choisie. Le concept d’insertion professionnelle définit le processus dynamique qui caractérise le passage des jeunes du système éducatif à une position relativement stabilisée sur le marché du travail (Mansuy, 2001) et qui se déroule sur une période où se succèdent des situations de recherche d’emploi, d’emploi temporaire, de formation et de chômage. L’approche de l’insertion développée ici s’appuie sur une analyse rétrospective des trajectoires des diplômés universitaires et vise à décrire leur situation sous l’angle de la relation entre formation et emploi. Le rapport au diplôme qui désigne l’ensemble des valeurs, des attitudes et des croyances liées au fait pour un individu de détenir un diplôme est abordé selon deux angles classiques issus des travaux de Habermas (1973) : l’angle instrumental, qui renvoie à une visée d’efficacité économique du diplôme par rapport à l’insertion sur le marché du travail, et l’angle symbolique, en vertu duquel le diplôme est conçu comme un moyen de réalisation de soi, d’expression de qualités personnelles, et dont la possession est médiatisée par des symboles autres que ceux d’ordre utilitaire. Ce concept permet de prendre en compte la double valeur des diplômes, soit leur valeur instrumentale (ce à quoi ils servent sur un plan professionnel) et leur valeur intrinsèque (quantité et qualité de savoirs qui enrichissent intrinsèquement leur détenteur). Le sentiment de surqualification, quant à lui, renvoie au jugement que les individus portent sur leur situation relativement au lien entre leur niveau de formation et les compétences exigées pour l’emploi qu’ils occupent (Lamarre et Moulin, 2014). Il mesure l’écart entre le diplôme détenu par un individu et la position sociale et professionnelle que lui confère l’emploi obtenu. Ce sentiment est différent selon les deux formes de la surqualification : la surqualification contrainte, qui désigne la situation où un diplômé ne peut pas trouver un emploi correspondant à son niveau et domaine de formation en raison d’obstacles objectifs liés à l’insuffisance des postes, à une offre excédentaire de compétences dans son domaine, à des exigences visant à concilier la vie professionnelle et la vie familiale, ou aux contraintes de localisation géographique; et la surqualification choisie, qui renvoie quant à elle à un choix rationnel de la part d’un individu qui, quitte à être surqualifié, mise sur des domaines qui ne correspondent pas à son niveau ni à son domaine de formation pour des raisons diverses (préférence pour un travail vécu sur le mode de la « passion » ou de la « vocation », emplois d’attente en vue d’acquérir une expérience professionnelle, meilleur gain financier dans un domaine autre que celui de sa formation, etc.).

Échantillon et méthodologie

L’échantillon des diplômés qui font l’objet de cette recherche est composé de 30 jeunes diplômés de niveau baccalauréat et maîtrise ayant obtenu leur diplôme en 2008 d’une université francophone du Québec. Il a été constitué sur la base d’un « choix raisonné » (Poupart, 1997) ayant comme critères de sélection le sexe, l’âge et le domaine de formation. La sélection des répondants a visé la constitution d’un groupe relativement diversifié. Nous avons ainsi interrogé 18 femmes et 12 hommes qui, au moment des entrevues, avaient entre 26 et 35 ans, ce qui donne une moyenne d’environ 29 ans pour l’ensemble des répondants. Au moment de l’obtention de leur diplôme, l’âge des répondants se situait entre 21 et 31 ans, pour une moyenne d’environ 22 ans. En ce qui a trait au niveau d’étude, 23 participants avaient obtenu un baccalauréat, tandis que sept détenaient une maîtrise. Ils étaient diplômés des filières suivantes : sciences sociales (12), sciences et génies (6), sciences de l’administration (5), lettres (3), sciences de la santé/médecine (3), baccalauréat multidisciplinaire (1). Au moment de l’entrevue, certains diplômés de notre échantillon étaient encore aux études (10), tandis que d’autres étaient en emploi (20). Ceux qui étaient aux études se trouvaient dans cette situation soit parce qu’ils avaient poursuivi leur cheminement scolaire après l’obtention de leur diplôme de baccalauréat ou de maîtrise (4), soit parce qu’ils avaient effectué un retour aux études après avoir passé un certain temps sur le marché du travail (6). Ces diplômés n’avaient pas expérimenté de situations de surqualification. En ce qui a trait aux milieux de provenance, deux tiers des répondants ont au moins un parent qui a atteint un niveau de scolarité universitaire et qui occupe un poste de cadre ou de professionnel. L’autre moitié provient de milieux familiaux caractérisés par des parents ayant une scolarité de niveau collégial ou secondaire et qui sont employés, techniciens ou exerçant des emplois manuels.

Au moyen d’entrevues semi-dirigées, nous avons retracé leur parcours professionnel au cours des cinq années suivant l’obtention de leur diplôme et nous avons sondé la perception qu’ils ont de celui-ci ainsi que, le cas échéant, leur sentiment de surqualification. L’analyse des entrevues s’est inspirée de l’approche de la « théorie émergente » (grounded theory) de Glaser et Strauss (1967) qui permet de construire la réalité sociale à partir du point de vue des acteurs. Les entretiens ont été soumis à une analyse de contenu par thèmes. Suivant les consignes de la codification élaborées par Strauss et Corbin (1998), nous avons d’abord établi des catégories de codification ouvertes, puis nous les avons spécifiées en retenant plus particulièrement les éléments du discours se rapportant à la signification du diplôme et au sentiment de surqualification. Sur cette base, nous avons identifié les significations du diplôme et de la surqualification à partir d’un questionnement relatif au sens que les interviewés donnaient à leur situation particulière en rapport avec leur formation.

Le rapport au diplôme

En tant qu’outil de validation d’un mérite individuel, « le diplôme est censé permettre une allocation juste des positions sociales » (Dubet, 2004, cité dans Tenret, 2010, p. 24) et récompenser l’investissement en termes d’effort, de temps et d’argent. Il doit favoriser l’insertion professionnelle et la construction d’une carrière à la hauteur des attentes de son détenteur. Cependant, comme plusieurs recherches l’ont montré (Bourdon, 1999; Eckert, 2011; Vultur, 2012), on assiste aujourd’hui à la diminution relative de la valeur du diplôme comme investissement sur le marché du travail. Les approches diachroniques de l’insertion professionnelle des diplômés universitaires montrent des résultats contrastés sur le lien diplôme-emploi-chômage. Au niveau universitaire, on observe, par exemple, que pour l’ensemble des pays de l’OCDE, comme pour le Québec et le Canada, les variations dans le temps du taux d’emploi des diplômés sont très faibles (OCDE, 2014). Ce taux a été relativement constant, voire décroissant dans certains cas. Le taux de chômage des diplômés universitaires a également enregistré une hausse, passant de 4 % en 2000 à 7 % en 2005 et connaissant une légère diminution par la suite. La hausse du taux de chômage a repris au cours des dernières années. De 2007 à 2011, cet indicateur est passé de 4 % à 4,4 % pour le titulaire d’un baccalauréat et de 4,4 % à 4,9 % pour les titulaires d’une maîtrise (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2011, p. 6-7).

On peut supposer que cette situation n’est pas sans effet sur le rapport au diplôme de celui qui le détient. Cette diminution relative de la valeur « marchande » du diplôme a-t-elle un impact sur les perceptions que les individus ont de la formation? Le diplôme est-il toujours, du point de vue d’un individu, considéré comme un élément important dans le processus d’accès à un emploi convoité? Ou les diplômés ont-ils intériorisé les difficultés d’insertion qui ressortent des divers statistiques et travaux de recherche (allongement de la période pour l’accès à un emploi stable en lien avec la formation, multiplication des emplois atypiques parmi les jeunes, retour en formation, périodes de chômage plus fréquentes, etc.) ainsi que des expériences auxquelles ils sont confrontés sur le marché du travail? Et, de manière générale, quelle signification les diplômés attribuent-ils au fait de détenir un diplôme? Ces questions ont orienté l’analyse du rapport au diplôme des participants à notre recherche, qui apparaît dans le discours des interviewés sous deux angles classiques : un rapport instrumental au diplôme caractérisant une majorité de diplômés, et un rapport symbolique au diplôme, minoritaire dans l’ensemble de l’échantillon.

Le rapport instrumental au diplôme

Le rapport instrumental renvoie à une vision du diplôme en lien avec le marché du travail et à ce qu’on peut appeler sa « valeur d’échange », qui est établie en fonction de la facilité avec laquelle le diplôme permet l’accès à un emploi, du prix qu’un employeur est disposé à payer à son détenteur et de la valeur ajoutée du revenu qu’il est susceptible de procurer (Eckert, 2014). Sur ce plan, les jeunes interviewés considèrent le diplôme selon une vision utilitariste : il est a) une porte d’entrée sur le marché du travail et un facteur déterminant pour l’accès à des emplois corporatifs et b) un investissement en vue d’obtenir de plus forts gains financiers futurs.

Chez plusieurs diplômés, on retrouve des propos illustrant la vision du diplôme comme porte d’entrée sur le marché du travail et facteur pour l’accès à des emplois corporatifs :

Je pense que le diplôme est une porte d’entrée aussi bien dans le privé, mais surtout dans le secteur public. Je le vois comme un faciliteur [sic]. Le diplôme est un prérequis qui te permet de postuler pour un job, d’entrer dans un métier.

Femme, baccalauréat en relations industrielles #3

Le diplôme était une exigence pour les emplois que j’ai occupés; d’avoir étudié dans mon domaine, en comptabilité plus précisément, et d’avoir le titre de comptable ou d’être en voie de l’obtenir. Je n’aurais pas pu obtenir cet emploi-là sans avoir fait mes études dans le domaine respectif.

Homme, baccalauréat en comptabilité #13

Cette vision s’accompagne de l’idée que le diplôme est de plus en plus nécessaire, mais pas suffisant pour l’accès à un emploi (Vultur, 2007). L’expérience et les qualités individuelles font la différence :

J’ai une personnalité forte et bouillante. J’ai un talent naturel pour les communications. Donc, quand vient le temps de « puncher » en entrevue, ce ne sont pas mes diplômes qui vont le faire. C’est ma personnalité. C’est ce que je suis et mes expériences.

Femme, baccalauréat en science politique #27

Au départ, le diplôme est important. Ensuite, les qualités personnelles comptent plus. Dans le fond, les recruteurs sont plus portés sur la personnalité ou les intérêts et la facilité à s’intégrer à une équipe de travail. C’est surtout ça qui compte.

Homme, baccalauréat en génie informatique #14

On constate donc chez les diplômés interviewés une relativisation de la valeur du diplôme dans le processus d’accès à l’emploi et une tendance à considérer les aptitudes individuelles et l’expérience professionnelle comme des critères plus importants que le titre scolaire, qui apparait cependant essentiel à l’étape de présélection du processus de recrutement (Lazuech, 2000). Ce phénomène peut résulter d’une structuration de leurs perceptions par les pratiques des recruteurs, qui, dans l’embauche, ont une forte tendance à réduire le critère de la compétence professionnelle à celui de l’expérience et des qualités individuelles prouvées dans l’activité productive. Dans leur propension à réduire le degré d’incertitude au moment du recrutement, les entreprises se servent du diplôme comme filtre et indicateur d’autres capacités du candidat (capacité d’apprentissage ou d’adaptation, par exemple), susceptible de réduire le coût du travail dans le contexte d’un marché du travail fluctuant (Vultur, 2007). De même, dans les conditions où la nature des emplois évolue très vite, la compétence signalée et conférée par un diplôme devient souvent obsolète (Bernier, 2011). L’affaiblissement du lien diplôme/compétence et la réduction du diplôme à sa fonction de filtre semblent conduire ainsi certains jeunes à considérer que leur niveau de formation élevé peut mener à un rétrécissement des champs des possibles sur le marché du travail, comme le signale cette diplômée en histoire :

Je pense que le diplôme de baccalauréat est une base, mais au-delà de ce niveau, son importance est parfois à questionner. Les maîtrises et les doctorats réduisent le nombre d’emplois pour lesquels les gens peuvent postuler. J’ai l’impression que faire une maîtrise ou un doctorat, c’est assez insécurisant. Il y a tellement de personnes qui m’entourent et qui pensent que quand tu fais un doctorat, c’est comme si tu allais te nuire au lieu de t’aider. Finalement, tu vas être trop éduquée pour qu’un employeur te trouve intéressante pour t’embaucher. C’est une des principales hésitations à m’engager dans une maîtrise ou à faire mon doctorat. Je suis en pleine réflexion. J’y vais à fond, mais ça m’insécurise énormément de penser à mon futur professionnel. Parce que je sais que ce n’est pas évident de trouver un emploi tout en ayant plein de diplômes.

Femme, baccalauréat en histoire #11

Le deuxième volet du rapport instrumental au diplôme renvoie à son rôle comme outil d’investissement en vue d’obtenir des gains financiers supérieurs. Les jeunes de notre échantillon font un lien direct entre la possession d’un diplôme et sa rentabilité professionnelle :

Mon diplôme me permettra plus tard d’avoir un salaire plus grand. Je pense qu’il fera la différence.

Homme, baccalauréat en microbiologie #17

J’ai entrepris des études précisément dans le but d’avoir un diplôme. Un diplôme pour moi c’est plus d’argent dans ma poche. Mais jusqu’à un certain point. Parce que si je continue les études, je ne suis pas sûr que je sois gagnant. Le temps et les prêts auprès du gouvernement que je vais faire ne me donnent pas la garantie d’un bon investissement. Je trouve qu’il y a un lien entre diplôme et salaire, mais jusqu’à un certain point.

Homme, baccalauréat en administration #13

Ce dernier propos du jeune interviewé illustre le fait que pour certains étudiants, allonger la période de formation en vue d’obtenir un diplôme suppose de supporter les coûts liés à la scolarisation et que le temps passé à l’école signifie renoncer au revenu qu’ils auraient pu obtenir en travaillant. L’illusion du gain supérieur procuré par un diplôme est d’ailleurs très présente parmi les étudiants; cependant, on observe souvent une déconnexion entre l’investissement ayant comme finalité le diplôme et le rendement de ce diplôme sur le marché du travail.

Je pensais gagner beaucoup d’argent avec ma formation, mais quand j’ai négocié le salaire dans les emplois que j’ai occupés, ce n’était pas le cas. Les employeurs m’offraient parfois jusqu’à 30 % de ce que j’espérais.

Homme, maîtrise en relations industrielles #10

Durant les études, nous travaillons beaucoup et nous ne sommes pas payés. Un diplôme, c’est beaucoup de sacrifices, temps et argent, et il devrait être récompensé avec un bon salaire sur le marché du travail. Mais ce n’est pas le cas. Quand j’étais étudiant, j’espérais gagner plus que ce que je gagne maintenant.

Femme, baccalauréat en biologie #29

Il est intéressant d’ailleurs de constater d’importants écarts entre les salaires auxquels les étudiants s’attendaient et les salaires obtenus une fois qu’ils sont diplômés. Ce constat ressort également des recherches réalisées dans des pays européens et qui montrent une surestimation des salaires espérés par rapport aux salaires réels observables sur le marché du travail en début de carrière. Ainsi, les études faites en Grande-Bretagne par Jerrim (2011) montrent que les étudiants à temps plein surestiment leur premier salaire d’environ 15 % par rapport aux salaires observables sur le marché du travail. Sur la base d’un suivi longitudinal qui compare les salaires espérés d’un échantillon d’étudiants néerlandais et les salaires obtenus par ces mêmes étudiants quatre années après, Webbink et Hartog (2004) concluent également que ceux-ci espéraient des salaires qui dépassaient d’environ 10 % leur salaire réel. Cette surestimation des salaires mise en évidence par ces auteurs et qui se retrouve également chez les participants à notre recherche, conduit les étudiants à poursuivre des études dont la rentabilité n’est pas avérée. Au Québec et au Canada, où les jeunes doivent souvent faire appel à des prêts gouvernementaux pour financer leurs études, la surestimation salariale des années de formation peut les conduire à un surendettement au début de leur vie professionnelle. L’idée que le diplôme est à la source d’un revenu supérieur est un lieu commun qui n’est pas toujours validé par la réalité du marché du travail puisque l’efficacité d’un emploi en termes de rémunération est souvent définie par le poste de travail et non par le niveau de diplomation du travailleur qui l’occupe (Vahey, 2000; Cloutier-Villeneuve, 2014). Et cela d’autant plus dans le contexte actuel d’une relative abondance de titres scolaires qui fait en sorte que le diplôme a un « prix » moindre que dans un contexte de rareté; sa rentabilité financière a tendance à décroître (Vultur et Bernier, 2013).

Le discours de personnes interviewées révèle que le rapport au diplôme varie en fonction des domaines disciplinaires. Un certain clivage entre les diplômés en sciences sociales et ceux des sciences naturelles et de la santé apparaît à cet égard. Sur ce plan, plusieurs diplômés en sciences sociales considèrent leur diplôme peu reconnu sur le marché du travail :

Beaucoup de personnes voient les sciences politiques ou les sciences sociales comme étant des sous-papiers, des sous-diplômes.

Homme, baccalauréat en science politique #25

Un baccalauréat en sociologie, je ne sais pas vraiment ce que tu peux faire avec ça. À part peut-être fonctionnaire à [sic] la fonction publique. Pas beaucoup reconnu ailleurs.

Femme, baccalauréat en sociologie #7

Pour ces diplômés, la difficulté à faire reconnaître leur diplôme sur le marché du travail est liée au contenu de leur formation : elle est vaste et touche à de nombreuses problématiques. Celle-ci est parfois vue par ces participants comme une formation de culture générale, qui ne débouche pas nécessairement sur un emploi dans un domaine précis, mais sur un éventail large et indéfini :

Ma formation est assez générale. Ce n’est pas une formation technique. Ce n’est pas ingénieur et ce n’est pas avocat. Ça ne mène à rien de précis. Je fais cette formation et je cherche un emploi dans mon domaine. Mais ce n’est rien de précis, c’est vraiment une culture générale.

Femme, baccalauréat en histoire #4

En revanche, du point de vue des participants, les formations générales comportent leurs avantages; on y développe un esprit critique, analytique et de synthèse. C’est sur la base de ces compétences acquises que les répondants tentent de faire valoir leur candidature et tirent un profit sur le marché du travail.

Ce sont quand même des compétences. Les fameuses compétences. Les compétences analytiques, de synthèse, d’écriture, de gestion du temps. Pour cela, je ne regrette pas ma formation.

Femme, baccalauréat en histoire #4

Dans l’esprit des gens, lorsqu’ils voient science politique dans un diplôme, c’est : « Ah, elle s’en va en politique ». Non, je suis un politologue. J’analyse les enjeux. J’analyse les rapports de force. J’analyse les communications. Je suis capable de faire une analyse qualitative et quantitative d’une situation.

Femme, baccalauréat en sciences politiques #27

On peut penser que pour ces jeunes, le diplôme n’a pas pour visée une qualification dans une discipline, mais plutôt un processus d’acquisition de compétences transversales : apprendre à communiquer, à être autonome, à analyser, à avoir un regard critique et de la rigueur dans sa pensée. Mais ils semblent avoir une idée moins claire des qualifications professionnelles qu’ils ont développées durant leurs années d’études, ce qui se traduit par leurs difficultés à les faire reconnaître sur le marché du travail et par une incertitude sur la qualité de leurs diplômes universitaires. Le discours des employeurs sur la valeur des diplômes comme critère de recrutement, qui va dans la même direction, est repris par ceux qui en possèdent (Felouzis, 2008). En d’autres termes, il est probable que cette difficulté des participants à faire reconnaître les compétences reflétées par les diplômes vient d’une certaine méconnaissance de ces compétences acquises de la part des diplômés, mais également de l’extérieur, du monde des entreprises qui relativise leur valeur. Ces diplômés sont toutefois susceptibles de prévoir et de mieux se préparer aux difficultés d’insertion professionnelle potentielles et finalement de mieux s’adapter au marché du travail.

En ce qui a trait aux diplômés en sciences naturelles et sciences de la santé, leur rapport au « titre » est plus « affirmé »; on ne trouve pas de leur part de propos allant dans le sens d’une dévalorisation de leur type de formation. Pour eux, le diplôme est utile et indispensable à la réussite professionnelle.

Mon diplôme en génie informatique certifie que j’ai les connaissances nécessaires pour travailler dans mon domaine. Il a de la valeur parce que sans lui je ne pourrais pas travailler dans mon domaine.

Homme, baccalauréat en génie informatique #14

C’est sûr qu’en comptabilité, on apprend des choses sans lesquelles on est incapable de fonctionner dans le métier. C’est un diplôme qui a de la valeur pour mon futur professionnel. Et il est utile pour pouvoir progresser dans ma carrière. J’ai fait de la comptabilité parce que j’avais une idée de ce que je voulais faire dans la vie.

Femme, maîtrise en comptabilité #9

Pour cette catégorie de participants, le diplôme est un élément important de la gestion de la carrière, une façon d’acquérir et de consolider des connaissances précises, utiles dans un domaine professionnel spécifique. Leur conception du diplôme est axée sur des compétences particulières et ils ont une propension plus forte à se rapporter au diplôme dans la perspective d’avoir accès, grâce à celui-ci, à des carrières intéressantes dans leur domaine de formation.

Le rapport symbolique au diplôme

L’analyse du discours des participants à notre recherche révèle que le diplôme n’est pas seulement l’objet d’un rapport instrumental, utilitariste, mais que sa perception renvoie également à des fondements psychiques de la personnalité individuelle, liés à des formes de construction identitaire qui passent par les études et par leur marqueur, le diplôme. Comme attribut de la subjectivité d’un individu, la possession d’un diplôme dépasse son simple lien avec le marché du travail pour faire place à l’expérience de l’individu et aux éléments de réalisation personnelle qui relèvent de l’ordre symbolique.

Sur ce plan, il ressort du discours des diplômés interrogés une série de significations du diplôme qui n’ont pas de lien direct, voire aucun lien avec son utilité économique et sa valeur instrumentale. Ainsi, pour certains jeunes, le diplôme constitue un capital individuel reflétant des qualités intrinsèques à leur personnalité. Obtenir un diplôme signifie, pour ces jeunes, exploiter leurs talents ou compenser l’absence de ces talents et tirer de ce processus une certaine reconnaissance et fierté. Pour eux, ce qui importe, c’est l’image qu’ils ont d’eux-mêmes et celle que leur renvoie le regard d’autrui.

Mon diplôme c’est une part de ma personnalité. Je suis quelqu’un d’intellectuel; aller à l’université me donnait la preuve d’une réalisation de soi. Cette partie de moi-même avait besoin d’être certifiée. Pour moi, le diplôme est un miroir dans lequel je me regarde et je suis fier de moi.

Homme, baccalauréat en études internationales #30

Je voulais réussir un programme d’étude à l’université. Ce n’était pas le désir d’avoir un diplôme utile, mais l’obtention du diplôme, c’était comme une course à obstacles; l’affaire c’était me prouver à moi-même que je suis quelqu’un qui est capable de réussir. Je ne sais pas vraiment ce que je vais faire avec mon diplôme, mais le fait de l’avoir me suffit.

Femme, baccalauréat en sociologie #28

D’autres jeunes considèrent le diplôme sous l’angle d’un champ disciplinaire de prestige ou d’une institution universitaire reconnue. À leurs yeux, la valeur du diplôme ne dépend pas seulement de sa qualité de « titre » scolaire, mais de sa valeur nominale attestée par le champ disciplinaire et par l’institution qui l’a délivré.

Les études à l’université m’ont beaucoup aidé à me faire un réseau. On était tous des diplômés du programme X de l’université Y. L’obtention de mon emploi a été le résultat de la mise en route de mes contacts, de gens que j’ai connus à l’université et qui avaient le même diplôme. On se reconnaissait entre nous.

Homme, baccalauréat en science politique #25

Pour ces diplômés, la valeur du diplôme renvoie expressément à la constitution d’un capital social, c’est-à-dire d’un réseau de relations plus ou moins institutionnalisé d’interconnaissance et d’interreconnaissance (Bourdieu, 1980). À défaut de le faire reconnaître comme outil reflétant des compétences ou de l’utiliser pour son apport en connaissances utiles économiquement, le diplôme acquiert de l’importance dans la construction du capital social que l’individu met ensuite à profit sur le marché du travail.

Pour certains jeunes, le diplôme correspond également à une quête d’habilitation culturelle : Comme mes parents n’avaient pas été à l’université, avoir un diplôme était pour moi la réalisation d’un rêve générationnel (Femme, baccalauréat en histoire #4). Il s’agit d’une revanche culturelle, une quête de distinction dans le cadre de la famille. Le diplôme apparaît ici comme un réparateur d’image générationnelle qui contribue à élever l’estime de soi de celui qui le détient. Comme je viens d’un milieu modeste, pour moi, avoir un diplôme d’université, ça signifie la réussite. Ma famille m’a beaucoup poussée dans la poursuite des études. (Femme, baccalauréat en histoire #4)

Enfin, l’obtention du diplôme est liée, pour certains diplômés interrogés, au plaisir d’étudier, en l’absence parfois d’une perspective professionnelle précise. Le diplôme est pour eux une marque de la valeur du savoir scientifique dans le contexte d’une sorte de moratoire pendant lequel ils décident de consacrer du temps à des études qui les intéressent indépendamment d’une perspective utilitariste liée à l’emploi. Faire des études et obtenir un diplôme est presque un acte gratuit, désintéressé, un « hobby » :

Je suis allée à l’université, premièrement pour me former la tête, ce n’était pas dans une perspective d’avoir un emploi quelconque. Obtenir un diplôme était pour moi un « hobby ». C’est aussi montrer aux autres mon désir d’étudier.

Femme, baccalauréat en sociologie #28

Je voulais être dans un environnement intellectuel pour trouver un sens à ma vie. C’était le plaisir d’étudier. Et avoir le diplôme qui certifie ça, c’était aussi important. Le diplôme n’est pas seulement quelque chose à utiliser sur le marché du travail, mais aussi un outil pour se faire reconnaître dans la société en général, dans la communauté, parmi les amis.

Homme, maîtrise en relations industrielles #10

Pour ces diplômés, la qualité du diplôme est appréciée au regard du savoir désintéressé ou du plaisir qu’il procure et non pas du travail qu’il permet d’obtenir. L’élément essentiel de leur rapport au diplôme n’est pas une motivation extrinsèque axée sur la recherche d’un meilleur emploi, mais le désir et le plaisir de découvrir le savoir et d’enrichir leur personnalité. Il y a une motivation intrinsèque à obtenir un diplôme qui renvoie à la satisfaction que l’on en retire. La gratification résulte de l’accomplissement même de l’activité.

En somme, le rapport au diplôme des jeunes qui ont fait l’objet de notre recherche se décline sur les deux registres classiques, l’instrumental et le symbolique. Sur le plan instrumental, le diplôme est une carte de visite qui ouvre l’accès au marché du travail ou à des emplois corporatifs. Il représente aussi l’instrument d’un gain financier espéré. Cependant, obtenir un diplôme ne signifie pas forcément acquérir des connaissances en tant que telles; la diplomation est nécessaire en tant que « processus » qui envoie un signal dans le marché de l’emploi. Sa possession indique non pas principalement que la personne possède des connaissances exploitables en tant que compétences, mais que cette personne a su parcourir les étapes nécessaires à l’obtention du diplôme, ce qui prouve sa valeur. Sur ce plan, en relation avec le marché du travail, la perception que les participants à notre recherche ont de leur diplôme illustre la situation paradoxale mise en évidence par diverses autres recherches : moins le diplôme est valorisé en tant que certification de compétences plus il devient nécessaire pour obtenir un poste. La production croissante des diplômes qui caractérise la période actuelle fait en sorte que l’absence de diplôme peut devenir un facteur d’exclusion du marché du travail. Le diplôme n’est plus aujourd’hui une rente, mais l’absence de diplôme devient toutefois un handicap pour ceux qui en sont dépourvus (Vultur, 2009).

Par ailleurs, il faut également constater que le diplôme a aussi une valeur intrinsèque pour l’individu qui est de l’ordre du symbolique. Ses détenteurs accordent aux diplômes relativement dévalués sur le marché du travail une valeur qui dérive de leur expérience subjective. Sur le « marché symbolique du diplôme », la valeur du titre se maintient indépendamment des évolutions de sa valeur marchande, de son « prix ». Cette valeur du diplôme ne se pose pas en termes d’accès à l’emploi ou financiers mais en termes de réalisation subjective de soi.

Le sentiment de surqualification

Comme nous l’avons indiqué précédemment, la production accrue de diplômes mène au développement plus fort de la surqualification qui se traduit non seulement dans les statistiques, mais également, sous l’angle subjectif, par le « sentiment de surqualification » (Lamarre et Moulin, 2014). Dans l’ensemble de notre échantillon, au moment de l’entrevue, 14 diplômés sur 30 se considéraient comme surqualifiés par rapport à leur emploi. Il s’agit de diplômés qui étaient en emploi au moment de l’entrevue. Leur sentiment de surqualification semble reposer principalement sur l’impression que les compétences acquises à l’université ne sont pas utilisées dans l’emploi qu’ils exercent.

Évidemment, je me considère surqualifiée. Si tu peux lire et parler anglais un peu et que tu as deux mains, et des aptitudes interpersonnelles, c’est ok. C’est ça qu’il fallait dans mon emploi. Tous mes acquis à l’université n’étaient pas mis à profit.

Femme, baccalauréat en sociologie #28

Oui. Je me sentais trop qualifié. Je le dis modestement. J’ai aimé ce que j’ai fait. Mais dans ces jobs là, je ne me sentais pas utilisé à mon plein potentiel. Dans la grosse boîte en ressources humaines où j’ai travaillé, j’avais le besoin de faire d’autres choses. Ce que je faisais était totalement en dessous de mes qualifications.

Homme, maîtrise en relations industrielles #10

Un deuxième élément qui conduit à un sentiment de surqualification, identifié dans le discours des diplômés est le manque de reconnaissance de la part de leurs employeurs. Ces derniers ne sont pas en mesure de leur proposer des tâches de travail (et donc des conditions d’emploi) qui reflètent leur niveau de formation.

De mon expérience, j’ai tiré la conclusion que personne ne sait c’est quoi les sciences politiques. Je dis que j’ai étudié en science politique, j’ai beau expliquer que ce n’est pas pour devenir député, mais les gens associent péjorativement les sciences politiques à la classe politique, et non pas à l’esprit d’analyse, de communication, etc. Ça fait que oui, je suis surqualifiée, en raison de la non-reconnaissance de ma formation, de la mauvaise compréhension des employeurs. Ils ne reconnaissaient pas ma formation à sa juste valeur.

Femme, baccalauréat en sciences politiques #27

J’avais une impression de manque de reconnaissance du travail fait puis… ma formation n’était pas reconnue. Peut-être qu’en même temps, ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas trouver d’autres sources de motivation quand on fait un travail pour lequel on est surqualifié, mais c’est moins intéressant.

Femme, maîtrise en service social #22

Il faut noter que certaines organisations, et c’est le cas de certaines banques notamment, exigent des diplômés qui entrent dans le métier de commencer à travailler au bas de l’échelle dans un poste qui ne correspond pas à leur niveau de scolarité, afin qu’ils se familiarisent de manière pratique avec les opérations de base, avant d’occuper le poste auquel leur niveau d’étude leur donne droit :

Quand on finit les études on est presque toujours surqualifié. Quand je regarde des gens qui ont terminé comme moi le bac, et qui ont eu des emplois dans les caisses ou dans les banques, ce n’était jamais le poste qu’ils voulaient. Ils ne réussissaient pas à avoir un poste de planificateur parce qu’ils demandaient : « Fais ton temps! Oui, c’est beau, tu as ton titre mais écrase ». Tu dois faire le niveau en dessous. Tu fais des comptes et de la vente de carte de crédit. Ça, ce n’est pas quelque chose que je visais et que je savais que j’allais avoir à faire au niveau d’une institution financière. C’était comme dévalorisant parce que j’ai étudié en planification financière, non pas pour vendre des cartes de crédit.

Femme, baccalauréat en finance et administration #1

Ces diplômés s’estiment donc mal reconnus, sous-employés mais aussi parfois sous-payés par rapport aux études qu’ils ont faites. Cependant, le sentiment de ne pas occuper un emploi conforme à leur niveau de formation et à leurs compétences génère plus de frustration qu’une rémunération qui n’est pas conforme à leur niveau de formation.

J’ai fait une maîtrise, et elle n’est pas reconnue, que ce soit dans mon salaire ou mes tâches. Mais ce qui me dérange le plus, c’est de ne pas mettre à profit mes compétences. J’ai le sentiment que je perds ce que j’ai appris. Le salaire oui, mais ça m’affecte moins.

Femme, maîtrise en communication #23

Cette situation illustre le fait que, pour certains jeunes, la priorité est donnée, dans une plus forte mesure, à un emploi dans lequel on peut utiliser ses compétences plutôt qu’à la rémunération que l’on reçoit.

Je me sentais surqualifié. Et beaucoup moins payé que ce que j’aurais pu gagner avec mon diplôme. Mais je considère que le salaire doit refléter l’utilité de notre travail et non pas notre diplôme. C’est normal. J’ai fait des études pour avoir un emploi que j’aime non pas pour l’argent. Pour moi, la priorité est de faire ce que j’aime.

Homme, maîtrise en relations industrielles #10

J’étais surqualifiée au niveau du salaire et des tâches. Mais c’était au niveau des tâches que la situation me posait problème. J’étais déclassée pour le salaire, mais ce n’est pas ça qui comptait. Je me dis toutefois que peut-être ma surqualification va m’aider plus tard à appliquer pour des emplois de niveau supérieur, un peu plus expert, qui demandent des études de maîtrise justement. À court terme, ce n’est pas perdu. On ne sait jamais à quoi la surqualification va servir.

Femme, maîtrise en communication #23

Comme on le voit dans ces extraits d’entrevue, pour certains diplômés, les situations de surqualification peuvent comporter également des avantages et s’ancrer dans une stratégie professionnelle parfois préméditée ou qui se dessine au fil des évènements. Malgré la surqualification, un emploi peut apporter une certaine stabilité financière et être un tremplin vers un autre emploi ou vers une mobilité géographique. Certains diplômés peuvent accepter délibérément d’occuper un poste pour lequel ils sont surqualifiés afin de mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale, ou lorsque l’entreprise pour laquelle ils travaillent est située dans une localité différente de celle de leur conjoint. Sur ce plan, le rapport à la surqualification varie selon des critères personnels, des priorités et des attentes que se fixe chaque individu.

J’avais un emploi dans un ministère qui n’était pas à la hauteur de mes compétences. Je me sentais fortement surqualifiée. Mais, en étant permanente, j’avais la possibilité de chercher dans d’autres ministères, et aussi ailleurs, un autre emploi.

Femme, maîtrise en relations industrielles #2

Je voulais déménager, et cet emploi qui n’était pas à la mesure de mes compétences me permettait de déménager à Québec. Parce que je sais très bien que les emplois au collégial, où je veux m’en aller, ça commence par des petits contrats. Des remplacements, des 50% de tâches. Mais je ne me serais pas vu partir de Sherbrooke, déménager toute la famille, la fin de l’emploi de ma conjointe, pour un 50% de tâches. Donc, en acceptant cet emploi à l’université, qui était renouvelé à chaque année, jamais sûr, mais au moins sûr pour une année, je me donnais l’assurance de pouvoir m’installer à Québec. La surqualification était pour moi stratégique.

Homme, maîtrise en sciences de la nature #21

Les interviewés indiquent également que le rapport à la surqualification évolue en cours d’emploi. Le sentiment de surqualification n’est pas d’intensité constante dans le temps. Ainsi, pour certains de ces diplômés universitaires, un début d’emploi est souvent marqué par un sentiment de sous-qualification, étant donné le manque d’expérience relié à ce premier emploi. Mais au fur et à mesure qu’ils acquièrent de l’expérience, la perception initiale de sous-qualification sera vraisemblablement remplacée par une perception de qualification adéquate ou de surqualification.

À la fin de mes études, j’ai travaillé dans un autre secteur que celui pour lequel j’ai été formée, j’avais peu d’expérience et même si l’emploi ne demandait pas mon niveau d’étude, je me sentais sous-qualifiée. Ensuite, quand j’ai acquis de l’expérience, les tâches me semblaient plates, j’avais vraiment le sentiment que je suis surqualifiée.

Femme, baccalauréat en mathématique #20

On observe que, quand ils parlent de la surqualification, les diplômés ne se réfèrent pas toujours à leur niveau de formation, mais plutôt à l’expérience qu’ils ont dans leur emploi. Ils se considèrent souvent surqualifiés par rapport au diplôme, mais pas par rapport à leur expérience. Pour d’autres, le sentiment de surqualification est plus prégnant dans les premières années après la diplomation et il se dilue ensuite.

Au début, j’ai supervisé trois employés, ma tâche de travail n’était pas compliquée, je me disais souvent que je suis surqualifiée pour l’emploi que j’occupe. Mais ensuite j’ai eu des responsabilités plus importantes comme la conception de programmes complexes et je sentais que j’utilise mon plein potentiel.

Femme, baccalauréat en service social #18

Il faut également mentionner que certains diplômés considérèrent que, pour s’estimer surqualifiés ou non, il faut tenir compte de l’évolution des qualifications requises pour les postes de travail. Un professeur de cégep qui a un doctorat est-il surqualifié seulement parce que, par le passé, ce poste était occupé par quelqu’un qui détenait seulement une maîtrise? s’interroge un diplômé interviewé (Homme, baccalauréat en science politique, #25). Dans ce cas, on pourrait parler d’une « surqualification apparente » puisqu’elle ressort seulement des mesures statistiques, qui ne prennent pas en compte l’évolution réelle des caractéristiques des emplois. Comme le mentionne le même diplômé,

on n’est jamais surqualifié pour un poste qu’on occupe. La complexification des tâches associées à un poste, la nécessité de maîtriser les technologies de l’information qui n’existaient pas auparavant, font en sorte qu’on n’est jamais surqualifié.

Le degré de complexité des tâches qui s’amplifie dans le temps et la prise de conscience de cette complexité peut annuler, d’une certaine manière, le sentiment de surqualification.

En partant du constat statistique qu’en tant que « titre générique », le diplôme est atteint par une production inflationniste, nous avons mis en évidence l’augmentation du nombre de diplômés et le décalage entre l’évolution de ce nombre et celui des postes qualifiés. Cependant, à la différence de la monnaie, dont la surproduction peut être inflationniste, les diplômes ne sont pas égaux, le contenu reflété par chacun étant différent. Notre cadre d’analyse fondé sur les concepts d’insertion professionnelle en tant que « position stabilisée sur le marché du travail » (Mansuy, 2001), de rapport instrumental et symbolique au diplôme, et de sentiment de surqualification nous a permis de mettre en relief deux principaux constats. En premier lieu, la majorité des diplômés accordent au diplôme une valeur instrumentale. Ils le considèrent comme une porte d’entrée sur le marché du travail, un élément indispensable pour l’accès à des emplois corporatifs ou un outil pour des gains financiers supérieurs. Sur le marché du travail, le diplôme apparaît de plus en plus nécessaire mais de moins en moins suffisant pour l’accès à un emploi convoité. Le champ disciplinaire s’avère un facteur de différenciation du rapport au diplôme. Ainsi, plus un diplôme est difficile à obtenir ou constitue un critère incontournable pour l’entrée dans une profession, mieux il est considéré. Les logiques scolaires et professionnelles régissent le rapport au diplôme. Elles font en sorte que les formations professionnalisantes, celles qui préparent à des professions et des métiers bien identifiés tels qu’ingénieurs, comptables, architectes, informaticiens, etc. ont un niveau d’arrimage au marché de l’emploi plus important que les formations disciplinaires; le rapport au diplôme des premiers est plus « solide » et s’exprime davantage par des compétences acquises. Mais, indépendamment de leur valeur marchande, les diplômes possèdent aussi une valeur symbolique qui renvoie à des éléments individuels de prestige, d’habilitation culturelle, de reconnaissance ou purement et simplement de plaisir intellectuel. Sur le « marché du diplôme », on retrouve des individus qui tirent de la possession des diplômes des avantages sur le « marché des positions sociales ». L’université délivre non seulement des compétences spécifiques en lien avec le marché du travail, mais aussi une « culture de statut » (Heath et Cheung, 1998), soit des valeurs et des attitudes qui, dans la vie de certains individus, comptent autant que les savoirs. La perception du diplôme tire sa substance de sa valeur sur le marché du travail, mais aussi d’éléments subjectifs en fonction de la situation particulière et de l’expérience personnelle de chaque individu.

En second lieu, les résultats présentés dans cet article montrent que des facteurs sociologiques tels que les représentations, les valeurs et les préférences individuelles, les stratégies professionnelles ou la position dans la hiérarchie sociale interviennent dans le rapport des individus aux situations objectives de surqualification révélées par les études quantitatives. Le sentiment de surqualification repose à la fois sur les caractéristiques de la réalité professionnelle objective et sur la perception subjective de cette même réalité. Si les données statistiques nous informent sur l’étendue du phénomène, elles révèlent peu de choses sur la manière dont les diplômés de divers niveaux et domaines d’études vivent la surqualification à différentes étapes de leur parcours professionnel, sur les logiques sociales qui la sous-tendent, ou sur la façon dont ils évaluent le rendement de leur diplôme, compte tenu de leur parcours professionnel ou de leurs aspirations. Sans une analyse de la perception personnelle de la surqualification et des comportements qu’elle induit, ce phénomène ne peut être saisi à sa juste mesure. Pour les diplômés universitaires qui ont fait l’objet de notre recherche, ce type d’analyse montre que le sentiment d’être surqualifié résulte de l’impression qu’ont ces diplômés que leurs compétences acquises à l’université ne sont pas utilisées dans l’emploi qu’ils exercent, mais aussi du manque de reconnaissance de leurs employeurs par rapport aux diplômes qu’ils détiennent ainsi que de leur sous-rémunération, qui cependant joue dans une moindre mesure. De même, certains vivent la surqualification comme une situation contrainte, liée aux besoins de stabilité financière ou, de manière stratégique, comme tremplin vers un autre emploi. Il ressort également des analyses que le sentiment de surqualification est plus prégnant dans les premières années sur le marché du travail et qu’il se dilue ensuite avec l’avancement dans la carrière, ce qui rejoint les résultats de plusieurs enquêtes par questionnaire réalisées sur ce sujet (voir notamment Li, Gervais et Duval, 2006). Si la surqualification désigne un phénomène reposant sur la norme voulant que les années de qualification acquises par un individu correspondent au niveau de qualification requis pour l’emploi qu’il occupe – sur la base du postulat qu’il doit y avoir une adéquation entre les ressources investies en éducation et leur utilisation par le marché du travail –, on constate que sur le plan de la subjectivité et de la référence au vécu personnel, des diplômés « objectivement » surqualifiés peuvent ne pas percevoir cette situation comme telle. S’ils la perçoivent, ils identifient la source de leur sentiment de surqualification dans des aspects comme la non-utilisation des compétences dans les tâches effectuées, la non-reconnaissance de leur formation par les employeurs ou le manque d’expérience. Il existe toujours un écart entre la « norme sociale » qui concerne la diplomation et la surqualification et le vécu subjectif des acteurs sociaux (Vultur et Bélanger, 2014). L’individu est plus que son diplôme et il ne vit pas en constante référence à celui-ci. Dans les faits, il se distancie des repères normatifs pour faire place à ses repères personnels.

L’analyse du rapport au diplôme et du sentiment de surqualification présentée dans cet article comporte évidemment des limites qui ont trait principalement à l’orientation des analyses à l’intérieur de l’approche qualitative choisie. Ainsi, nous avons analysé le rapport au diplôme et la perception de la surqualification à partir du discours des diplômés sans prendre en compte de manière systématique les conditions objectives de leur situation professionnelle ou familiale ainsi que l’ensemble de leur trajectoire à l’université ou sur le marché du travail. Un ancrage dans l’analyse du statut socioprofessionnel des individus et de leur situation familiale dépassant le seul aspect discursif aurait permis des analyses plus approfondies et nuancées. Il aurait été nécessaire de croiser les informations sur les statuts professionnels des participants à la recherche et les caractéristiques des emplois qu’ils ont occupés afin d’avoir une image plus détaillée de leur rapport au diplôme et de leur sentiment de surqualification. De même, nous n’avons pas analysé le rapport entre les situations de surqualification contraintes qui peuvent affecter certains diplômés et leur influence sur la perception de la surqualification et les situations de surqualification choisie, ce qui aurait pu révéler des aspects intéressants. Pour cerner l’impact des caractéristiques structurelles du marché du travail sur le rapport au diplôme et à la surqualification ainsi que la modification de ce rapport dans le temps et ses facteurs sous-jacents, il y aurait aussi lieu de recourir à une approche longitudinale, piste de recherche à forte valeur heuristique. Cet article avance des prolégomènes à une sociologie des diplômes et de la formation permettant d’apporter des points de vue complémentaires aux thèses qui considèrent le diplôme exclusivement dans sa relation avec le marché du travail, et la surqualification, envisagée uniquement sous l’angle économique, comme une allocation inefficace des ressources. Notre article défend un mode d’approche original et insuffisamment exploité dans le champ de la sociologie des diplômes, et débouche sur des perspectives d’analyse qui pourraient contribuer à une meilleure compréhension de la dynamique actuelle de la production des diplômes universitaires et du phénomène de la surqualification.