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Introduction

Le gaz de schiste, qui est extrait d’une roche compacte et impénétrable dans le sous-sol, présente de nombreuses similarités avec les sables bitumineux. Bien que cela ne fasse pas l’unanimité, il demeure qu’il s’agit de deux hydrocarbures non ordinaires qui utilisent dans leurs procédés de grandes quantités d’eau pour leur extraction. Par conséquent, ces industries génèrent d’abondants déchets toxiques qui sont placés dans des lacs de décantation (Mousseau, 2010).

L’eau est un des éléments vitaux de tous les écosystèmes de la planète Terre. Les eaux souterraines, quant à elles, jouent un rôle vital dans le maintien de l’habitat de plusieurs espèces, dont l’humain, car celles-ci alimentent un grand nombre de lacs et de rivières, et servent comme principale source d’approvisionnement pour une grande partie de la population mondiale (Vega et Vega, 2014).

L’utilisation de produits chimiques dans la fracturation hydraulique présente un risque important de contamination des eaux souterraines, non seulement à cause de ce qui est ajouté à l’eau pour faire l’extraction du gaz, mais aussi à cause des fuites de méthane qui peuvent atteindre les aquifères. En fait, ce risque est devenu la principale préoccupation qui, à ce jour, a été déterminante pour l’acceptabilité sociale de cette industrie au Québec (Bureau d’audiences publiques sur l’environnement [BAPE], 2014).

Le Québec a amorcé une vaste réflexion sur le développement de l’industrie du gaz de schiste en 2009 et a mandaté à deux reprises le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (ci-après BAPE) pour entreprendre des consultations auprès de la population. Celui-ci a déposé un premier rapport sur les enjeux liés à l’exploration et à l’exploitation du gaz de schiste en 2011 (BAPE, 2011) et un deuxième en décembre 2014 (BAPE, 2014). À la suite des rapports, le gouvernement actuel a décidé de ne pas aller de l’avant pour le moment avec le développement de cette filière énergétique au Québec (Sioui, 2014). Étant donné le caractère temporaire de cette décision, nous tenons à exposer dans le présent texte la faiblesse réglementaire entourant cette activité au Québec qui ne permettrait pas, relativement à un possible développement de cette industrie, d’assurer le droit des populations et de toutes les espèces vivantes à la conservation des ressources en eau propre pour leur avenir (Vega et Vega, 2014).

La criminologie environnementale, ou criminologie verte, est une nouvelle école de pensée qui propose de sanctionner les conduites qui causent des dommages graves à l’environnement. Cette école de pensée laisse de côté la définition du crime impliquant uniquement des dommages causés à l’humain, pour s’intéresser aux dommages portés à l’environnement. Ainsi, en identifiant des victimes, autres que l’humain, cette école tente de couvrir un grand nombre de dommages qui touchent les autres espèces vivantes et leur habitat sur la planète. Elle propose de changer l’approche traditionnelle du droit criminel centré sur l’humain uniquement pour se situer dans une perspective plus large qui couvrirait le monde entier, soit l’environnement comme un tout qui doit être protégé (Lynch et Stretesky, 2014).

Dans le présent article, nous analyserons la problématique de la contamination de l’environnement et des eaux souterraines qui est soulevée par le développement de l’industrie du gaz de schiste, et ce, à la lumière des principes mis de l’avant par l’école de la criminologie environnementale. Nous exposerons tout d’abord les principales assises de cette école de pensée (1), pour ensuite cerner les risques de dommages à l’environnement posés par les activités d’exploration et d’exploitation du gaz de schiste (2). Nous analyserons ainsi, à la lumière des principes proposés par cette école, l’efficacité du cadre réglementaire existant au Québec pour assurer la protection de l’environnement relativement au développement de cette filière énergétique (3).

1. La criminalité environnementale

La criminologie environnementale est un courant de pensée qui s’est vivement développé dans les années 1990, notamment lorsque le professeur Lynch (Lynch, 1990) a fait un appel à la reconnaissance de la criminologie environnementale, compte tenu du constat des dommages incommensurables causés à l’environnement et de l’absence d’une typologie criminelle existante pour sanctionner ce type de destruction de la planète (Stretesky, Long et Lynch, 2014).

Cette école de pensée souligne l’envergure des atteintes à l’environnement qui peuvent, en termes de dommages, être même plus importantes que les dommages reliés aux crimes ordinaires associés la plupart du temps à la propriété. On fait référence aux impacts comme la déforestation, la pollution de l’air et des sols, la disparition d’espèces, les milliers de cours d’eau pollués, le réchauffement climatique qui fait fondre les glaciers et les neiges des montagnes, le changement dans la salinité et l’acidité des océans (Lynch et Stretesky, 2014).

L’impact des crimes faits à l’environnement ne se limite pas à la destruction des écosystèmes. En effet, ces crimes intensifient l’injustice sociale, car ils affectent la santé et la sécurité humaine, et par le même effet, la jouissance des droits fondamentaux à la vie, à la santé et à l’alimentation (Manirabona, 2014). Ainsi, dans la plupart des cas de criminalité environnementale, les victimes sont tant les humains que les non-humains (la faune, la flore et leurs habitats), et ces conduites peuvent être assimilées aux crimes contre la vie, la sécurité et même, contre l’humanité (Manirabona, 2011).

Il est à noter que des dommages graves à l’environnement peuvent découler tant des activités illégales que des activités légales (Manirabona, 2014). En effet, les modes de développement qu’a connus l’humanité ont causé des pertes incommensurables à l’environnement, même si ces pertes ont été causées par des activités qui sont considérées comme étant légales ou licites. Plus encore, de nouvelles activités qui compromettent la survie des écosystèmes et qui risquent également de porter atteinte à la santé humaine se développent sans cesse. C’est le cas de l’exploitation du gaz et du pétrole dans le schiste, industries qui augmentent de façon importante les risques de dommages à l’environnement et à la santé humaine, non seulement à cause de leur impact sur le plan des changements climatiques, mais aussi à cause du risque de pollution des eaux et des sols.

Certes, ces activités ne sont pas définies par la loi comme étant des activités criminelles, mais elles peuvent produire des dommages irréparables à l’humanité et à la planète entière. Par conséquent, plusieurs auteurs revendiquent la reconnaissance de ces dommages comme étant criminels et devant être bannis par la société, comme le professeur Lynch l’explique :

just because a behavior isn’t defined as criminal behavior doesn’t mean there is no harm, that the harm is minor, or that the harm is adequately defined in law. And, it’s the harmful outcome, not the behavior as defined by the rule of law that should be examined and should become the subject matter of criminology.

Lynch et Stretesky, 2014, p. 7

L’une des principales limites que présente l’école de la criminologie environnementale est la difficulté à définir ce que l’on considère comme dommage à l’environnement. En fait, les dommages, et par conséquent les conduites à proscrire, sont définis par la société qui doit déterminer ce qui est dommageable. Ce débat impose en soit de décider entre les intérêts de l’économie et de la protection de l’environnement, les limites à la croissance économique, mais aussi de discerner de quel côté la balance devrait pencher, dans un cas en particulier, soit l’homme, les animaux ou les écosystèmes comme un ensemble qui doit être préservé (White, 2007). Les sociétés devront donc mettre dans la balance les divers intérêts pour arriver à un modèle plus équilibré de vie qui assure pour certaines sociétés soit le développement durable ou pour d’autres, le bien-vivre (Vega, 2015). Il est à souligner que dans des pays fédéraux comme le Canada, la définition des crimes peut s’avérer d’une complexité majeure. En fait, un tel débat devra se faire à une double échelle, soit à l’échelle canadienne, mais aussi à celle des provinces, et ce, à l’intérieur de leurs pouvoirs respectifs, en vertu du partage des compétences (Vega et Vega, 2010).

Parmi les définitions le plus répandues de ce qui devrait être considéré comme dommage ou crime à l’environnement, on retrouve celle en vertu de laquelle le crime environnemental est toute conduite humaine qui cause la destruction et la dégradation de l’environnement. Il sera ensuite important de déterminer la fine ligne entre le degré de destruction qui permet quand même à l’humain de vivre et celui qui devra être sanctionné en fonction des répercussions ou du spectre des conséquences des dommages sur l’humain, sur la société et sur la biodiversité.

Une fois définie la conduite comme portant atteinte à l’environnement, et notamment lorsqu’elle est définie comme criminelle, il est essentiel d’y réagir. Il y a une panoplie d’interventions possibles qui vont de la simple persuasion (cibles de performance environnementale) à l’utilisation des poursuites criminelles. Le renforcement du droit de l’environnement devient une des pierres angulaires de la lutte contre la pollution, surtout lorsqu’il a été prouvé que le comportement des entreprises diffère selon le cadre juridique étatique. Ainsi, une entreprise multinationale aura un comportement plus responsable au niveau de la protection de l’environnement là où le cadre juridique lui impose des contraintes et des cibles de protection que dans un pays où la législation est permissive à cet égard (White, 2008).

Enfin, comme une faiblesse réglementaire généralisée pour sanctionner comme il se doit les dommages causés à l’environnement a été constatée, mais aussi compte tenu de la difficulté à prouver une faute répréhensible en droit lorsque des dommages surviennent, cette école de pensée prône la reconnaissance du droit à être protégé de toute dégradation environnementale et du droit à la prévention des dommages avant que ceux-ci ne surviennent (White, 2013). Cette école préconise en fait d’agir en amont, en considérant non seulement le principe de précaution qui gravite autour de la question du risque, mais aussi le principe d’équité intergénérationnelle en vertu duquel les générations futures ont le droit de jouir d’un environnement de qualité égale ou supérieure à celui dont jouit la génération présente (White, 2007).

Ayant exposé brièvement certaines assises de l’école de la criminologie environnementale, étudions maintenant les dommages à l’environnement qui peuvent être causés par des activités liées à l’industrie du gaz de schiste.

2. L’impact environnemental des activités liées à l’industrie du gaz de schiste

Les études récentes sur l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste soulèvent des risques potentiels de contamination de l’environnement, notamment des ressources en eaux souterraines (Institut national de santé publique du Québec, 2010). Afin de mieux comprendre la portée de ces risques, il importe de décrire les aspects de l’exploitation du schiste pouvant avoir un impact sur la qualité de l’eau.

La technique de fracturation hydraulique utilisée pour créer une perméabilité supplémentaire dans un réservoir et permettre ainsi au gaz de circuler plus facilement dans le puits de forage est devenue la norme de l’industrie. Les récents développements dans la fracturation hydraulique impliquent le pompage de grands volumes d’eau et de sable dans le schiste pour induire de nouvelles fractures, mais également pour augmenter celles déjà existantes. Le processus de fracturation hydraulique commence par le pompage d’un composant chimique afin de nettoyer la zone qui entoure le puits, zone qui sera ensuite bouchée avec de la boue de forage et du ciment. L’étape suivante consiste à ajouter à l’eau un additif chimique de réduction de frottement, lui permettant d’être pompée plus rapidement et, de la sorte, de fournir plus de fractures. Après un premier bouchon d’eau, l’opérateur commence le processus de fracturation par pompage d’un mélange d’additif et de sable afin de maintenir les fractures ouvertes. La dernière étape consiste à chasser l’eau pour enlever l’agent de soutènement de l’équipement et des puits de forage (Arthur, Bohm et Cornue, 2009). Il est important de souligner qu’une roche initialement peu perméable va devenir plus perméable grâce à ces procédés (Rouleau et al., 2010).

L’un des risques les plus importants en ce qui concerne la contamination des eaux souterraines découle de ce qui est ajouté à l’eau. Les composants chimiques contenus dans les roches qu’on exploite, les concentrations de métaux lourds et d’éléments toxiques piégés dans les feuilles de la roche qui ne représentent jusque-là aucun danger environnemental deviennent un risque dès lors que l’eau et les autres solvants introduits sous pression les font ressortir (Mousseau, 2010).

En raison des importants volumes d’eau utilisés dans la fracturation hydraulique, un grand volume d’eau résiduelle retourne à la surface après que la pression de pompage a été soulagée du puits. Cette eau est un mélange de fluides de fracturation et d’eau de formation naturelle qui est considéré comme des déchets toxiques. De nombreuses préoccupations ont été soulevées, notamment en ce qui a trait au stockage de l’eau de reflux en bassins ouverts à cause des risques de débordement pendant ou après les pluies, en raison des produits chimiques volatils qui peuvent être émis dans l’air et, surtout, en raison des infiltrations éventuelles des eaux de reflux dans la nappe souterraine (Arthur, Coughlin et Bohm, 2010). En outre, certains experts ont soulevé le danger potentiel de certains éléments chimiques et potentiellement toxiques des eaux de reflux qui pourraient être nuisibles à la santé des habitants des environs (Institut national de santé publique du Québec, 2010).

Pour ces raisons, l’eau de reflux est éliminée et n’est pas réutilisée pour la fracturation d’autres puits. Ces déchets sont généralement éliminés par injection dans des nappes phréatiques profondes situées en dessous des formations d’eau potable. La principale préoccupation qui découle de cette façon de procéder réside dans la possibilité que ces eaux injectées contaminent les eaux souterraines saines. Certains estiment que ces risques sont faibles puisque ces eaux résiduelles sont injectées à des centaines de mètres sous les nappes phréatiques, et étant donné que les schistes sont imperméables, l’eau de la fracturation ne peut remonter vers ces nappes, à moins qu’il n’existe des fissures permettant à ces eaux de s’échapper (Mousseau, 2010). Or, ces risques ne peuvent être considérés comme impensables, considérant l’existence de fissures dans les parois des puits par lesquelles le méthane pourrait s’échapper et, de la sorte, contaminer les eaux souterraines et les puits environnants pendant les travaux de forage (Foisy et McEvoy, 2011).

Selon certains experts, le risque de fuite de gaz est important puisque même après la vie utile d’un puits, il resterait environ 80 % du gaz de schiste à l’intérieur de celui-ci, comparativement à 5 % quand il s’agit de gaz naturel (Foisy et McEvoy, 2011). De plus, les obturations n’auraient pas une longue durée de vie et la pression des gaz continuerait à croître lentement, ce qui pourrait causer la détérioration du puits et l’augmentation des fuites de méthane qui monteraient en quantité importante vers les eaux souterraines situées à des niveaux supérieurs. Enfin, après la vie utile d’un puits, la pression dans le forage et dans l’unité de schiste reprendrait à peu près les mêmes valeurs qu’elle avait au début de la période d’extraction du gaz, avec la différence que la perméabilité du schiste étant augmentée, les fluides (gaz résiduel, saumures, etc.) y circuleraient plus facilement qu’auparavant (Rouleau et al., 2010).

Des fuites qualifiées de normales se sont présentées dans 19 des 31 puits déjà forés au Québec au début de 2011. D’ailleurs, un avis d’infraction a été délivré à la compagnie Canbriam Energy puisque son puits situé dans la municipalité de La Présentation a connu une fuite importante pouvant contaminer les eaux souterraines. D’autres fuites se sont présentées dans des puits de la compagnie Talisman, dans la municipalité de Leclercville, fuites qui ont été considérées dans le rapport du BAPE de février 2011 (BAPE, 2011) comme étant « le cancre en matière de fuites », puisque ces puits laissaient échapper chaque jour une quantité importante de méthane en raison d’une faille naturelle. La fuite a été finalement bouchée et le superviseur de l’industrie gazière au Ministère a déterminé que le gaz qui s’échappait était effectivement du gaz de schiste (Foisy et McEvoy, 2011).

Selon certains, aucune étude n’a encore formellement confirmé le danger que représente la fracturation hydraulique. Or c’est tout à fait normal, considérant que l’industrie de gaz de schiste a démarré il y a près de dix ans. Les complications se présenteront avec le temps, puisque les conséquences des gaz libérés par la fracturation « vont se poursuivre sur des siècles et des millénaires » (Foisy et McEvoy, 2011).

Force est de constater qu’il existe d’importantes controverses autour des impacts de la fracturation hydraulique et des activités de l’industrie du gaz de schiste, tant pour l’environnement que pour la santé humaine (Stretesky et al., 2014). Ceci étant dit, le risque élevé de contamination de l’environnement et des eaux souterraines a conduit plutôt à la limitation de ce type d’activité, notamment à proximité des communautés urbaines. C’est en fait pourquoi plusieurs nations ont jusqu’à présent limité ou banni les opérations reliées à la fracturation hydraulique dans leur territoire (Kaplan, 2014).

Ayant établi les principaux risques soulevés par cette industrie en ce qui concerne la contamination de l’environnement et plus particulièrement des eaux souterraines, analysons maintenant le cadre juridique existant au Québec visant à protéger la qualité de l’environnement dans le contexte du développement de l’industrie du gaz de schiste, et ce, à la lumière des principes proposés par l’école de la criminologie environnementale.

3. Le cadre juridique concernant la protection de la qualité de l’environnement et plus particulièrement de la protection des eaux souterraines au Québec

Les régimes de protection prévus à la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE, 2014), ses règlements et le Code civil du Québec (C.c.Q, 2011) contiennent des dispositions qui visent à protéger l’environnement. Certes, ces corps juridiques placent l’individu au centre des dispositions, notamment le droit civil qui vise entre autres à protéger la propriété privée, mais il reste que la LQE va néanmoins un peu plus loin en reconnaissant le droit de toute personne de profiter d’un environnement de qualité et le droit de celle-ci à demander sa protection et la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent.

Si l’on analyse le niveau de protection offert par ces deux régimes juridiques, ils présentent deux grandes difficultés en ce qui a trait à leur application, tout d’abord parce qu’ils sont marqués par l’exigence de la présence d’une faute comme étant un préalable pour se prévaloir des recours prévus par ces dispositions. En effet, pour qu’il y ait une sanction, il doit y avoir une contravention à une loi ou à un règlement et le requérant devra en faire la preuve. Ensuite, dans la mesure où la personne qui pollue le fait en vertu d’autorisations gouvernementales, et d’une activité légale, elle serait en principe à l’abri d’un recours judiciaire en vertu de ce cadre juridique, car elle aurait un permis pour polluer en vertu du principe pollueur-payeur consacré dans la législation québécoise (3.1).

Par ailleurs, la ressource hydrique à la lumière de la nouvelle loi sur l’eau, la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection de 2009 (ci-après, Loi sur les ressources en eau), devient le patrimoine commun de la nation québécoise. L’État devient donc le gardien des intérêts de la nation dans la ressource « eau » et devra veiller à sa protection et à sa bonne gouvernance (Halley et Gagnon, 2012).

En tant que bénéficiaires du patrimoine commun – puisque l’usage de l’eau est commun à tous les habitants du territoire québécois –, les habitants pourraient avoir le droit d’intenter une action contre l’auteur des préjudices à la ressource hydrique, et ce, même au-delà de l’existence d’une faute. Certes, le législateur a innové et a été plutôt avant-gardiste en adoptant ce nouveau cadre juridique qui vise la protection des ressources en eau, cependant, comme nous le constaterons dans les pages qui suivent, en cas de pollution des eaux souterraines par une industrie comme celle du gaz de schiste, certains recours pourront difficilement être intentés, comme nous aurons l’occasion de le voir plus en détail dans la partie consacrée à la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection (3.2).

3.1 Les recours en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement et du Code civil du Québec

Nous avons souligné précédemment les risques de contamination des eaux souterraines lors de l’exploitation et l’exploration du gaz de schiste. À l’heure actuelle, plusieurs lois consacrent différents recours en matière de protection des ressources en eau. Certains de ces recours sont prévus par le Code civil du Québec (C.c.Q, 2011) et, plus particulièrement, par l’article 982. Cet article donne la faculté aux usagers d’une rivière souterraine d’exiger la destruction ou la modification de tout ouvrage qui pollue ou épuise l’eau, à moins que cela soit contraire à l’intérêt général.

La question qui se pose est donc celle de savoir si le recours consacré en vertu de l’article 982 du C.c.Q. peut servir à exiger la destruction ou même la non-implantation d’une activité ou d’une industrie qui pollue l’eau souterraine et, plus particulièrement, un puits de forage avec fracturation hydraulique qui polluerait les eaux.

Certains auteurs soulignent la portée limitée de ce recours, considérant que pour avoir gain de cause, le dommage doit être présent, et non futur, car le dommage doit être prouvé. En effet, l’on doit être en présence d’une pollution certaine et non d’un simple risque de pollution. Comme le gaz de schiste est une industrie assez récente, l’incertitude scientifique existante en ce qui a trait aux préjudices possibles limite grandement les usagers d’une rivière souterraine de se prévaloir de ce recours. En fait, ces dispositions ne permettent pas d’empêcher une industrie d’opérer que sur le risque environnemental possible. En conséquence, à la lumière de la criminologie environnementale, cette disposition ne permettrait pas de garantir le droit aux populations de prévenir les dommages à l’environnement avant que ceux-ci ne surviennent, car elle n’intègre ni le principe de prévention ni, encore moins, celui de précaution prôné par cette école de pensée.

Ce recours pose également un problème pour ce qui est de la preuve, et ce, dans la mesure où une personne ordinaire aurait une difficulté réelle à identifier les substances polluantes qui se trouvent dans un puits d’exploitation, pour ainsi prouver le lien entre les polluants retrouvés dans un échantillon d’eau prise à plusieurs kilomètres du site d’exploitation. En effet, le secret industriel est protégé notamment par la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, qui interdit de communiquer le secret industriel d’un tiers ou un renseignement industriel fourni par un tiers de façon confidentielle sans son consentement (BAPE, 2014). En somme, ce recours serait surtout utile en présence d’une contamination dont la seule source ne peut provenir que de cette activité (Daigneault, 2012).

L’approche adoptée par ce cadre réglementaire, loin d’être efficace dans le cas de la pollution qui provient des industries comme celle du gaz de schiste, est plutôt en contradiction avec les principes mis de l’avant par la criminologie environnementale. Ainsi, cette législation est manifestement fondée sur une approche anthropocentrique, car elle exige la présence d’un dommage subi par la personne qui a un droit d’usage sur la ressource. Tel qu’on l’a expliqué, pour intenter ce recours, la personne qui réclame la modification ou la destruction de l’ouvrage doit avoir un droit d’usage en vertu des dispositions législatives.

Plus encore, un individu ne pourrait invoquer cet article si un permis a été octroyé en conformité avec la loi pour un ouvrage quelconque et que la destruction ou la modification exigée était contraire à l’intérêt général. En conséquence, dans l’éventualité où cette industrie avait été autorisée par le gouvernement, l’efficacité de ce recours serait encore plus remise en question, puisque les activités de cette filière pourraient être justifiées au nom de « l’intérêt général ».

Dans le même sens, le régime de responsabilité civile consacré dans le Code civil du Québec est réputé avoir une portée très limitée pour s’attaquer aux conduites polluantes. En effet, les litiges fondés sur la responsabilité civile de l’article 1457 et des suivants du Code civil du Québec sont d’utilité, mais surtout lorsque la pollution ou les préjudices apparaissent individualisés et délimités, et où la faute est clairement identifiable. Dans l’éventualité où la fracturation hydraulique était autorisée, on ne pourrait utiliser ce recours que dans la mesure où il y a une faute, ou bien lorsque l’activité dépasse les limites de la tolérance pour le voisinage en vertu de l’article 976 du Code (Ciment du Saint-Laurentc. Barrette, 2008). Une fois encore, le problème de la difficulté à prouver la faute, notamment à cause de la protection du secret industriel, se soulèverait dans le cas où un individu ferait appel à ce régime de réparation.

En somme, ces recours ne permettraient pas aux populations concernées de s’attaquer aux risques de contamination posés par des industries, comme celle du gaz de schiste, si ces activités étaient autorisées, car il s’agirait ici d’activités légales ou permises par la législation (Manirabona, 2014). Donc, même si ces activités comportent des risques potentiellement dangereux, les populations ne pourraient pas se prévaloir de ce régime pour prévenir des dommages. L’école étudiant la criminalité environnementale propose dans ces cas de concevoir un régime qui viendrait sanctionner toute conduite pouvant causer des dommages de façon diffuse, en mettant de l’avant la notion de endangerment qui ne requiert pas la preuve d’un dommage identifiable à une population quelconque (Mégret, 2010).

En effet, dans les cas de pollution diffuse, ample et provenant de diverses sources, les recours du Code civil sont peu efficaces. Ce sera donc la Loi sur la qualité de l’environnement, qui viendra renforcer, en matière environnementale, le droit de la responsabilité civile.

La Loi sur la qualité de l’environnement et ses règlements conçoivent l’eau en tant que composante de l’environnement. Bien que cette loi ait été adoptée dans l’optique de protéger l’environnement, ce régime exige également que le contrevenant ait commis une faute. Dans la mesure où la personne qui pollue le fait en vertu d’autorisations gouvernementales, elle serait en principe à l’abri d’un recours judiciaire en vertu de cette loi.

Certes, l’article 19.2 de la LQE permet qu’une injonction puisse être ordonnée afin de stopper une activité qui porte atteinte ou qui est susceptible de porter atteinte à l’exercice du droit à la qualité de l’environnement prévu par l’article 19.1 de la LQE, mais il stipule clairement qu’une telle ordonnance doit être prononcée « dans la mesure prévue par la loi » et « les règlements ». Donc, si l’industrie du gaz de schiste était autorisée, on ne pourrait pas se prévaloir de ce recours, dans la mesure où elle respecte la loi et les règlements. Ainsi, comme la Cour d’appel l’a souligné dans l’affaire Alex Couture (Alex Couture c. Piette, 1990), le droit à la qualité de l’environnement demeure un droit relatif et non un droit absolu.

De plus, à la lumière de l’article 19.3 de la LQE, il ne suffit pas que l’évènement soit susceptible de se produire. Il doit plutôt être « sur le point de se produire » ou « imminent », comme l’a confirmé la Cour d’appel dans l’affaire Malartic (Malartic [ville de] c. Québec, 2012). Dans cet arrêt, la Cour a clarifié que l’article 20 de la LQE ne vise pas la crainte d’un hypothétique accident environnemental. Ceci implique que lors d’une accusation fondée sur la pollution de l’environnement, la preuve doit démontrer hors de tout doute raisonnable l’existence d’un contaminant interdit ou la présence d’un tel contaminant en quantité ou en concentration supérieure à celle prévue par règlement, tout en en précisant l’origine.

Le recours en injonction dont il est question à l’article 19.3 de la LQE est plus accessible aux citoyens que celui prévu par le droit commun, puisqu’il remplace l’exigence de l’intérêt direct et personnel par celle de fréquentation du site ou de voisinage. Toutefois, ce recours exclut les personnes morales et les associations de protection environnementale.

Mais pour un citoyen, il est difficile, voire impossible, de faire la preuve de l’utilisation d’un contaminant interdit ou d’une concentration supérieure à celle prévue par règlement. En fait, la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels accorde la confidentialité du secret industriel et des renseignements concernant les procédés industriels aux compagnies. Par conséquent, en vertu de cette loi, le ministère de l’Environnement refuse de divulguer les documents indiquant les produits utilisés dans des procédés industriels, notamment par l’industrie du gaz de schiste, car évidemment ces industries s’opposent à la révélation de cette information (Baril, 2012). Donc, le manque d’accès à l’information empêche l’utilisation efficace de ce recours, et de la sorte limite la capacité des citoyens à se prémunir et à combattre la criminalité environnementale.

Bref, même si le Québec a adopté des dispositions interdisant ou limitant le rejet de contaminants, leur efficacité pour protéger l’environnement, notamment en ce qui a trait à des industries comme celle du gaz de schiste, est remise en doute. En effet, l’analyse des dispositions existantes elles-mêmes ainsi que des principes proposés par la criminologie environnementale nous démontre à quel point ces régimes ne sont pas suffisants pour prévenir les dommages que pourraient causer à l’environnement les activités liées à l’industrie de gaz de schiste, surtout si ces activités étaient autorisées par le gouvernement.

Par ailleurs, le Québec a dernièrement adopté la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection (Loi sur les ressources en eau, 2009) qui consacre un nouveau régime de responsabilité sans faute pour les dommages causés aux ressources en eau. Analysons donc dans les pages qui suivent l’efficacité de ce recours à l’égard des risques posés par l’industrie du gaz de schiste.

3.2 Le recours en vertu de la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection

Une gouvernance efficace de l’eau dépend notamment des obligations de l’État comme gardien de la ressource. Au Québec, certaines de ces obligations figurent à la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection, notamment aux articles 4, 5 et 6, qui traitent du devoir de protection, de conservation et de bonne gouvernance des ressources en eau. De plus, selon l’article 13 de cette loi, une bonne gouvernance doit prendre en compte – bien que cela ne soit pas contraignant – les principes de l’article 6 de la Loi sur le développement durable (LDD). En effet, les 16 principes du développement durable doivent être considérés dans les décisions que prend l’administration publique, et ce, depuis l’adoption de cette loi en 2006. Les décideurs doivent donc veiller à la protection de la santé et de la qualité de vie, à la protection de l’environnement, à la préservation de la biodiversité, au respect de la capacité de soutien des écosystèmes et au respect des principes de prévention et de précaution, ainsi que du principe de pollueur-payeur.

La loi sur les ressources en eau a implanté un recours pour la protection de la qualité de l’eau à son article 8, un recours en réparation de dommages qui vise la condamnation du pollueur basée sur la responsabilité sans faute et qui se prescrit par 10 ans à compter de la date de la connaissance des dommages de la part du ministre. En conséquence, toute personne devrait réparer les dommages qu’elle provoque à la ressource dès qu’il est prouvé qu’elle en est l’auteure, et ce, même si elle a respecté les normes applicables à son activité (Choquette et Gilles, 2012).

Certes, même si les responsables d’un site de forage respectent les exigences de la législation actuelle, il serait néanmoins possible qu’ils polluent les eaux souterraines par l’effet même de leur activité. Le recours prévu à l’article 8 de la loi sur les ressources en eau pourrait donc être utilisé ici pour obtenir la réparation du préjudice, puisqu’il s’agirait ici d’une action en réparation objective du préjudice dans une conception de responsabilité sans faute en matière environnementale. En dépit du fait que le fardeau de la preuve est moins contraignant que celui imposé par les régimes antérieurement exposés qui exigent la preuve d’une faute, l’on devra prouver le lien de causalité entre la pollution retrouvée et l’activité industrielle.

Comme cette action ne peut être entamée que par le procureur général, ceci laisse entendre que le recours est discrétionnaire et que le procureur n’aura aucune obligation de poursuivre, laissant les pollueurs continuer leurs activités en toute impunité.

Certains auteurs soulignent toutefois que ce recours impliquerait pour l’État une obligation d’agir (c.-à-d. d’intenter une action) et en conséquence, toute omission à ce devoir devrait éventuellement être justifiée par l’État (Choquette, 2012).

Force est de constater que ce recours, en plus de n’avoir jamais été utilisé, est d’application fort incertaine, puisqu’il est difficile pour l’État d’autoriser la pollution et en même temps de sanctionner les pollueurs. En somme, l’efficacité de ce recours sur la protection de la qualité des eaux reste à être démontrée (Choquette, 2012).

Certains auteurs avancent qu’en cas d’inaction du gouvernement, l’article 6 de la loi sur les ressources en eau permettrait à toute personne de demander la réparation de la ressource, sous forme de remise à l’état initial, de mesures compensatoires ou d’indemnisation de dommages causés à l’eau dans le cadre d’une action en responsabilité civile et en qualité de bénéficiaire du patrimoine commun de la nation (Choquette et Gilles, 2012). Cependant, ce ne serait qu’une action de réclamation en dommages fondée notamment sur la notion de faute, ou le recours en injonction en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement, selon le cas (Bouchard et Gauvin, 2010).

Nous considérons que le législateur a laissé les citoyens sur leur faim, car il aurait pu consacrer dans la loi sur les ressources en eau un mécanisme permettant aux citoyens de déposer une plainte pour enclencher ce recours, d’autant plus qu’ils ont le droit de disposer d’un environnement de qualité.

Malgré cela, il est à souligner que cette nouvelle action prévue par l’article 8 de la loi sur les ressources en eau se rapproche un peu plus des principes mis de l’avant par l’école étudiant la criminalité environnementale, puisque cette disposition vise à sanctionner les dommages causés aux ressources hydriques, au-delà de l’autorisation des activités d’une industrie. Dans ce sens, ce recours constitue une avance vers la reconnaissance de la validité des principes mis de l’avant par cette école de pensée.

Néanmoins, les récents efforts de l’État québécois de renforcer la protection de cette ressource vitale par l’adoption d’une loi sur les ressources en eau et d’une loi visant l’intégration des principes de développement durable, l’impunité face aux dommages causés à l’eau et à l’environnement demeure, surtout si on donne le feu vert à des activités mettant encore plus en péril l’environnement, comme c’est le cas de cette nouvelle filière énergétique. Par conséquent, l’adoption d’une approche qui tient en considération le principe de précaution devient pour le moment le meilleur outil pour prévenir des dommages irréversibles à l’environnement.

Conclusion

Comme nous l’avons exposé précédemment, l’état des connaissances relativement aux impacts environnementaux causés par l’industrie du gaz de schiste indique la présence d’un risque important en matière de contamination de l’environnement et plus particulièrement des eaux souterraines, des milieux naturels et de la biodiversité. Il y aurait d’ailleurs un constat sur la possibilité d’augmentation de près de 23 % des émissions de gaz à effet de serre associés à cette activité (BAPE, 2014). Sans prétendre avoir épuisé le sujet, nous constatons que le cadre juridique actuel relatif à la protection de l’environnement à l’occasion des activités de l’industrie du gaz de schiste ne semble pas être efficace ni pour prévenir ni pour réparer les dommages irréversibles qui peuvent surgir à l’occasion des activités de cette nouvelle industrie.

Adopter une nouvelle législation pour encadrer de nouvelles activités qui peuvent porter atteinte à l’environnement et à l’eau n’est pas une tâche facile, comme le démontre l’évolution des travaux de l’Assemblée nationale en la matière, et plus particulièrement le projet de loi 37 : Loi interdisant certaines activités destinées à rechercher ou à exploiter du gaz naturel dans le schiste en 2013 (Projet de loi 37, 2013), qui n’a pas été adoptée.

Pour le moment, au Québec, la meilleure façon de se prévaloir contre la criminalité environnementale, surtout étant donné la faiblesse démontrée des recours consacrés dans la législation actuelle, est de mettre de l’avant le principe de précaution consacré dans la Loi sur le développement durable à l’article 6 (j), afin d’éviter que des dommages surviennent. Tel qu’il est avancé par les auteurs : « The best way to respond to crime is to prevent it before it occurs, especially for environmental harm, foresight and prudence is needed in order to modify present activities in the light of future potential harms » (White 2008, p. 234).

Considérant que le gouvernement du Québec actuellement au pouvoir a décidé à la suite des recommandations du BAPE (BAPE, 2014) de maintenir un moratoire de facto sur l’exploitation du gaz de schiste, comme ceci a été le cas dans l’État de New York (Kaplan, 2014), mais que cette décision est susceptible d’être révisée à long terme, nous croyons qu’il faut saisir l’opportunité que nous procure cette pause pour repenser, à la lumière des principes mis de l’avant par la criminologie environnementale, les piliers d’un cadre réglementaire adéquat qui permettrait de préserver l’environnement des activités qui impliquent des risques de pollution très importants. (Pensons non seulement aux activités liées à l’industrie du gaz de schiste, mais aussi aux activités comportant de grands risques de dommages irréparables à l’environnement, comme c’est le cas de l’exploration et de l’exploitation du pétrole en dessous des fleuves, de la mer, en Amazonie ou dans l’Arctique.)

Ainsi, le moment semble opportun pour réfléchir sur l’ensemble du cadre réglementaire et sur les mesures de prévention et de précaution qui pourront être adoptées pour mieux encadrer les acteurs impliqués, non seulement ceux reliés à l’industrie du gaz de schiste, mais aussi à toutes les autres activités qui sont très polluantes et dangereuses pour l’environnement. Le principe de transparence devra également constituer un des piliers de ce nouveau régime, afin que le public puisse participer activement et efficacement à la prise de décision liée à l’environnement. Le bien-être collectif devrait donc l’emporter sur tout secret industriel dans le but de protéger les communautés locales et l’environnement. Il serait également question de concevoir des recours efficaces pour protéger la nature, indépendamment des intérêts nettement humains, et de réfléchir à la possibilité de concevoir, comme la criminologie environnementale le propose, un régime qui viendrait sanctionner toute conduite qui peut causer des dommages graves, irréparables, cumulatifs et répandus, en mettant de l’avant la notion de mise en danger (endangerment) qui ne requiert pas la preuve d’un dommage causé à une population quelconque (Mégret, 2010). Plus encore, cette école propose que ce soit les industries qui fassent la preuve préalable indiquant que leurs opérations ne causent pas un dommage grave et irréparable pour les êtres vivants. Elle propose également que les industries obtiennent avant le début de leurs travaux l’acceptation sociale des projets (White, 2013).

Pour y arriver, la rationalité d’un nouveau corps législatif devra pencher plus vers l’écologie que vers l’économie. L’épicentre de la législation environnementale devra être modifié pour ainsi passer d’une posture anthropocentriste à une posture écosystémique où l’homme fait partie de la nature et des écosystèmes qui doivent être protégés en tant que tels.

Bien entendu, ces modifications ne se feront pas aisément, compte tenu des intérêts en jeu, des rapports de pouvoir des parties prenantes, des objectifs gouvernementaux, et du fort lobby de l’industrie. C’est pourquoi une réforme importante du droit demandera une implication active des citoyens, des scientifiques, des experts et des universitaires pour faire avancer le débat et ainsi atteindre une véritable justice environnementale.