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L’entre-deux-guerres correspond, en France, à la popularisation d’un nouveau genre journalistique, le reportage[1], au terme d’un lent essor qui remonte à la guerre de Crimée. Sous l’influence croisée de l’institution littéraire[2] et des poétiques journalistiques de la presse de grande diffusion, le reportage se constitue alors comme une matrice à plusieurs déclinaisons. Des écrivains reconnus (Blaise Cendrars, Jean Cocteau) s’essaient au reportage, et d’autres s’imposent comme écrivains-reporters, auteurs d’une production qui oscille entre reportage et roman (Joseph Kessel, Pierre Mac Orlan ou Francis Carco). Au sein du quotidien, de l’hebdomadaire ou du volume, l’enquête connaît différentes formes, d’un reportage d’actualité à un reportage fictionnalisé, feuilletonesque, et constitue un laboratoire pour une littérature qui se conçoit à la fois comme « vécue » et « romanesque ». Le reportage se dit factuel, tout en empruntant aux codes du roman populaire (romans d’aventures, mystères urbains) et du roman réaliste (puisqu’il se veut une exploration du monde social[3]) hérités du siècle précédent.

Il est marqué cependant par des traits structurels et narratifs qui le distinguent de cette production romanesque et, plus particulièrement, de la forme du roman réaliste-naturaliste[4]. Il présente, d’une part, une narration à la première personne assumée par un reporter-témoin, qui met en scène, dans son récit, les tribulations de son enquête. Le reportage possède une structure narrative double, couplant le récit des faits rapportés à celui de l’enquête ou de la quête d’information, ce dernier constituant la « scénographie[5] » du genre. D’autre part, l’identité du reporter témoin et acteur de son récit coïncide avec celle du reporter narrateur, journaliste et personne civile. En ce sens, le reportage s’inscrit, selon la distinction opérée par Dominique Maingueneau, dans l’« espace associé[6] », parmi les textes qui entretiennent une identité entre l’inscripteur (l’« énonciateur »), l’écrivain (dans ce cas, on peut préférer le journaliste, mais il s’agit de même de « l’acteur qui définit une trajectoire dans l’institution ») et la personne (« l’individu doté d’un état-civil[7] »). En suivant les théories narratologiques de Gérard Genette, on peut ajouter que le reportage entretient, comme l’autobiographie et l’autofiction, une homonymie entre auteur, narrateur et personnage[8].

S’il se distingue du roman réaliste-naturaliste, le reportage s’apparente par ce dispositif énonciatif aux romans réalistes de la troisième phase définie par Jacques Dubois, celle du « réalisme subjectif », tel qu’on le retrouve chez les romanciers français du début du xxe siècle, comme Marcel Proust et Louis-Ferdinand Céline, dont les oeuvres « [filtrent] toute la représentation par le biais d’une subjectivité en action[9] ». D’autant qu’il s’agit d’une subjectivité que divers indices textuels et onomastiques posent comme celle d’un double fictionnalisé de l’écrivain ; en témoigne un imposant discours critique qui sonde rétrospectivement ces oeuvres sous le jour de l’autofiction (cependant encore non conceptualisée comme telle) ou du roman autobiographique[10]. Ce sont quelques potentialités de ce rapprochement entre deux types contemporains de récits à la première personne qui seront étudiées ici, afin que roman et reportage s’éclairent mutuellement, en une forme de « poétique comparée[11] » permise par les avancées de l’histoire littéraire de la presse. Dans ce cadre, il s’agira non pas d’appliquer sans nuances au reportage des définitions de l’autofiction et du roman autobiographique élaborées à propos d’autres corpus, mais bien de penser, à partir d’elles, ce qui spécifie le pacte énonciatif du reportage, en regard du roman contemporain. Je propose à la fois de lire le reportage de l’entre-deux-guerres comme un champ d’expérimentation formelle où émergent des problématiques parentes de celles que soulèvent les grands romans au « je » de la première moitié du xxe siècle, et de replacer ces derniers dans le contexte culturel où ils s’enracinent.

Le reportage d’identification, une « autofiction » journalistique avant la lettre

Je n’entrerai pas dans les ramifications complexes des diverses distinctions proposées, depuis les années 1970, entre les genres de l’autofiction, de l’autobiographie, du roman autobiographique ; l’appartenance générique d’À la recherche du temps perdu ou du Voyage au bout de la nuit ne sera pas non plus débattue. Il importe moins d’établir des frontières que de signaler les traits par lesquels ces récits s’apparentent au reportage ou, à l’inverse, de montrer en quoi le reportage renferme parfois du récit autobiographique. Domaine assez peu exploré par les études littéraires, l’autobiographie médiatique a été envisagée par Philippe Lejeune dans un ouvrage faisant suite au Pacte autobiographique[12]. Il apparaît pertinent de considérer dans ce sillage les genres médiatiques – dont le reportage – sous l’angle de l’écriture de soi[13].

À l’instar des romans du réalisme subjectif, le reportage se présente comme un récit à la première personne, nourri par un matériau autobiographique ; certes, le journaliste ne raconte pas sa vie en entier, mais il le fait de manière fragmentaire, dans la mesure où il rapporte une expérience vécue. La particularité du reportage est de reposer sur un pacte référentiel appelé par le contexte de la presse d’information. Le reporter est investi d’une responsabilité de témoignage : la mise en scène qu’il donne de lui-même est garante de la vérité de son récit, de sa « présence à l’événement raconté[14] », tout comme l’est également « l’attestation biographique du narrateur[15] », selon les modalités de tout témoignage oculaire. Le sceau de la signature constitue un engagement qui relie le récit des faits à une figure de journaliste, à une personne civile.

À l’inverse, l’autofiction comme le roman autobiographique reposent sur un pacte fictionnel (établi par le paratexte) tout en autorisant une lecture biographique, que ce soit en vertu d’une homonymie entre auteur, narrateur et personnage, ou d’autres indices textuels suggérant cette identité[16]. Jacques Lecarme préfère parler d’« engagement » plutôt que de pacte de lecture. Il souligne qu’en dépit d’un pacte de lecture fictionnel, l’autofiction maintient un « engagement véridictionnel » : « le grand projet de l’autofiction : fictionnaliser le nom de personne tout en protégeant sa valeur référentielle et sans renoncer à un modèle d’engagement véridictionnel[17] ». Cette formule me paraît bien synthétiser l’ambivalence du genre. Elle a aussi l’avantage de mettre en relief une subtilité que l’on peut retenir afin de définir le reportage fictionnalisé, conçu comme un récit qui se situerait un degré plus loin sur l’échelle allant du fictionnel au factuel. En effet, l’autofiction, qui émerge dans le contexte de la littérature de la fin du xxe siècle, entend mettre le matériau biographique au service d’une expérimentation formelle. Elle admet d’emblée un jeu assumé avec le vécu, ce dont témoigne la distinction de Lecarme quant au maintien ambivalent d’un pacte fictionnel et d’un engagement véridictionnel. Au contraire, le reportage se popularise à une époque (de la fin du xixe siècle aux années 1930) où la littérature dite « vécue » et documentaire, parce qu’informée par un témoignage ou par une observation du « réel », est fortement revalorisée, comme le laissent voir les étiquettes, collections et paratextes éditoriaux[18]. Conformément à ce cadre, le reportage présente un pacte factuel en phase avec les modalités génériques contemporaines, cependant que l’affranchissement partiel des contraintes rédactionnelles liées à la presse quotidienne (exactitude et actualité de l’information) permet de questionner ce qui se trouve au fondement du genre – l’attestation référentielle appuyée sur l’identité biographique. Ainsi, comme dans le cas de l’autofiction, mais de manière inversée, le statut pragmatique du texte (factuel ou fictionnel), tel qu’il est explicitement revendiqué par une étiquette générique, est remis en question par des procédés littéraires, de manière à interroger la porosité des frontières entre la fiction et ce qu’on pourrait plus largement nommer la « vie » (le réel, le vécu, le matériau biographique). C’est parce qu’il joue de cette ligne fine que je me permettrai de qualifier un certain reportage d’« autofiction » journalistique. Le reportage rejoint par là une des problématiques centrales de l’écriture de soi, qui

fait de l’énonciation du nom à la fois un acte de parole engageant la responsabilité de l’énonciateur, et une interrogation, une recherche qui réalise, dans les formes potentiellement illimitées de la textualisation et de la fictionnalisation, l’ambiguïté constitutive du nom propre masquée par son usage social[19].

Une telle interrogation permet d’éclairer le travail des reporters Georges Le Fèvre (1892-1968) et Maryse Choisy (1903-1979), qui ont problématisé la notion d’identité. On prendra pour exemple trois reportages fictionnalisés de la fin des années 1920, Je suis un gueux[20] de Le Fèvre, Un mois chez les filles[21] et Un mois chez les hommes[22] de la seconde. Ceux-ci proposent, avant l’heure, une forme d’autofiction journalistique, où la mise en scène de soi, dans le cadre de la scénographie de l’enquête, donne lieu à des brouillements identitaires. Ils font écho aux préoccupations du roman contemporain, où s’exprime un sujet en crise, un « je » en porte-à-faux entre le maintien de la liaison – même ténue – de l’inscripteur, de l’écrivain et de la personne, et la fictionnalisation de l’expérience biographique. Tous trois constituent un type particulier d’enquête que l’on peut nommer « reportage d’immersion » ou « reportage d’identification[23] ». Forme de journalisme participatif[24], érigeant le reporter non plus en simple témoin, mais en acteur ou héros de l’enquête, le reportage d’identification implique un jeu de rôle : le reporter adopte une fausse identité, se glisse dans la peau d’un personnage, afin de s’immiscer incognito dans un milieu autrement inaccessible et d’expérimenter les conditions d’un mode de vie ou d’un métier alternatif. La mise en scène de ce travestissement répond à une scénographie codifiée, établie dans les années 1880-1890 par les premiers reporters-sociologues français que sont Marcel Édant[25], Louis Paulian[26] ou Henry Leyret[27], à travers des enquêtes de longue haleine, puis transposée vers la même époque au sein de courts reportages par des reporters comme Séverine[28] et Bertie Henri Clère[29] du Journal. Cette scénographie journalistique, issue d’un héritage littéraire, philanthropique et sociologique[30], comporte plusieurs motifs qui perdurent dans le reportage d’identification de l’entre-deux-guerres. Le reporter, dans le but d’accéder à une vérité sociale, adopte par imitation les marques extérieures, les rituels et les conventions du milieu dans lequel il s’infiltre – noms, vêtements, apparence, conduite, lexique – et met en scène cet apprentissage, qui prend la forme d’un travestissement physique, comportemental et identitaire. La particularité des enquêtes de Le Fèvre et de Choisy est de porter ce processus à un seuil critique, de telle sorte que le travestissement a comme conséquence inattendue de perturber l’identité d’origine du reporter.

Le Journal met en scène la double identité de son reporter, au seuil de l’enquête, dans un encadré publicitaire qui présente un montage de deux portraits, légendés « Deux aspects de Georges Le Fèvre » : on y voit le journaliste dans ses vêtements ordinaires, d’une part, et dans son « costume de miséreux », d’autre part[31]. L’enquête conduira le reporter à vivre pour un temps parmi la foule des miséreux qui peuplent Paris, une expérience qui implique une déchéance sociale et une immersion corporelle dans l’univers sale et odorant de la rue. Dès la première livraison, le reporter « descend » littéralement au niveau du trottoir, dans un mouvement physique qui symbolise l’entrée dans son rôle :

L’homme qui me répond est assis sur le trottoir […]. Comme il parle en regardant ses pieds, je l’entends à peine. Pour prolonger la conversation il me faut coller mes fesses au macadam, descendre à son étiage. On est maintenant sur le même plan. Nous sommes donc dans la rue. Plus exactement, nous y adhérons. Le soleil irrite la lèpre des murs, les bosses du pavé, la puanteur des poubelles, la ruine de nos haillons[32].

Le Fèvre n’aura de cesse d’insister sur la dimension corporelle de son expérience immersive. Le corps du reporter, évoluant sous une identité d’emprunt, est condamné à subir les sensations, les douleurs et les épreuves de son existence nouvelle, à endurer la dimension physique du rôle qu’il endosse : « [l]a faim, la soif et l’insomnie sont mes seules péripéties[33] », pourra-t-il affirmer en conclusion. Le Fèvre, en effet, se lave sous un pont, dans la Seine, connaît la faim, la fatigue et les dangers du travail manuel[34], les odeurs de la pauvreté[35].

Loin de nourrir une distanciation vis-à-vis du milieu où il est immergé, l’immersion corporelle détermine chez Le Fèvre une dissolution identitaire. La mise en scène d’un être plus intime, parce que psychologiquement impliqué dans l’enquête, marque la grande innovation de Le Fèvre par rapport aux reporters-sociologues des années 1880-1890. Le récit de son enquête projette l’image d’un reporter qui subit, à travers une expérience immersive vécue de façon fusionnelle et émotionnelle, le magnétisme du jeu de rôle au point de s’oublier. Le Fèvre donne à voir le processus de transformation de ses traits psychologiques, qui va altérer son identité première et révéler un autre « je ». Dès la première livraison, où Le Fèvre descend au niveau du trottoir, son regard se trouve radicalement modifié : « Alors je regarde les choses ; je ne les reconnais plus. C’est bien Paris, cependant, et le troisième arrondissement. Pourquoi les maisons si basses dans ce quartier me paraissent-elles si hautes, et les pavés si cruels, et les étalages si défendus ?[36] » Au fil des petits expédients qui lui permettent de gagner sa vie au jour le jour, le reporter voit son esprit se mouler, comme son corps, à ses nouvelles occupations : « Le cerveau engourdi et l’estomac creux, j’obéis passivement aux ordres […] je reste, la tête basse, comme un cheval fourbu. Mes pensées sont simples et puissantes[37]. » Graduellement, il sombre dans un désespoir qui conduit à l’anéantissement de son identité. Divers passages établissent ce cheminement psychologique, qui le conduit à s’identifier de plus en plus au « gueux ». Mais c’est dans un épisode présenté peu avant la conclusion du reportage que culmine la dissolution identitaire, dans lequel le reporter devient temporairement homme-sandwich. Cette étape marque un nouvel échelon dans la dégradation morale, selon Le Fèvre[38], qui renchérit – non sans une certaine exacerbation comique – sur son désespoir :

Je m’aperçois, dès les premiers pas sur le trottoir, que je me suis réellement vendu corps et âme pour sept francs et nourri. Je n’existe plus. Je ne suis plus rien. Littéralement rien. Être homme sandwich, ce n’est pas déchoir, c’est s’anéantir. Peut-on appeler ça gagner sa vie en travaillant ? Pas même, puisque mon gain est dérisoire et mon travail inexistant. […] Ce qui reste de moi appartient à la rue comme un bec de gaz, un banc, une enseigne. Moins encore, je suis un cadavre vivant. Moins encore une transparence. On me bouscule sans s’excuser. On me consulte sans me regarder. Lorsqu’un passant me heurte, il lève les yeux au-dessus de ma tête et fait un léger salut aux incomparables repas à six francs. […] Est-ce que ça compte un homme-sandwich ? Est-ce que ça pense, seulement[39] ?

La perte d’identité consacre la dégradation morale du reporter, investi corps et âme dans son enquête, et marque l’aboutissement du processus d’identification. Homme-caméléon, le reporter restitue non seulement l’aventure de son corps, mais aussi celle de son « âme », appelée à témoigner sur la condition du gueux ; en ce sens le reportage d’identification met en jeu une dimension plus intime du sujet que d’autres types d’enquête. Au final, la fiction identitaire mise en scène par Le Fèvre est paradoxalement celle d’une absence d’identité fixe : le reporter serait cet être si mobile, si adapté au travestissement et si sensible qu’il serait en mesure de se fondre dans le rôle qu’il adopte. Une telle conception de l’enquête journalistique déborde le but premier de l’investigation (connaître la condition des miséreux de Paris) pour remettre implicitement en question ce qui fonde l’identité du sujet ; elle semble dans ce cas intimement liée à l’expérience sociale et matérielle du monde.

Maryse Choisy pousse plus loin que Le Fèvre le brouillage identitaire issu de l’expérience immersive. Dans Un mois chez les hommes, le travestissement physique acquiert une dimension intégrale, alors que la reporter se déguise en homme afin de s’infiltrer chez les moines du mont Athos. Choisy affirme avoir renoncé non seulement à ses cheveux (UMH, 3), mais même à ses seins, grâce à une chirurgie plastique (UMH, xii), en plus d’évoquer l’acquisition d’une prothèse masculine en caoutchouc (UMH, 2), d’habits d’hommes et d’une moustache « à la Charlot » (UMH, 3). Comme celui de Le Fèvre, son corps se trouve mis en jeu dans l’enquête, cette fois à travers sa mise en scène sexualisée. Marie-Ève Thérenty a décrit sous cet angle la scénographie de l’enquête dans Un mois chez les filles, où Choisy s’introduit dans le milieu de la prostitution et des maisons closes, et y prend tour à tour divers déguisements. À travers ce jeu de rôles, son corps est objectifié, investi d’une charge sensuelle qui « invente un nouveau type d’exposition du corps du reporter et un nouveau péril vécu par lui pour les besoins du reportage, celui d’être confondu avec un corps public[40] ». Les mêmes modalités sont exacerbées dans Un mois chez les hommes, où la reporter, déguisée en homme, séduit un jeune novice du mont Athos. L’immersion corporelle du témoin, une modalité courante du reportage de l’époque, atteint là un domaine plus intime de l’individu ; le corps sexué se trouve exposé dans l’intimité de ses sensations et profondément impliqué, à travers un rapport sensuel, dans son identité d’emprunt.

Par ailleurs, Choisy problématise les enjeux du reportage d’identification par une théorie implicite des genres féminin/masculin. Tandis que son identité féminine lui apparaît comme le moteur de l’identification, l’identité masculine – associée au rôle professionnel de reporter – serait garante d’un mouvement inverse, de distanciation, d’ironie, de recul. Le reportage de Choisy oscille entre ces deux pôles, la reporter concevant son identité comme une entité mixte, comprenant une part de féminin et de masculin. Dès lors, son corps devient le pivot du double mouvement d’identification et de distanciation : tantôt corps ému et sensuel, il peut aussi se faire, au contraire, le support d’une réflexion sur le jeu de rôle. Ainsi, dans la scène qui suit, l’observation de son propre reflet dans le miroir suscite une angoisse schizophrénique :

Je me fis une tête pour aller avec le marlou. Ma nouvelle tête n’allait pas avec moi. En me regardant dans la glace j’eus peur de ma propre tête. […]/ De quel tiroir secret de mon atavisme ai-je sorti cette tête ? De mes anciennes incarnations, quels vices collés à ma peau ? Dans quel coin ignoré de ma filiation ai-je pris ce regard de goule, cette bouche qui n’est qu’une plaie saignante, ces pommettes en fièvre ?/ […] Question de poudre ? Question de nuances ? […] Parce que ce soir je suis fardée comme une grue, mon âme est-elle une âme de grue ?/ J’ai peur./ Dans la magique réflexion de deux glaces qui se regardent, se querellent, se supplémentent, se renvoient les images à l’infini, il me semble soudain apercevoir ma silhouette multipliée (combien de fois ?) en mes incarnations passées et futures. Par un effet de théâtre pirandellesque, je me décompose au ralenti. Que de cadavres instantanés, que de masques squelettiques, que d’usures, que de Maryse ignorées autour de moi ?/ […] Tous les jours meurt une Maryse vieillie. Tous les jours renaît une Maryse nouvelle. La Maryse d’aujourd’hui est une étrangère à la Maryse de tous les jours./ J’ai peur, sincèrement peur.

UMF, 36-38

Comme chez Le Fèvre, la transformation physique détermine un état psychologique ; cependant Choisy ne se contente pas de décrire la psychologie de la prostituée à travers son expérience vécue, elle réfléchit aux implications du travestissement. Il en ressort une prise de conscience qui, à son tour, suscite une angoisse devant une identité insaisissable. Le reportage d’identification de Choisy pose la question de la possibilité même de l’identification, puisque l’identité y est mise en scène comme une donnée fluctuante et mobile. Il devient l’occasion d’un retour du sujet sur lui-même, le moyen de déployer une fiction de soi. La notion de genre est elle aussi mise en question dans ce retour réflexif ; à l’image des frontières mobiles de l’identité, celles des genres masculin/féminin apparaissent étonnamment flexibles. Le travestissement est l’occasion de l’éprouver :

Il y a des femmes qui ne sont femmes que d’apparence. Il y a des femmes qui sont des hommes déguisés. Il y a des femmes qui ont une intelligence d’homme et une sensibilité de femme. Il y a des femmes qui ont une âme de femme et un corps d’androgyne. […] Il y a beaucoup d’hommes qui sont femmes. […] Il y a très peu de femmes qui soient cent pour cent de femme. ()

UMH, 100

Chez ces reporters, on assiste ainsi au déploiement d’une écriture à la première personne, sous-tendue par l’identité entre auteur, narrateur et acteur du récit, où la pratique du reportage d’identification – et sa mise en scène fictionnalisée – suscite un questionnement sur ce qui constitue l’identité du sujet. Liée à l’expérience sociale du monde, celle-ci se présente comme une donnée mobile, changeante, démultipliée par les jeux de rôle, une donnée, enfin, qui échappe en bonne partie à la mainmise du sujet lui-même. Dès lors, le reportage d’identification devient non plus seulement l’instrument d’un dévoilement du social, mais d’une découverte de soi, particulièrement appuyée chez Choisy, où elle supplante presque la visée originelle du reportage : « D’ailleurs quel est mon véritable moi ? […] Qui oserait soutenir avec certitude que le véritable moi ne soit pas simplement une fiction inventée par notre rage à tout définir ? » (UMH, 151). Par des voies différentes et, certes, stéréotypées, dans la mesure où ils empruntent aux codes du reportage d’identification, ces textes rejoignent les questionnements de la littérature romanesque qui leur est contemporaine, notamment la notion de « crise du sujet » avancée par Anne Henry[41] à propos de l’oeuvre proustienne. Selon Thomas Carrier-Lafleur, cette crise est en parfaite adéquation avec la forme de l’autofiction :

En fait, à relire l’oeuvre proustienne, on remarque dès les premières pages un sujet littéralement en pleine crise, tourmenté par un curieux malaise, celui de la fragmentation de son être dans le « kaléidoscope de l’obscurité ». Fragmentation, mais aussi multiplication de lui-même […]. En somme, morcellement identitaire et corporel, mêlé d’une incompréhension du monde extérieur[42].

Dès lors, « l’identité n’est plus fixe, elle est maintenant en mouvance, en constant devenir-autre[43] », un constat qui motive le rapprochement opéré par Carrier-Lafleur entre la forme narrative de La Recherche et le montage cinématographique ; l’identité y serait constituée du montage de « moments quelconques » – un principe qui caractériserait la forme même de l’autofiction, à l’inverse de l’autobiographie classique, formée d’une succession de grands moments.

Sans porter de jugement sur la valeur littéraire respective des reportages ou de l’oeuvre proustienne, on peut observer un parallèle frappant dans la manière de prendre en charge un matériau autobiographique fragmentaire et, à partir de celui-ci, de concevoir l’identité, de la mettre en scène – à travers l’appréhension subjective et sensorielle du monde –, de travailler ses frontières et ses glissements – par la fictionnalisation d’une expérience vécue. Ce parallèle pourrait être étoffé par l’étude comparative des modalités narratives du reportage et du roman à la première personne, qui modifient tous deux la mise en texte du temps, en la filtrant à travers la mobilité d’une « conscience en train de percevoir le monde[44] ». Ainsi, le reportage recherche un effet d’immédiateté (par l’utilisation d’un présent de convention), la restitution du flux de conscience du reporter, comme si le lecteur assistait en direct à l’événement vécu, et met à l’avant-plan les perceptions sensorielles. Il y aurait peut-être un parallèle à faire, à cet égard, entre la « symphonie tactile, optique et auditive[45] » qu’est par moments l’oeuvre proustienne et la poétique du reportage, qui place en son coeur l’expérience immersive et sensible du sujet. Il s’agit moins de mettre en évidence une influence du reportage sur le roman ou, à l’inverse, du roman sur le reportage, que de rappeler que tous deux émergent, de façon contemporaine, dans un contexte culturel où se modifient tant l’appréhension du corps et des sensations que celle de la conscience et de l’identité, sous l’influence des sciences sociales[46].

Sur un autre plan, le reportage soulève, comme le roman à la première personne, des problèmes génériques. En fonction de son mode de publication, de sa place dans le journal, de la collection où il s’insère en librairie, il se décline selon divers degrés de fictionnalisation. Il s’impose de ce fait comme un genre en tension entre la présence d’indices de fictionnalité et un pacte de lecture référentiel, qu’appuient l’engagement onomastique du témoin, les éléments du paratexte journalistique ou éditorial. En ce sens, plusieurs des questionnements des théoriciens s’intéressant aux écritures de soi le concernent, tel celui, « [fondamental,] des limites entre fiction et non-fiction[47] ». Ces constats invitent à envisager le reportage littéraire de la première moitié du xxe siècle sous l’angle de l’écrit autobiographique – comme le lieu où se construit une fiction de soi et une posture d’auteur – et à y voir un laboratoire des enjeux soulevés par le roman à la première personne et l’autofiction.

Le roman contre le reportage – Bardamu, antireporter dans Voyage au bout de la nuit

Dans un second temps, j’aimerais reprendre et développer une hypothèse lumineuse formulée par Paul Aron, qui propose de lire Voyage au bout de la nuit (1932) de Louis-Ferdinand Céline dans sa relation à l’intertexte médiatique :

si le lecteur de la presse de l’époque revient vers le Voyage au bout de la nuit, il est conduit, me semble-t-il, à constater tout ce que le premier grand roman de Céline doit à la logique de présentation des hebdomadaires de reportages. Le Voyage est manifestement construit comme une série d’aperçus quasi documentaires sur les sujets du moment. Son titre évoque à la fois le roman d’aventure et le grand reportage, ainsi que l’envers du décor, la période nocturne pendant laquelle sortent les miséreux du reportage social. […] La Grande Guerre, l’envers de la conquête coloniale, la découverte des États-Unis, la dénonciation du fordisme, les prostituées au grand coeur, les bas-fonds des grandes villes, la vie des trimardeurs… on n’en finirait pas d’énumérer les chapitres du livre qui pourraient être autant de titres accrocheurs pour de petites enquêtes[48].

On pourrait ajouter encore à cette énumération – qui vise juste – la visite chez les fous, l’une des dernières séquences de l’oeuvre où Bardamu se retrouve à l’asile d’aliénés en compagnie de Parapine et du docteur Baryton, et qui constitue un autre sujet canonique du reportage[49]. Il faut souligner que Céline ne se contente pas de mettre en scène des séquences narratives qui pourraient constituer des sujets de grand reportage ; il en transpose les sujets les plus connotés, ceux qui ont trait à la mise en scène d’une forme d’exotisme, non seulement géographique, mais aussi social[50] (voyage aux colonies et en Amérique, enquêtes dans les bas-fonds urbains de la prostitution ou du crime, dans les marges de la société que constituent les asiles ou les maisons closes), comme pour offrir un panorama représentatif du genre.

De plus, le Voyage se conçoit aussi comme transposition romanesque du reportage en regard de sa forme narrative, ajoute Aron :

Rédigé à la première personne du singulier, par un narrateur qui est l’acteur de son récit, par un témoin qui nous fait croire à la véracité des faits rapportés et s’en porte physiquement et moralement garant, le récit de Céline se coule pleinement dans ce que l’on a décrit comme la matrice stylistique du grand reportage. Le narrateur insiste sur les dangers de sa découverte de la face cachée du réel, sur sa quête de vérité, objet principal du livre, conquise au terme d’une trajectoire initiatique effectuée aux points cardinaux du journalisme contemporain : dans les contrées exotiques autant que dans le monde souterrain des sociétés occidentales. Le flux narratif obéit également à cette poétique, dans la mesure où il progresse par ellipses et arrêts sur image[51].

Pour ma part, je propose de considérer le Voyage non seulement comme un récit en prise sur les grands motifs de l’imaginaire médiatique, dont l’écriture a été fécondée par la poétique du reportage, mais plus spécifiquement comme un antireportage, et Bardamu, comme un antireporter (ou l’inverse d’un « bon » témoin – selon l’image du reporter que véhicule la presse de grande diffusion de l’entre-deux-guerres). Car tout en reprenant les lieux communs du genre journalistique, c’est bien par contraste radical avec ce dernier que le roman célinien offre une critique désillusionnée de la modernité (que le reportage tend pour sa part à exalter). Je m’intéresserai plus particulièrement, pour nourrir cette hypothèse, à ce qui caractérise Bardamu comme témoin. Aron n’est pas le premier à souligner la fonction prise en charge par Bardamu. Philippe Lejeune suggère que le narrateur du Voyage se rapproche de l’instance garante de la vérité du récit dans la littérature de témoignage (et plus particulièrement dans ce qu’il nomme les « récits de dénonciation »), tout en déstabilisant le lecteur par son inadéquation avec l’ethos attendu d’un témoin auquel il s’identifie :

les récits de dénonciation sont des livres moraux qui suscitent chez le lecteur des réactions d’indignation devant l’injustice, la méchanceté et la bêtise liées à une institution. Ce qui suppose que le témoin, auquel le lecteur s’identifie, soit perpétuellement dans une position d’innocence et de générosité qui autorise cette dénonciation : pas de défaillance, ou alors des défaillances temporaires et surmontées, destinées à montrer la puissance néfaste et corruptrice, dégradante, de l’institution […]. Le témoin fait fonction de « héros positif », représentant des valeurs auxquelles le lecteur doit adhérer. Une des raisons du scandale de Voyage au bout de la nuit, c’est que Céline a construit, avec le personnage romanesque de Bardamu, un rôle de témoin qui, sur ce point, s’écarte de la norme. Bardamu ne pose pas au prix de vertu, il n’offre au lecteur désemparé aucun modèle ni aucune solution, il ne nourrit pas sa bonne conscience[52].

Au contraire du bon reporter, il ne propose pas « une forme de “geste” héroïque » ou une « morale de l’héroïsme individuel[53] » au lecteur. Antihéros dont la moralité laisse à désirer, Bardamu se montre peu courageux, solitaire, incapable d’éprouver de la sympathie, de « compatir » au malheur de Léon Robinson à l’article de la mort, de trouver en lui une forme de dépassement héroïque :

Et je restais, devant Léon, pour compatir et jamais j’avais été aussi gêné. J’y arrivais pas… Il ne me trouvait pas… Il en bavait… Il devait chercher un autre Ferdinand, bien plus grand que moi, bien sûr, pour mourir, pour l’aider à mourir plutôt, plus doucement. […] Mais il n’y avait que moi, bien moi, moi tout seul, à côté de lui, un Ferdinand bien véritable auquel il manquait ce qui ferait un homme plus grand que sa simple vie, l’amour de la vie des autres. De ça, j’en avais pas, ou vraiment si peu que c’était pas la peine de le montrer. J’étais pas grand comme la mort moi. J’étais bien plus petit. J’avais pas la grande idée humaine moi[54].

Plus encore, cette « geste héroïque », que le grand reportage véhicule en héroïsant le rôle de témoin, apparaît à Bardamu comme une construction fictive, produit de discours imaginatifs et vantards, à l’instar de ceux que tiennent, après la guerre, ses compagnons d’hôpital :

Il [Brandelore] inventait de nouvelles histoires, il se surpassait, on ne pouvait plus l’arrêter, ses exploits tenaient du délire […] et cependant personne à l’hôpital ne se résignait, c’était à qui parmi nous, saisi d’émulation, inventerait à qui mieux mieux d’autres « belles pages guerrières » où figurer sublimement. Nous vivions un grand roman de geste, dans la peau de personnages fantastiques, au fond desquels, dérisoires, nous tremblions de tout le contenu de nos viandes et de nos âmes.

VBN, 102

De même, le discours patriotique en général lui apparaît, à l’issue de son expérience aux colonies et à la guerre – « abattoir international en folie » (VBN, 114) –, comme une fiction trompeuse et dangereuse[55], à l’instar des récits d’héroïsme individuel. Par ailleurs, loin d’être vecteur d’héroïsme ou d’exploits sportifs – comme dans la correspondance de guerre ou le reportage d’exploration géographique –, le corps humain se révèle à Bardamu « presque toujours triste et dégoûtant à regarder » (VBN, 271). À l’idéal d’un surhomme héroïque, le narrateur oppose la réalité d’un « sous-homme claudicant » (VBN, 413).

En ce sens, Bardamu apparaît comme un double inversé du reporter, être au service de la foule démocratique qu’il représente[56], supposé infiniment sympathique et sensible, patriote, sportif, héros médiatisé. Son voyage est le récit d’une série de désillusions, qui abattent les grands mythes au fondement de la modernité du début du siècle. La réalité peu glorieuse du projet colonial[57], le machinisme du fordisme et de l’industrialisation[58], le mensonge du progrès par la science[59] sont tour à tour dénoncés comme fictions, simulacres[60] ou dérives, « d’autres façons de parler et de mentir » (VBN, 216), de déshumaniser l’homme. L’exotisme, incarné dans la « poésie des tropiques », dégoûte le narrateur (VBN, 173). La découverte promise par le voyage est réduite à « la recherche de ce rien du tout, de ce petit vertige pour couillons » (VBN, 216). Charline Malaval vise juste en montrant que le roman de Céline a « utilisé les procédés propres à la littérature de voyage[61] », tout en s’en affranchissant, afin de renouveler la forme romanesque et de proposer un questionnement sur l’expérience humaine et la civilisation. Mais il m’apparaît que le modèle détourné est moins celui du récit de voyage au sens large que celui du grand reportage, tel qu’il s’impose avec force dans la presse des années 1920 et 1930. Il me semble que la profondeur du détournement opéré par Céline, et le choc imposé à son lectorat, ne peuvent se mesurer qu’à l’aune de son rapport à un genre médiatique de grande diffusion, à l’imaginaire et aux axiologies qu’il véhicule.

Or, il se trouve que ces thèmes (modernité, industrialisation, colonisation, progrès technique et scientifique, découverte du monde par le voyage) constituent précisément un pôle positif et valorisé dans l’axiologie du grand reportage, telle qu’on peut l’observer dans la grande presse d’information (Le Petit Parisien ou Paris-Soir par exemple) de l’époque, dont l’orientation, malgré des nuances de positionnement sur l’échiquier politique, se veut globalement modérée. Les fictions du reporter appuient ce constat d’un reporter qui s’érige, dans l’imaginaire populaire de l’entre-deux-guerres, comme le porte-flambeau de la modernité et des valeurs consensuelles que constituent l’identité nationale, l’ordre, la sécurité, le progrès ou la justice. Celles-ci forment autant de balises que le reporter doit respecter s’il désire correspondre aux attentes du public, susciter l’adhésion et le rassemblement de celui-ci. De ce fait, elles déterminent la condition de possibilité du reportage dans la presse de masse de l’entre-deux-guerres – autant de balises que le roman célinien, au contraire, déconstruit et transgresse systématiquement.

Que ce soit en fonction de considérations génériques, narratives ou thématiques, le reportage et le roman à la première personne de l’entre-deux-guerres gagnent à être confrontés. Le premier mérite d’être lu à la lumière des préoccupations formelles du roman du « réalisme subjectif », en ce qu’il propose, tout comme lui, une grille de lecture réaliste, un univers filtré à travers la lorgnette d’un narrateur qui dit « je », avec tous les enjeux posés par ce mode narratif. Comme le roman réaliste, le reportage entend véhiculer un savoir « en prise sur une socialité[62] », en usant des artifices du récit. Mais en écrivant « je », le reporter quitte toujours le domaine de l’information pure et objective (si tant est qu’elle existe) pour entrer dans une forme – même minimaliste – de récit de soi. À l’inverse, le roman est éclairé par le dialogue avec une forme narrative qui bénéficie alors d’une diffusion et d’une visibilité immenses. Celui-ci révèle les « écarts » ou la « subversivité » que la sociocritique attribue au texte littéraire, qui opère un travail « sur le discours social[63] » et ne peut pleinement être appréhendé, dès lors, qu’en relation avec le contexte culturel où il voit le jour. Si le reportage est plus près de la doxa que ne l’est le roman célinien, Céline, comme Proust, ont compté parmi les millions de lecteurs de journaux de leur époque[64], et peut-être Maryse Choisy avait-elle, en 1929, lu la Recherche ; quoi qu’il en soit, les frontières génériques sont plus poreuses que ne le laisse croire la postérité littéraire des uns et des autres, et leur traversée (qu’elle adopte la forme du voyage, de l’enquête ou de la recherche…), révélatrice.

D’un point de vue surplombant, enfin, il est possible de voir dans ces convergences du reportage et du roman du réalisme subjectif le prolongement d’un mouvement amorcé au siècle précédent. Alain Vaillant en a montré les implications à propos d’Émile Zola[65]. La narration adopte dans le roman zolien un « mimétisme empathique », premier pas vers une fusion du narrateur et du personnage, que Vaillant interprète à la lumière de l’évolution du système médiatique contemporain. Ce cas, comme ceux qui m’ont intéressée ici, illustre une forme d’interférence entre presse et littérature qui a été relativement peu mise au jour jusqu’à présent : au-delà des points de rencontre institutionnels entre champs littéraire et médiatique, au-delà des pratiques professionnelles hybrides des écrivains-journalistes et écrivains-reporters, l’influence réciproque du littéraire et du médiatique doit aussi être retrouvée dans des évolutions poétiques convergentes, elles-mêmes tributaires des transformations plus vastes des formes et des imaginaires de la communication.