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Introduction

Comment l’exportation influence-t-elle la performance de l’entreprise ? Peu de réponses satisfaisantes ont été jusque-là apportées à cette question par une littérature pourtant abondante concernant le lien positif entre exportation et productivité. Deux hypothèses complémentaires sont envisagées pour expliquer cette dernière relation (Wagner, 2007 ; Bellone, Musso, Nesta et Quéré, 2006) ; l’une est fondée sur l’autosélection, l’autre sur l’effet d’apprentissage.

La première hypothèse explique l’exportation par la performance. En présence de coûts fixes spécifiques (et additionnels) d’entrée sur des marchés à l’exportation, seules les entreprises les plus productives sur leur marché domestique trouvent profitable d’exporter (Melitz, 2003 ; Bernard, Eaton, Jensen et Kortum, 2003 ; Yeaple, 2005 ; Constantini et Melitz, 2008). Ce mécanisme d’autosélection a été mis en évidence dans de nombreux travaux empiriques[1]. Il justifie l’intérêt que portent les travaux de gestion internationale sur la question des leviers du développement international (Leonidou, Katsikeas et Coudounaris, 2010), en particulier des PME (Stoian, Rialp et Rialp, 2011 ; Lecerf, 2012).

La seconde hypothèse qui nous intéresse dans cette étude postule que les exportations améliorent les performances via l’apprentissage. Elle découle de l’idée que le commerce international facilite l’accumulation des connaissances. Selon Grossman et Helpman (2001), les firmes internationalisées interagissent sur les marchés étrangers et s’exposent à des connaissances non accessibles à des entreprises, dont les actions se limitent au marché domestique. Ces connaissances sont identifiées et assimilées à travers un processus d’apprentissage organisationnel (Barkema et Vermeulen, 1998). Cependant, les travaux qui ont testé cette hypothèse ont produit des résultats moins consensuels que ceux obtenus dans le cas de l’auto- sélection (Wagner, 2007 ; Bellone et al., 2006). Le travail pionnier de Clerides, Lach et Tybout (1998) ne conclut pas à l’existence d’un effet d’apprentissage par l’exportation à partir de données colombiennes, mexicaines et marocaines. A contrario, le phénomène des entreprises nées « globales » (« Born Global » ; Bell, McNaughton et Young, 2001) confirmerait bien que l’exportation est un puissant vecteur d’innovation.

Par ailleurs, comme le soulignent Salomon et Jin (2008) ou Love et Ganotakis (2013), beaucoup reste à faire pour comprendre comment l’exportation influence la performance individuelle. Ces auteurs mettent en avant le fait que les travaux antérieurs n’explicitent pas suffisamment les mécanismes d’apprentissage par l’exportation. L’effet d’apprentissage par l’exportation englobe généralement toutes les conséquences de l’exportation sur la productivité et comme le remarque Ito (2012), les relations entre exportation, innovation et productivité ne sont pas précisées. En effet, on peut considérer que l’exportation affecte la performance de l’entreprise, par exemple, en élargissant leurs marchés (économies d’échelle), ou bien en lui faisant bénéficier d’un différentiel de prix favorable sur le marché étranger par rapport au marché domestique (Bellone et al., 2006). En outre, seules des exportations intenses sur une période de temps suffisamment longue pourraient influencer l’innovation et la productivité (Bernard et Jensen, 1999 ; Andersson et Lööf, 2009).

Dans le présent article, nous voulons contribuer à lever l’ambigüité relative à l’existence de l’effet d’apprentissage sur les marchés extérieurs, c’est-à-dire examiner si les entreprises apprennent à être plus efficientes en pratiquant l’exportation. Plus précisément, il s’agit de vérifier, ce qui à notre connaissance n’a jamais été explicitement fait, si l’exportation persistante et intensive est susceptible d’améliorer le processus de création de valeur à côté de ses autres influences attendues sur la productivité et la capacité d’innovation. Ainsi, l’originalité de notre recherche est d’examiner les différentes conséquences de divers types d’exportation sur l’innovation et la productivité. Nous distinguons les effets directs de l’exportation sur la productivité des effets indirects qu’exerce l’exportation à travers le processus d’innovation de l’entreprise. En effet, nous supposons que les activités d’exportation expliquent positivement et simultanément l’effort (la capacité) d’innovation, le résultat du processus d’innovation et finalement la productivité. L’objectif de cette analyse est de mieux isoler l’effet d’apprentissage par l’exportation afin de le distinguer explicitement des autres effets.

Les hypothèses centrales que nous formulons sont que, dans le cadre des marchés à l’exportation caractérisés par des opportunités plus nombreuses et une pression concurrentielle plus intense, 1) les exportateurs intensifs et persistants sont incités à intensifier leurs efforts d’innovation (effet d’autosélection) et à apprendre à mieux et à plus innover (effet d’apprentissage), 2) l’apprentissage par l’exportation intensive et persistante joue un rôle clé en exerçant une influence directe sur l’extrant d’innovation et indirecte sur la productivité.

Par ailleurs, le rôle joué par l’innovation, et plus particulièrement celui du processus d’innovation, dans les effets de l’exportation sur la productivité, nécessite une attention privilégiée sur l’évaluation de l’innovation, en particulier dans les PME. Dans ces entreprises, l’innovation présente des caractéristiques spécifiques que les indicateurs traditionnels de l’innovation, comme la recherche et le développement ou les brevets ont du mal à appréhender (Hoffman, 1998 ; Hall, Lotti et Mairesse, 2009 ; Forsman, 2011). En outre, nous évaluons les intrants et les extrants d’innovation à partir d’indicateurs synthétiques grâce à l’analyse des correspondances multiples (ACM). Pour cela, nous utilisons des données originales tirées de l’enquête du projet IDEIS[2]. Du point de vue de la politique économique, la mise en évidence des effets de l’exportation sur l’innovation et la productivité des entreprises justifiera une politique spécifique de soutien à l’exportation dans la mesure où l’exportation devient un facteur clé de l’innovation et de la performance.

Dans ce qui suit, nous procédons à une revue de la littérature empirique centrée sur l’effet d’apprentissage par l’exportation (Section 2). La troisième section explique notre modèle. La quatrième présente les données, les variables et la construction des indicateurs d’innovation et d’exportation. La cinquième section est consacrée à l’estimation de notre modèle et le test de nos hypothèses. Enfin, la dernière section conclut notre papier.

1. Fondements conceptuels

La littérature en économie et en gestion internationale sur laquelle repose notre recherche considère que l’exportation est un facteur d’innovation et de croissance essentiellement à travers un effet d’apprentissage par l’exportation : « the most important benefit to a country from participating in the international economy might be the access that such integration affords to the knowledge base in existence in the world at large » (Grossman et Helpman, 2001, p. 238).

Du point de vue empirique, les résultats des travaux testant l’idée d’une influence directe de l’exportation sur la productivité sont plutôt mitigés. Par exemple, le groupe international d’études sur l’exportation et la productivité (ISGEP) (2008) n’observe aucune influence de l’exportation sur la productivité à partir de données de 14 pays, confirmant les résultats de travaux antérieurs, comme ceux de Bernard et Jensen (1999) sur données américaines et ceux de Delgado, Fariñas et Ruano (2002) sur données espagnoles. Par contre, d’autres travaux mettent en évidence l’effet d’apprentissage dans le cadre d’une causalité directe « exportation vers productivité ». Certains valident cette relation uniquement en début d’entrée sur les marchés d’exportation (Damijan et Kostevc, 2006 ; Greenaway et Kneller, 2007). D’autres conditionnent l’existence de ce lien à une intensité d’exportation suffisamment importante (Castellani, 2002 ; Bellone et al., 2006 ; Andersson et Lööf, 2009). Aw, Roberts et Winston (2007) montrent que la recherche et développement et l’exportation sont complémentaires pour expliquer la productivité. Enfin, la causalité « exportation vers productivité » est observée pour les exportateurs de pays en développement (Van Biesebrook, 2005, sur données de neuf pays africains ; Yasar, Garcia, Nelson et Rejesus, 2007, sur données turques ; Trofimenko, 2008, sur données colombiennes).

L’absence de consensus sur l’existence de l’effet d’apprentissage dans le cadre d’une relation directe « exportation vers productivité » s’explique par le manque de fondements théoriques. En effet, l’apprentissage ne se résume pas à l’accès à une base de connaissances. Si l’on se réfère à une conception constructiviste de la connaissance (Nooteboom, 2000), l’apprentissage est un processus interactif. Dans ces conditions, l’apprentissage par l’exportation signifie que les exportateurs produisent de nouvelles connaissances grâce aux interactions avec des clients et des fournisseurs étrangers (Aeberhardt, Buono et Fadinger, 2014). Les PME entretiennent des relations privilégiées avec leurs importateurs par l’intermédiaire desquels elles apprennent de meilleures technologies et pratiques de gestion (Rhee, Ross-Larson et Pursell, 1984 ; Baldwin et Hanel, 2003). Cela leur permet d’améliorer le processus de fabrication, de réduire les coûts de production, d’améliorer la conception et la qualité des produits (Evenson et Westphal, 1995). En outre, les effets de l’exportation sur la productivité ne se limitent pas à l’effet d’apprentissage (Love et Ganotakis, 2013) : si l’accès à des technologies plus avancées sur les marchés étrangers, la contrainte associée à des normes de qualité plus élevées et les opportunités pour de nouveaux produits relèvent bien de l’apprentissage, ce n’est pas le cas des conséquences de l’élargissement des marchés ou du renforcement de la concurrence.

Notre étude s’appuie sur des travaux qui rejettent l’idée d’une influence directe de l’apprentissage par l’exportation sur la productivité, en la considérant comme un effet direct sur l’innovation (Cassiman, Golovko et Martínez-Ros, 2010 ; Bellone et Guillou, 2011). En particulier, Salomon et Shaver (2005), Bratti et Felice (2009), Damijan, Kostevc et Polanec (2010) et Hahn et Park (2011) montrent dans des contextes nationaux différents que l’exportation favorise effectivement l’innovation technologique. On considère que l’exportation est un levier pour l’innovation dans la mesure où elle fait interagir l’exportateur avec des clients différents, du point de vue cognitif des clients domestiques. La distance ou la dimension spatiale utilisée dans ce travail est d’ordre cognitif et non d’ordre géographique. Par exemple, l’expérimentation de nouvelles offres à prix réduit dans les pays en développement, et ensuite la commercialisation dans les pays développés pour des besoins et usages différents (ou « innovation inversée » d’après Govindarajan, Trimble et Nooyi, 2012), illustrent qu’exporter vers les pays émergents permet d’innover plus. Le développement de nouveaux équipements médicaux permettant aux médecins locaux ou ONG de réaliser des opérations en dehors d’infrastructures médicalisées est une parfaite illustration de l’« innovation inversée » (exemple cité dans Govindarajan, Trimble et Nooyi, 2012).

Nous nous appuyons également sur des travaux qui ont amélioré l’analyse en considérant que le potentiel d’apprentissage par l’exportation est lié à la persistance et au volume de l’exportation (Bernard et Jensen, 1999 ; Andersson et Lööf, 2009). Castellani (2002) a constaté que les exportateurs semblent connaître une évolution de leur productivité très différente de celles des non-exportateurs seulement à partir d’un certain seuil d’exportation. Fernandes et Isgut (2005) et Chongvilaivan (2012) confirment ces résultats en observant que l’effet d’apprentissage est associé à une intensité d’exportation suffisamment importante. Andersson et Lööf (2009) ont associé la persistance de l’exportation à l’intensité d’exportation.

Enfin, nous nous inspirons des travaux qui mettent en avant le rôle de la capacité d’absorption – entendue comme la capacité d’identifier, assimiler et exploiter les connaissances externes à l’entreprise (Cohen et Levinthal, 1990) – comme élément clé de l’apprentissage organisationnel. D’après ces travaux (Salomon et Jin, 2010 ; Ito, 2012 ; Love et Ganotakis, 2013), ce sont les entreprises dotées de capacités d’absorption suffisantes qui vont pouvoir effectivement tirer parti de l’exportation. La question est de distinguer les opportunités qu’offrent les marchés d’exportation, des capacités de les identifier et de les exploiter. Étant donné que les ressources internes qui permettent d’être innovant sont aussi celles qui permettent d’exploiter les problématiques nouvelles rencontrées sur les marchés à l’exportation, on peut s’attendre à ce que les entreprises les plus avancées technologiquement (fortement innovantes ou leaders technolologiques) profitent le plus de l’exportation. Cet argument s’oppose à celui de la distance à la frontière selon lequel les entreprises moins avancées du point de vue technologique tireraient plus d’avantages à l’exportation (Martins et Yang, 2009). L’exportation leur permettrait d’être confrontées à de nombreuses opportunités et de combler leur retard (comme les entreprises des pays moins développés). Les résultats empiriques récents concernant ce dilemme sont mitigés. Par exemple, dans les travaux de Salomon et Jin (2010), les leaders technologiques qui exportent préalablement demandent plus de brevets (distincts des brevets délivrés) que les suiveurs technologiques exportateurs. En revanche, Love et Ganotakis (2013) montrent à partir d’un échantillon de PME appartenant à des secteurs de haute technologie que si le fait d’exporter accroît la probabilité d’innover dans les produits, toutes choses égales par ailleurs, l’exportation préalable n’accroîtrait pas de manière significative l’intensité d’innovation. Ce dernier résultat – paradoxal – viendrait de ce que l’exportation persistante explique négativement l’intensité d’innovation dans le sous-groupe des innovateurs intensifs. Les auteurs expliquent ce phénomène par les difficultés des PME à tirer profit de l’exportation sur les marchés de haute technologie. Les capacités d’absorption limitées des PME ne leur permettraient pas d’apprendre sur des marchés en mutation continue.

2. Cadre conceptuel

Les principaux apports du modèle présenté ici consistent d’une part, à intégrer l’ensemble de l’influence de l’exportation sur l’innovation et la productivité et, d’autre part, à mieux expliciter l’effet d’apprentissage par l’exportation. Ainsi, nous envisageons, 1) les effets directs de l’exportation sur le processus d’innovation, 2) les effets directs de l’exportation sur la productivité, 3) les effets indirects de l’exportation sur l’extrant d’innovation et la productivité.

2.1. Les effets directs de l’exportation sur l’innovation

Nous supposons que l’exportation influence directement le processus d’innovation à travers deux effets indépendants : un mécanisme d’autosélection et un effet d’apprentissage. Cette distinction est originale dans la mesure où, sur cette question, la littérature globalise l’influence de l’exportation sur l’innovation dans l’action de l’apprentissage.

2.1.1. Un effet d’autosélection

Cet effet traduit l’influence de l’exportation sur l’effort – ou capacité – d’innovation. Celui-ci repose principalement sur la relation classique entre concurrence, exportation et productivité (Corden, 1974 ; Martin et Page, 1983). La concurrence considérée plus forte sur les marchés d’exportation stimule l’innovation (Nickell, 1996) et constitue un mécanisme important par lequel l’exportation augmente la productivité (Baldwin et Gu, 2004). Le mécanisme d’autosélection dont on parle ici est inversé par rapport à l’autosélection d’entrée. Rester sur les marchés à l’exportation et entrer sur les marchés d’exportation requièrent des aptitudes différentes. En effet, le premier objectif fait appel à des capacités plus fondées sur le capital humain (créativité, conception, recherche…) qui permettent de comprendre et de résoudre les problèmes de clients exigeants et volatils. L’exigence des clients et leur volatilité se manifestent par l’importance des flux d’entrée et de sortie des entreprises sur les marchés à l’exportation[3] (Albornoz, Calvo, Corcos et Ornelas, 2012 ; Blum, Claro et Horstmann, 2013). Selon Aeberhardt, Buono et Fadinger (2014), la volatilité des marchés à l’exportation serait fondamentalement due à la difficulté à appréhender la demande et au manque de fiabilité des partenaires locaux. Pour s’implanter durablement à l’exportation, les entreprises doivent être capables d’apporter aux clients des fonctionnalités adaptées, des qualités ou des conditions commerciales que les producteurs locaux ont du mal à proposer[4]. La question n’est donc pas de savoir si l’exportation en général induit un effort d’innovation plus élevé, mais de savoir si une exportation persistante et intensive génère ce comportement d’autosélection pour se maintenir et se développer sur les marchés à l’exportation. Par opposition, les exportateurs occasionnels (exportant peu et de manière discontinue) ne font pas les investissements irréversibles en matière d’innovation qui rendraient coûteuse leur sortie des marchés à l’exportation.

H1a : Hypothèse d’autosélection : la persistance et l’intensité de l’exportation nécessitent de la part des entreprises un effort d’innovation afin d’être compétitives sur les marchés d’exportation caractérisés par une plus grande ouverture et des exigences plus élevées ou différentes.

2.1.2. Un effet d’apprentissage par l’exportation

On suppose que l’effet d’apprentissage par l’exportation se manifeste dans l’influence directe de l’exportation sur l’extrant d’innovation. Par ailleurs, on stipule que l’apprentissage par l’exportation dépend à la fois de la persistance et de l’intensité de l’exportation (Andersson et Lööf, 2009). Une exportation plus intense et plus durable se traduira vraisemblablement par un élargissement et un approfondissement des relations avec des partenaires étrangers distants d’un point de vue cognitif. Ceux-ci ont d’autres façons de penser, de raisonner, d’autres valeurs et connaissances à cause de la relative faiblesse supposée des interactions entre le marché local (national) et les marchés étrangers. En effet, il est reconnu qu’une segmentation naturelle des marchés fondée sur des différences culturelles survit à l’intégration internationale obtenue par la suppression des barrières tarifaires et non tarifaires (McCallum, 1995 ; Wolf, 2000 ; Head et Mayer, 2000).

Dans le même temps, l’expansion à l’international élève le niveau des barrières cognitives que doit surmonter l’entreprise, ce qui rend plus difficile l’apprentissage par l’exportation. C’est le constat que font Love et Ganotakis (2013) au sujet des PME sur des marchés risqués internationaux de haute technologie. En effet, il ne suffit pas de repérer des opportunités nouvelles pour en tirer profit, encore faut-il être doté d’une capacité d’absorption suffisante pour les exploiter (Cohen et Levinthal, 1989, 1990)[5]. Plus la distance cognitive entre les acteurs est importante, plus les barrières cognitives sont fortes : des capacités d’absorption suffisantes sont alors nécessaires pour les surmonter (Nooteboom, 2000). On suppose que les intrants d’innovation constituent la base de la capacité d’absorption dans la mesure où ils regroupent des activités à fort contenu cognitif. En particulier, les activités de recherche et développement et les activités de coopération peuvent être considérées comme des facteurs clés de la capacité d’absorption : la recherche et le développement permet aux entreprises de reconnaître la valeur des nouvelles informations et la coopération les nécessaires interactions à la compréhension mutuelle lorsque les connaissances sont implicites. Par ailleurs, l’apprentissage se réalise à partir de la pratique ou de l’action ou learning-from-doing (Le Masson, Weil et Hatchuel, 2010), distinct du learning-by-doing (Arrow, 1962) insuffisant pour apprendre et innover ; en l’occurrence, il ne suffit pas d’exporter pour rester exportateur ou se développer à l’exportation. Ce processus nécessite certes du temps, mais aussi des capacités managériales et un haut niveau de capital humain pour garantir la qualité du retour d’expérience. Dans tous les cas, pour générer effectivement des innovations, l’entreprise doit assimiler les problématiques et les connaissances nouvelles auxquelles elle est confrontée sur les marchés extérieurs ou apprendre à partir d’environnements nouveaux, ouverts et parfois en mutation continue.

Pour formaliser l’effet d’apprentissage de l’exportation sur l’extrant d’innovation, on distingue de manière originale la capacité d’absorption théorique de la capacité d’absorption effective (Zahra et George, 2002). On suppose que l’extrant d’innovation est favorablement affecté par l’effet d’apprentissage à travers d’une part, la capacité à reconnaître la valeur des nouvelles informations provenant des marchés d’exportation (exportation comme source d’opportunités) et, d’autre part, la capacité à surmonter les barrières cognitives (Figure 1).

Figure 1

Effets de l’exportation persistante et intensive sur l’extrant d’innovation

Effets de l’exportation persistante et intensive sur l’extrant d’innovation

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L’expansion internationale durable et intensive élève les barrières cognitives et influence donc négativement la capacité d’absorption effective (pour une capacité théorique donnée) ; l’exportation durable et intensive est censée affecter positivement les opportunités de création de valeur (Figure 1). L’effet d’apprentissage par l’exportation sur l’innovation se révèle si l’exportation persistante et intensive incite l’entreprise à apprendre à surmonter les barrières cognitives afin d’exploiter les opportunités nouvelles pour innover, pour une capacité d’absorption théorique donnée.

H1b : Hypothèse d’apprentissage par l’exportation : la persistance et l’intensité de l’exportation génèrent un effet d’apprentissage lorsque la capacité d’absorption effective est suffisante pour exploiter les opportunités nouvelles afin d’innover plus.

2.2. Les effets directs de l’exportation sur la productivité

Les effets directs de l’exportation sur la productivité sont analysés sous l’angle temporel. Nous considérons que l’exportation occasionnelle exerce une influence à court terme et l’exportation durable et intensive à plus long terme.

2.2.1. Les effets de court terme

Les effets de court terme peuvent être tirés du cadre de l’analyse classique de l’exportation qui considère la libéralisation des échanges comme un choc exogène assimilable à un simple élargissement des marchés. Cette situation est analysée en termes de statique comparative en passant d’un équilibre autarcique où l’entreprise fait face à une demande nationale, à un équilibre d’un marché international intégré où elle fait face à une demande mondiale (Melitz, 2003). L’exportation est donc assimilée à la croissance du marché domestique qui, toutes choses égales par ailleurs, peut entraîner une hausse de la productivité des facteurs et simultanément une baisse du coût moyen à condition que les rendements d’échelle internes soient croissants et l’élasticité-prix de la demande soit non constante. Dans ce cadre de concurrence monopolistique, la libéralisation des échanges entraîne la spécialisation internationale intrabranche et permet à chaque firme d’exporter la variété qu’elle produit (Krugman, 1980 ; Nishimizu et Page, 1991).

Enfin, de manière complémentaire, l’argument de l’utilisation de capacités de production excédentaires par l’exportation peut être avancé pour expliquer un gain de productivité immédiat après l’entrée sur les marchés à l’exportation. Des études empiriques (Bellone et al., 2006 ; Damijan et Kostevc, 2006 ; Greenaway et Kneller, 2007), respectivement pour les entreprises françaises, slovènes et britanniques, montrent que les gains de productivité se réalisent plutôt en phase initiale d’exportation. Finalement, une exportation occasionnelle, dont l’objectif est de réaliser des gains d’échelle à court terme sans effort d’adaptation particulier et sans volonté d’implantation durable sur les marchés étrangers, devrait influencer favorablement et directement la productivité.

H2a : Hypothèse de l’effet direct de l’exportation occasionnelle sur la productivité : l’exportation occasionnelle influencerait directement et positivement la productivité de l’entreprise grâce aux effets d’échelle.

2.2.2. Les effets de plus long terme

Les effets de plus long terme de l’exportation durable et intensive sur la productivité s’analysent dans le cadre où les marchés internationaux sont segmentés. L’exportation n’est plus assimilée à un simple élargissement du marché national. Ainsi, Bernard, Redding et Schott (2006) montrent à partir des données américaines que l’exportation conduit les firmes multiproduits à se spécialiser dans les produits pour lesquels elles ont une productivité plus élevée. Les effets de l’exportation durable et intensive résultent alors d’une restructuration de l’offre de l’entreprise, ce qui nécessite un temps suffisamment long.

De manière complémentaire, un autre argument peut être avancé : la montée en gamme et la personnalisation sont nécessaires à la survie sur des marchés à l’exportation concurrentiels et exigeants en matière de qualité. Les différences structurelles entre les pays et les régions permettent la segmentation des marchés par les entreprises, ce qui les conduit à différencier leur offre dans le long terme de deux points de vue (Gaussens, Lecostey et Shahbazi, 2009) : 1) une dimension verticale qui génère un niveau plus élevé de qualité dans la mesure où la variété personnalisée est adaptée aux besoins des utilisateurs, 2) une dimension horizontale dans la mesure où la variété personnalisée s’adresse à un groupe d’individus définis par des technologies ou goûts particuliers plus ou moins conditionnés par des éléments structurels spécifiques à des régions ou des pays. Finalement, une stratégie d’exportation persistante et intensive tournée vers la recherche de valeur soutenue par la personnalisation sur des variétés à haute ou moyenne valeur ajoutée[6] sur différents marchés (stratégie particulièrement adaptée aux PME[7]) devrait générer des gains de productivité.

H2b : Hypothèse de l’effet direct de l’exportation intensive et persistante sur la productivité : l’exportation intensive et persistante influencerait directement et positivement la productivité de l’entreprise dans la mesure où elle s’accompagne d’une logique de recherche de valeur à partir de la spécialisation sur des variétés adaptées ou personnalisées.

En résumé, l’analyse des effets directs de l’exportation durable et intensive sur l’innovation et la productivité permet de dégager trois composantes imbriquées (Figure 2) : 1) l’autosélection des entreprises qui investissent dans l’innovation à l’exportation pour s’y maintenir et s’y développer, 2) l’apprentissage par l’exportation ou la capacité de l’entreprise à surmonter les barrières cognitives grâce à une capacité d’absorption effective suffisante pour exploiter les opportunités d’affaires sur les marchés extérieurs, et 3) la recherche de valeur nette sur les marchés à l’exportation.

2.3. Les effets indirects de l’exportation sur l’innovation et la productivité

On suppose que s’ajoutent à l’influence directe, deux effets indirects de l’exportation durable et intensive sur l’innovation et la productivité (Figure 2). On s’attend à ce que l’augmentation de l’effort d’innovation, induite par l’exportation durable et intensive, accroisse l’extrant d’innovation. En effet, l’innovation est considérée comme un processus qui fait interagir des activités (recherche et développement, créativité, conception et apprentissage) en vue de la réalisation d’un extrant d’innovation (Kline et Rosenberg, 1986 ; Le Masson, Weil et Hatchuel, 2010).

H3a : Hypothèse de l’effet indirect de l’exportation intensive et persistante sur l’extrant d’innovation à travers l’augmentation de la capacité d’innovation.

Secondement, on suppose que l’exportation affecte la productivité indirectement à travers l’extrant d’innovation. En effet, il est bien établi que l’extrant d’innovation est le principal facteur de l’amélioration de la productivité (Mairesse et Mohnen, 2011 ; Griffith, Huergo, Mairesse et Peters, 2006).

H3b : Hypothèse de l’effet indirect de l’exportation intensive et persistante sur la productivité grâce à l’effet d’apprentissage qui augmente l’efficience du processus d’innovation.

Figure 2

Ensemble des effets de l’exportation sur l’innovation et la productivité

Ensemble des effets de l’exportation sur l’innovation et la productivité

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L’approche adoptée a mis en exergue le rôle clé de l’apprentissage par l’exportation intensive et persistante. Celui-ci influence directement l’efficience du processus d’innovation et indirectement la productivité de l’entreprise. Les développements suivants concernent la mise en évidence empirique de ces relations.

3. Données et constructions des variables

Les données utilisées dans l’analyse empirique sont de trois types : les données d’innovation, les données d’exportation et les données financières. Ces données proviennent de sources indépendantes limitant le biais associé à l’emploi de données issues d’un même répondant utilisant un même instrument. Les données d’innovation sont issues de l’enquête de terrain réalisée par nous-mêmes dans le cadre du projet IDEIS. Les données d’exportation et les données financières sont issues de la base de données financières Altarès.

méthodologie de l’enquête IDEIS et échantillonnage

L’enquête s’appuie sur un questionnaire dédié à l’innovation dans les PMI (Gaussens, 2009). Ce questionnaire regroupe des questions relatives à l’innovation (intrants et extrants). L’originalité de ce questionnaire repose sur une description fouillée des activités (processus) d’innovation (activités de connaissances, de conception, de créativité et d’apprentissage organisationnel). L’enquête a été réalisée en 2009-2010 dans le cadre d’entretiens approfondis en face-à-face avec chaque dirigeant, entretiens d’une durée moyenne de trois heures. La qualité des entretiens a permis de préciser le modèle économique et le schéma d’innovation, dont est porteur l’entrepreneur(e), de manière à éviter autant que possible les biais cognitifs. L’enquête porte sur des données de la période 2006-2008 et concerne les entreprises ayant un effectif de 10 à 250 personnes, un code NAF de 10 à 33 et un siège social situé en Basse-Normandie (France). L’enquête repose sur un échantillon de 90 PMI, représentatif (aléatoire et stratifié) de l’industrie bas-normande (Annexe 1, Échantillon).

variables d’innovation

Les variables relatives aux intrants d’innovation sont originales et issues de l’enquête IDEIS. Elles sont regroupées ici dans le cadre de cette étude en quatre catégories (Tableau 1) : recherche et créativité, entrepreneur, financement et capital humain.

1) La recherche et la créativité : nous utilisons un indicateur d’intrant d’innovation qui ne se limite pas à la recherche et le développement. En effet, en ce qui concerne les PME, on peut supposer que la « recherche et développement » est moins efficace pour expliquer l’innovation dans la mesure où relativement peu de PME produisent en interne de nouvelles connaissances de manière formelle. Pour cette raison, nous avons construit une variable qui associe à la recherche et développement, les activités de propriété industrielle (selon la définition de l’INSEE), le recours aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche, la coopération (Brown et Ternouth, 2006 ; Foray et Lissoni, 2010) et la pratique systématique de la veille dans la recherche de nouvelles solutions. Est également inclus le recours aux aides financières et non financières à l’innovation.

2) L’entrepreneur est au coeur du processus d’innovation qui transforme les intrants en réalisation des innovations. Ce processus est complexe comprenant et combinant de multiples activités nécessitant donc un management efficace. Un entrepreneur qualifié, compétent, expérimenté et autonome dans ses décisions peut être un facteur crucial dans le processus d’innovation (Ernst, 2002).

3) Les variables financières sont évidemment un facteur essentiel dans le processus d’innovation dans la mesure où le processus d’innovation est un processus complexe et incertain. D’après l’enquête IDEIS, si 69 % des entreprises n’innovent pas parce qu’elles considèrent que le coût d’innovation est trop élevé, 66 % n’innovent pas par manque de fonds propres et 33 % par manque de financements externes. Spielkamp et Rammer (2009) font état d’une tendance à privilégier l’autofinancement pour amorcer les projets d’innovation.

4) Le capital humain joue un rôle très important dans le développement des innovations dans la mesure où les processus d’innovation sont des processus cognitifs basés sur des connaissances et des savoirs tacites, particulièrement dans les PME. La formation est un des moyens le plus important pour renouveler les compétences (Greenan, 1996 ; Caroli et Van Reenen, 2001).

Les variables décrivant les extrants d’innovation sont tirées de l’enquête IDEIS et sont inspirées du manuel d’Oslo (2005). Elles sont regroupées en cinq catégories : innovation de produit, innovation de procédé, innovation commerciale, innovation d’organisation[8] et autres variables concernant les extrants d’innovation (Tableau 2).

Pour synthétiser l’ensemble des informations relatives à l’innovation, nous avons procédé à des analyses de correspondances multiples (ACM) afin de mesurer l’intrant et l’extrant d’innovation. L’utilisation de l’ACM se justifie pour deux raisons : 1) on dispose d’un grand nombre de données d’extrants et d’intrants d’innovation à partir du questionnaire IDEIS, 2) la complémentarité des différentes activités réalisées par les entreprises pour expliquer leur performance dans l’innovation (Arora et Gambardella, 1990 ; Milgrom et Roberts, 1990). Par exemple, l’introduction d’un nouveau produit incite à changer les procédés de production (Miravete et Pernias, 2006) et à réaliser des innovations commerciales. L’introduction des nouvelles technologies est optimisée grâce aux innovations d’organisation du travail (Polder, Van Leeuwen, Mohnen et Raymond, 2009). Dans ces conditions, l’ACM permet la construction d’indicateurs synthétiques susceptibles de mesurer l’extrant d’innovation et l’intrant d’innovation de manière pertinente pour chaque entreprise. Par ailleurs, cette méthode permet de remédier à la multicolinéarité entre les variables explicatives (Vinod, 1978).

Les graphiques suivants présentent les deux principaux axes d’inertie de l’analyse de correspondances multiples respectivement pour les intrants et les extrants d’innovation. Le premier axe principal d’inertie (Axe horizontal F1) résume 73,99 % (69,26 %) de l’inertie totale pour les intrants (les extrants) d’innovation. Nous constatons que visiblement les modalités en termes de réalisation des innovations (oui, côté droit) s’opposent aux modalités de non-réalisation (non, côté gauche). Par conséquent, l’axe 1 peut se concevoir comme une mesure raisonnable de la capacité d’innovation pour les variables d’intrants d’innovation et de l’intensité d’innovation pour les variables d’extrants d’innovation.

Graphiques 1 et 2

ACM des intrants (gauche) et des extrants d’innovation (droite) (pour la définition des variables, Tableaux 1 et 2)

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En outre, les tableaux 1 et 2, qui présentent respectivement les variables d’intrants et d’extrants d’innovation sous forme de questions, montrent que quasiment toutes les modalités de réalisation (intrants et extrants) des innovations contribuent significativement et positivement au premier axe factoriel (Axe 1). Finalement, les coordonnées des entreprises sur l’axe 1 sont utilisées pour évaluer respectivement leur capacité innovation (intrants) et leur intensité d’innovation (extrants).

Tableau 1

Définition et ACM des intrants d’innovation

Définition et ACM des intrants d’innovation

La quatrième colonne présente le poids relatif de la modalité de la variable correspondante dans la population et la dernière affiche la contribution de la modalité dans la construction du premier axe. Pour les variables dichotomiques, le poids d’une seule des modalités est indiqué, le poids de l’autre modalité prenant simplement une valeur opposée. La valeur propre, le % d’inertie et d’inertie ajustée correspondants de cet axe sont respectivement 0,188, 18,758 et 70,376.

Nombre d’entreprises : 90.

Sources : l’enquête du projet IDEIS porte sur un échantillon de 90 PMI bas-normandes.

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Tableau 2

Définition et ACM des extrants d’innovation

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variables d’exportation

Trois variables d’exportation sont construites à partir de la base de données Altarès en fonction des caractéristiques de l’exportation : 1) la persistance de l’exportation, 2) l’intensité de l’exportation, 3) la « persistance et intensité d’exportation » qui intègre les deux dimensions précédentes. La variable « persistance de l’exportation » mesure la continuité dans le temps de l’effort de l’entreprise à l’exportation. Cette variable est une variable continue qui se calcule par une moyenne mobile : equation: 5034231n.jpg, où t est le temps qui varie entre 1 (pour 2004) et 5 (pour 2008). La variable equation: 5034232n.jpg prend une valeur entre 0 et 1, croissante avec la persistance et l’actualité de l’exportation. L’intensité d’exportation est définie par le pourcentage du chiffre d’affaires à l’exportation en moyenne mobile sur la période 2004-2008. Elle est calculée à partir de equation: 5034233n.jpg, où xt est la part du chiffre d’affaires à l’exportation de l’entreprise. Dans les deux cas, il nous a semblé pertinent de valoriser l’effort d’exportation récent dans la mesure où l’on donne plus de poids à un exportateur en cours et en croissance qu’à un exportateur en déclin. Une dynamique d’exportation influence vraisemblablement plus fortement l’innovation et la productivité.

Finalement, la troisième variable est construite à partir des deux indicateurs d’exportation précédents. On retrouve cette typologie dans d’autres travaux (Andersson et Lööf, 2009). Trois modalités de cette variable ressortent de l’examen distinguant trois catégories d’entreprises (Figure 3 et Annexe 2 pour plus de détails) : 1) les exportateurs intensifs et permanents qui exportent de manière soutenue sur les cinq ans et dont l’intensité d’exportation est supérieure à 20 % (14 % des entreprises), 2) les exportateurs occasionnels (exportateurs discontinus sur les cinq ans) ou peu intensifs (intensité d’exportation inférieure à 20 %) représentent 49 % de la population, 3) les non-exportateurs (37 % des entreprises).

Figure 3

Classification des 90 entreprises suivant deux caractéristiques d’exportation (intensité d’exportation et persistance de l’exportation)

Classification des 90 entreprises suivant deux caractéristiques d’exportation (intensité d’exportation et persistance de l’exportation)

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Enfin, le croisement de l’exportation avec l’innovation et la productivité (Annexe 2) montre que, sur notre échantillon et donc par induction sur la population des PMI de Basse-Normandie, les exportateurs intensifs et permanents semblent être plus innovants et plus productifs que les autres exportateurs, alors que les exportateurs peu intensifs ou occasionnels ne semblent pas se distinguer des non-exportateurs en matière d’innovation et de productivité.

productivité

Nous mesurons la productivité totale des facteurs (PTF) d’une firme à partir des données financières de la base Altarès. La variable PTF est calculée par la méthode non paramétrique de l’indice de Tornqvist développée par Caves, Christensen, et Diewert (1982). Ces mesures sont calculées pour chaque firme comme suit :

equation: 5034235n.jpg

VAi désigne la valeur ajoutée de la firme Ki pour une année donnée, Li l’effectif moyen annuel et Ki le capital fixe productif, la part de la masse salariale dans la valeur ajoutée. equation: 5034274n.jpg et equation: 5034275n.jpg sont respectivement la moyenne des effectifs moyens annuels et la moyenne des capitaux fixes. Cette mesure fournit donc un indice normé de la PTF : une PTF supérieure (inférieure) à 1 correspond à une entreprise dont la productivité est supérieure (inférieure) à la moyenne. L’intérêt de l’indice de Tornqvist est d’éviter le problème d’échelle parce que cet indice est indépendant des unités choisies pour mesurer les facteurs de production.

autres variables

Nous utilisons des variables de contrôle comme le niveau technologique sectoriel et la taille (mesurée par le chiffre d’affaires). La variable « niveau technologique sectoriel » est fondée sur la classification des secteurs de l’OCDE (Hatzichronoglou, 1997). Compte tenu de notre échantillon, nous avons adapté cette classification en distinguant deux catégories : les entreprises qui appartiennent à des secteurs de basse technologie, et celles qui appartiennent à des secteurs de moyenne ou haute technologie. L’utilisation de cette variable a pour objet de contrôler l’hétérogénéité due au niveau technologique sectoriel. Le niveau technologique du secteur d’activité influence probablement l’extrant et l’intrant d’innovation ainsi que la productivité de l’entreprise, toutes choses égales par ailleurs. Quant à la taille, elle expliquerait positivement l’effort d’innovation (les intrants) à cause de la fixité de certains facteurs comme la recherche ou le développement.

4. Estimations et résultats

4.1. Les estimations

Tout d’abord, puisque nous nous intéressons à l’influence de l’exportation sur l’innovation et la productivité, il est important de neutraliser la causalité inverse, à savoir l’effet de l’innovation ou de la productivité sur l’exportation. Dans notre étude, nous supposons que pour les exportateurs intensifs et persistants, l’autosélection à l’entrée est suffisamment éloignée dans le temps pour ne pas exercer d’influence significative sur le niveau de productivité et d’innovation actuel.

Dans cette section, nous estimons l’influence de l’exportation sur l’innovation et la productivité en la décomposant en un effet d’autosélection au maintien sur les marchés extérieurs, un effet d’apprentissage par l’exportation proprement dit et un effet d’échelle ou de spécialisation sur des qualités adaptées ou personnalisées (Section 3).

Nous proposons un modèle composé de trois équations à partir du modèle pionnier de nature récursive CDM (Crépon, Duguet et Mairesse, 1998). On considère ainsi une première équation expliquant les intrants d’innovation, une deuxième estimant l’extrant d’innovation par les efforts d’innovation estimés et finalement la productivité est expliquée par l’extrant d’innovation estimé. L’originalité de ce modèle repose essentiellement sur l’endogénéisation des variables d’innovation par l’exportation. Les trois variables d’exportation (Section 4) interviennent successivement comme variables explicatives dans chacune des trois équations afin d’évaluer leur rôle dans la performance des entreprises.

Le coeur du modèle est constitué par les relations qui formalisent l’effet d’apprentissage de l’exportation sur l’extrant d’innovation (equation: 5034281n.jpg) de l’entreprise i. L’intensité et la persistance de l’exportation (modalité de equation: 5034282n.jpg) sont considérées comme un proxy à la fois du niveau des barrières cognitives (ou de la distance cognitive) et d’exposition forte et durable à de nouvelles opportunités de création de valeur. La capacité d’absorption théorique est estimée par l’intrant d’innovation (equation: 5034283n.jpg), lui-même dépendant de l’intensité et la durabilité de l’exportation à travers l’effet d’autosélection. Finalement, on considère le modèle suivant :

equation: 5034236n.jpg

où (Annexe 3, Description des variables)

  • equation: 5034237n.jpg  : indicateur d’intensité de l’intrant d’innovation de la firme i,

  • equation: 5034238n.jpg  : indicateur d’intensité de l’extrant d’innovation de la firme i,

  • equation: 5034239n.jpg  : indicateur de productivité totale des facteurs (t : période 2006-2008),

  • equation: 5034240n.jpg : indicateur décalé de productivité totale des facteurs (t-1 : période 2003-2005),

  • equation: 5034241n.jpg  : variables d’exportation,

    • equation: 5034242n.jpg
  • equation: 5034270n.jpg  : indicateur de taille (chiffre d’affaires moyen sur 2006-2008),

  • equation: 5034271n.jpg : niveau technologique sectoriel avec deux modalités,

    • equation: 5034243n.jpg

Dans la première étape (eq. A), on teste l’hypothèse H1a c’est-à-dire l’effet d’autosélection au maintien sur les marchés extérieurs. On attend une influence positive de l’exportation intensive et persistante (equation: 5034244n.jpg) sur la capacité (ou l’effort) d’innovation (equation: 5034245n.jpg) dans la mesure où les exportateurs intensifs et persistants ont décidé d’investir dans l’innovation pour rester sur des marchés concurrentiels. A contrario, on ne s’attend pas à un effet de l’exportation occasionnelle ou peu intensive (equation: 5034246n.jpg) sur la capacité d’innovation. De plus, toutes choses égales par ailleurs, il est attendu qu’une plus grande taille (equation: 5034247n.jpg) permet de surmonter les coûts fixes associés aux investissements en recherche et développement, incite plus à coopérer, facilite le recours aux financements et favorise les investissements dans le capital humain. Enfin, l’influence du niveau technologique sectoriel sur les intrants d’innovation est supposée ambiguë : si, par construction, les entreprises appartenant à des niveaux technologiques sectoriels plus élevés investissent plus dans la recherche et le développement et le capital humain, les externalités associées à l’investissement dans l’innovation peuvent à l’opposé réduire cet effort au niveau individuel dans des secteurs à forte intensité technologique.

Dans la seconde étape (eq. B), on teste l’hypothèse H1b c’est-à-dire l’effet d’apprentissage par l’exportation sur l’efficience du processus d’innovation des entreprises. À capacité d’innovation donnée, l’effet d’apprentissage est observé si la modalité equation: 5034248n.jpg affecte positivement l’extrant d’innovation equation: 5034249n.jpg. Par ailleurs, l’intrant d’innovation, expliqué par l’exportation intensive et persistante, doit influencer positivement en moyenne l’extrant d’innovation même si les processus d’innovation ne sont pas tous efficients[13]. Cette dernière relation teste l’hypothèse H3a en évaluant l’effet indirect de l’exportation intensive et persistante sur l’extrant d’innovation.

Dans la dernière étape (eq. C), on teste l’influence directe et indirecte de l’exportation sur la productivité. Les hypothèses H2a et H2b concernent les effets directs. Si l’exportation occasionnelle ou peu intensive (equation: 5034250n.jpg) explique positivement la productivité (equation: 5034251n.jpg), H2a est validée. De manière identique, H2b est validée dans le cas de l’exportation intensive et persistante (equation: 5034252n.jpg).

L’effet indirect de l’exportation intensive et persistante sur la productivité est évalué à travers l’influence de l’extrant d’innovation (equation: 5034253n.jpg) sur la productivité, dans la mesure où l’innovation réalisée doit se traduire par un surcroit de valeur ajoutée produite par l’entreprise, toutes choses égales par ailleurs (Crépon, Duguet et Mairesse, 1998 ; Mohnen et Dagenais, 2002 ; Griffith et al., 2006). Si l’extrant d’innovation estimé (equation: 5034254n.jpg) directement par l’exportation à travers l’effet d’apprentissage affecte positivement la productivité (equation: 5034255n.jpg), l’effet indirect de l’apprentissage par l’exportation sur la productivité est validé (ou H3b validée), toutes choses égales par ailleurs.

Pour bien isoler l’influence directe de l’exportation réalisée en t sur la productivité en t, une variable de productivité décalée est introduite. Une productivité plus élevée en t peut s’expliquer par un effet d’autosélection à l’entrée sur les marchés d’exportation en t-1. On anticipe également un niveau de productivité plus élevé pour des entreprises de secteurs à plus fort contenu technologique : d’une part, les barrières technologiques réduisent la concurrence, et d’autre part, les produits à plus fort contenu technologique sont plus rares et donc génèrent plus de valeur.

Le modèle à estimer est un modèle à équations simultanées. Plus particulièrement, nous sommes dans le cadre d’un système récursif où la matrice des coefficients des variables endogènes est une matrice triangulaire inférieure. Dans ce cas, il est classique d’utiliser la méthode des doubles moindres carrés (DMC) sous l’hypothèse d’indépendance des résidus [equation: 5034256n.jpg] et, si l’hypothèse d’indépendance des résidus n’est pas retenue [equation: 5034273n.jpg], il est d’usage de recourir à la méthode des triples moindres carrés (TMC). En effet, les termes d’erreur ε1, ε2 et ε3 sont des variables stochastiques exprimant tous les facteurs qui affectent respectivement l’intrant d’innovation, l’extrant d’innovation et la productivité, mais ne sont pas explicitement pris en compte dans chacune de ces équations. Nous pouvons donc bien supposer que certains de ces facteurs sont communs aux différentes équations compte tenu de la nature des variables dépendantes. Le tableau 3 présente les résultats des estimations de notre système, équation par équation, pour les deux méthodes DMC et TMC.

4.2. L’interprétation des résultats

Il paraît nécessaire ici de rappeler notre question de recherche : l’exportation intensive et persistante améliore-t-elle le processus de création de valeur pour l’entreprise ? En d’autres termes, existe-t-il un effet d’apprentissage par l’exportation distinct des autres effets ? Les estimations montrent que (Tableau 3) :

  • l’hypothèse de l’apprentissage par l’exportation intensive et persistante (H1b) est partiellement validée (estimations relatives à l’équation B ; Tableau 3). En effet, les exportations simultanément intensives et persistantes influencent significativement et positivement l’extrant d’innovation (avec un niveau de significativité relativement faible de 10 %) alors que l’exportation occasionnelle ou peu intensive n’explique pas significativement l’extrant d’innovation. Ce serait bien le double caractère persistant et intensif de l’exportation qui générerait de l’apprentissage puisque les variables continues « intensité d’exportation » et « persistance de l’exportation » n’expliquent pas séparément et significativement l’extrant d’innovation. Par conséquent, à capacité d’innovation identique (estimée par l’indicateur estimé equation: 5034257n.jpg), les exportateurs intensifs et persistants réaliseraient plus d’innovations ; l’exportation persistante et intensive rendrait le processus d’innovation plus efficient. Ce résultat montre qu’un effet d’apprentissage (certes limité) existerait dans la mesure où les entreprises réussiraient plutôt en moyenne à surmonter les barrières cognitives pour exploiter les opportunités nouvelles offertes par une exposition intense et durable sur les marchés d’exportation. Néanmoins, l’analyse nous conduit à penser que la fragilité du résultat pourrait être due, en dehors des limites du dispositif empirique utilisé, à la difficulté des entreprises à absorber les connaissances externes ou à surmonter les barrières cognitives. Les PME de notre échantillon ne profiteraient pas pleinement des opportunités nouvelles procurées par leur présence intense et durable sur les marchés externes, ce qui est un résultat en soi.

L’ensemble de nos estimations nous semble mieux fondé par rapport aux résultats antérieurs qui mettent en évidence l’effet d’apprentissage par l’exportation. Les tests pratiqués dans notre étude ne sont pas biaisés dans la mesure où l’effet d’apprentissage est bien isolé et suffisamment explicité, contrairement à ceux pratiqués par Girma, Greenaway et Kneller (2004), De Loecker (2007), Andersson et Lööf (2009). Ces derniers surestiment l’effet d’apprentissage en expliquant la productivité directement par l’exportation. Par ailleurs, nous proposons un vrai test de l’effet d’apprentissage en utilisant l’extrant d’innovation (au sens large) contrairement à Salomon et Jin (2008), Girma, Görg et Hanley (2008) qui testent un effet d’autosélection en expliquant un intrant d’innovation. Enfin, notre étude, contrairement aux travaux de Crespi, Cricuolo et Haskel (2008), Hahn et Park (2012) et Love et Ganotakis (2013), différencie l’exportation en fonction de la persistance et de l’intensité, ce qui est fondamental pour tester l’effet d’apprentissage.

Un autre résultat intéressant est l’influence négative de l’intensité technologique sectorielle sur l’extrant d’innovation, ce qui se traduit par une efficience plus élevée des entreprises appartenant aux secteurs à niveau technologique relativement faible. Les entreprises appartenant aux secteurs à faible niveau technologique développeraient plus fréquemment des innovations mineures par rapport aux industries à haute technologie (moins de recherche, concurrence effective plus forte, forte influence de la variabilité des modes de consommation comme dans les industries alimentaires et le textile-habillement). Il est clair que l’indicateur « extrant d’innovation » tel qu’il est retenu dans ce travail prend mal en compte cette différence de nature et privilégie la dimension quantitative de l’innovation selon la classification adoptée par le manuel d’Oslo. Pour remédier à ce problème, il faudrait prendre en compte un indicateur de degré de rupture de l’innovation, ce qui n’est pas simple. Néanmoins, ce phénomène est pris en compte au niveau de la productivité (équation C) puisque l’appartenance à un secteur plus haut technologiquement rend en moyenne plus productif, toutes choses égales par ailleurs.

Tableau 3

Estimations

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  • l’hypothèse de l’autosélection par l’exportation persistante et intensive (H1a) est validée (estimations relatives à l’équation A ; Tableau 3). L’exportation persistante et/ou intensive explique très significativement la capacité – ou effort – d’innovation, alors que l’exportation occasionnelle ou peu intensive n’exerce aucun effet. Ainsi, l’exportation persistante et/ou intensive inciterait les entreprises à renforcer leur capacité d’innovation pour se maintenir ou se développer sur les marchés extérieurs. Comme attendu, les exportateurs occasionnels (ou peu intensifs) en situation d’incertitude sur leur devenir comme exportateur ne sembleraient pas de manière significative plus investir en moyenne dans l’innovation que les non-exportateurs. Il est difficile de faire des comparaisons avec des résultats antérieurs dans la mesure où cette relation est peu discutée, car très souvent assimilée, comme dans Salomon et Jin (2008), Girma, Görg et Hanley (2008), à l’effet d’apprentissage.

Les résultats montrent également qu’une plus grande taille affecterait positivement, comme attendu, l’effort d’innovation. Enfin, l’impact du niveau technologique sectoriel sur les intrants d’innovation apparaît ambigu. Ce résultat validerait le rôle des externalités dans les secteurs à niveau technologique plus élevé.

  • l’hypothèse de l’effet direct de l’exportation occasionnelle ou peu intensive sur la productivité (H2a) n’est pas validée (estimations relatives à l’équation C ; Tableau 3).

  • l’hypothèse de l’effet direct de l’exportation persistante et/ou intensive sur la productivité (H2b) est validée (estimations relatives à l’équation C ; Tableau 3).

L’exportation persistante et intensive explique significativement la productivité dans la mesure où la variable de productivité décalée capte l’autosélection à l’entrée sur les marchés d’exportation. C’est l’influence directe de long terme associée à l’exportation persistante et/ou intensive qui ressort puisque l’effet direct de court terme associé, selon notre hypothèse, à l’exportation occasionnelle ne semble pas jouer. Ce dernier résultat contredit ceux obtenus antérieurement par Bellone etal. (2006), Damijan et Kostevc (2006), Greenaway et Kneller (2007). La population étudiée (PMI) peut expliquer cette constatation. La recherche de valeur à l’exportation sur des produits différenciés ou personnalisés conviendrait mieux à des PMI par rapport à une politique d’économies d’échelle.

  • l’hypothèse de l’effet indirect de l’exportation persistante et/ou intensive sur l’extrant d’innovation (H3a) est validée (estimations relatives à l’équation B ; Tableau 3).

  • l’hypothèse de l’effet indirect de l’exportation persistante et/ou intensive sur la productivité (H3b) est validée (estimations relatives à l’équation C ; Tableau 3).

Les coefficients des variables explicatives estimées « extrants d’innovation » et « intrants d’innovation », elles-mêmes dépendantes de l’exportation persistante et intensive à travers respectivement l’apprentissage et l’autosélection, sont positifs et significatifs. L’apprentissage et l’autosélection se conjuguent pour renforcer l’extrant d’innovation et la productivité de l’entreprise. Ces résultats sont originaux et difficilement comparables. La littérature existante soit intègre l’influence indirecte dans l’effet d’apprentissage (c’est le cas des travaux qui expliquent directement la productivité par l’exportation comme dans Girma, Greenaway et Kneller [2004], De Loecker [2007], Andersson et Lööf [2009]), soit les ignore (c’est le cas lorsque l’extrant d’innovation est expliqué directement par l’exportation comme dans Hahn et Park [2012], Love et Ganotakis [2013]).

Conclusion

Beaucoup de travaux se sont intéressés à l’influence de l’exportation sur l’innovation ou la productivité des entreprises, mais peu apportent une réponse probante au sujet de l’existence d’un effet d’apprentissage de l’exportation. Cette étude contribue à éclaircir cette question en renforçant les fondements conceptuels de l’explication de la performance par l’exportation. La principale originalité de la démarche est de proposer une analyse globale de l’influence de l’exportation sur l’innovation et la productivité en distinguant les effets directs des effets indirects. Nous distinguons également, les différents types d’exportation, dans la continuité de travaux précédents, en donnant au caractère intensif et persistant de l’exportation un rôle déterminant dans l’analyse de l’influence de l’exportation sur l’innovation et la productivité par rapport à l’exportation occasionnelle ou peu intensive, ce qui est nouveau. L’explicitation de l’effet de l’apprentissage par l’exportation constitue l’apport principal. Celui-ci est clairement distingué de l’effet d’autosélection et de l’effet direct sur la productivité. Cette méthode nous permet d’obtenir des estimations non biaisées au sujet de l’existence de l’apprentissage par l’exportation, contrairement aux autres travaux.

L’autre apport de cette étude est empirique. Il est relatif à un échantillon de PME représentatif de l’industrie bas-normande (France). L’hypothèse de l’existence de l’apprentissage par l’exportation est validée à partir d’indicateurs synthétiques originaux de l’intrant et de l’extrant d’innovation adaptés aux PME. L’issue principale de l’analyse économétrique est que l’exportation intensive et durable influence l’innovation et la productivité à travers l’ensemble des effets directs et indirects, dont l’existence de chacun est validée.

Les résultats obtenus préconisent une politique spécifique de soutien et d’accompagnement des PME à l’exportation dans la mesure où l’exportation apparaît comme un puissant vecteur de l’innovation et de la productivité. Cette politique doit être sélective c’est-à-dire s’adresser prioritairement aux entreprises désireuses de s’implanter durablement et intensivement sur les marchés extérieurs. En outre, elle doit être intégrée aux politiques d’innovation, l’exportation faisant partie intégrante de la démarche d’innovation. En particulier, il apparaît opportun d’aider les PME à améliorer l’efficience de l’apprentissage afin de leur permettre d’innover à partir de l’exportation.

Les principales limites de notre étude résident essentiellement dans notre dispositif empirique et dans une relative fragilité statistique du test de l’effet d’apprentissage par l’exportation. Concernant le dispositif empirique mis en oeuvre, la taille réduite de l’échantillon et l’analyse en coupe instantanée limitent la portée des résultats. Il serait nécessaire dans un travail ultérieur de reproduire les tests sur des populations plus nombreuses et d’introduire de la dynamique pour exclure plus clairement les causalités inversées de l’innovation sur l’exportation. Concernant l’explication de l’effet d’apprentissage par l’exportation, notre approche théorique suggère que les PME de notre échantillon auraient des difficultés à tirer profit de l’exportation. Ces entreprises auraient du mal à absorber les connaissances et les technologies auxquelles elles sont confrontées sur les marchés d’exportation, non par manque de capacités d’apprentissage, mais par manque d’efficience du processus d’absorption ou d’innovation. Cette question que nous abordons dans ce travail reste une voie pour des recherches futures.