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Introduction

La motivation joue un rôle incontournable dans l’apprentissage et son lien avec la performance scolaire n’est plus à démontrer. Les recherches indiquent, de façon pour le moins inquiétante, qu’au cours de l’adolescence, les problèmes de motivation deviennent de plus en plus importants : l’attrait de l’école, le sentiment de compétence ou encore la volonté d’apprendre diminuent progressivement et significativement (Gurtner, Gulfi, Monnard, & Schumacher, 2006 ; Wigfield, Eccles, & Rodriguez, 1998). Ces changements dans la motivation à apprendre reflètent une phase normale dans le développement des adolescents en ce qu’elle constitue une tendance générale observée dans divers contextes scolaires autant nord-américains qu’européens. Ces changements sont notamment attribués à une inadéquation croissante de l’environnement scolaire aux besoins des adolescents (Wigfield, Eccles, & Pintrich, 1996). Nos propres expériences dans l’enseignement et la formation des enseignants le montrent : les enseignants du lycée constatent et regrettent fréquemment un manque de motivation chez nombre de leurs élèves. Ils citent notamment une faible persévérance, un engagement minimal dans les tâches, des révisions réalisées de manière superficielle et à « la dernière minute » ainsi qu’un taux élevé d’absentéisme. L’enseignant se sent souvent démuni et peine à expliquer ces comportements et leurs causes. Il n’est en effet pas aisé de qualifier et de quantifier la motivation d’un élève par la simple observation de son comportement en classe. Ces comportements sont souvent des manifestations de causes plus profondes, telles que les raisons qui poussent un élève à s’engager ou non dans une tâche, soit la motivation elle-même. Avec les tenants de la théorie de l’autodétermination, nous soutenons qu’une compréhension précise et approfondie de la motivation des élèves nécessite de s’intéresser à la satisfaction de leurs besoins psychologiques fondamentaux, soit le sentiment de compétence, le sentiment d’appartenance sociale ainsi que le sentiment d’autonomie (Deci & Ryan, 2000). Cette compréhension de la motivation implique aussi, d’une part, des aspects liés à la volonté, tels que les stratégies volitives mobilisées pour mener à bien le travail scolaire et pour maintenir la motivation devant les obstacles et, d’autre part, la tendance à la procrastination, souvent présente chez les adolescents. Comprendre la motivation est un point de départ parmi d’autres qui permet notamment de prendre des mesures pédagogiques cohérentes et de formuler des solutions concrètes et pertinentes pour les élèves faiblement motivés ainsi qu’à leurs enseignants.

Nous avons par ailleurs observé, lors de cours que nous avons donnés à des enseignants en fonction, que les discours autour de la motivation à apprendre sont souvent peu précis, déclinés sur une quantification de la motivation (p. ex., « cet élève-là est très motivé, cet autre n’a aucune motivation »). Cela constitue un jugement global sans grand impact pédagogique. Nous proposons d’affiner ce jugement en considérant tant les aspects motivationnels que volitifs mentionnés ci-dessus, favorisant ainsi une perspective complexe et multicomponentielle de la motivation à apprendre. Nous pensons que les élèves présentent des forces et des faiblesses quant aux multiples aspects de leur motivation qu’il est nécessaire d’analyser pour développer une image précise et fiable de ces élèves. Cette analyse peut être réalisée par la passation d’un questionnaire qui permet à l’élève de rapporter les facettes de sa motivation, information à laquelle l’enseignant n’a accès qu’indirectement par le biais de l’observation de l’engagement de l’élève en classe. La passation d’un tel instrument offre l’occasion à l’élève de s’autoévaluer, ce qui lui permet de considérer sa motivation comme un objet de réflexion et ainsi de prendre conscience de divers aspects de celle-ci (Büchel, Berger, & Kipfer, 2011).

Ces réflexions – brièvement rapportées – nous ont conduits à développer un instrument, l’Inventaire de motivation et volition scolaires (IMVS), permettant d’évaluer la motivation à apprendre des lycéens de 15 à 19 ans. Les facettes de la motivation retenues pour cette évaluation sont les suivantes :

  • les types de motivation : raisons pour lesquelles l’élève va au lycée, celles-ci étant situées sur un continuum de motivations contrôlées à motivations autonomes[1] ;

  • le sentiment d’appartenance sociale : sentiment de soutien des enseignants et sentiment d’appartenance aux pairs ;

  • le sentiment de compétence : sous la forme du sentiment d’efficacité personnelle, soit le sentiment de disposer des compétences pour apprendre les diverses matières au lycée ;

  • la tendance à la procrastination : tendance à remettre à plus tard le travail scolaire ; et

  • les stratégies d’autorégulation de la motivation : stratégies mobilisées pour apprendre lorsque l’envie manque.

Ces aspects ont été choisis, d’une part, pour leur complémentarité théorique, en particulier l’articulation entre la motivation, qui représente les notions de choix, d’intention ou de but, et la volition, qui porte sur les notions de mise en oeuvre des choix, des intentions et des buts ainsi que sur la persévérance dans leur accomplissement (Corno & Kanfer, 1993 ; Kuhl, 1984 ; Wolters, 2003). D’autre part, les facettes retenues sont ancrées dans des théories de la motivation scolaire, en particulier la théorie de l’autodétermination (Ryan & Deci, 2000), dont la pertinence pratique est avérée, selon nos propres expériences avec les lycéens. Chacune des facettes sera décrite en détail plus loin dans le texte.

Plusieurs instruments d’évaluation de la motivation à apprendre destinés à des publics adolescents sont déjà disponibles en français, par exemple : le Questionnaire fribourgeois de motivation (QFM ; Ntamakiliro, Monnard, & Gurtner, 2000), le Questionnaire multicomponentiel de motivation scolaire (QMCM ; Huart, 2006) ou encore l’Échelle de motivation en éducation (EME ; Vallerand, Blais, Brière, & Pelletier, 1989). Chacun de ces instruments est fondé sur une ou plusieurs théories de la motivation. Toutefois, aucun d’entre eux n’évalue la dimension sociale de la motivation, qu’elle soit relative aux pairs ou aux relations avec les enseignants. Les aspects volitifs, soit la procrastination et les stratégies d’autorégulation de la motivation, ne sont pas non plus abordés. L’inventaire que nous proposons s’intéresse, tout comme le QFM et le QMCM, à la perception des compétences, que nous incluons sous une forme différente, c’est-à-dire des jugements différenciés par matière scolaire. La motivation en tant que telle est évaluée en se fondant sur la théorie de l’autodétermination, comme c’est le cas dans l’EME, et non pas sur la valeur de la tâche, sur les attributions causales ou encore sur les buts de compétence, ce dernier concept référant aux buts, raisons ou objets qui dirigent les comportements en situation d’accomplissement (Maehr & Zusho, 2009). Ainsi, notre instrument, bien que mesurant certaines composantes de la motivation déjà abordées dans d’autres questionnaires, propose en plus des dimensions inédites, à notre connaissance, dans un inventaire francophone. L’objectif de cet article est donc de décrire les facettes de la motivation que nous avons considérées pour construire l’IMVS ainsi que deux études à travers lesquelles la validité de la version provisoire et de la version révisée de l’instrument a été examinée.

Facettes de la motivation à apprendre

Nous décrivons ci-après les diverses facettes de la motivation à apprendre analysées dans l’IMVS en définissant les concepts clés et en synthétisant la littérature scientifique. Sont tout d’abord abordés les trois aspects relatifs à la satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux, soit le sentiment d’autonomie (sous la forme de la motivation autonome par rapport à la motivation contrôlée), le sentiment d’appartenance sociale et le sentiment de compétence. Ensuite, nous abordons les deux aspects liés à la volition, soit la tendance à la procrastination et les stratégies d’autorégulation de la motivation.

Le sentiment d’autonomie : la motivation autonome par rapport à la motivation contrôlée

Deci et Ryan (2008) définissent l’autonomie comme étant « le fait, pour un individu, d’agir en exerçant sa volonté et son libre choix » (p. 26). Selon la théorie de l’autodétermination (Ryan & Deci, 2000), différents types de motivation permettent de rendre compte des comportements humains, tels que l’engagement dans les apprentissages scolaires. Ces types sont définis en fonction de leur degré d’autonomie et sont répartis sur un continuum allant d’une motivation autonome – le comportement est réalisé de manière délibérée et spontanée – à une motivation contrôlée – le comportement est obligé et contraint (Sarrazin & Trouilloud, 2006). Trois classes majeures de motivation sont ainsi décrites, certaines comprenant des types différents. Ces trois classes sont : 1) l’amotivation, 2) la motivation extrinsèque, et 3) la motivation intrinsèque.

D’abord, l’amotivation, qui constitue une motivation dite non autonome, caractérise l’élève qui manque d’intention d’agir et qui ne perçoit que faiblement le lien entre ses actions et leurs résultats. Elle peut résulter notamment d’un manque de valeur accordée aux activités et/ou d’un faible sentiment de compétence.

Ensuite, la motivation extrinsèque caractérise l’élève qui s’engage dans une tâche afin d’obtenir le résultat qui lui est associé. Plusieurs types de motivation extrinsèque ont été distingués. La motivation régulée de manière externe représente la forme la moins autonome de motivation extrinsèque. L’élève caractérisé par ce type de motivation agit sous la contrainte matérielle et/ou sociale ; il se sent obligé ou veut obtenir une récompense d’autrui. La motivation introjectée caractérise l’élève qui agit, par exemple, par pression interne ou par culpabilité. Ces deux types de motivation extrinsèque sont contrôlés. La motivation identifiée caractérise l’élève qui s’investit dans une tâche pour atteindre des buts personnels. La motivation intégrée qualifie celui qui s’engage dans une tâche parce qu’elle est cohérente avec ses valeurs. Bien que représentant théoriquement deux types distincts de motivation extrinsèque et autonome, elles n’ont pas été différenciées dans l’IMVS, car elles sont empiriquement indissociables (Ryan & Deci, 2000).

Enfin, la motivation intrinsèque constitue la troisième classe et caractérise l’élève qui réalise une activité pour le plaisir d’apprendre. Cette classe de motivation représente le prototype de l’expérience d’autonomie (Deci & Ryan, 2008). Trois types de motivation intrinsèque sont différenciés. La motivation intrinsèque liée à l’accomplissement qualifie un élève qui éprouve du plaisir en réalisant une tâche. La motivation intrinsèque liée à la stimulation traduit la recherche d’un sentiment de maîtrise, tandis que la motivation intrinsèque liée à la connaissance correspond à la satisfaction d’apprendre quelque chose de nouveau.

Sarrazin et Trouilloud (2006) citent des conséquences cognitives, affectives et comportementales spécifiques de ces types de motivation. Aux formes les plus autonomes de motivation sont associées des conséquences positives telles qu’un plus grand engagement dans les tâches, des apprentissages de plus grande qualité, un traitement de l’information plus approfondi, une préférence pour des tâches qui représentent un défi, une plus grande créativité, des émotions plus positives, un sentiment de valeur de soi (self-worth) plus élevé, un plus faible taux d’abandon ou encore de meilleures performances scolaires. Aux formes les plus contrôlées sont associées des conséquences moins favorables, telles qu’un engagement faible dans les apprentissages et des émotions négatives.

Le sentiment d’appartenance sociale

Les recherches indiquent que les êtres humains sont fondamentalement motivés par un désir de créer et de maintenir des relations interpersonnelles positives et durables (Baumeister & Leary, 1995 ; Deci & Ryan, 2000). À l’école, les facteurs sociaux influencent l’engagement, la performance et aussi le bien-être des élèves (Juvonen, 2006). Ils englobent plusieurs aspects tels que le style d’enseignement privilégié par l’enseignant, le climat qui règne dans la classe ainsi que les relations que l’élève entretient avec ses enseignants et ses pairs. La théorie de l’autodétermination a permis d’opérationnaliser le sentiment d’appartenance sociale dans le cadre scolaire par les relations enseignants-élèves et les relations entre élèves (Black & Deci, 2000). L’IMVS se concentre également sur ces relations, selon le postulat qu’elles sont représentatives du sentiment d’appartenance sociale et qu’elles jouent un rôle important dans la motivation à apprendre.

Les enseignants perçus positivement sont ceux qui encouragent les élèves à participer, stimulent la motivation intrinsèque, définissent des défis réalistes, tiennent compte des différences individuelles dans la définition des attentes et dispensent de la rétroaction (feedback) critique et constructive (Wentzel, 2009). Les recherches ont démontré que les types de rétroaction sont en lien avec le type de buts poursuivis par les élèves, avec la compétence perçue et avec le déploiement de l’effort (Ames, 1992). Il existe un lien entre les buts perçus par les élèves et ceux qu’ils adoptent. Si l’enseignant met l’accent sur les buts de maîtrise, autrement dit une centration sur la compréhension, la maîtrise de la tâche et des apprentissages, l’élève peut alors lui-même aussi poursuivre ce genre de but (Roeser, Midgley, & Urdan, 1996 ; Wolters, 2004). Une orientation vers la maîtrise de la part des élèves est aussi induite par un comportement jugé soutenant. Pour Ames (1992), les buts de maîtrise sont stimulés par le type de tâche (diversifiée, intéressante), par une autorité structurée dans la classe (p. ex., où tout le monde peut participer), par la reconnaissance des efforts des élèves, par la formation de groupes de travail coopératifs et hétérogènes, par l’évaluation des progrès plutôt que des résultats et par le temps laissé pour effectuer les tâches. Selon cette auteure, ces aspects permettent aux élèves de poursuivre des buts de maîtrise, d’améliorer leurs croyances en leurs compétences et, par conséquent, d’être plus engagés. La relation entre les élèves et les enseignants a une influence sur le climat général de la classe (Urdan & Schoenfelder, 2006). Une perception positive du lien avec les enseignants conduit à l’adoption de buts sociaux tels que vouloir se sentir bien avec les autres et à une augmentation de l’intérêt et de la motivation à apprendre. Pouvoir aider ses pairs, coopérer et suivre les règles nourrissent une perception positive de l’enseignant, ce qui engendre plus d’efforts fournis par les élèves (Wentzel, 2009).

Les relations interpersonnelles sont omniprésentes à l’école et les relations d’un élève avec ses pairs influencent également la motivation scolaire, l’engagement et la performance. Cette influence peut être tant positive que négative, car elle dépend des valeurs de l’élève, mais aussi de celles du groupe auquel celui-ci s’identifie et adhère (Urdan & Schoenfelder, 2006). Ainsi, si l’élève adhère à un groupe qui déprécie l’effort et la performance scolaire, il se retrouve alors dans un conflit entre les objectifs de l’école et les valeurs défendues par ses pairs, ce qui conduit à une démotivation (Phelan, Davidson, & Cao, 1991). Notons finalement que, si la détérioration de la motivation que nous avons soulignée en introduction constitue une tendance générale au fil du temps, ce déclin est moins important chez les élèves ressentant un soutien fort de leurs enseignants et qui fréquentent des pairs partageant une image positive de l’école (Gurtner et al., 2006).

Le sentiment de compétence

La théorie de l’autodétermination postule l’existence chez les êtres humains d’un besoin de compétence qui doit être satisfait pour le bien-être psychologique de l’individu (Deci & Ryan, 2000). Dans le domaine scolaire, cela se traduit par l’importance d’un sentiment de compétence pour l’engagement dans les apprentissages. Ce sentiment joue un rôle central dans de multiples théories motivationnelles, telles que la théorie des buts de compétence (Ames, 1992), le sentiment d’efficacité personnelle (Bandura, 2003) ou le concept de soi (Bong & Skaalvik, 2003). Ce sentiment est soumis aux influences du contexte et peut fortement varier en fonction des situations. Il joue un rôle dans l’engagement de l’apprenant dans une tâche scolaire, dans l’effort qu’il fournira et dans la performance qu’il réalisera. Globalement, si un élève a un sentiment de compétence élevé, il choisit des tâches scolaires stimulantes, se fixe des objectifs élevés, fournit des efforts, persévère et persiste devant les obstacles, gère son stress et obtient de meilleures performances. Si un élève pense qu’il peut mener à bien une tâche scolaire, cela lui permettra de mobiliser les processus nécessaires à la réalisation de la tâche, ce qui augmentera également sa motivation (Schunk & Pajares, 2005). Le sentiment de compétence est donc en lien avec l’utilisation de stratégies d’apprentissage efficaces et leur autorégulation, autrement dit avec un apprentissage en profondeur (Berger & Karabenick, 2011). Par exemple, les élèves qui se sentent compétents planifient, vérifient et réalisent leurs tâches scolaires jusqu’à la fin. Le sentiment de compétence est par ailleurs spécifique des matières scolaires étudiées : ce sentiment en relation aux mathématiques prédit positivement les efforts pour apprendre cette matière, mais prédit négativement l’effort exercé pour l’apprentissage de l’anglais (Trautwein, Lüdtke, Roberts, Schnyder, & Niggli, 2009). Le sentiment de compétence en mathématiques est associé aux notes obtenues dans cette matière, mais pas à celles obtenues en langue, et inversement, ce qui signifie que les élèves appréhendent les différentes matières scolaires avec un sentiment de compétence dont le niveau dépend de la matière (Bong, 2002).

La tendance à la procrastination

Procrastiner signifie remettre à plus tard ce qui pourrait être fait tout de suite, tendance illustrée par la fameuse citation d’Oscar Wilde : « Je ne remets jamais au lendemain ce que je puis faire le surlendemain.[2] » L’élève qui procrastine sait ce qu’il doit faire ; il en a l’intention, c’est-à-dire qu’il prévoit de travailler un certain nombre d’heures, mais il n’arrive pas à s’y mettre. Au final, il travaille donc moins longtemps que ce qu’il avait escompté. Il attend ainsi souvent le dernier moment, jusqu’à éprouver un certain stress lié au fait qu’il n’a pas commencé la tâche plus tôt (Solomon & Rothblum, 1984). À l’adolescence, les élèves ont plus de responsabilités et doivent réaliser des exercices et des devoirs de plus en plus conséquents. Ils sont ainsi tenus de planifier et de gérer leur temps, autrement dit de s’autoréguler, ce qui pose souvent problème. Si les élèves procrastinent tous au moins sporadiquement (Ellis & Knaus, 1977), certains ont tendance à le faire presque tout le temps, et ce, indépendamment de la situation. La procrastination est une tendance comportementale qui peut avoir des conséquences néfastes sur la performance et la réussite scolaires. Les étudiants qui procrastinent n’ont en effet pas suffisamment de temps pour étudier, car ils s’y prennent trop tard. Par conséquent, leurs performances ne correspondent pas à leurs capacités réelles (Ferrari, Johnson, & McCown, 1995). La procrastination peut contribuer à ne pas respecter des délais concernant par exemple la remise d’un devoir, à éprouver du stress pendant les examens ou à faire du « bourrage de crâne » (Wolters, 2003). La procrastination peut être considérée comme une incapacité à s’autoréguler (Steel, 2007) et a ainsi été mise en relation avec d’autres variables considérées comme des défaillances de l’apprentissage autorégulé. Des corrélations positives ont été notées avec les buts de maîtrise-évitement (Howell & Watson, 2007) et les buts d’évitement du travail (Wolters, 2003). Autrement dit, l’élève qui procrastine cherche à éviter de se voir incapable d’apprendre ce qui lui est demandé d’apprendre et vise à minimiser l’effort à fournir. La procrastination a été mise en lien avec une personnalité faiblement consciencieuse (Schouwenburg & Lay, 1995) ainsi qu’avec un défaut de persévérance et d’inhibition (Dewitte & Schouwenburg, 2002). Les procrastinateurs persévèrent moins et auraient donc plus de difficultés à renoncer aux fortes tentations, par exemple des distractions plaisantes pendant qu’ils travaillent. Il y a donc un écart entre le nombre d’heures durant lesquelles les élèves comptent travailler, soit leurs intentions, et le nombre d’heures durant lesquelles ils ont réellement travaillé. Cette différence est expliquée par leur vulnérabilité (défaut d’inhibition). Ceci étant, ils ont conscience de cet état de fait et le compensent par la formulation d’un plus grand nombre d’intentions, surtout quand l’échéance se rapproche. Ainsi, plus un examen est éloigné dans le temps, plus les élèves cèdent aux tentations sociales en minimisant l’importance de la récompense future, qui consiste à passer et à réussir l’examen, ce qui constitue un défaut d’autocontrôle (Bembenutty & Karabenick, 2013). Le problème de procrastination est donc associé à une régulation défaillante du comportement. Les élèves qui ont tendance à procrastiner ne sont pour autant pas forcément peu motivés, car ils formulent des intentions. En revanche, les intentions telles que le nombre d’heures durant lesquelles l’élève prévoit de travailler ne sont pas forcément traduites en actions concrètes (Steel, Brothen, & Wambach, 2001). Même si la formulation d’intentions laisse penser qu’un souci de motivation n’existe pas forcément chez les procrastinateurs, certains types de motivation peuvent y être associés. Par exemple, les élèves qui sont amotivés ou dont la motivation découle de facteurs extrinsèques procrastinent plus que ceux dont la motivation est intrinsèque (Senécal, Koestner, & Vallerand, 1995).

Les stratégies d’autorégulation de la motivation

De manière plus prononcée que durant l’enfance, les adolescents n’ont souvent pas envie de « se mettre au travail et y rester » (Cosnefroy, 2010) alors que les demandes sont grandissantes de la part des enseignants. La mobilisation de stratégies d’autorégulation de la motivation est essentielle pour amorcer un travail, tandis que la motivation n’est pas au rendez-vous pour combattre la distraction pendant les activités scolaires ou encore pour fournir un effort et persévérer. L’autorégulation de la motivation a été traitée comme une facette de l’apprentissage autorégulé (Wolters, 1998) ou comme une stratégie volitive étudiée dans le cadre des modèles portant sur la volonté (Corno & Kanfer, 1993 ; Garcia, McCann, Turner, & Roska, 1998). Pour sa part, Kuhl (1984) a interrogé les élèves quant aux stratégies qu’ils mobilisent pour combattre la distraction durant les tâches scolaires, ce qui lui a permis de répertorier six stratégies, dont celles du contrôle de la motivation. Parmi les stratégies spécifiques mentionnées figurent celles destinées à augmenter la confiance en ses propres capacités en se parlant à soi-même (« je sais que je peux le faire ») ou celles visant à maintenir ou trouver un intérêt à la tâche (p. ex., tourner la tâche en un jeu ou la rendre plus plaisante et/ou intéressante) ou encore celles visant une récompense (« je me félicite si j’ai bien travaillé »). La taxonomie de Corno et Kanfer (1993) comporte aussi les stratégies de contrôle de la motivation et des émotions qui s’avèrent importantes, car elles permettent de se protéger contre l’abandon de la tâche et de maintenir l’intention d’apprendre. D’un point de vue théorique, la volonté diffère de la motivation : les processus liés à la volonté sont impliqués dans le maintien de l’intention et du but jusqu’à ce que ce dernier soit atteint, tandis que les processus rattachés à la motivation sont impliqués dans la création de l’intention ou du but (Corno & Kanfer, 1993 ; Kuhl, 1984). Comme dans l’étude de Kuhl, il ressort des travaux de Wolters (1998) que les élèves mobilisent des stratégies d’autorégulation de la motivation pour établir, maintenir et augmenter la volonté de réaliser un effort dans certaines situations scolaires, telles que lire un chapitre de livre, où des problèmes de motivation peuvent surgir, notamment si la tâche est jugée non pertinente, difficile ou ennuyeuse. Sept types de stratégies, relevant de trois catégories générales, émergent des diverses études :

  1. Motivation intrinsèque

    1. s’encourager à apprendre ou se fixer des défis

    2. chercher un intérêt à la matière

    3. tourner la matière en jeu

  2. Motivation extrinsèque

    1. penser aux notes

    2. penser à l’utilité de la matière

    3. se promettre une récompense

  3. Contrôle du contexte d’apprentissage

    1. Aménager son environnement.

Les études indiquent que la mobilisation de ces stratégies est associée à l’adoption de buts de maîtrise et à un sentiment de compétence élevé (Garcia et al., 1998 ; Wolters, 1998). Une gestion du temps efficace résulte également d’une bonne autorégulation de la motivation (Garcia et al., 1998). Bref, les stratégies d’autorégulation de la motivation sont indispensables aux élèves pour mener à bien leurs apprentissages. Elles permettent de contrer les distractions, l’ennui ou, plus généralement, l’envie d’abandonner une tâche.

Procrastination et stratégies d’autorégulation de la motivation constituent deux perspectives complémentaires sur les aspects volitifs des élèves. La première constitue un indicateur des difficultés que l’élève éprouve à se mettre au travail, et ce, malgré son intention d’étudier. La seconde constitue les outils que l’élève peut mobiliser afin de réaliser son intention, malgré la présence de distractions plus intéressantes telles que des loisirs.

Nous avons conduit deux études afin de développer l’IMVS permettant de rendre compte des diverses facettes de la motivation exposées ci-dessus. Les objectifs généraux des études sont d’étudier la validité de construit des échelles composant l’instrument ainsi que l’établissement d’une version comprenant un nombre d’items idoine mais restreint, compte tenu du grand nombre de construits à mesurer. Selon Bertrand et Blais (2004), reprenant les idées de Messick (1989), la validité de construit consiste, d’une part, à déterminer ou confirmer les principales composantes de l’instrument par des analyses dimensionnelles et, d’autre part, à situer le concept dans un réseau nomologique. Cette dernière étape comprend l’analyse de la matrice des corrélations entre le test en question et d’autres tests mesurant des concepts théoriquement similaires, associés ou indépendants. Autrement dit, il s’agit de déterminer, sur la base d’hypothèses formelles dérivées de la théorie, dans quelle mesure l’instrument ou ses dimensions s’ajustent dans un réseau de relations de la manière attendue (Cronbach & Meehl, 1955). Ces objectifs sont réalisables en recourant à des analyses factorielles pour la première partie, puis à des analyses corrélationnelles pour la seconde. De plus, nous examinerons notre inventaire en regard d’une critique souvent formulée à propos des questionnaires : l’influence de la désirabilité sociale, soit la tendance à « déformer plus ou moins intentionnellement les descriptions de soi dans une direction jugée favorable (Gough, 1952) en exagérant ses qualités et/ou en minimisant ses défauts » (Juhel & Rouxel, 2005, p. 60), sur les réponses formulées par les élèves. Cette question de validité interne sera traitée par l’observation des corrélations entre deux facettes de la désirabilité sociale et les scores aux échelles de notre instrument.

Étude 1

Le but de cette étude est d’évaluer les qualités psychométriques d’une série d’items destinés à mesurer les construits retenus. Pour ce faire, des analyses factorielles confirmatoires, des estimations de la cohérence interne et des analyses de corrélation entre notes scolaires et sentiments de compétence ont été menées.

Méthode

Participants

Huit classes d’un établissement scolaire (N=166) du canton de Genève, en Suisse, ont rempli une première version de l’Inventaire durant une période de cours de 45 minutes, sous la supervision d’un enseignant. Les classes ont été sélectionnées par la direction de l’établissement ; deux pour chacun des quatre degrés du lycée genevois, correspondant généralement aux tranches d’âge 15-16, 16-17, 17-18 et 18-19. L’échantillon comporte 58 % de femmes, l’âge moyen est de 17 ans et 3 mois, et la langue maternelle est le français pour 81 % de l’échantillon.

Instruments

La première version de l’IMVS comprend un total de 98 items de type Likert prévus pour mesurer 18 construits. En fonction des échelles, les modalités de réponses varient (entre 5 et 11 points) ainsi que leur libellé, ce qui permet de réduire le biais de méthode commune, qui tend à amplifier les corrélations entre scores d’échelle (Podsakoff, MacKenzie, Lee, & Podsakoff, 2003). En annexe figurent les items de la version finale du questionnaire.

Le sentiment d’autonomie

Les items ont été adaptés de l’Échelle de motivation en éducation (EME) de Vallerand, Blais, Brière et Pelletier (1989) pour mesurer sept types de motivation : trois intrinsèques (connaissance, accomplissement et stimulation), trois extrinsèques (identifiée, introjectée et régulation externe) et l’amotivation. Quatre items par type de motivation ont été initialement formulés. L’échelle de réponses est constituée de 7 points (1=tout à fait faux ; 7=tout à fait vrai). Notons que les types de motivation peuvent être réunis, selon une formule arithmétique (voir Ryan & Connell, 1989), en un score unique nommé « indice d’autonomie relative », ce qui fournirait un indicateur du sentiment d’autonomie.

Le sentiment d’appartenance sociale

Nous nous sommes inspirés de l’instrument Learning Climate Questionnaire (Black & Deci, 2000) pour mesurer le sentiment de soutien par les enseignants ainsi que le sentiment d’appartenance aux pairs par chacun des six items. L’échelle de réponses est constituée de 6 points (1=tout à fait faux ; 6=tout à fait vrai).

Le sentiment de compétence

Une échelle a été développée sur le modèle de celle proposée par Zimmerman, Bandura et Martinez-Pons (1992) afin d’évaluer le sentiment de compétence pour 13 matières scolaires. L’échelle de réponses est constituée de 11 points (0=je ne vais pas réussir ; 5=je vais moyennement réussir ; 10=je suis sûr-e de réussir).

La tendance à la procrastination

Nous nous sommes inspirés des échelles de Tuckman (1991) et de Lay (1986) pour en créer une de 13 items, qui ont été adaptés au contexte de la présente recherche. L’échelle de réponses est constituée de 5 points (1=pas du tout moi ; 5=tout à fait moi).

Les stratégies d’autorégulation de la motivation

En nous inspirant des travaux de Wolters (1998) et de Cosnefroy (2010), nous avons adapté 32 items afin d’évaluer sept types de stratégies, comprenant chacune trois à six items : 1) s’encourager à apprendre ou se fixer des défis, 2) chercher un intérêt à la matière, 3) tourner la matière en jeu, 4) penser aux notes, 5) penser à l’utilité de la matière, 6) se promettre une récompense, et 7) aménager son environnement. L’échelle de réponses est constituée de 7 points (1=jamais ; 7=toujours).

Les notes en français et en mathématiques

Les élèves ont rapporté, avec une précision au centième, leurs dernières moyennes en français et en mathématiques. Dans le système scolaire genevois, les notes vont d’un minimum de 1 à un maximum de 6.

Procédure d’administration de l’instrument

L’instrument a été soumis par les enseignants pendant une période de cours de 45 minutes. Des consignes standardisées ont été lues aux élèves afin d’expliquer les objectifs de l’enquête ainsi que la façon de répondre aux items. Tous les élèves présents le jour de la passation ont accepté de remplir l’instrument. Les questionnaires remplis ont ensuite été récupérés par les chercheurs.

Procédure d’analyse

Des analyses factorielles confirmatoires ont été conduites afin d’évaluer la validité de construit de la première version de l’Inventaire. Ces analyses, réalisées avec le logiciel Mplus 5.0 (Muthén & Muthén, 1998/2007), ont été fondées sur les matrices de covariance des variables en question, celles-ci étant considérées comme des variables continues. Les modèles ont été estimés en utilisant une procédure d’estimation robuste, soit Maximum Likelihood Robust (MLR), quant aux déviations de la normalité dans les distributions. L’indice 𝜒2 a été corrigé selon la procédure de Satorra-Bentler (Satorra & Bentler, 2001). La proportion de données manquantes, en matière d’items, est inférieure à 5 % pour toutes les échelles, à l’exception de l’échelle de sentiment de compétence, ce qui est considéré comme acceptable (Tabachnick & Fidell, 2007). De ce fait, toutes les analyses factorielles ont été conduites selon la procédure Full Information Maximum Likelihood, qui est la méthode la plus efficace pour estimer des modèles d’équations structurelles en présence d’un taux raisonnable de données manquantes (Enders, 2006). Les modèles d’analyse factorielle confirmatoire ont été évalués par le test du khi carré. Uniquement lorsque le test du khi carré est significatif, nous rapportons également le ratio khi carré/degrés de liberté (𝜒2/dl), ainsi que deux indices d’ajustement (le comparative fit index [CFI] et l’erreur quadratique moyenne de l’approximation [RMSEA]) afin d’évaluer la qualité du modèle, selon les recommandations de Schermelleh-Engel, Moosbrugger et Müller (2003). Pour l’interprétation des indices d’ajustement, les recommandations de Schermelleh-Engel et ses collaborateurs sont également suivies. Ainsi, un ratio khi carré/degrés de liberté ≤ 3 est dit acceptable et ≤ 2 bon ; CFI≥0,90 est jugé acceptable et CFI≥0,95 est jugé bon ; RMSEA≤0,10 est considérée comme acceptable et RMSEA≤0,05 bonne. Des modèles incluant tous les facteurs pour un même construit, par exemple les sept échelles de motivation, ont été testés pour évaluer, d’une part, si chacun des items saturait significativement le facteur concerné et, d’autre part, si la validité divergente des facteurs, autrement dit le degré de divergence entre un facteur et d’autres facteurs, était satisfaisante. Puis, lorsque nécessaire, les modèles ont étés modifiés en fonction des résultats ; par exemple, deux facteurs ont été regroupés en un s’ils ne divergeaient pas clairement. Notons que nous n’avons pas déterminé de coefficient minimal afin de juger la valeur des saturations. Nous avons évalué les saturations en regard, en premier lieu, de leur significativité statistique et, en second lieu, de leur valeur en comparaison aux saturations des autres items mesurant le facteur concerné. En effet, certains construits, tels que le sentiment d’appartenance aux pairs, ont une définition relativement large impliquant que des saturations très élevées (>0,8) sont peu probables. Au contraire, les items mesurant des construits dont la définition est restreinte, tels que la motivation intrinsèque liée à l’accomplissement, pourront être saturés très fortement par le facteur.

Résultats

Sentiment d’autonomie

Les résultats d’un modèle à sept facteurs, soit un par type de motivation, indiquent premièrement que les items censés mesurer la motivation extrinsèque identifiée ne forment pas un facteur cohérent, car ils ne sont pas fortement intercorrélés (r≤0,2). Deuxièmement, les échelles de motivation intrinsèque liée à la stimulation et à la connaissance sont très fortement corrélées (r=0,84 et p<0,001). En d’autres termes, la validité divergente est faible, ce qui suggère que ces deux types de motivation pourraient être représentés par une unique échelle. Le troisième type de motivation intrinsèque est par contre clairement distinct des deux autres. Pour chacune des échelles, l’item dont la saturation était la moins forte a été éliminé. Le nombre d’items par échelle a ainsi été réduit à trois. La cohérence interne (alpha de Cronbach) des échelles à trois items se situe entre α=0,65 et α=0,81, ce qui est satisfaisant étant donné le faible nombre d’items par échelle. Une solution factorielle à six facteurs, chacun saturé par trois items, offre un ajustement acceptable aux données, et ce, en dépit de la forte corrélation suivante : (𝜒2(120)=196,86 ; p<0,001 ; 𝜒2/dl=1,64 ; CFI=0,89 et RMSEA=0,07). Toutes les saturations sont supérieures à 0,59 (p<0,001).

Sentiment d’appartenance sociale

Les résultats d’un modèle à deux facteurs indiquent que les six items se référant au sentiment d’appartenance aux pairs et les six items se référant au sentiment de soutien par les enseignants saturent les facteurs concernés. Pour chaque facteur, l’item saturant le moins fortement ce dernier a été éliminé afin de raccourcir les échelles, et ce, en prenant garde de ne pas réduire l’étendue conceptuelle du construit. La cohérence interne des échelles à cinq items est de α=0,81 (sentiment d’appartenance aux pairs) et de α=0,84 (sentiment de soutien par les enseignants). L’ajustement d’un modèle bifactoriel est bon : 𝜒2(34)=42,85 et p=0,14. Toutes les saturations sont supérieures à 0,56 (p<0,001). La corrélation entre les deux sentiments est de r=0,43 et p<0,05.

Sentiment de compétence

Un grand nombre de données manquantes a été relevé à ces items, car les élèves ne suivent pas tous les mêmes cours. La réponse à chaque item est traitée séparément. Autrement dit, le score à chaque item est considéré, et non un score moyen. Le sentiment de compétence en français est, comme attendu (Bong, 2002), lié à la dernière moyenne obtenue en français (r=0,50 et p<0,001), mais pas à la dernière moyenne obtenue en mathématiques (r=-0,04 et p=non significative [ns]). Le sentiment de compétence en mathématiques est lié aux notes en mathématiques (r=0,61 et p<0,001), mais pas à la dernière moyenne obtenue en français (r=-0,12 et p=ns).

Tendance à la procrastination

Les résultats d’un modèle unifactoriel indiquent que deux items ne saturent pas le facteur. L’élimination de ces items ainsi que de celui saturant le plus faiblement le facteur réduit l’échelle à 10 items. L’ajustement d’un modèle unifactoriel est satisfaisant : 𝜒2(35)=77,15 ; p<0,001 ; 𝜒2/dl=2,20 ; p<0,001 ; CFI=0,89 et RMSEA=0,09. Toutes les saturations sont supérieures à 0,52 (p<0,001). La cohérence interne de l’échelle est de α=0,89.

Stratégies d’autorégulation de la motivation

Les résultats d’un modèle à sept facteurs indiquent que les items se référant aux stratégies « chercher un intérêt » et « tourner la matière en jeu » ne représentent pas deux facteurs distincts, raison pour laquelle nous les avons combinés en un unique facteur. Le nombre d’items par facteur a été restreint à trois. L’ajustement d’un modèle révisé à six facteurs est bon : 𝜒2(120)=163,45 ; 𝜒2/dl=1,36 ; p=0,005 ; CFI=0,94 et RMSEA=0,05. Toutes les saturations sont supérieures à 0,47 (p<0,001). La cohérence interne des échelles se situe entre α=0,57 et α=0,86. Le nombre restreint d’items par échelle est responsable de l’alpha insatisfaisant. Les corrélations entre les différentes échelles de stratégies sont entre r=0,11 (p=ns) et 0,38 (p<0,05), ce qui indique une validité divergente adéquate.

Les statistiques descriptives ainsi que les estimations de la cohérence interne des scores d’échelle figurent au tableau 1.

Tableau 1

Statistiques descriptives de la première version de l’IMVS

Statistiques descriptives de la première version de l’IMVS

Note. N = 166. M. I. = motivation intrinsèque; M. E. = motivation extrinsèque; Moy. = moyenne; Min./Max. poss. = minimum/maximum possible; Min./Max. obs. = minimum/maximum observé; Cohér. int. = cohérence interne estimée par l’alpha de Cronbach.

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Il ressort de l’Étude 1 que, à la suite de légères modifications que sont la suppression des items les moins saturés par les facteurs et le regroupement de certaines échelles, les échelles retenues pour l’évaluation de chacune des facettes de la motivation présentent, à l’exception de l’échelle destinée à mesurer la motivation extrinsèque identifiée, des qualités psychométriques satisfaisantes en matière de validité interne. Deux changements sont toutefois désirables, voire nécessaires. Premièrement, quatre nouveaux items ont été créés pour mesurer la motivation extrinsèque identifiée (p. ex., « cela va me permettre d’accéder aux études ou à l’école qui m’intéresse ») ; ils seront testés dans l’Étude 2. Deuxièmement, dans un but de parcimonie, deux items jugés redondants quant à leur contenu ont été supprimés de l’échelle de procrastination, ce qui permet de réduire l’échelle à huit items.

Étude 2

Le but de cette étude est triple. Premièrement, il s’agit de confirmer l’ajustement des structures factorielles mises en évidence dans l’étude préliminaire. Deuxièmement, nous nous proposons d’étudier le réseau nomologique des échelles afin d’évaluer leur validité externe. Finalement, nous désirons analyser les relations entre les réponses des élèves aux items et leur tendance à répondre de manière socialement désirable.

Une série d’hypothèses relatives au réseau nomologique ont été formulées sur la base de notre revue de la littérature. Concernant le sentiment d’autonomie, nous postulons que plus la motivation intrinsèque est élevée, plus le sentiment d’autonomie (hypothèse 1 ; Deci & Ryan, 2008 ; Ryan & Deci, 2000), l’attrait de l’école (hypothèse 2 ; Ryan & Deci, 2000 ; Sarrazin & Trouilloud, 2006), les buts de maîtrise-approche (hypothèse 3 ; Ames, 1992) et le plaisir d’aller à l’école (hypothèse 4 ; Ryan & Deci, 2000 ; Sarrazin & Trouilloud, 2006) sont élevés. Au contraire, selon la théorie de l’autodétermination (Deci & Ryan, 2000 ; Sarrazin & Trouilloud, 2006), plus l’amotivation est élevée, plus l’ennui (hypothèse 5) et la colère ressentie à l’égard de l’école (hypothèse 6), les buts d’évitement du travail (hypothèse 7) et de réponse aux exigences (hypothèse 8) sont forts. Au sujet du sentiment d’appartenance sociale, nous postulons que plus le sentiment d’appartenance aux pairs est élevé, plus le sentiment d’appartenance sociale (hypothèse 9 ; Wentzel, 2009) ainsi que l’attrait de l’école (hypothèse 10 ; Deci & Ryan, 2008) sont élevés. Pour ce qui est du sentiment de soutien par les enseignants, nous postulons que plus ce sentiment est élevé, plus les buts de maîtrise-approche (hypothèse 11 ; Ames, 1992 ; Roeser et al., 1996) ainsi que l’attrait de l’école (hypothèse 12 ; Gurtner et al., 2006) sont élevés. Au contraire, moins ce sentiment est élevé, plus les buts d’évitement du travail (hypothèse 13 ; Wentzel, 2009) sont élevés. En ce qui concerne le sentiment de compétence, nous postulons que plus ce sentiment est élevé, meilleures sont les notes dans la matière correspondante (hypothèse 14 ; Bong, 2002). Au contraire, nous postulons une indépendance entre le sentiment de compétence pour une matière et les notes d’une autre matière (hypothèse 15 ; Bong, 2002). En outre, plus le sentiment de compétence scolaire est élevé, plus les sentiments de compétence pour diverses matières scolaires (hypothèse 16 ; Deci & Ryan, 2008) ainsi que celui de contrôle sur sa propre réussite scolaire (hypothèse 17 ; Bandura, 2003) sont élevés. À propos de la tendance à la procrastination, nous postulons que plus elle est élevée, moins le niveau de conscience (personnalité consciencieuse) est fort (hypothèse 18 ; Schouwenburg & Lay, 1995) et plus les buts d’évitement du travail (hypothèse 19 ; Wolters, 2003) sont élevés. Finalement, concernant les stratégies d’autorégulation de la motivation, nous postulons que plus elles sont utilisées, plus les buts de maîtrise-approche (hypothèse 20 ; Garcia et al., 1998 ; Wolters, 1998), le sentiment d’efficacité pour s’autoréguler (hypothèse 21 ; Wolters, 1998) ainsi que les stratégies de gestion du temps (hypothèse 22 ; Garcia et al., 1998) sont élevés.

Méthode

Participants

L’échantillon, dont la description figure au tableau 2, est constitué de 661 adolescents issus d’un lycée genevois, répartis dans 33 classes.

Tableau 2

Composition de l’échantillon de l’Étude 2, selon le degré scolaire, le sexe, la langue maternelle et l’âge

Composition de l’échantillon de l’Étude 2, selon le degré scolaire, le sexe, la langue maternelle et l’âge

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Instruments

L’IMVS révisé

Les échelles utilisées dans l’Étude 1 ont été révisées comme nous l’avons rapporté ci-dessus, puis utilisées dans l’Étude 2 en conjonction avec une série d’instruments afin d’évaluer la validité de l’IMVS.

Les instruments de mesure pour l’étude du réseau nomologique et de la désirabilité sociale

Différentes mesures ont été choisies pour étudier la validité convergente et divergente ainsi que les relations entre les échelles de l’IMVS et la désirabilité sociale.

Émotions à l’école. Six items pour chacune des trois échelles évaluant le plaisir, l’ennui et la colère à l’école ont été traduits du Achievement Emotions Questionnaire de Pekrun, Goetz et Perry (2005). Ces derniers traduisent des émotions ressenties avant d’aller en cours, pendant les cours ou après les cours (p. ex., « pendant les cours, j’ai l’impression que je pourrais m’endormir sur ma chaise » se réfère à l’ennui).

Sentiment de compétence scolaire. Les quatre items de l’Échelle des perceptions de compétences dans les domaines de vie (ÉPCDV) mesurant les perceptions de compétences scolaires (Losier, Vallerand, & Blais, 1993) ont été utilisés (p. ex., « j’ai développé de très bonnes compétences comme étudiant-e »).

Sentiment d’appartenance sociale. Les cinq items se rapportant à la dimension « acceptation » de l’Échelle du sentiment d’appartenance sociale de Richer et Vallerand (1998) ont été utilisés (p. ex., « dans mes relations avec mes camarades, je me sens en confiance »).

Sentiment d’autonomie scolaire. Quatre items mesurant la perception d’autonomie dans le domaine scolaire, tirés de l’Échelle de perception d’autodétermination dans les domaines de vie (ÉPADV-16 ; Blais & Vallerand, 1991), ont été utilisés (p. ex., « je vais à l’école vraiment par choix personnel »).

Attrait de l’école. Les quatre items du QFM (Ntamakiliro et al., 2000) ont été choisis (p. ex., « ce qu’on fait à l’école me plaît »).

Buts de compétence. Six types de buts de compétence ont été évalués : maîtrise-approche, maîtrise-évitement, performance-approche, performance-évitement, évitement de l’effort et réponse aux exigences (Berger, 2013). Les quatre premiers types de buts ont été évalués avec le Achievement Goal Questionnaire – Revised d’Elliot et Murayama (2008), que nous avons traduit. Les deux autres types de buts ont été mesurés grâce à des échelles spécialement développées pour la présente étude. Chaque but était mesuré par trois items. Après élimination d’un item prévu pour mesurer les buts de type « réponse aux exigences », un modèle à six facteurs s’ajuste correctement aux données (𝜒2(105)=166,82 ; 𝜒2/dl=1,59 ; p<0,001 ; CFI=0,94 et RMSEA=0,06). Un exemple d’items mesurant les buts de type « réponse aux exigences » est : « mon objectif est simplement de faire ce qui est demandé par les enseignants ».

Perception de contrôle sur les résultats scolaires. Six items tirés de la traduction du Control, Agency, and Means-Ends Interview (Skinner, Chapman, & Baltes, 1988) par Bouffard et Bordeleau (1997) ont été utilisés (p. ex., « si je le décide, je suis capable d’apprendre quelque chose de difficile »).

Sentiment d’efficacité pour s’autoréguler. Douze items traduits de la Self-Efficacy for Self-Regulated Learning Scale de Zimmerman et ses collaborateurs (1992) ont permis d’évaluer ce sentiment. La consigne demandait à l’élève d’évaluer, sur une échelle de réponses à 11 niveaux, dans quelle mesure il se sentait confiant pour appliquer diverses compétences d’autorégulation telles qu’« étudier alors qu’il y a d’autres choses intéressantes à faire ».

Trait de conscience. Huit items pour chacune des six facettes du trait de conscience, soit compétence, ordre, sens du devoir, recherche de la réussite, autodiscipline et délibération, ont été choisis dans la traduction du Neuroticism-Extroversion-Openness Personality Inventory Test Revised (NEO PI-R ; Costa & McCrae, 1992). Un exemple d’items est « j’essaie d’accomplir consciencieusement toutes les tâches qui me sont confiées ». Six items ont été légèrement adaptés à l’âge des répondants. Un item mesurant la facette « délibération » a été éliminé, car il n’était que très faiblement corrélé avec les autres items de cette même facette.

Stratégies de gestion du temps. Nous avons sélectionné et traduit huit items de l’échelle « gestion du temps » du Learning and Study Strategies Inventory (LASSI ; Weinstein, Zimmerman, & Palmer, 1988). Un exemple d’items est : « quand je décide d’étudier, je réserve une plage horaire et je m’y tiens ».

Tendance à la désirabilité sociale. Les échelles développées par Tournois, Mesnil et Kop (2000) ont été utilisées afin d’évaluer deux formes de désirabilité sociale : les tendances à l’autoduperie (18 items ; p. ex., « je suis toujours optimiste ») et à l’hétéroduperie (17 items ; p. ex., « je dis toujours des choses favorables sur les autres »). L’autoduperie ou illusion sur soi représente une façon optimiste de s’autoévaluer qui contribue à préserver et amplifier une image de soi positive (Paulhus, 1984). L’hétéroduperie ou gestion de l’impression représente une façon de se présenter en donnant aux autres une image de soi positive de manière volontaire (Paulhus, 1984). Un item de l’échelle d’hétéroduperie a été éliminé, car il ne convenait pas à des élèves adolescents. Les statistiques descriptives ainsi que les indices de cohérence interne des échelles figurent au tableau 3.

Procédure

Les instruments ont été soumis par les enseignants pendant une période de cours. Des consignes standardisées ont été lues aux élèves. Tous les élèves présents le jour de la passation ont accepté de remplir les instruments. Les 33 classes ont été réparties aléatoirement en quatre groupes. Chacun des groupes a rempli, en plus des échelles constituant l’IMVS, une partie des échelles permettant d’étudier le réseau nomologique et la relation des échelles de l’IMVS avec la désirabilité sociale :

  • les échelles mesurant le trait de conscience pour le 1er groupe ;

  • les échelles des émotions à l’école et des buts de compétence pour le 2e groupe ;

  • l’échelle des stratégies de gestion du temps pour le 3e groupe ; et

  • les échelles des sentiments de compétence scolaire, d’autonomie scolaire et d’appartenance sociale ainsi que les échelles concernant la perception de contrôle, le sentiment d’efficacité pour s’autoréguler et l’attrait de l’école pour le 4e groupe.

Les analyses dimensionnelles ont été réalisées selon les mêmes principes que dans l’Étude 1.

Tableau 3

Échelles utilisées pour l’étude du réseau nomologique des échelles de l’IMVS révisé et des liens avec la désirabilité sociale

Échelles utilisées pour l’étude du réseau nomologique des échelles de l’IMVS révisé et des liens avec la désirabilité sociale

Note. Moy. = moyenne; Min./Max. obs. = minimum/maximum observé; Min./Max. poss. = minimum/maximum possible; Cohér. int. = cohérence interne estimée par l’alpha de Cronbach.

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Résultats

Analyses dimensionnelles

Le sentiment d’autonomie

Trois modèles factoriels ont été testés (voir Tableau 4), puis comparés quant à leur ajustement aux données.

Tableau 4

Ajustement des modèles factoriels testés pour les dimensions du sentiment d’autonomie

Ajustement des modèles factoriels testés pour les dimensions du sentiment d’autonomie

Note. dl = degrés de liberté. Modèle 1 : 7 facteurs représentant chaque type de motivation. Modèle 2 : 7 facteurs représentant chaque type de motivation plus 1 facteur général saturant les 3 facteurs de motivation intrinsèque. Modèle 3 : 5 facteurs représentant la motivation intrinsèque en 1 facteur unique, les 3 types de motivation extrinsèque et l’amotivation.

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Le test du khi carré ainsi que les indices d’ajustement indiquent qu’un modèle à sept facteurs de premier ordre, correspondant aux sept types de motivation postulés, s’ajuste le mieux aux données. Toutes les saturations sont supérieures à 0,57 (p<0,001). Sept échelles sont de ce fait retenues pour la suite des analyses.

Le sentiment d’appartenance sociale

Un modèle bifactoriel (sentiment d’appartenance aux pairs et sentiment de soutien par les enseignants) s’ajuste bien aux données : (𝜒2(33)=78,01 ; 𝜒2/dl=2,36 ; p<0,001 ; CFI=0,98 et RMSEA=0,05). Toutes les saturations sont supérieures à 0,62 (p<0,001). Nous retenons par conséquent deux échelles.

La tendance à la procrastination

Un modèle bifactoriel, qui permet de distinguer les items se référant à une tendance à la procrastination de ceux se référant à une non-tendance à la procrastination, s’ajuste légèrement mieux (𝜒2(19)=123,35 ; 𝜒2/dl=6,49 ; p<0,001 ; CFI=0,94 et RMSEA=0,09) qu’un modèle unifactoriel. Toutes les saturations sont supérieures à 0,58 (p<0,001). La corrélation entre les deux facteurs est de r=0,93, ce qui traduit un manque de validité divergente. Une seule échelle est ainsi retenue pour la suite des analyses.

Les stratégies d’autorégulation de la motivation

Un modèle à six facteurs, chacun représentant un type de stratégie, montre un ajustement acceptable aux données (𝜒2(120)=377,26 ; 𝜒2/dl=3,14 ; p<0,001 ; CFI=0,93 et RMSEA=0,06). Toutes les saturations sont supérieures à 0,52 (p<0,001). Six échelles sont de ce fait retenues pour la suite des analyses.

Les statistiques descriptives et cohérence interne

Les moyennes, les écarts-types et les étendues ainsi que les indices de cohérence interne figurent au tableau 5. Les corrélations entre les échelles de l’IMVS figurent au tableau 6. Celui-ci nous indique que la validité divergente des échelles de l’IMVS est adéquate.

Tableau 5

Statistiques descriptives de l’IMVS révisé

Statistiques descriptives de l’IMVS révisé

Note. N = 661. M. I. = motivation intrinsèque; M. E. = motivation extrinsèque; Moy. = moyenne; Min./Max. obs. = minimum/maximum observé; Min./Max. poss. = minimum/maximum possible; Cohér. int. = cohérence interne estimée par l’alpha de Cronbach. Asymétrie et voussure sont standardisées, c’est-à-dire divisées par leurs erreurs standards respectives.

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Tableau 6

Corrélations entre les variables de l’IMVS

Corrélations entre les variables de l’IMVS

Note. N = 661. M. I. = motivation intrinsèque; M. E. = motivation extrinsèque. Les correlations ≥ 0,08 sont significatives à p = 0,05; les correlations ≥ 0,11 sont significatives à p = 0,01; les correlations ≥ 0,13 sont significatives à p = 0,001(bidirectionnelle).

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Réseau nomologique

Le sentiment d’autonomie

Les corrélations entre les sept dimensions de la motivation et les six types de buts de compétence, les trois types d’émotions à l’école, le sentiment d’autonomie scolaire et l’attrait de l’école figurent au tableau 7.

Les résultats indiquent, comme nous l’avions postulé (hypothèse 1), que les motivations intrinsèques sont positivement corrélées avec le sentiment d’autonomie, tandis que l’amotivation est négativement corrélée avec ce sentiment. Les résultats relatifs à l’hypothèse 2 concernant les associations avec l’attrait de l’école sont similaires. Les motivations intrinsèques ainsi que deux types de motivation extrinsèque (identifiée et introjectée) sont associés positivement aux buts de maîtrise-approche (hypothèse 3). Au contraire, la motivation extrinsèque régulée et l’amotivation sont associées respectivement de façon nulle et de façon négative à ce type de but. Les émotions à l’école sont associées significativement aux types de motivation : les trois types de motivation intrinsèque sont positivement corrélés avec le plaisir, et négativement avec la colère et l’ennui. La motivation extrinsèque de type « régulation externe » est liée à l’émotion de la colère. Finalement, l’amotivation est liée négativement au plaisir, mais positivement à la colère et à l’ennui. Ce patron de corrélations entre motivations et émotions corrobore nos hypothèses 4, 5 et 6. Les buts de type « évitement du travail » montrent des corrélations inverses à celles observées avec les buts de maîtrise-approche, corroborant ainsi notre hypothèse 7. L’analyse des corrélations avec les buts de réponse aux exigences indique que seules l’amotivation et les motivations extrinsèques externe et identifiée sont liées significativement à ces buts (hypothèse 8).

Globalement, ces résultats corroborent les conclusions des recherches sur la motivation autonome par rapport à la motivation contrôlée (Sarrazin & Trouilloud, 2006) décrites dans l’introduction, soutenant ainsi la validité de cette échelle.

Tableau 7

Corrélations entre les dimensions de la motivation et les buts de compétence, les émotions à l’école, le sentiment d’autonomie et l’attrait de l’école

Corrélations entre les dimensions de la motivation et les buts de compétence, les émotions à l’école, le sentiment d’autonomie et l’attrait de l’école

Note. n = 151. M. I. = motivation intrinsèque; M. E. = motivation extrinsèque. Les corrélations ≥ 0,16 sont significatives à p = 0,05; les corrélations ≥ 0,21 sont significatives à p = 0,01; les corrélations ≥ 0,27 sont significatives à p = 0,001(bidirectionnelle).

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Le sentiment d’appartenance sociale

Les corrélations qui figurent au tableau 8 montrent une forte convergence entre le sentiment d’appartenance aux pairs et le sentiment d’appartenance sociale (hypothèse 9) telle qu’elle est mesurée par l’échelle de Richer et Vallerand (1998). La corrélation avec l’attrait de l’école est positive et significative, ce qui confirme notre hypothèse 10. Le sentiment de soutien par les enseignants est, contrairement au sentiment d’appartenance aux pairs, significativement lié aux buts de maîtrise-approche (hypothèse 11). Le sentiment de soutien par les enseignants est également, comme postulé, lié significativement à l’attrait pour l’école (hypothèse 12) et négativement corrélé avec les buts d’évitement du travail (hypothèse 13).

Ces résultats nous indiquent que les facettes du sentiment d’appartenance sociale sont associées à des aspects motivationnels désirables. Au contraire, un faible sentiment d’appartenance sociale est lié à un aspect indésirable, soit l’adoption de buts d’évitement du travail. Tant la pertinence que la validité de cette échelle sont ainsi soutenues.

Tableau 8

Réseau nomologique des sentiments d’appartenance aux pairs et de soutien par les enseignants

Réseau nomologique des sentiments d’appartenance aux pairs et de soutien par les enseignants

Note. n = 152. Les corrélations ≥ 0,16 sont significatives à p = 0,05; les corrélations ≥ 0,21 sont significatives à p = 0,01; les corrélations ≥ 0,27 sont significatives à p = 0,001(bidirectionnelle).

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Le sentiment de compétence

Comme nous l’avons déjà constaté dans l’Étude 1, le sentiment de compétence en français est lié à la dernière moyenne obtenue en français, mais pas à la dernière moyenne obtenue en mathématiques. Le sentiment de compétence en mathématiques est lié aux notes en mathématiques, mais pas à la dernière moyenne obtenue en français. Cela corrobore nos hypothèses 14 et 15. La validité convergente des items se référant au sentiment de compétence pour les différentes matières a été évaluée par le biais des corrélations entre ces scores et ceux du sentiment de compétence scolaire et de la perception de contrôle sur la réussite scolaire. Le tableau 9 présente ces corrélations. À l’exception de la chimie et de la géographie, tous les scores de sentiment de compétence sont positivement et significativement corrélés avec l’une ou les deux échelles, ce qui confirme en large partie nos hypothèses 16 et 17.

Ces résultats indiquent que les jugements de compétence par matière reflètent la perception des compétences scolaires générales et la perception d’être en mesure d’exercer un contrôle sur sa propre réussite. En cela, les résultats nous autorisent à conclure que les jugements de compétence sont valides.

Tableau 9

Corrélations entre les sentiments de compétence par matière, le sentiment de compétence scolaire et la perception de contrôle sur la réussite scolaire

Corrélations entre les sentiments de compétence par matière, le sentiment de compétence scolaire et la perception de contrôle sur la réussite scolaire

Note. * p < 0,05; ** p < 0,001.

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La tendance à la procrastination

Les corrélations confirment nos hypothèses 18 et 19. Il s’avère que le score procrastination est, comme nous l’avions postulé (hypothèse 18), négativement lié à chacune des facettes de la conscience : Compétence r=-0,34 ; Ordre r=-0,60 ; Sens du devoir r=-0,43 ; Recherche de la réussite r=-0,63 ; Autodiscipline r=-0,64 et Délibération r=-0,21 (toutes p<0,001 ; n=189). Aussi, il est positivement lié au score des buts d’évitement du travail (r=0,54 et p<0,001 ; n=151), ce qui confirme notre hypothèse 19.

Ainsi, les élèves qui déclarent une plus forte tendance à la procrastination sont ceux qui ont le trait de conscience le plus faible. Ils tendent aussi à éviter de travailler, comme d’autres études l’ont montré (Wolters, 2003). Ces résultats soutiennent la validité de l’échelle.

Les stratégies d’autorégulation de la motivation

Les corrélations de ces stratégies avec les buts de maîtrise-approche, le sentiment d’efficacité pour s’autoréguler ainsi que les stratégies de gestion du temps sont présentées au tableau 10.

Tableau 10

Corrélations entre les stratégies d’autorégulation de la motivation et les stratégies de gestion du temps, les buts de maîtrise-approche et le sentiment d’efficacité pour s’autoréguler

Corrélations entre les stratégies d’autorégulation de la motivation et les stratégies de gestion du temps, les buts de maîtrise-approche et le sentiment d’efficacité pour s’autoréguler

Note. Les corrélations ≥ 0,16 sont significatives à p = 0,05; les corrélations ≥ 0,21 sont significatives à p = 0,01; les corrélations ≥ 0,27 sont significatives à p = 0,001(bidirectionnelle).

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Toutes les stratégies, à l’exception de celle qui consiste à se promettre une récompense, sont associées significativement et positivement aux buts de maîtrise-approche, au sentiment d’efficacité pour s’autoréguler ainsi qu’aux stratégies de gestion du temps. Les hypothèses 20, 21 et 22 sont ainsi confirmées en large partie.

Ces résultats corroborent les conclusions de la littérature scientifique (Garcia et al., 1998) et soutiennent la validité de l’échelle des stratégies d’autorégulation de la motivation.

Lien avec la désirabilité sociale

Les corrélations entre les échelles de l’IMVS et les deux formes de tendance à la désirabilité sociale sont présentées au tableau 11.

Tableau 11

Corrélations entre les composantes de la désirabilité sociale et les échelles de l’IMVS

Corrélations entre les composantes de la désirabilité sociale et les échelles de l’IMVS

Note. n = 152. M. I. = motivation intrinsèque; M. E. = motivation extrinsèque. Les corrélations ≥ 0,16 sont significatives à p = 0,05; les corrélations ≥ 0,21 sont significatives à p = 0,01; les corrélations ≥ 0,27 sont significatives à p = 0,001(bidirectionnelle).

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Les scores d’échelle sont liés plus fortement à la dimension hétéroduperie qu’elles ne le sont à l’autoduperie (Büchel, Berger, & Kipfer, 2011). Globalement, les relations entre la désirabilité sociale et les réponses aux échelles de motivation sont faibles à modérées. Les échelles de stratégies d’autorégulation de la motivation sont légèrement plus affectées par la désirabilité sociale que les échelles de motivation.

Ces résultats nous indiquent que les réponses données aux diverses échelles de l’IMVS ne sont que faiblement biaisées par la tendance des élèves à se montrer socialement désirables. En d’autres termes, les élèves ne répondent pas en vue de plaire à autrui ni de se donner une image de soi plus favorable.

Discussion

Le but des deux études présentées était d’étudier la validité de construit des échelles composant l’IMVS, soit déterminer les principales composantes de l’instrument et situer les concepts motivationnels mobilisés dans un réseau nomologique.

L’évaluation de la validité de construit de l’IMVS s’avère globalement favorable. En effet, les analyses dimensionnelles révèlent que les items se répartissent selon nos attentes théoriques et démontrent une bonne validité discriminante. L’analyse du réseau nomologique des échelles indique que l’instrument présente une bonne validité convergente et divergente.

La version finale de l’IMVS est constituée de 57 items plus les items de sentiment de compétence, dont le nombre varie en fonction des matières apprises par les élèves. Bien que les échelles soient courtes, ce qui représente un avantage certain étant donné le nombre de construits mesurés, elles fournissent des scores fidèles. Ainsi, l’IMVS ou une partie de ses échelles peuvent être utilisés à des fins de recherche avec une certaine assurance quant aux qualités psychométriques.

Certaines précautions doivent toutefois être prises. Des liens entre les réponses des élèves et leur tendance à répondre de manière socialement désirable ont été relevés. Ainsi, nous devons tenir compte d’un possible biais dans la façon dont les élèves rapportent leur tendance à la procrastination. Il est en particulier possible qu’il y ait une sous-estimation. Il en va de même pour les stratégies d’autorégulation de la motivation, même si le phénomène semble moins prononcé.

Pour les enseignants, l’IMVS constitue un outil qui leur permettra de cerner le profil motivationnel de leurs élèves. La passation de l’Inventaire donnera l’occasion aux élèves de procéder à une réflexion structurée et détaillée quant aux multiples aspects de leur motivation à apprendre. Cette réflexion peut constituer une première étape qui permet de prendre conscience de son fonctionnement en tant qu’élève ou, plus généralement, d’affiner l’image de soi. Des normes sont toutefois nécessaires pour offrir une grille d’interprétation des réponses, et ce travail est en cours.

Limites et pistes pour de futures études

Les deux études présentées souffrent de plusieurs limites, dont certaines sont mentionnées ci-dessous. L’échantillonnage a été limité à un seul établissement, ce qui restreint la validité de l’instrument. De plus, la stabilité temporelle des scores n’a pas été analysée. Il serait judicieux de s’intéresser, dans de futurs travaux, à la stabilité temporelle des réponses fournies par les élèves, ce qui offrirait de l’information sur la fidélité des scores complémentaires aux estimations de cohérence interne réalisées dans la présente étude. Cela serait en particulier utile pour les scores de sentiment de compétence, dont la fidélité est inconnue puisque chacun des items relatifs à ce sentiment est traité séparément. Par ailleurs, bien que des consignes standardisées aient été rédigées et distribuées, nous ne pouvons pas exclure un effet dû à la façon dont les instruments ont été présentés aux élèves étant donné que les instruments ont été soumis par les enseignants des classes concernées. Enfin, les facettes de la motivation sont évaluées de manière autorapportée, ce qui limite l’information aux résultats d’une autoévaluation. La nature autorapportée des données implique la probabilité de biais, mais ne constitue pas moins la méthode la plus pertinente et économique pour récolter de l’information sur les facteurs motivationnels et volitionnels. Il serait pertinent d’obtenir une évaluation des comportements constituant les résultats de la motivation, par exemple une évaluation par les pairs ou par les enseignants. Cela permettrait de mieux comprendre les implications des scores à l’IMVS en matière d’efforts, de persévérance ou d’engagement cognitif et ainsi d’explorer plus en avant la validité « utilitaire » de l’instrument.

Notons également que l’instrument envisage avant tout les composantes de la motivation comme inhérentes à l’élève. Ainsi, à l’exception du sentiment d’appartenance sociale, les sources de motivation à apprendre sont peu interrogées. Il serait important d’étudier comment le contexte, notamment la perception des pratiques d’enseignement, influence les composantes de la motivation à apprendre. Cela donnerait des pistes aux enseignants quant à la façon dont la motivation des élèves peut être encouragée, mais aussi des indications sur les pratiques qui restreignent la motivation des élèves.

Afin de renforcer la validité de l’IMVS, une comparaison entre élèves en échec ou abandonnant leurs études et élèves sans difficulté scolaire pourrait être conduite. La mise en exergue des différences permettrait de pointer les facettes motivationnelles à renforcer pour soutenir les élèves en échec. La façon dont les facettes de la motivation évoluent au cours de la scolarité représente une prochaine étape importante. Elle permettra d’observer comment les aspects volitifs que sont la procrastination et la mobilisation de stratégies d’autorégulation de la motivation changent entre l’entrée au secondaire et la fin du secondaire. Les recherches sur l’évolution des aspects volitifs sont encore rares. Elles sont toutefois nécessaires pour que des pistes d’action puissent être dessinées afin d’aider les élèves à développer des stratégies d’autorégulation de la motivation adéquates quand la démotivation intervient.