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La recherche utilisant les méthodes mixtes (RMM) (ou mixed-methods research (MMR)) connaît depuis une vingtaine d’années une popularité grandissante à travers une majorité de disciplines. De manière générale, elle concerne la combinaison de techniques qualitatives et quantitatives de collecte de données et leur analyse dans un seul protocole de recherche. La RMM s’affiche certainement aujourd’hui comme un réel « mouvement méthodologique », représenté par une communauté d’experts et d’expertes qui participent activement à l’élaboration d’un discours et d’une culture propres à l’utilisation des méthodes mixtes en recherche.

Certaines personnes considèrent cette systématisation de l’amalgame de différentes méthodes comme le « troisième mouvement méthodologique », après le premier mouvement quantitatif et le deuxième mouvement qualitatif (Johnson, Onwuegbuzie et Turner 2007). D’autres y voient un nouvel emballage au goût du jour, réifié en un « champ émergent », de la combinaison de différentes perspectives méthodologiques, de stratégies variées de collecte, d’analyse et d’interprétation des données dans le processus de recherche scientifique (Pelto 2015). Enfin, les plus sceptiques considèrent la RMM comme un jalon supplémentaire de l’« innovation méthodologique » valant certainement son pesant d’or sur le marché du succès universitaire (Travers 2009; Sandelowski 2014).

Que l’on considère la RMM comme un champ méthodologique novateur ou comme une nouveauté de l’industrie du savoir, il est impossible de nier la force de cette vague qui traverse l’ensemble des disciplines scientifiques. De très nombreux écrits ont été publiés en langue anglaise depuis 15 ans, mais très peu abordent les enjeux propres à la recherche féministe (bien que de nombreuses chercheuses féministes aient pourtant combiné différentes méthodes dans leurs travaux depuis plusieurs décennies). On constate de plus une réelle absence d’écrits en langue française portant sur le sujet à l’heure actuelle.

Ainsi, l’objectif de notre texte consiste à fournir aux lectrices et aux lecteurs un aperçu des différents enjeux (conceptuels, méthodologiques, philosophiques, pratiques) actuellement associés au champ de la RMM et qui ont une importance particulière pour la recherche féministe. Précisons d’emblée que notre texte ne concerne aucunement les techniques, la conceptualisation de devis ou le « comment faire » de la recherche féministe utilisant les méthodes mixtes. Nous visons avant tout à offrir une compréhension critique de la pertinence de la RMM pour les chercheuses féministes, tout en attirant l’attention sur les écueils (épistémologiques, politiques) potentiellement nuisibles au projet émancipatoire que porte la recherche féministe.

Nous avons construit notre article en choisissant les textes phares issus de la communauté de la RMM qui nous semblent apporter un éclairage particulièrement critique à la réflexion que nous engageons ici. Ces articles et ouvrages sont tous essentiellement de langue anglaise, mais nous soulignerons au passage l’importante contribution des quelques écrits francophones existants. En premier lieu, nous traçons un portrait sommaire des principes fondamentaux actuellement associés à la RMM. Cette définition du champ, dans ses grandes lignes, permettra de dégager les enjeux d’intérêt pour la recherche féministe. Nous proposons en second lieu de comprendre la manière dont on utilise la RMM dans le domaine de la recherche féministe, notamment par l’entremise de la description de trois exemples empiriques issus des travaux de chercheuses canadiennes. Ce faisant, nous aborderons également le stéréotype négatif associé à l’utilisation des méthodes quantitatives en matière de recherche féministe tel qu’il a été observé dans la littérature scientifique par plusieurs auteures et auteurs. Enfin, nous terminerons ce texte en discutant de la valorisation unilatérale actuelle du pragmatisme comme partenaire philosophique idéal de la RMM, ainsi que des conséquences politiques associées à une telle idéalisation pour la recherche se fondant sur des valeurs féministes et émancipatoires.

La recherche utilisant les méthodes mixtes : survol d’un champ méthodologique « émergent »

Les chercheuses et les chercheurs des sciences humaines et sociales ont intuitivement eu recours à l’analyse commune de données qualitatives et quantitatives depuis le début du xxe siècle (Pelto 2015; Hesse-Biber 2015). Ce n’est toutefois qu’à la fin des années 80 qu’une communauté d’auteures et d’auteurs, d’origines et de disciplines diverses, ont réfléchi plus systématiquement à la jonction de différentes méthodes au sein d’un même protocole de recherche. La première vague de conceptualisation de la RMM par les théoriciens et les théoriciennes de même que les méthodologues s’est concrétisée par la parution du premier Handbook of Mixed Methods in Social & Behavioral Research par Charles Teddlie et Abbas Tashakkori (2003). Les publications se sont par la suite multipliées avec la création en 2007 de deux revues précisément consacrées à la RMM : Journal of Mixed Methods Research et International Journal of Multiple Research Approaches. Notons, à titre d’exemple, qu’une recherche rapide dans le site Web of Science démontre que les publications anglophones sélectionnées au moyen des mots clés mixed methods research ont quadruplé de 2008 à 2014 (passant, selon notre recension, de 40 publications par année en 2008 à près de 160 en 2014). Ainsi, la RMM n’a fait officiellement son apparition dans le langage méthodologique que depuis les années 2000 et constitue, sous cet angle, un champ que l’on considère encore comme émergent.

Compte tenu de son jeune âge, le champ général interdisciplinaire de la RMM représente assurément un terrain fertile de débats et de controverses. L’un des principaux points chauds de discussion concerne encore aujourd’hui la définition même de la RMM qui n’arrive toujours pas à faire consensus dans la communauté[1]. John W. Creswell et Vicki L. Plano Clark (2011 : 5) ont tenté de préciser une définition « pragmatique » de la RMM en se basant sur ses caractéristiques centrales (en y intégrant notamment les éléments de méthodes, la philosophie, les types de protocoles et la praxis) telles qu’elles sont observées dans la littérature scientifique à travers les disciplines. À leur avis, les spécialistes de la recherche plus typiques du courant de la RMM :

  1. font rigoureusement la collecte et l’analyse de données qualitatives et quantitatives, en fonction d’une ou de plusieurs questions de recherche;

  2. intègrent la collecte et l’exploitation des deux formes de données (qualitative et quantitative) de manière séquentielle ou concomitante;

  3. priorisent l’une ou l’autre, ou les deux formes de données, en fonction du problème et des objectifs de recherche;

  4. font l’amalgame des deux formes de données à l’intérieur d’un seul protocole de recherche, que celui-ci comporte une ou plusieurs phases de collecte et d’analyse de données;

  5. cadrent leurs choix et leurs pratiques en fonction d’une ou de plusieurs perspectives épistémologiques et théoriques; et

  6. combinent cette procédure de manière intégrée dans l’élaboration de protocoles de recherche propres à la RMM.

Malgré l’hétérogénéité des définitions et des pratiques, la communauté semble toutefois s’accorder sur le principe méthodologique fondamental du « 1 + 1 = 3 » (Fetters et Freshwater 2015). Ce dernier se réfère à la qualité synergétique des volets quantitatif et qualitatif dans un protocole de recherche, et non de l’addition simple de chacun d’eux. La « véritable » RMM exige en fait de combiner de manière intégrée les deux méthodes au sein d’un projet de recherche, ce qui crée de la sorte un va-et-vient analytique contribuant directement au problème central. Quoiqu’une majorité d’auteurs et d’auteures s’entendent sur cet élément synergétique obligatoire de la RMM, des écueils importants subsistent toujours sur le plan de la pratique, comme nous le verrons dans la dernière partie de notre texte.

D’autre part, le caractère récent de la RMM contraint nécessairement le portrait de ses principes méthodologiques, ceux-ci faisant toujours l’objet d’effervescentes discussions dans la communauté scientifique. Teddlie et Tashakkori (2010 et 2012) suggèrent plusieurs de ces principes fondamentaux, dont celui de l’« éclectisme méthodologique » où l’on sélectionne et intègre de manière créative dans une recherche les techniques quantitatives, qualitatives et mixtes jugées les plus appropriées et efficaces en vue de toute investigation. Teddlie et Tashakkori observent également que les chercheuses et les chercheurs, issus de disciplines diverses, fondent leurs travaux de recherche sur une variété d’orientations philosophiques différentes (pragmatisme, constructivisme, post-positivisme, réalisme critique, transformatif-émancipatoire, etc.), ce qui témoigne ainsi du « pluralisme paradigmatique » caractérisant la RMM. Celle-ci tend par ailleurs, dans une « approche cyclique et itérative », à inclure à la fois les logiques inductive et déductive à l’intérieur du même protocole de recherche. Enfin, Teddlie et Tashakkori (2012) soulignent l’utilisation de types de devis de recherche qui sont spécifiques de la RMM, ce qui la distingue de la recherche monométhode (c’est-à-dire quantitative ou qualitative)[2].

La littérature récente concernant la RMM fait état des nombreux avantages à combiner les méthodes. De manière implicite, le choix des méthodes mixtes a ultimement pour objet de compenser les lacunes de l’utilisation d’une seule méthode dans la réponse à une question de recherche (Pluye et autres 2009). La RMM offre en ce sens un pont entre les deux grandes « écoles » – qualitative et quantitative – souvent mises à tort en opposition. La RMM offre de plus l’avantage, selon Creswell et Plano Clark (2011), d’être « pragmatique », dans la mesure où celui ou celle qui dirige la recherche bénéficie de la liberté de choisir les méthodes jugées les plus pertinentes et utiles dans la réponse à un problème spécifique de recherche.

Sur le plan strictement méthodologique, Jennifer C. Greene (2007) propose de concevoir les avantages spécifiques de la RMM selon les cinq potentialités présentées ci-dessous[3] :

  1. la triangulation, c’est-à-dire l’utilisation concomitante ou séquentielle de différentes stratégies qualitatives et quantitatives, dans une visée d’amélioration de la validité interne de l’étude quand les résultats convergent ou corroborent;

  2. la complémentarité, qui fait que les résultats à l’issue d’une des stratégies peuvent être illustrés, clarifiés, explicités par les résultats d’un autre type de stratégie;

  3. le développement, ou, autrement dit, la possibilité d’utiliser les résultats issus d’une méthode pour jeter un nouvel éclairage sur la recherche et, potentiellement, aider à concevoir une autre méthode dans une étape subséquente du processus de recherche;

  4. l’initiation, qui renvoie au fait que la jonction entre les méthodes qualitatives et quantitatives peut conduire la chercheuse ou le chercheur à se poser de nouvelles questions de recherche, par l’obtention de résultats divergents ou paradoxaux issus des deux méthodes par exemple, amenant ainsi un éclairage novateur à l’étude;

  5. l’expansion, c’est-à-dire l’effet multiplicateur de la jonction entre les méthodes qualitatives et quantitatives, soit la possibilité d’étendre le champ d’application des résultats d’une méthode en utilisant d’autres méthodes pour élargir les limites de l’investigation vers des phénomènes différents.

Les principes généraux de la RMM, tels qu’ils viennent d’être présentés, posent cependant un certain nombre de défis sur le plan de leur mise en application (Creswell et Plano Clark 2011). La RMM demande tout d’abord un bilinguisme méthodologique, c’est-à-dire une connaissance approfondie et une rigueur d’application égale pour les deux volets (qualitatif et quantitatif) du protocole de recherche. De manière réaliste, la RMM exige le plus souvent la mise en commun des expertises au sein d’équipes de recherche, alliant ainsi les forces des membres. Par ailleurs, la RMM peut également se révéler un processus long et coûteux selon les circonstances, surtout si le protocole comporte plusieurs phases de développement. Par exemple, des coûts différents sont associés au recours à des outils de nature quantitative (ex. : données d’enquête, instruments de mesure à échelle, licence dispendieuse de programmes d’analyse statistique) et de nature qualitative (ex. : entretiens, groupes de discussion (focus group), analyse de documents gouvernementaux) et la combinaison des méthodes peut faire augmenter les frais d’activité de manière considérable. Il peut être également difficile de convaincre les collègues, les personnes en position d’autorité et les organismes subventionnaires de la pertinence de l’utilisation des méthodes mixtes. Les chercheurs et les chercheuses auront alors un travail de « vente » à faire pour convaincre les différentes instances de la plus-value de la RMM dans l’analyse d’un problème spécifique. Enfin, Creswell et Plano Clark (2011) soulignent la difficulté éprouvée par plusieurs auteurs et auteures dans la publication de leurs travaux, car ces derniers ne cadrent pas souvent dans les exigences des revues scientifiques concernant le nombre maximal de signes autorisés dans un article standard, étant donné l’espace à prévoir pour l’explicitation d’une double démarche méthodologique.

Bref, la RMM propose aujourd’hui un cadre méthodologique large, intégrant à la fois des méthodes « qualitatives » et « quantitatives », qui comporte ses avantages et ses limites pour les chercheuses féministes. Celles-ci doivent inévitablement se centrer sur le problème de recherche afin d’évaluer la pertinence des méthodes mixtes pour leur investigation. De plus, les échanges des théoriciens et des théoriciennes ainsi que des méthodologues, tels qu’ils sont présentés dans la littérature, témoignent ouvertement de certains rapports de pouvoir dans la construction du « discours de la RMM » sur le plan philosophique, scientifique, voire monétaire (ex. : subventions de recherche). Malgré une certaine volonté de la communauté d’assouplir les frontières entre les méthodes dites « qualitatives » et « quantitatives », il demeure évident que les tensions sont toujours vivantes entre les deux grandes écoles. Variant selon les disciplines, le langage quantitatif issu des techniques statistiques maintient sans cesse une certaine autorité qui fait ombrage aux approches qualitatives et inductives. Cela comporte des conséquences certaines sur la construction du savoir, dont celui qui émane de la recherche féministe, comme nous le verrons plus bas.

La recherche féministe utilisant les méthodes mixtes : état des lieux

Les méthodes quantitatives représentent-elles un problème pour la recherche féministe?

Les ouvrages de référence sur les méthodologies de la recherche féministe se réfèrent aux différentes méthodes de collecte et d’analyse de données utilisées comme des techniques qui permettent de répondre à des objets spécifiques de recherche (Ollivier et Tremblay 2000; Chafetz 2004; Sprague 2005). Ce ne sont donc pas les méthodes ou les méthodologies qui sont « féministes » ou « non féministes » (voire « antiféministes ») dans leur essence, mais bien des questionnements spécifiques émanant de certaines valeurs dites féministes.

Or, depuis une quinzaine d’années, plusieurs chercheuses (Rose 2001; McCall 2005; Metso et Le Feuvre 2006; Spierings 2012; Harnois 2013; Hughes et Cohen 2012; Westmarland 2001) ont observé un clivage de la recherche féministe en deux « clans » (quantitatif versus qualitatif). Selon elles, l’opposition entre les deux écoles mène souvent, et étonnamment, à une certaine dévalorisation des méthodes quantitatives au sein des milieux universitaires féministes. Alors que les recherches quantitatives qui abordent le genre sont de plus en plus intégrées aux disciplines où le langage quantitatif est dominant (pensons aux sciences économiques, à la psychologie ou aux sciences médicales, par exemple), il en irait autrement pour le champ des études féministes.

Ainsi, selon Niels Spierings (2012), les études dites « quantitatives » représentent seulement 11 % des articles publiés de 2008 à 2012 dans les cinq revues pluridisciplinaires féministes institutionnelles les plus importantes du milieu universitaire de langue anglaise. Il est possible d’associer cette faible représentation des méthodes quantitatives à une méfiance persistante, voire une résistance à l’égard des outils quantitatifs que l’on juge souvent, sur le plan épistémologique et méthodologique, trop simplistes ou réductionnistes pour rendre compte de la diversité des expériences (McCall 2005; Metso et Le Feuvre 2006). Des chercheuses considèrent, par exemple, que seules les méthodes qualitatives sont aptes à sonder les nuances de l’expérience des femmes dans leur diversité et leur complexité, et à en rendre compte, tandis que certaines estiment même que l’utilisation de méthodes quantitatives renforce le statu quo et que, dans ce sens, les méthodes qualitatives sont « meilleures » et davantage « féministes » (Miner et Jayaratne 2014 : 300)[4]. Dans sa valorisation ou sa dévalorisation de certains types de méthodologies, cette méfiance pose alors aujourd’hui problème puisqu’elle limiterait la production même de connaissances (si l’on considère que plusieurs méthodes engendreront plusieurs types de savoirs) ainsi que la diffusion de celles-ci (si l’on pense à la publication d’articles scientifiques, par exemple) (Hesse-Biber 2010).

L’utilisation des méthodes mixtes par les chercheuses féministes

À l’heure actuelle, plusieurs chercheuses considèrent qu’il est primordial de se recentrer sur la neutralité des méthodes, celles-ci ne représentant en fait que des outils pour servir les projets scientifique et politique de la recherche féministe (Hesse-Biber et Griffin 2015; McCall 2005; Crasnow 2015). Les enjeux politiques des paradigmes féministes, soit essentiellement le changement social en vue de l’égalité des sexes/genres, sont fondamentaux et constituent le scellant des éléments ontologiques, épistémologiques et méthodologiques des investigations. Sur le plan épistémologique, le « point de vue » (standpoint) des femmes devient alors le point de départ de l’investigation, et non son point d’arrivée (Smith 1990). La compréhension rigoureuse des mécanismes d’oppression et la recherche de moyens d’action efficaces pour contrer ceux-ci nécessitent une confrontation des différents « points de vue » sur un problème spécifique.

En ce sens, Crasnow (2015) amène l’idée d’un champ de la recherche féministe prenant assise sur un pluralisme causal. Autrement dit, les questions féministes, dans toute leur diversité, seraient ainsi associées à une pluralité de causalités intimement liée aux objectifs scientifiques et politiques de la recherche. Si ceux-ci, par exemple, cherchent à offrir des outils de changement dans un contexte inégalitaire, il devient impératif de connaître les processus qui engendrent ce contexte et perpétuent le statu quo. Pour Crasnow, le pluralisme causal observé dans le champ de la recherche féministe amène naturellement celle-ci à valoriser un pluralisme méthodologique depuis maintenant plusieurs décennies.

Par conséquent, l’intégration de deux ou plusieurs méthodes à l’intérieur du même devis de recherche peut s’avérer un choix méthodologique potentiellement efficace et stratégique dans le domaine de la recherche féministe. La sociologue américaine Sharlene Hesse-Biber représente à ce jour la principale universitaire à se préoccuper de l’utilisation des méthodes mixtes en recherche féministe. Ses analyses du corpus d’études féministes de langue anglaise indiquent que les chercheuses choisissent les méthodes mixtes pour une variété de raisons et que ce choix découle directement des besoins associés au problème et aux questions de recherche (Hesse-Biber 2010). Selon elle, les investigations féministes au moyen des méthodes mixtes renvoient au concept de « bricolage » méthodologique et théorique. Celui-ci privilégie l’utilisation de multiples sources de données et de divers types d’analyse dans un processus créatif lié à l’atteinte des objectifs scientifiques et politiques, c’est-à-dire le changement des dynamiques et des structures sociales sexistes. En d’autres termes, les chercheuses féministes semblent privilégier le choix des méthodes mixtes si celles-ci permettent la création d’un outillage (conceptuel, théorique, empirique) potentiellement utile sur le « terrain ».

Toujours selon Hesse-Biber (2010), l’intégration d’analyses qualitatives et quantitatives permet l’apparition potentielle dans l’analyse de tensions et de contradictions qui peuvent s’avérer d’une grande richesse dans le dévoilement des savoirs marginalisés ou ignorés. Par exemple, les données (ou résultats) qui se contredisent, ou tout au moins se différencient, contribuent certainement à enrichir la compréhension de dynamiques complexes d’oppression, comme nous le démontrerons un peu plus loin au moyen de l’étude de Lynne Gouliquer (2011). De manière générale, selon Hesse-Biber (2012), la richesse des méthodes mixtes pour les chercheuses féministes réside dans l’exploitation de ces zones d’ambiguïtés et de tensions qui résultent le plus souvent de l’utilisation de plusieurs méthodes, et qui permettent de nouvelles potentialités sur le plan politique et de la construction du savoir. Nous illustrerons donc, au moyen d’exemples empiriques, certaines potentialités qu’offre la RMM pour la recherche féministe à l’heure actuelle.

Trois exemples d’études féministes utilisant les méthodes mixtes

Les trois études discutées ci-dessous présentent des éléments communs. Leur objectif fondamental demeure celui du dévoilement d’un savoir invisible, émanant le plus souvent de la parole des femmes, dans une visée concrète de changement social, soit la dissolution des inégalités entre les sexes/genres. Les chercheuses féministes utilisent également les méthodes mixtes dans une volonté explicite de générer un éclairage multiple et concomitant sur leurs problématiques. Leurs travaux diffèrent toutefois selon le type de protocole mixte choisi, c’est-à-dire dans la manière de combiner les données qualitatives et quantitatives aux étapes de la collecte et de l’analyse.

Dans sa thèse de doctorat, Minea Valle-Fajer (2014 : i) propose, par exemple, de « mieux comprendre la violence domestique envers les femmes au Mexique, à la fois à travers une analyse du discours des féministes mexicaines et une analyse statistique multidimensionnelle de données d’enquête identifiant les facteurs économiques et socioculturels associés au risque de vivre de la violence domestique ». Sa recherche se fonde sur les postulats théoriques du féminisme intersectionnel qui prend en considération les systèmes d’oppression basés sur les rapports de sexe, de classe et d’ethnicité. L’étude présente une démarche méthodologique mixte à deux volets (qualitatif et quantitatif). Le volet qualitatif fait l’analyse de discours des féministes militantes mexicaines sur la violence domestique (n = 15). Le volet quantitatif est constitué d’analyses statistiques de données d’enquêtes au moyen de modèles multiniveaux (n = 84 196) pour mettre en évidence les déterminants de la violence domestique au Mexique et l’interaction entre ces différents facteurs sur le plan individuel (ex. : appartenance ethnique, histoire conjugale, histoire familiale de violence) et contextuel (ex. : niveau mesuré d’inégalité de genre des municipalités mexicaines).

Cette recherche importante menée par Valle-Fajer (2014) a principalement pour objet d’obtenir une vision plus juste de la violence conjugale au Mexique et d’améliorer les pratiques sur le terrain en fournissant un éventail de pistes concrètes de changement autour de cette problématique. À travers le volet qualitatif de son projet notamment, la chercheuse fait ressortir et décortique les réussites des groupes de femmes de l’État de Veracruz. Elle analyse en ce sens un exemple réussi de solidarisation entre des féministes aux allégeances plurielles et issues de divers milieux. L’analyse de la chercheuse permet de cibler les éléments potentiellement reproductibles dans un autre contexte dans une visée de transformation sociale. Pour sa part, le volet quantitatif apporte des analyses macrosociales qui permettent de mettre en relief les facteurs individuels et contextuels ayant un effet sur la gravité du problème chez les Mexicaines issues de plusieurs milieux. Notons que Valle-Fajer intègre l’utilisation des méthodes mixtes dans un protocole du type « convergent » (Creswell et Plano Clark 2011 : 73) dans lequel les deux volets (qualitatif et quantitatif) ont une importance égale dans la réponse aux questions de recherche et sont menés parallèlement. Les deux volets sont donc indépendants, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’interaction, ni dans la collecte ni dans l’analyse des données. Pour ce qui est des données issues des deux types de méthodes, elles participent à éclairer le problème dans leur spécificité respective.

L’étude de l’équipe de chercheuses québécoises sous la direction de Louise Guyon et autres (2002) ainsi que Maria De Koninck, Louise Guyon et Pauline Morissette (2003), portant sur l’expérience de la maternité chez les femmes toxicomanes, présente une utilisation différente des méthodes mixtes. Ce projet se fonde sur une demande concrète des milieux de pratique, notamment sur des besoins énoncés par les travailleuses sociales en périnatalité, en milieu hospitalier, qui interviennent auprès de mères toxicomanes. Ces professionnelles constataient l’absence de recherche considérant l’expérience de ces mères fortement marginalisées, élément essentiel dont il faut tenir compte dans l’intervention psychosociale. Les chercheuses ont alors adopté une approche théorique à la fois féministe et écologique (prise en considération des contextes micro-, méso- et macrosociaux) pour favoriser la recherche d’éléments en vue de l’amélioration de la situation des mères toxicomanes en examinant non seulement des éléments problématiques vécus par ces femmes, mais également leurs capacités et leurs ressources personnelles pour traverser les moments difficiles. Les étapes de la recherche se sont effectuées en trois temps successifs. À la première étape (quantitative), il y a eu le recours à des outils standardisés auprès des participantes (n = 54) recrutées dans différents milieux hospitaliers de périnatalité. À la deuxième étape, un groupe de participantes a été déterminé à partir de cet échantillon et rencontré pour des entrevues semi-directives (n = 37) en vue de comprendre l’expérience des femmes quant à leur maternité, à leur réseau social et professionnel, ainsi qu’à leurs ressources personnelles. La troisième étape (quantitative) devait finalement permettre de faire le suivi temporel de la situation des femmes de l’échantillon général par une seconde administration d’outils standardisés (n = 54).

Dans leur étude, les chercheuses donnent une valeur centrale aux données qualitatives, issues des entrevues semi-directives, tandis que les données quantitatives, issues de l’administration d’outils standardisés, occupent un rôle plus complémentaire. En ce sens, le protocole mixte utilisé se réfère davantage au modèle « transformatoire » présenté par Creswell et Plano Clark (2011 : 73). Les trois volets de la recherche (quantitatif-qualitatif-quantitatif) s’informent les uns les autres. Le premier volet permet, par exemple, de tracer un portrait de la consommation et de l’histoire familiale et conjugale des participantes. L’analyse de ces données dévoile, dans le deuxième volet, certains schémas qui sont davantage investigués en entrevues semi-directives auprès d’un petit groupe de participantes. Le troisième volet de la recherche apporte une dimension supplémentaire à l’analyse, soit celle du développement de la situation des participantes dans le temps. Bref, l’étude démontre une interaction dans l’analyse et l’analyse des données issues des différentes méthodes qui s’avère riche dans la construction du savoir et dans l’amélioration des pratiques auprès des mères toxicomanes.

Enfin, une autre thèse de doctorat, soit celle de la sociologue canadienne Gouliquer (2011), affiche, à notre sens, les principales caractéristiques d’une étude féministe dans laquelle les méthodes quantitatives et qualitatives sont stratégiquement intégrées. La chercheuse y utilise une approche comparative multiméthode qui sert véritablement de moteur dans la démonstration de la difficile intégration des femmes au sein des Forces armées canadiennes (FAC). Si le Canada reste l’un des rares pays qui permettent aux femmes un accès libre à tous les métiers militaires, Gouliquer démontre dans sa thèse que les FAC ont échoué dans leur mise en oeuvre de politiques législatives égalitaristes adoptées depuis plusieurs décennies. De l’avis de la chercheuse, les deux types d’information (macro- et microsociologique) étaient absolument nécessaires dans l’analyse de l’échec du système militaire à intégrer les femmes de manière égalitaire aux hommes. Le positionnement théorique est celui de la perspective féministe du « point de vue » et la théorie du capital social. Par ailleurs, la chercheuse est elle-même militaire à la retraite ayant été « socialisée pendant seize ans » (Gouliquer 2011 : 51) au sein des FAC, ce qui lui donne un point de vue à la fois intérieur et extérieur sur la problématique.

La première phase (quantitative), constituée d’analyses statistiques de données issues de banques militaires, démontre tout d’abord l’écart de revenus entre les deux sexes, tant chez les officiers et les officières que chez les militaires de troupe. Ces résultats ont amené de nouvelles hypothèses exploitées dans la seconde phase de la recherche qui permet d’expliquer les différents facteurs associés à cet écart de revenu chez les femmes par le recours à deux types de méthodes : des techniques statistiques et l’analyse d’entretiens auprès des femmes. Par l’entremise de techniques d’ethnographie institutionnelle, Gouliquer compare finalement ses analyses aux documents et aux règlements officiels des FAC. Cette stratégie lui permet de confronter les informations contradictoires et ainsi de mettre en évidence l’écart entre le discours officiel de l’institution militaire et ses pratiques au quotidien. Les choix des méthodes mixtes démontrent ici dans quelle mesure la synergie produite par une variété de sources de données peut s’avérer utile dans la démonstration d’une thèse. Comme Gouliquer l’explique avec conviction dans son texte, il n’aurait pas été possible de comprendre la complexité d’une telle dynamique sans l’examen minutieux de l’institution militaire sous plusieurs angles. L’utilisation de différentes méthodes a certainement contribué à éclairer de façon novatrice certains paradoxes persistants au sein des FAC en fournissant une analyse empirique qui renseigne sur le débat concernant le rôle, notamment, du politique et du législatif, ainsi que sur le rôle des valeurs, de la tradition et de la culture dans la reproduction de la discrimination des femmes et des groupes marginalisés.

La RMM « pragmatique » et ses écueils possibles dans le cas de la recherche féministe

Comme nous venons de l’illustrer, les chercheuses féministes ont tendance à faire le choix des méthodes mixtes dans leurs travaux en fonction de réponses à apporter aux problèmes et aux questions de recherche. Les méthodes mixtes sont ainsi vues comme des outils servant au dévoilement de savoirs dissimulés ou dormants. Leur utilisation des méthodes mixtes tend à placer les voix des femmes (et d’autres groupes sociaux marginalisés) au centre de leurs investigations et à remettre en question les enjeux de pouvoir qui conditionnent leur expérience quotidienne. Bref, le choix des outils méthodologiques semble se faire, selon les observations actuelles, en fonction des valeurs émancipatoires du projet politique féministe et de son paradigme philosophique (Hesse-Biber et Griffin 2015).

Les paradigmes philosophiques alimentent d’ailleurs les débats actuels au sein de la communauté de la RMM. La question soulevée est la suivante : tous les paradigmes (ex. : post-positiviste, constructiviste, post-moderne, transformatif-émancipatoire) sont-ils associables à l’emploi simultané de méthodologies qualitatives et quantitatives? Certaines personnes répondent par l’affirmative (Creswell et Plano Clark 2011). Toutefois, plusieurs autres ont récemment soulevé avec beaucoup de pertinence la tendance du discours dominant[5] de la RMM à faire la promotion du paradigme pragmatique comme étant « le » partenaire philosophique idéal de l’emploi des méthodes mixtes (Denzin 2010; Howe 2004; Hesse-Biber 2015; Mertens 2010a). En ce sens, l’idéalisation du pragmatisme poserait un certain nombre de problèmes, dont la marginalisation des approches plus interprétativistes et critiques, telles qu’elles sont adoptées par une grande part des chercheuses féministes.

Précisons d’emblée que le concept de paradigme renvoie ici au système de valeurs étant à la base de tout projet de recherche (Mertens 2009 et 2010b; Guba et Lincoln 2005)[6]. Ces valeurs fondamentales représentent essentiellement les intentions et les motivations de recherche – émanant des membres de l’équipe de recherche, des institutions auxquelles ces personnes sont rattachées – qui sont associées aux principes axiologiques, ontologiques, épistémologiques et méthodologiques du questionnement scientifique. Ces valeurs ont une influence concrète sur la façon dont les connaissances sont acquises et interprétées dans le processus scientifique. Elles ont par ailleurs un poids important dans la diffusion des résultats et des analyses dans les différents milieux (ex. : établissements universitaires, milieux de pratique, médias).

Depuis la naissance de la RMM comme champ méthodologique spécifique à la fin des années 80, nombre de méthodologues ainsi que de théoriciennes et de théoriciens se sont engagés dans une « guerre des paradigmes » (Denzin 2010) afin de déterminer le système de valeurs le mieux adapté aux protocoles mixtes. Les discussions ont eu tendance à émaner de la binarité opposant les grandes écoles qualitative (ex. : subjectiviste, inductive, « verbale » et constructiviste) et quantitative (ex. : objectiviste, déductive, numérique et post-positiviste). De ces débats sur le sujet (qui sont d’ailleurs toujours d’actualité), certains auteurs et auteures soutiennent la thèse de l’incompatibilité des paradigmes, tandis que d’autres croient à la possibilité d’un pluralisme paradigmatique[7].

L’émergence du paradigme pragmatique dans les discussions est venue en quelque sorte réduire les anxiétés épistémologiques liées à l’utilisation des méthodes mixtes. Les adeptes de cette voie (par exemple, R. Burke Johnson (2009) et David L. Morgan (2014)) le perçoivent comme un intermédiaire entre le post-positivisme et le constructivisme. Le paradigme pragmatique se centre, à leur avis, sur le problème de recherche et sa résolution plutôt que sur les méthodes. La construction « pragmatique » du savoir émane, sur le plan tant individuel que social, de la découverte empirique. Les différentes théories sont instrumentalisées dans l’explication des phénomènes empiriques tels qu’ils sont expérimentés. Autrement dit, le paradigme pragmatique, tel qu’il est interprété par une majorité d’adeptes de la RMM, se focalise sur l’aspect « pratique » et autorise l’utilisation de toutes les méthodes (quantitatives ou qualitatives) permettant de répondre de la manière la plus appropriée au problème de recherche (Bourgault et autres 2010).

Or, selon certaines personnes (Denzin 2012; Howe 2004), le problème fondamental du discours officiel de la RMM associé à l’utilisation prioritaire du paradigme pragmatique se trouve dans ses conséquences morales et politiques. Le danger exprimé ici concerne l’aspect expérimentaliste de la RMM, rationalisé par un paradigme pragmatique apolitique, qui accorderait aux méthodes qualitatives un rôle auxiliaire de validation et d’illustration des données recueillies par des méthodes quantitatives expérimentales. Selon Howe (2004), la RMM pragmatique masque, dans les faits, une orientation technocratique de construction d’un savoir dictée par les données probantes. Cette perspective relègue ainsi la voix des acteurs et des actrices (sujets de la recherche) à un rôle de second plan. Alliées aux méthodes quantitatives dans un raisonnement probabiliste, les méthodes qualitatives perdent ainsi leur valeur démocratique interprétativiste qui cherche justement à comprendre le sens que les acteurs et les actrices donnent à leur réalité sociale.

De son côté, la recherche féministe se fonde justement sur la centralité de la voix des femmes (et d’autres groupes sociaux marginalisés) dans sa construction du savoir. Il importe donc, à notre avis, que les chercheuses féministes qui utilisent les méthodes mixtes prêtent attention à leur façon d’utiliser ce savoir qualitatif au sein de leurs recherches. L’intention « pragmatique » comporte certainement le risque de décentraliser l’expérience des femmes dans le processus scientifique pour la reléguer à un rôle d’illustration de données statistiques. Quoique celles-ci soient fort utiles sur le plan macrosocial dans la compréhension des inégalités entre les sexes/genres, elles demeurent limitées dans leur utilisation pour rendre compte de la complexité et de la diversité de l’expérience des individus.

Parallèlement à l’idéalisation du « pragmatisme », le discours actuel de la RMM semble également faire la promotion des qualités synergétiques inhérentes à l’amalgame des deux types de méthodes (Fetters et Freshwater 2015). Il est judicieux de se demander ici en quoi, effectivement, l’utilisation combinée des méthodes présenterait automatiquement des qualités synergétiques supérieures comparativement à la recherche se fondant sur une seule méthode. Et en quoi, par ailleurs, cette synergie des méthodes serait-elle plus apte à rendre compte de la complexité et de la diversité du monde social comme plusieurs auteurs et auteures du courant l’affirment (Creswell et Plano Clark 2011)? Comme le mentionne avec pertinence Hesse-Biber (2015), les conditions nécessaires à cette synergie demeurent encore très certainement à démontrer sur le plan empirique. La sociologue met par ailleurs en garde contre le processus de cristallisation du champ général de la RMM en une « bonne » marche à suivre (prétendument neutre et apolitique), spécialement axée sur les aspects techniques des devis mixtes. Le principal danger potentiel de cette cristallisation de la RMM en un champ dogmatique de règles à suivre contribue, selon Hesse-Biber, à lui imputer une valeur telle qu’il n’est plus possible de se passer des devis mixtes pour donner autorité aux projets de recherche. Cela donnerait lieu, une fois encore, à la marginalisation des approches de recherche qualitatives, critiques et interprétativistes. Bref, cela illustre l’importante prise en considération de plusieurs facteurs pratiques, épistémologiques et politiques que doivent assurer les chercheuses féministes qui utilisent les méthodes mixtes dans leurs travaux.

Conclusion

L’objectif principal de notre article était d’attirer l’attention sur certains enjeux liant le champ général de la recherche féministe et l’utilisation des méthodes mixtes dans l’investigation scientifique. Comme on l’observe actuellement dans la littérature, les chercheuses féministes semblent, pour le moment, avoir évité de cristalliser cette utilisation en une suite d’interdits et de permissions méthodologiques. Le choix des méthodes mixtes paraît émaner, le plus souvent, d’un raisonnement itératif et créatif liant les questions, les objectifs et le paradigme de recherche. Les tensions et les ambiguïtés pouvant surgir dans l’analyse combinée (quantitatif/qualitatif) sont fréquemment exploitées de manière novatrice. Bref, le choix du type de méthodes employées semble faire ainsi partie intégrante du processus de réflexivité qui occupe une place primordiale dans la recherche féministe.

Malgré les controverses, la vague de popularité que connaît la RMM depuis une vingtaine d’années présente l’avantage certain de continuer à fournir un terrain fertile en discussions. Celles-ci rappellent souvent que le processus de recherche représente, au final, un art par lequel les chercheurs et les chercheuses combinent de manière créative et réfléchie un ensemble de moyens (théoriques, méthodologiques, etc.) utiles et nécessaires au dévoilement de nouvelles connaissances. En bref, l’intérêt pour la combinaison des méthodes fournit une opportunité renouvelée d’engager les débats sur les différentes façons d’articuler les questions théoriques, méthodologiques, épistémologiques et politiques dans la construction des savoirs féministes.