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L’appel de textes pour ce numéro misait sur le caractère équivoque de certains termes. Le but était de réunir des contributions qui pourraient déborder les limites floues d’un champ d’étude portant sur la famille et les expériences familiales contemporaines. Reprendre l’idée sociologique classique de vie familiale incite à explorer l’évolution des phénomènes sociaux qui s’y rattachent. Pour dire les choses d’une manière contrastée, les sociologues ont d’abord conçu des types familiaux pour apercevoir, comprendre et prévoir les transformations de la vie de famille dans l’évolution des sociétés occidentales; puis ils se sont progressivement détachés de ce mode de saisie intellectuelle de l’évolution sociale pour souligner davantage la pluralité et le caractère changeant des situations familiales, incompatibles avec l’effort de classification et de prévision des formes de vie de famille. Après un temps de crise opposant les traditions, normes et modèles hérités aux appels à l’émancipation dans l’individualisme, comment la sociographie pourrait-elle renouveler la question générale de la situation et de l’évolution de la vie familiale? Cette question se pose aussi et plus spécifiquement pour la société québécoise dont les familles ont toujours évolué en marge des schémas théoriques importés des métropoles de l’Europe et des États-Unis. Plutôt que de dresser un bilan sommaire des études qui touchent la vie familiale au Québec, cette introduction pointe quelques horizons de recherche où elles pourraient s’engager.

L’expression manifestations de la vie familiale visait d’abord à inclure dans notre invitation des études rendant sensible et représentable la perpétuation d’un fait familial qui s’impose encore à travers la reproduction de traditions plus ou moins récentes, la perennité du « naturel » entretenu par les habitudes et l’expérimentation de nouveautés sur un fond de pratiques et de représentations transmises. Nous savons par exemple que personne n’échappe aux délimitations sociales des âges de la vie, et que les attentes spontanées qui s’exercent à l’endroit des hommes et des femmes restent associées à la reproduction familiale et aux rôles assignés par la filiation et l’alliance. Mais sans un détour par une sociographie contemporaine, nous serions bien en peine de répondre à la question de savoir ce qu’il advient de ces délimitations, attentes et rôles dans l’évolution actuelle de la vie familiale. Nos relations spécifiques avec les personnes, les groupes, les biens et les espaces considérés comme étant « de la famille » demeurent les références premières à partir desquelles nous apprenons à nous situer dans notre vie avec les autres. Cependant, on voit mal comment le vivre ensemble est transformé dans un monde où le cercle de la famille et ses volontés se représentent et s’imposent aux individus à travers une communication dominée par les termes de l’individualisme et de la démocratie. Que les témoignages de participants aux enquêtes mettent davantage en valeur l’égalité, le libre choix et la responsabilité des adultes engagés auprès de proches et d’enfants, appelés à s’épanouir avec eux et à les aimer librement, n’empêche pas les injonctions du don, de l’héritage et de la reproduction familiale de resurgir à l’avant-scène dans des moments de vérité moins propices à la négociation et à la prise de parole pour soi. Le choix résidentiel dominant au Québec, et qui se perpétue depuis l’après-deuxième-guerre, consistant à s’endetter pour s’établir en famille dans une maison dont on est propriétaire, ne représente-t-il pas le prolongement d’une tradition canadienne-française, celle des sacrifices que l’on faisait autrefois pour se lotir à la campagne, habiter sa maison et acquérir son indépendance économique? Le discours tenu de nos jours par les parents qui revendiquent l’importance du « temps de qualité en famille » face au travail qui envahit leur emploi du temps, non sans ressentir la culpabilité de ne pouvoir s’en réserver davantage, ne fait-il pas écho aux obligations religieuses des générations passées qui limitaient le travail pour privilégier la famille?

L’étude des manifestations de la vie familiale peut aussi contribuer à expliquer des changements sociaux et insoupçonnés. Comment la réduction du nombre ou l’absence des frères, des soeurs et des amis dans le voisinage peut-elle transformer les expériences de solidarité, de socialisation aux relations interpersonnelles et influer sur l’apprentissage de la vie communautaire et de la résolution des conflits? Que deviennent le sens de l’autorité et la conscience historique chez les descendants des générations qui sont venues au monde dans une succession de modes éducatives hésitant entre le traditionalisme et le modernisme? Enfin, la prise en compte de l’évolution différenciée de la vie familiale pourrait apporter un nouvel éclairage sur le devenir de localités, de marchés, d’organisations et de systèmes institutionnels tels l’éducation, la santé et les services sociaux, qui forment les milieux où évoluent les membres des familles contemporaines. Nous pensons spontanément à certains changements démographiques et économiques affectant la vie des familles : vieillissement de la population; urbanisation, étalement résidentiel et déplacement des fonctions urbaines; courant montant et descendant du peuplement et du dépeuplement des régions et des quartiers; effets des politiques visant à attirer des jeunes et des familles; à accueillir et intégrer des immigrants; à favoriser la fécondité, la conciliation famille-travail et l’aide aux proches. De même qu’on observait jadis des différences marquées dans la vie familiale, entre milieux urbains et ruraux et entre les classes sociales de l’ère industrielle, il en existe sans doute de nouvelles, liées à la dispersion spatiale, à la sociabilité, au vieillissement et à la taille variable des réseaux familiaux. Les mobilités quotidiennes, professionnelles, sociales et géographiques des parents et des enfants ont probablement aussi des effets sur l’établissement des jeunes adultes, l’identité de ces derniers, leurs expériences et les représentations qu’ils ont du Québec et des autres sociétés. L’origine familiale et la présence ou non d’un soutien familial, en aide et ou en argent, peuvent également faire une différence dans les comportements des individus confrontés aux mêmes conjonctures, trajectoires et environnements qui hâtent ou retardent l’engagement dans la parentalité et qui font varier la fécondité. Sous les fluctuations circonstancielles de l’indice synthétique de fécondité du Québec, on observe une augmentation notable des taux de fécondité des femmes dans la trentaine et dans la quarantaine depuis la fin des années 1980, surtout pour les enfants des rang 1 et 2 (Institut de la statistique du Québec, 2015a). Cela indique une plus grande variation des formes du cycle de vie familial en décalage avec le modèle des années 1970-80 où la plupart des parents en avaient fini des changements de couches au début de la trentaine, âge moyen actuel de la deuxième grossesse.

L’expression familles contemporaines, à laquelle renvoie également le titre de ce numéro, est généralement employée au pluriel pour marquer la diversité formelle des unités de relations qu’elle recouvre. Elle s’oppose aussi à l’expression famille moderne employée au singulier et chargée d’un riche legs d’équivoques. Rappelons ce à quoi famille moderne renvoie dans la littérature savante : un idéal bourgeois moderne de la famille; un modèle culturel de vie familiale promu en Occident dans un esprit de modernisme; un état historique de l’institution faisant du groupe domestique un tout indissoluble et contraint de se conformer à une définition sanctionnée par l’autorité de l’État (le couple marié en communauté de biens prenant soin de ses enfants légitimes jusqu’à leur majorité); un nouveau mode d’intégration de la vie familiale, électif et démocratique, pour les individus les plus affranchis des normes et du contrôle social au sein d’une communauté (compagnonnage); une structure sociale et un espace privé de socialisation et d’interaction réconfortante, typiques des classes moyennes des sociétés urbaines et industrielles; et enfin, la représentation théorique d’une évolution civilisationnelle irréversible vers une figure unique de la famille propre à la modernité. Dans la foulée, les familles contemporaines ont été caractérisées comme plus relationnelles, individualistes et libérées, ou plus fragiles, incertaines, en crise et marquées de particularismes, selon les phénomènes émergents dont il s’agissait de juger à partir d’une certaine idée de la famille moderne. Notons qu’ironiquement, la famille moderne des sciences humaines est devenue la famille traditionnelle pour bien des étudiants qui débutent maintenant leur formation. Elle correspond en gros à l’image qu’ils ont de l’époque de l’enfance de leurs grands-parents, source de traditions rétro et de biens de famille vintage.

L’expression familles contemporaines est aussi équivoque quant à l’individualité historique qu’elle désigne. Parle-t-on des familles nucléaires ou monoparentales, voire des couples sans enfant formés ou recomposés depuis les années 1970? Ou des familles « couple-et-ou-parent(s)-avec-enfant(s) » qui se forment actuellement, dont les adultes sont nés dans les années 1960, 1970, 1980 ou 1990 et ont l’âge d’avoir des enfants, en bénéficiant éventuellement de l’adoption ou d’une assistance à la procréation? Ou encore de toutes les familles ou parentèles qui auront vécu la modernité avancée ou la fin de la famille moderne? La famille ainsi définie réunit de plus en plus souvent jusqu’à quatre générations de vivants, si nous employons le terme génération selon l’acception qu’il a en généalogie. Si nous parlons plutôt des générations comme ensembles de personnes reconnues du même âge et ayant traversé des étapes du cycle de vie dans les mêmes circonstances, leur nombre augmente : la cadence de l’évolution sociale au cours du dernier siècle est telle que les découpages usuels des générations relatifs à l’enfance et à la jeunesse regroupent plus ou moins quinze à vingt cohortes. Pourraient donc apparaître dans la photo d’anniversaire d’un enfant né à la fin des années 2000 dans une famille de classe moyenne typique : des arrière-grands-parents ayant eu de nombreux enfants en milieu rural ou en ville dans les années 1940-1950; des grands-parents formant des couples pourvoyeur-ménagère mariés au début de la vingtaine pour fonder une famille dans une maison de banlieue conçue pour loger de trois à cinq enfants; d’autres grands-parents boomers pionniers d’une nouvelle forme de vie de couple moins inégalitaire, moins féconde et moins stable, plus instruits, plus mobiles et aspirant aux loisirs et à la consommation à crédit; des oncles et tantes plus âgés que les parents, ayant eu moins d’enfants qu’ils ne l’auraient souhaité en raison des choix qu’ils ont faits, des difficultés et des vicissitudes de leur parcours scolaire, professionnel, conjugal et des nécessités de la conciliation travail-famille, sur fond d’une augmentation du coût de la vie et de l’immobilier; enfin, des personnes plus jeunes, qui ont ou veulent avoir des enfants et, n’ayant souvent jamais eu soin de jeunes enfants, parlent de la parentalité comme d’une aventure et la conçoivent comme une entreprise dans laquelle le parent ferait équipe ou non avec un autre parent, et bénéficierait ou non du concours de ses propres parents et de proches.

Cette caricature de la vie de famille contemporaine soulève la question de savoir si, au modèle de la famille moderne, conjugale et libérale n’est pas en train de succéder un nouveau modèle, parental et néolibéral, plus ouvert aux variations des arrangements fonctionnels propres à une société qui a besoin d’enfants et d’adultes sains, productifs et valorisant leur rôle de parents. Ironiquement, le recul des interventions sociales de l’État, qui avaient facilité l’affranchissement des couples modernes et la sortie des mères de leur condition d’épouse ménagère au siècle dernier, semblent créer maintenant des conditions propices à une revalorisation des solidarités conjugales et familiales, lesquelles peuvent apporter plus de sécurité, de confort matériel, de services et de libertés que ne peut en offrir la cellule monoparentale isolée. L’apparition de ce nouvel esprit de famille comme individualité historique serait notamment à étudier dans les discours qui ont pris acte des défaillances des conjoints, des parents, des enfants adultes, de l’État et des groupes communautaires à assurer le bien-être et l’épanouissement des individus de leur naissance à leur décès. Nous en verrions une autre facette en étudiant l’investissement personnel de certains parents dans l’éducation de leurs enfants, convaincus comme ils le sont de pouvoir faire une différence dans la vie de ces derniers en ne se contentant pas de confier leur instruction à l’école publique.

Nous pourrions enfin revisiter la question nationale dans son rapport à l’évolution de la vie familiale sur le territoire du Québec depuis la réaction politique au déclin de la fécondité, passée largement sous le seuil du remplacement des générations dans les années 1980. L’inquiétude pour la survivance des Canadiens français face au risque d’une assimilation par la majorité anglaise du continent s’est alors déplacée vers le diagnostic d’une hypofécondité chronique allant en s’aggravant. Perçue comme un effet secondaire des progrès de l’individualisme et du féminisme, cette nouvelle tendance lourde devait mener insensiblement le Québec vers une perte de poids politique dans la fédération canadienne, vers une réduction de sa force productive, vers un vieillissement démographique menaçant la pérennité de ses systèmes de santé et de pension, et vers l’obligation d’accueillir et d’intégrer davantage d’immigrants francophones ou de franciser ses immigrants allophones pour repousser l’échéance de l’extinction de la langue et de la culture françaises en Amérique. Le mouvement féministe québécois, qui avait contribué à la normalisation de l’usage de la contraception et des chirurgies de stérilisation, obtenu l’accès gratuit à l’avortement et lutté pour que les femmes et les mères participent massivement au marché du travail rémunéré, devait alors se donner de nouveaux objectifs d’égalité. Les « femmes libérées » des années 1980 constataient qu’elles l’étaient davantage, mais pas nécessairement pour le mieux si elles devenaient mères dans un contexte où la reconnaissance formelle de l’égalité par les organisations ou les couples auxquels elles appartenaient ne corrigeait pas certaines attentes au travail ni l’inertie inhérente à des rôles sexuels bien intériorisés. Le mouvement des femmes a revendiqué de plus en plus des mesures de soutien à la conciliation travail-famille, la valorisation d’expériences désirées de la maternité, et une participation accrue des pères aux responsabilités familiales et aux tâches domestiques. Grâce à des politiques qui ont valorisé d’abord la famille nombreuse, puis la conciliation travail-famille dans une parentalité partagée, la fécondité québécoise a augmenté à tous les rangs de naissance et elle maintient ces dernières années son indice synthétique au-dessus de 1,6 enfants par femme – niveau supérieur à celui de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et des provinces de l’Est –, alors que l’indice synthétique d’interruption volontaire de grossesse est en baisse depuis le milieu des années 2000 (ISQ, 2015a et b; Statistique Canada, 2013). La comparaison par cohorte de la descendance à 40 ans indique que les cohortes des Québécoises nées entre 1954 et 1961 auront été jusqu’ici les moins fécondes, et que celles nées entre 1970 et 1980 auront probablement en moyenne le même nombre d’enfants que celles nées autour de 1950 (ISQ, 2015c). Dans ces deux derniers groupes de cohortes, la proportion de femmes fécondes est à peu près équivalente, mais l’âge moyen de l’entrée dans la maternité est passé de 25 à presque 29 ans depuis 1980, et 87 % des mères de 25 à 54 ans avec des enfants de moins de six ans étaient actives sur le marché du travail en 2015 (ISQ, 2015a et 2016). Le chemin parcouru pour relever le défi nataliste du Québec sans abandonner ceux de la réduction des inégalités de genre et de l’accès à la propriété des familles s’ajouterait au récit du développement d’une société distincte.

Dans la tourmente du début des années 1990 autour de la question de la dénatalité, Houle et Hurtubise (1991) publiaient dans cette revue une analyse de l’émergence de la catégorie « enfant » dans le discours populaire québécois, qui visait à expliquer comment le fait de se mettre à parler des enfants avait pu coïncider avec le déclin de la fécondité. Entre 1880 et 1930, comme ils l’observaient, le projet amoureux et celui d’avoir des enfants se confondaient dans l’anticipation d’une vie familiale incluant également l’intégration des conjoints dans les belles-familles et le resserrement des liens d’amitié entre elles. On parlait alors peu des enfants qui étaient une donnée naturelle et inéluctable de la vocation au mariage. Pendant les années 1930, période de l’apparition des cours de préparation au mariage offerts par l’Église catholique, le nous de la famille se resserrait sur la relation amoureuse et religieuse qui fondait le foyer. Durant la guerre, des correspondances de futurs époux étudiées par Houle et Hurtubise parlaient des enfants que le Bon Dieu donne et dont on prendra soin. C’est entre 1945 et 1970 que s’affirme progressivement la représentation profane de l’amour comme une affaire d’épanouissement personnel où chacun choisit son conjoint et décide d’avoir ou non des enfants qui, eux aussi, auront leur indépendance. Après 1970, les enfants disparaissent des lettres amoureuses désormais écrites par de jeunes amants individualistes et sans projets. Houle et Hurtubise observent que « la mesure la plus exacte de la dénatalité » serait l’affirmation de « la radicalité du temps et de l’espace individuel » qui fait de l’enfant pensé « un choix de vie parmi d’autres qui selon les cas peuvent justifier la décision de ne pas en avoir » (ibid., p. 412). Les statistiques démographiques présentées plus haut justifieraient de s’intéresser à ce que les Québécois et les Québécoises, dont la jeunesse peut s’étirer dans les familles contemporaines jusqu’au début de la trentaine, auraient à dire des enfants aux différents âges où ils s’engagent dans la parentalité.

Les contributions à ce numéro

Ce numéro réunit cinq contributions qui abordent diverses manifestations de la vie de famille contemporaine. À l’aide de corpus diversifiés, des films d’une part, et des données statistiques et financières, d’autre part, les deux premiers articles portent à notre attention des aspects de la vie familiale québécoise qui demandent le recul d’un regard extérieur et d’une mise en perspective historique pour être bien aperçus. Différemment, les trois derniers textes décrivent la réalité vécue des familles par le truchement de témoignages recueillis au moyen d’enquêtes qualitatives.

L’article d’Andrée Fortin présente un point de vue original en analysant des récits familiaux et de filiation à partir d’un corpus de 150 films de fiction québécois sortis entre 1966 et 2013. Comme le dit l’adage, les « gens heureux n’ont pas d’histoire », de telle sorte que ces films racontent la plupart du temps des histoires de problèmes familiaux. Constatant que ces histoires reposent sur des enjeux de filiation et de transmission, l’auteure se demande ce que les oeuvres de fiction cinématographiques nous apprennent sur la famille au Québec et sur le Québec. Elle aborde tour à tour les filiations (relations père-fils, mère-fille et relations croisées), la rupture de l’alliance entre les parents, les entraves de la transmission et la dynamique des fratries. Fortin conclut de son analyse que les récits familiaux et de filiation dans le cinéma québécois posent l’électivité comme idéal de la relation familiale, la solidarité et l’entraide au sein de la famille découlant de cette électivité.

Le texte de Charles Fleury et Mathieu Lizotte aborde la question de l’accession à la propriété chez les jeunes ménages, qui s’avère préoccupante considérant l’augmentation considérable du prix de l’immobilier au Québec au cours des dernières années. Un court historique montre que l’accès à la propriété fluctue en fonction des facteurs socioéconomiques, de la composition du ménage et du cycle de vie. Également, cet important achat des couples constitue une occasion propice à l’entraide familiale, qui serait, selon leurs analyses, plus prégnante en 2011 qu’elle ne l’était en 2001. En effet, les jeunes ménages peuvent toujours accéder à la propriété, mais ils doivent s’endetter. Afin de pallier cette pression financière, les couples ont recours à la cohabitation prolongée au foyer familial et au revenu des parents, qui deviennent alors des adjuvants à l’accession à la propriété.

Le rôle des parents dans les expériences de conciliation travail-études chez de jeunes cégépiens et étudiants à l’université constitue l’objet de l’article de Diane-Gabrielle Tremblay et de Marco Alberio. À l’aide d’entretiens avec des jeunes de 18 à 29 ans, les auteurs abordent divers aspects marquant le parcours de vie des jeunes autour du rapport qu’ils entretiennent avec leur famille d’origine durant leurs études, qu’ils sont de plus en plus nombreux à concilier avec un emploi rémunéré.

En se concentrant sur les propos de jeunes mères, Sylvie Fortier et Frédéric Deschenaux abordent plus précisément la diversité des parcours d’engagement dans la maternité comme enjeu dans un contexte où émerge un nouveau rapport au travail. Trois formes de parcours d’engagement dans la maternité expriment autant de modulations d’une quête de reconnaissance, d’équilibre et d’épanouissement, démontrant que même pour un ensemble de femmes qui présentent des caractéristiques similaires (âge, contexte de vie, scolarité), leurs réalités, leurs désirs et leurs besoins comme mères ne sont ni homogènes ni immuables.

Puisque la grande majorité des parents québécois d’enfants de moins de cinq ans occupent un emploi, et en conséquence, recourent aux services de garde, l’article de Mélanie Bédard s’attarde à ce que signifie pour les parents l’utilisation régulière de ces services de garde qui impose nécessairement un partage de la première éducation de leurs enfants avec d’autres adultes. L’analyse d’entretiens avec des parents suggère qu’ils semblent davantage convaincus que leur progéniture est entre bonnes mains quand ils ont recours aux services d’un Centre de la petite enfance (CPE), sans pour autant rejeter le modèle du service de garde en milieu familial. En effet, certaines conditions doivent être réunies pour que l’expérience soit satisfaisante : 1) les parents et le milieu de garde doivent partager certaines valeurs, 2) les parents doivent pouvoir s’appuyer sur des preuves pour accorder leur confiance, 3) le milieu de garde doit permettre aux parents de conserver une certaine liberté familiale, et 4) le parent doit se sentir reconnu dans son rôle. En fait, les parents souhaitent, voire exigent avant tout que leur enfant développe un lien rassurant avec son éducatrice.