Corps de l’article

À l’occasion de différentes recherches portant sur les homicides, nous avons constaté que l’usage d’une force excessive (« overkill ») est parfois évoqué. Cependant, il ne semble pas y avoir consensus quant à l’usage du terme.

Safarik et Jarvis (2005), dans une étude sur l’appréciation qualitative de la gravité des blessures lors des homicides parlent d’overkill lorsque les blessures péri mortem dépassent ce qui était suffisant pour causer la mort. On retrouve cette notion dans l’étude de Bell et Vila (1996) portant sur les victimes homosexuelles d’homicide. Ces auteurs considèrent l’ « overkill » comme le fait d’aller au-delà de ce qui suffit à causer la mort et proposent les critères suivants pour une définition: le nombre de moyens différents utilisé pour tuer (arme à feu, couteau etc…) ou le nombre moyen de parties du corps atteintes (étendue des blessures). Ils soulignent cependant le manque d’études sur le sujet et le caractère subjectif des définitions. Ils indiquent en effet que lorsque le nombre de blessures est grand la variable est facile à apprécier mais elle devient de plus en plus complexe lorsque ce nombre diminue. La détermination d’un point de coupure servant à déterminer la limite entre un overkill ou non devient alors difficile.

Certaines études s’intéressent aux caractéristiques des agresseurs. L’«overkill » est alors associé aux hommes souffrant de troubles mentaux graves. Les chiffres se situent entre 43% et 67% (Mc Knight et al., 1966; Green, 1981; D’Orban et O’Connor, 1989; Holcomb, 2000). Dans leur article sur la violence excessive perpétrée par des schizophrènes, Laajasalo et al., (2006) soulignent qu’il n’existe pas de définition unique pour définir cette notion. Ils retiennent pour leur part les homicides à composante sexuelle ou sadique, la mutilation ou plus de 15 coups de couteau. Ils expliquent leur choix de 15 coups de couteau par le fait que plusieurs blessures peuvent être attribuées à la résistance de la victime.

Le Bihan et Bénézech (2004) se sont quant à eux intéressés aux caractéristiques de 42 cas d’homicides intrafamiliaux. Ils ont classé le mode opératoire des parricides pathologiques (homicide intrafamilial le plus fréquent) en 3 catégories. L’une d’elle, qualifiée de « type désorganisé » fait référence à une violence impulsive, soudaine et excessive. Ces auteurs retrouvent cette violence excessive dans 67% des cas étudiés. Les critères utilisés sont un nombre important de lésions, le plus souvent secondaires à des coups de couteau, sans plus de précision. Pour eux l’ « overkill » est avant tout une intention qui dépasse le fait de tuer et qui vise à détruire, faire disparaitre voir anéantir la victime. Dakhlaoui et al., (2009) arrivent aux mêmes chiffres (66%) et font aussi référence à des cas d’acharnement extrême qui incluent des actes de cannibalisme ou de monstruosité. Léveillée et al., (2010), dans leur article portant sur les motivations sous-jacentes aux parricides commis par des hommes, remarquent que la présence d’idées de persécution est fréquemment associée à une violence excessive, telle que définie par Wolfgang (1958): plus de 5 coups d’un objet contondant, d’une arme blanche ou plus de 5 tirs d’arme à feu ou encore le fait que la victime a été sévèrement battue.

D’autres auteurs proposent des critères différents tout en s’entendant généralement sur l’élément de l’utilisation d’une force supérieure à ce qui est suffisant pour tuer. Weisman et Sharma (1997) retiennent un nombre important de coups de couteau ou battre à mort la victime. Heide et Paquette, (2007) parlent de poignarder 200 fois la victime ou tirer 10 fois ou plus sur elle et évoquent les démembrements et les décapitations. Marleau et al., (2003) ont utilisé quant à eux un nombre disproportionné de coups avec un objet contondant ou un couteau ou encore l’utilisation de 2 moyens ou plus (pistolet et couteau par exemple).

En conclusion l’unanimité semble faite sur la notion d’une violence qui dépasse celle qui aurait été suffisante pour causer la mort. Quant aux autres critères nous ne pensons pas que l’on puisse les définir une fois pour toute, l’analyse subjective de la situation jouant un grand rôle. Le débordement par la rage, qu’elle soit d’origine psychotique ou non, est bien sûr essentiel et doit être pris en compte pour une meilleure analyse criminologique et psychiatrique.

Lorsqu’un sujet aux prises avec des éléments de persécution qui le font lutter pour sa vie dans son délire s’acharne sur sa victime on ne doit pas y voir le même sens que des gestes en apparence similaires posés par un psychopathe ou un sadique sexuel. C’est certainement la recherche du sens du passage à l’acte violent qui est à privilégier, et dont un des aspects est celui d’une violence analysée comme excessive. Le consensus doit surtout être obtenu parmi ceux qui prennent en charge ces sujets puisque leur subjectivité est mise inévitablement à contribution dans ce type de situation.