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Introduction

De nombreuses recherches – dont un aperçu sera donné dans les deux sections suivantes – ont mis en évidence différentes formes de rejet de conceptions scientifiques par des élèves au nom de leurs croyances religieuses, en particulier en ce qui concerne la théorie de l’évolution. D’autres recherches, moins nombreuses, ont également abordé cette question dans le cadre de matières comme la géographie ou l’astronomie. Ces recherches tendent à montrer chez les élèves, quelle que soit la matière concernée, l’existence de confusions possibles, voire d’amalgames entre les registres scientifiques et non scientifiques, en particulier le registre religieux.

Il a dès lors paru utile de construire un instrument à caractère général, plutôt qu’associé à une matière spécifique, visant à étudier les représentations des élèves à propos de différentes postures intellectuelles possibles entre la science[1] et les croyances religieuses. Très peu d’études adoptent en effet cet angle d’approche plus général. Cet article vise donc à présenter la méthode de construction de ce questionnaire, le cadre théorique sur lequel il s’appuie ainsi que les modalités de mise à l’épreuve de sa validité de construit et de la consistance interne de ses dimensions.

Problématique de recherche et cadre théorique

La question des types de postures possibles entre la science et les croyances religieuses (ainsi qu’entre la foi et la raison) n’est pas neuve et a fait l’objet de nombreuses réflexions et controverses au cours des siècles. Celles-ci sont étudiées par des épistémologues, des historiens, des sociologues des sciences, des sociologues des religions, etc. Citons, en particulier, les travaux de l’historien Minois, auteur d’une monumentale histoire des rapports entre la science et l’Église (1990, 1991) ainsi que d’une histoire de l’athéisme (1998), ceux d’Urvoy (2006) et de Dassetto (2009) à propos de l’évolution de la pensée islamique, ceux de Chaline et Grimoult (2011) à propos de l’histoire des sciences, ou encore ceux de Portier, Veuille et Willaime (2011) réalisés dans le cadre du Groupe Sociétés, religions, laïcités (EPHE, CNRS-France).

Apprendre à distinguer « savoir » et « croyance » et, en particulier, savoir scientifique et croyances religieuses constitue un enjeu éducatif important. Or, de nombreuses enquêtes réalisées dans différentes parties du monde ont attiré l’attention sur différentes formes de confusion existant à cet égard ainsi que sur le rejet total ou partiel dont l’enseignement de la théorie de l’évolution pouvait faire l’objet.

Ainsi, aux États-Unis, selon Fath (2011), se référant à un sondage réalisé par la chaîne CBS News en 2005 auprès de 808 adultes, 51 % des personnes pensent que Dieu a créé les humains sous leur forme présente, 30 % pensent que les humains ont évolué et que Dieu en a guidé le processus, et 15 % pensent que les humains ont évolué sans que Dieu guide le processus. S’agissant d’un sondage, ces résultats doivent être pris avec précaution. En outre, comme le signale l’auteur, parmi les personnes interrogées, en particulier les plus âgées, toutes n’ont pas reçu un enseignement de la théorie de l’évolution.

En Belgique, une enquête a été réalisée par Perbal et Suzanne (2008) auprès d’un échantillon de 1 163 étudiants terminant l’enseignement secondaire ou commençant l’enseignement supérieur en région bruxelloise, parmi lesquels 39 % se déclarent non-croyants, 26 % catholiques, 19 % musulmans et 15 % adhèrent à d’autres religions ou convictions. Il apparaît, au sein de cet échantillon, à partir de plusieurs questions fermées, que 80 % des élèves catholiques et 13 % des élèves musulmans acceptent telle quelle la théorie de l’évolution en ce qui concerne l’origine de l’homme. Adhèrent par contre à des conceptions créationnistes littéralistes : 64 % des élèves musulmans et 5 % des élèves catholiques ; adhèrent à une conception finaliste, consistant à admettre une forme d’évolution mais guidée par Dieu : 18 % des musulmans et 6 % des catholiques. Ont enfin choisi d’autres options : 8 % des catholiques et 5 % des musulmans. Les comparaisons entre élèves catholiques et musulmans doivent être considérées avec beaucoup de prudence. Ainsi, les auteurs signalent un degré de scolarisation en moyenne plus faible chez les parents des élèves musulmans.

En France, Mathieu (2011) a posé à 164 élèves de troisième et de terminale scolarisés en zone d’éducation prioritaire (ZEP) à Paris et en banlieue parisienne la question suivante : Pouvez-vous m’écrire en quelques lignes ce qu’est, selon vous, la théorie de l’évolution ? Il s’agit donc d’élèves de niveau socioéconomique plutôt défavorisé, dont les convictions personnelles déclarées sont les suivantes : athées ou sans religion (29 %), musulmans (28 %), catholiques (27 %), « chrétiens » ou protestants d’obédience évangélique (8 %), bouddhistes (3 %), juifs (3 %) et hindouistes (3 %). Selon l’auteure, 51 % des élèves acceptent la théorie de l’évolution, un tiers des élèves ne l’acceptent pas au nom de motifs religieux et, enfin, 15 % tentent de concilier leurs croyances avec la théorie de l’évolution en affirmant par exemple que « Dieu a créé l’homme qui a ensuite évolué » (Mathieu, 2011, p. 132), en combinant ainsi registres scientifique et religieux, avec le risque de les confondre.

Les enquêtes de ce type témoignent clairement de la présence de conceptions créationnistes chez une partie des élèves en Europe, malgré la présence d’un enseignement de la théorie de l’évolution, comme c’est le cas en France et en Belgique. Il importe en outre de signaler que l’existence même d’un enseignement de la théorie de l’évolution s’est vue contestée, au cours de la première décennie des années 2000, par certaines personnalités politiques dans plusieurs pays européens : l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne et la Serbie (de Biseau & Perbal, 2010). Rappelons également un événement relativement spectaculaire survenu en 2006 : la diffusion dans de nombreuses écoles et universités de plusieurs pays d’Europe, dont la France et la Belgique, d’un « atlas de la création » par un certain Harun Yahya (Adnan Oktar de son vrai nom). Tous ces éléments ont été jugés suffisamment préoccupants par le Conseil de l’Europe pour l’amener à adopter en 2007 une résolution intitulée Dangers du créationnisme dans l’éducation, mettant en garde contre la diffusion de théories créationnistes et le risque de confusion qui pourrait naître dans l’esprit des élèves entre ce qui relève des convictions ou croyances personnelles et ce qui relève de la science. La même résolution pointe aussi, dans certains propos créationnistes de type fondamentaliste, la promotion d’idées à caractère théocratique mettant en cause les droits de l’homme et la démocratie.

En Tunisie, Hrairi et Coquidé (2002) se sont intéressées également aux attitudes des élèves à l’égard des sciences en général et de la théorie de l’évolution en particulier. Elles ont ainsi mis en évidence, à partir d’un échantillon de 78 élèves de l’enseignement secondaire (classe de préparation au baccalauréat), un large éventail d’attitudes, allant du « rejet » (24 élèves) à « l’adhésion » (18 élèves) en passant par de multiples variantes, telles que la « restriction » « (l’élève accepte l’évolution pour les animaux, mais pas pour l’homme), l’« ambivalence » (l’élève se sent déchiré entre la foi et la science), l’« assimilation » (l’élève tente d’assimiler certains contenus scientifiques au texte du Coran), etc.

La question des interférences entre science et croyances religieuses a aussi été étudiée à propos d’autres disciplines, comme la géographie. Ainsi, une enquête réalisée au Sénégal auprès de 149 élèves (Camara, 2008) montre que la conception scientifique prévaut pour des phénomènes tels que la forme de la Terre, l’héliocentrisme, les mouvements internes de la Terre et leurs conséquences, tandis que la conception religieuse reste dominante en ce qui concerne les phénomènes fondateurs (l’origine de l’Univers), ceux ayant une connotation surnaturelle comme la foudre ou le tonnerre et ceux pour lesquels la position de la science apparaît « imprécise » aux yeux des élèves.

Notre intérêt, au-delà de questions spécifiques liées à l’une ou l’autre matière (par ex., la théorie de l’évolution ou la géographie), est de chercher à comprendre plus fondamentalement comment les élèves conçoivent les deux registres – la science et les croyances religieuses – et les positionnent l’un par rapport à l’autre. Considèrent-ils par exemple que la foi prime la science ou l’inverse, ou encore qu’aucune ne prime l’autre ? Considèrent-ils qu’il est pertinent ou au contraire non pertinent de chercher à établir des liens entre les deux ? Plusieurs modèles peuvent éclairer ces questions. Ainsi, Rasi (2003), dans une perspective qui ne concerne pas uniquement l’éducation, distingue quatre postures développées, selon lui, par les chrétiens au cours du temps : (1) le fidéisme : la foi ignore ou minimise le rôle de la raison pour accéder à l’ultime vérité, (2) le rationalisme : la raison humaine interpelle et finit par saper la foi religieuse, (3) le dualisme : la foi et la raison fonctionnent dans des sphères distinctes et ne se confortent ni se contredisent, (4) la synergie : la foi et la raison humaine sont en mesure de se renforcer l’une l’autre pour poursuivre la quête humaine de la vérité et l’engagement en faveur de cette dernière. Ce modèle traite de la question des rapports entre foi et raison, question plus large que celle des rapports entre la science et les croyances religieuses. En adoptant une perspective sensiblement différente, Lambert (1999) distingue trois grandes manières de concevoir les rapports entre la science et les croyances religieuses : (1) le concordisme, qui consiste à rechercher un accord direct entre la science et les Écritures, (2) le discordisme, qui consiste à considérer que la science et la religion traitent de deux ordres de réalité complètement différents et qu’il s’agit de discours hermétiquement cloisonnés, et (3) l’articulation, qui vise à établir des points de rencontre entre la science et la théologie par la médiation des disciplines philosophiques suivantes : la métaphysique (sur le plan ontologique), l’herméneutique (sur le plan épistémologique) et la philosophie morale (sur le plan éthique)[2].

Ces deux modèles n’épuisent pas tout le champ du possible et ne se recoupent pas exactement. Ainsi, les deux premiers positionnements cités par Rasi (2003) – le fidéisme et le rationalisme – n’apparaissent pas dans le modèle de Lambert (1999). Par contre, le dualisme peut être mis en parallèle avec le discordisme. Quant à la synergie, étant définie de manière très large, elle pourrait couvrir tant l’articulation que le concordisme, alors qu’il s’agit de conceptions fort différentes.

C’est pourquoi un modèle sensiblement différent (Wolfs, Salamon, El Boudamoussi, et al., 2008 ; Wolfs, Salamon, De Coster, et al., 2008) sera proposé, en référence à la fois aux deux modèles précédents, mais aussi aux travaux d’historiens, d’épistémologues ou de sociologues déjà cités (par ex., Chaline & Grimoult, 2011 ; Minois, 1990, 1991, 1998 ; Portier, Veuille, & Willaime ; 2011 ;Urvoy, 2006). Ce modèle vise à prendre en compte une large gamme de postures théoriquement possibles entre la science et les croyances religieuses. Ce modèle définit schématiquement six types contrastés de postures, conçus sous la forme d’« idéaux-types ».

Ce modèle peut être utilisé comme outil d’analyse des représentations exprimées par les élèves interrogés, sachant qu’une même personne peut éventuellement adhérer, à des degrés divers, à plusieurs conceptions, selon la nature des problèmes soulevés. Les conceptions prises en compte par ce modèle sont les suivantes :

01.

Le rejet total ou partiel de contenus scientifiques au nom de conceptions fidéistes (primauté de la foi sur la raison), s’appuyant par exemple sur une interprétation littérale des Écritures. Des conceptions fidéistes ne conduisent pas nécessairement au rejet de contenus scientifiques, si la personne interrogée établit une distinction nette entre registres scientifique et religieux, et limite ses conceptions fidéistes au seul registre religieux. Néanmoins, dans nombre de cas, le rejet de contenus scientifiques apparaît clairement motivé par des conceptions fidéistes.

02.

Le concordisme dit classique. Le concordisme repose globalement sur le postulat selon lequel le « livre de la Parole » (par ex., la Bible ou le Coran) et le « livre de la Nature »[3] que s’efforce de déchiffrer la science ne sauraient se contredire, puisque leur auteur à tous deux est le même (Dieu). La tentation peut dès lors être grande – c’est ce que nous appelons le concordisme sous sa forme « classique » (Wolfs, Salamon, El Boudamoussi, et al., 2008) – de vouloir lire le livre de la Nature en fonction des catégories conceptuelles du livre de la Parole, dans le but, en particulier, de chercher à « confirmer » par la science ce que les Écritures auraient révélé. Il s’agit par exemple d’associer les jours du récit de la Genèse aux différentes ères géologiques ou encore l’image de montagnes se déplaçant (évoquées dans un verset du Coran) et la tectonique des plaques. Notons que des conceptions concordistes de ce type sont aujourd’hui largement diffusées par des mouvements fondamentalistes islamiques dans le but d’accréditer l’idée selon laquelle les théories scientifiques les plus modernes se trouvaient déjà en germe dans les textes sacrés et de convaincre ainsi les lecteurs que seul Dieu a pu inspirer ou dicter ces passages.

03.

Le concordisme dit inversé. Celui-ci vise à établir des concordances entre la science et la religion, en partant non pas des Écritures ou d’une tradition révélée, mais d’une démarche qu’il présente comme scientifique. Il s’agit en quelque sorte de vouloir trouver Dieu (défini éventuellement sous la forme d’un principe abstrait ou d’un grand architecte) à travers la science, quitte à créer une pseudo-science pour tenter d’y parvenir. C’est le cas en particulier aujourd’hui des tenants de la théorie du dessein intelligent.

04.

Le principe d’autonomie de la démarche scientifique[4] à l’égard des croyances religieuses. Celui-ci est le fruit d’une conquête de plusieurs siècles de la part de savants tant croyants que non croyants. Il repose sur le postulat de travail suivant : dans la démarche scientifique, la nature s’explique par la nature (et non par le livre de la Parole). On quitte dès lors le domaine de la science chaque fois que l’on invoque des facteurs surnaturels. La science vise en effet à construire des représentations du monde en veillant à respecter certaines règles méthodologiques spécifiques qui se sont précisées ou reformulées au cours du temps : le « principe de parcimonie » dans la démarche explicative (principe déjà formulé par d’Occam au 14e siècle), la limitation des ambitions de la science à la recherche des « causes efficientes » et non à celle des « causes ultimes » proposée par Descartes et Galilée au 17e siècle, et le principe de « réfutabilité » énoncé par Popper (1991) au 20e siècle. Ces trois caractéristiques permettent de baliser plus précisément les questions qui relèvent ou, au contraire, qui ne relèvent pas de la science[5].

05.

La recherche d’une complémentarité entre la science et la religion, sous des formes autres que concordistes, basée sur la reconnaissance de la différence de nature fondamentale entre les deux registres et sur un respect clair de l’autonomie de la science. Cette idée a déjà été énoncée par Galilée :

Nous n’avons pas à chercher dans l’Écriture un enseignement proprement dit de l’astronomie … et l’intention du Saint-Esprit est de nous enseigner comment l’on doit aller au ciel et non comment va le ciel…

Cette conception s’appuie aussi sur la distinction introduite par Kant entre la « raison pure » et la « raison pratique » ou, pour reprendre une reformulation plus contemporaine, entre le « registre de l’explication » et celui de la « signification » (Feltz, 2008). Dans le même ordre d’idées, mais de manière sensiblement différente, Lambert (1999) développe l’idée d’ »articulation » pour désigner des essais de mise en relation indirecte entre la science et la théologie passant par la médiation d’approches philosophiques telles que l’éthique, l’herméneutique ou la métaphysique, et évitant en principe toute forme de rapprochement direct entre un passage des Écritures et un énoncé scientifique[6].

06.

La critique rationaliste, au nom de la science, de conceptions religieuses. Cette posture se fonde notamment sur le principe selon lequel la démarche scientifique s’est construite par ruptures et par dépassements successifs par rapport à un premier niveau d’explication mythologique ou religieux développé par l’être humain face à l’Univers. Cette idée est notamment exprimée au 19e siècle par Auguste Comte (Jolibert, 2004). Les religions, ou certaines de leurs formes particulières d’expression (passées ou actuelles), sont perçues comme un frein ou un obstacle au développement de la science, voire à l’émancipation de l’humanité.

Les six idéaux-types mentionnés dans ce modèle, sans prétendre épuiser tout le champ du possible, devraient néanmoins rendre compte d’une très large diversité de conceptions. Comme le montre le tableau 1, ces différentes postures peuvent être situées sur un axe bipolaire.

Tableau 1

Types de postures possibles entre science et croyances religieuses

Types de postures possibles entre science et croyances religieuses

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Présentation succincte de quelques questionnaires existants

Différents questionnaires abordent directement ou indirectement la problématique des positionnements entre la science et les croyances religieuses, soit en liaison avec une matière déterminée, soit de manière plus générale et décontextualisée.

Ainsi, de nombreux questionnaires ont pour objet le degré d’acceptation ou de rejet de la théorie de l’évolution par les élèves ou par les enseignants, en particulier au nom de motifs religieux (par ex. : Downie & Barron, 2000 ; Clores & Limjap, 2006 ; Hokayem & Boujaoudes, 2008 ; Hrairi & Coquidé, 2002 ; Mathieu, 2011 ; Perbal & Suzanne, 2008 ; Quessada et al., 2007 ; Sinatra et al., 2003 ; Trani, 2004).

Plusieurs s’intéressent aussi aux conceptions de la nature de la science chez des étudiants inscrits à un cours d’astronomie et à la manière dont ceux-ci distinguent et positionnent l’approche scientifique par rapport à leurs éventuelles convictions religieuses (par ex. : Brickhouse, Dagher, Letts Iv, & Shipman, 2000 ; Dagher et al., 2004 ; Hansson & Redfors, 2006, 2007 ; Shipman et al., 2002).

Un troisième type de questionnaires aborde de manière plus générale, et non plus dans le cadre d’une matière spécifique (théorie de l’évolution ou astronomie), la manière dont les répondants envisagent les positionnements entre la science et les croyances religieuses. Ainsi, trois items sur les 114 que comporte le questionnaire Views on Science-Technology-Society (VOSTS), élaboré en 1989 par Aikenhead et Ryan (1992) de l’Université de Saskatchewan, au Canada, ont trait à la question des postures qu’il est possible d’adopter entre la science et les croyances religieuses, et plus précisément à celle de l’autonomie de la démarche scientifique à l’égard des croyances religieuses :

01.

Some cultures have a particular viewpoint on nature and man. Scientists and scientific research are affected by the religious or ethical views of the culture where the work is done.

02.

A scientist’s religious views will NOT make a difference to the scientific discoveries he or she makes.

03.

Science rests on the assumption that the natural world cannot be altered by a supernatural being (for example, a deity).

Chacun de ces items se décompose à son tour en sous-items. À titre d’illustration, voici les différentes propositions de réponse correspondant au deuxième item cité :

Your position basically: (Please read from A to G, and then choose one.)

  1. A scientist’s religious views will NOT make a difference to the scientific discoveries he or she makes.

  2. Religious views do NOT make a difference. Scientists make discoveries based on scientific theories and experimental methods, not on religious beliefs. Religious beliefs are outside the domain of science.

  3. It depends on the particular religion itself, and on the strength or importance of an individual’s religious views.

Religious views do make a difference:

  1. Because religious views will determine how you judge science ideas.

  2. Because sometimes religious views may affect what scientists do or what problems they choose to work on.

  3. I don’t understand.

  4. I don’t know about this subject to make a choice.

  5. None of these choices fits my basic viewpoint.

Un autre exemple de questionnaire est la version C du questionnaire Views of Nature of Science (VNOS), développée par Lederman, Abd-El-Khalick, Bell, & Schwartz (2002). Les auteurs proposent dix questions ouvertes ayant trait aux conceptions de la science des personnes interrogées, dont une porte sur la définition de la science et sur les différences par rapport à la philosophie et aux religions : What, in your view, is science? What makes science (or a scientific discipline such as physics, biology, etc.) different from other disciplines of inquiry (e.g. religion, philosophy)? Mentionnons également une recherche (Mansour, 2008, 2010), réalisée sous la forme d’entretiens approfondis auprès de professeurs de sciences égyptiens musulmans, qui montre en particulier l’importance chez ceux-ci de conceptions concordistes.

Ces questionnaires s’intéressent à différentes facettes de la problématique des types de postures qu’il est possible d’adopter entre la science et les croyances religieuses. Toutefois, aucun d’entre eux ne couvre explicitement l’ensemble des six idéaux-types développés par le modèle théorique présenté dans la section précédente. C’est pourquoi un questionnaire spécifique a été élaboré en ce sens en s’inspirant, dans certains cas, d’items existants dans d’autres questionnaires. Remarquons qu’une autre option envisageable aurait pu être de constituer une typologie émergente à partir des questions relevées dans les différents questionnaires examinés. Toutefois, notre priorité, en particulier dans le cadre de cet article, a été d’opérationnaliser le cadre conceptuel développé dans la section précédente.

Conception et mise à l’épreuve du questionnaire. Positionnements entre science et croyances religieuses

Conception et modalités de mise en oeuvre

La première étape a consisté à concevoir 60 items couvrant les six dimensions prévues par le modèle théorique : 10 pour « le rejet de contenus scientifiques au nom de conceptions fidéistes », 8 pour « le concordisme classique », 6 pour « le concordisme inversé », 14 pour « la reconnaissance de la spécificité – autonomie du registre explicatif scientifique à l’égard des croyances religieuses », 12 pour « la recherche de formes de complémentarité entre science et croyances religieuses, autres que concordistes » et 10 pour « les critiques rationalistes à l’égard de croyances religieuses ». Le nombre assez variable d’items par dimension (de 6 à 14) s’explique, d’une part, par le fait que certaines dimensions avaient déjà été prétestées (Wolfs, Salamon, De Coster, et al., 2008) et, d’autre part, par le fait que, pour deux dimensions (« spécificité-autonomie » et « recherche de complémentarité »), plusieurs sous-rubriques traduisant différents degrés d’adhésion à ces conceptions avaient été initialement envisagées.

Ces items étaient évalués selon une échelle de Likert à 6 degrés (de 1 « entièrement en désaccord » à 6 « entièrement d’accord ») afin de permettre à l’élève d’exprimer un avis nuancé. Nous avons fait aussi le choix de ne pas prévoir de position médiane afin d’inciter l’élève à prendre position. Les items étaient chaque fois formulés en « je » ou « selon moi » pour bien montrer qu’il s’agissait d’exprimer un avis personnel. Les items se rapportant aux différents idéaux-types ont été mélangés afin d’éviter un éventuel « effet de contagion ». Enfin, le questionnaire était anonyme afin de limiter le biais de désirabilité sociale.

Ce questionnaire a été soumis à un échantillon de 638 élèves de dernière année de l’enseignement secondaire en Belgique francophone, dont 51 % de filles et 49 % de garçons. Les écoles ont été choisies à partir des critères suivants : le lieu d’implantation (Bruxelles/Wallonie), les filières organisées (général/technique/professionnel) et le réseau (officiel/libre). Les proportions d’élèves sont les suivantes : Bruxelles (31 %), Wallonie (69 %) ; enseignement général (42 %), technique (38 %), professionnel (20 %) ; enseignement officiel (34 %) et enseignement libre (66 %)[7]. Cet échantillon prend en compte une large diversité de situations, mais ne prétend pas être statistiquement représentatif de la population de référence. Il est important de préciser aussi que, parmi ces élèves, 38,8 % se déclarent athées ou agnostiques (24,0 % athées et 14,8 % agnostiques) ; 31,5 % catholiques ; 13,8 % musulmans ; 5,8 % « autres religions » ; 6,4 % théistes et que 3,4 % n’ont pas répondu. Dans un souci de lisibilité de la question, les termes « athée », « agnostique » et « théiste » étaient accompagnés chacun d’une courte définition (De l’information plus détaillée sur les caractéristiques de l’échantillon est fournie chez Wolfs, 2013).

Afin de choisir, au sein de chaque dimension, les items présumés être les plus représentatifs, la seconde étape a consisté, à partir des items prévus pour chaque dimension du modèle théorique et d’une analyse en composantes principales effectuée avec le logiciel Statistical Package for the Social Sciences (SPSS) à partir de la matrice des corrélations, à extraire une première composante expliquant au moins 50 % de la variance totale (sauf dans un cas, où seulement 41 % de la variance totale a été rassemblée) et à sélectionner ensuite les items présentant un coefficient de saturation supérieur à 0,50 pour cette première composante. Au terme de cette seconde étape, 40 items ont été retenus : 8 pour la dimension 1 ; 7 pour la dimension 2 ; 6 pour la dimension 3 ; 7 pour la dimension 4 ; 5 pour la dimension 5 ; et 7 pour la dimension 6.

La troisième étape a consisté, à partir du logiciel SPSS et de la matrice des corrélations, à effectuer une analyse en composantes principales portant sur ces 40 items. Une première analyse avec extraction de six composantes et rotations oblimin (puisque le modèle postule que certaines dimensions tendent à être corrélées[8]) n’a pas permis de dégager des composantes correspondant à l’ensemble des six dimensions prévues par le modèle. Une seconde analyse (avec extraction de sept composantes et rotations oblimin) a permis, cette fois, d’extraire une structure en composantes très proche de notre modèle de référence. Ces sept composantes expliquent 60 % de la variance totale. Le test de sphéricité de Bartlett est significatif : khi-deux (496) = 6571,5, p<0,001. Il démontre ainsi un écart important par rapport à la matrice identité. Cinq composantes extraites correspondent bien à cinq des six dimensions postulées. Quant à la sixième dimension postulée (« complémentarité-articulation »), elle s’est subdivisée en deux composantes distinctes. En outre, huit items ont été ensuite supprimés, soit parce qu’ils avaient une saturation proche pour deux composantes (quatre items), soit parce que leur degré de saturation était peu élevé (inférieur à 0,45). C’est le cas de quatre autres items. Le nombre total d’items retenus est donc finalement de 32 (Ces 32 items sont présentés à l’annexe I). Il est à noter qu’une analyse en composantes principales avec extraction de sept composantes et rotations Varimax (plutôt qu’oblimin) conduit exactement aux mêmes regroupements d’items, avec des coefficients de saturation comparables.

Structure factorielle du questionnaire

La première composante (ou premier facteur)[9] correspond à la dimension « rejet de contenus scientifiques au nom de conceptions fidéistes », la seconde à l’ »autonomie de la science », la troisième à la « complémentarité », la quatrième aux « critiques rationalistes », la cinquième à « l’articulation » et la septième au « concordisme classique ». La structure factorielle reflète bien les dimensions du modèle, même si l’on peut regretter que certains facteurs ne comportent qu’un très petit nombre d’items. Le nombre d’items minimal conseillé étant de 4 pour Byrne (2012), ce critère est satisfait pour quatre dimensions.

Tableau 2

Matrice des composantes après rotation oblimin

Matrice des composantes après rotation oblimin

N.B. Les seuils de saturation retenus pour définir l’échelle relative à chaque dimension sont de 0,45. Ceux-ci sont indiqués en gras.

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L’indicateur de consistance interne (alpha de Cronbach) s’avère globalement satisfaisant (entre 0,69 et 0,86). Toutefois, l’alpha unitarisé (ramenant l’indice à la situation où chaque échelle comporterait un seul item) suggère que l’échelle « autonomie » est relativement hétérogène. Elle fait en effet référence à plusieurs critères définitoires de l’idée d’autonomie.

Présentation des sept composantes (ou facteurs) et des échelles correspondantes

La première composante correspond à la dimension « rejet de contenus scientifiques au nom de conceptions fidéistes ». Les sept items retenus au sein de l’échelle relative à cette première composante (voir annexe I) tendent à exprimer, selon des modalités sensiblement différentes, une idée générale commune : en cas de contradiction, la foi, la croyance religieuse et les Écritures sacrées priment des contenus scientifiques. Elles priment aussi d’autres registres de pensée, comme la philosophie (p. ex., l’item 4).

La seconde composante correspond à la dimension « autonomie de la science à l’égard de croyances religieuses » et a donné lieu à une échelle à six items. Cette conception s’appuie sur plusieurs principes méthodologiques fondamentaux : dans la démarche scientifique, la nature s’explique par la nature (item 23A), les explications proposées doivent se baser sur la preuve et la démonstration (item 24A), basées sur la seule raison (item 31A). La prise en compte de ces principes méthodologiques définitoires de l’activité scientifique implique – dans la construction des savoirs scientifiques – une autonomie à l’égard des croyances religieuses (items 24B, 25 et 60).

La troisième composante, « complémentarité entre science et religion », exprime la conviction, pour l’élève, qu’il existe une forme de complémentarité entre la science et les croyances religieuses dans sa vie personnelle, basée sur la reconnaissance d’une différence de nature entre les deux registres (items 30B, 31B et 30C inversé).

La quatrième composante, « critiques rationalistes de conceptions religieuses », exprime la conception suivante : la démarche scientifique possède des caractéristiques spécifiques qui la rendent plus fiable que les religions (items 34 et 37) ; la science s’est construite par ruptures et dépassements successifs par rapport aux explications mythologiques ou religieuses (items 38B et 39) ; enfin, les religions ou certaines de leurs formes d’expression peuvent constituer un frein ou un obstacle au développement de la science (items 33 et 35).

La cinquième composante, « articulation indirecte entre science et religion », exprime le souhait du répondant d’établir une forme d’articulation entre la science et les croyances religieuses passant par la médiation d’une réflexion philosophique (items 32C et 32D inversé), qui – en principe – devrait prémunir contre toute forme d’amalgame entre la science et les croyances religieuses, comme le suggère par exemple Lambert (1999). (Les composantes 3 et 5 renvoyaient initialement à une même dimension, que l’analyse en composantes principales a permis d’affiner et de séparer.)

La sixième composante correspond au « concordisme inversé ». Cette conception repose globalement sur une croyance religieuse ou métaphysique au sens le plus large (croyance en un être supérieur, en une intelligence supérieure), exprimée par les items 15A, 16A et 17A. Cette croyance, si elle s’assume comme croyance et reste clairement dans un registre religieux ou métaphysique, ne relève pas du concordisme inversé. Relève par contre du concordisme inversé le fait de considérer que la science conduit à cette croyance ou que cette croyance est elle-même de la science, comme le prétendent par exemple aujourd’hui les tenants de la théorie du dessein intelligent. Par conséquent, seuls les items 15B, 16B et 17B sont pris en compte dans le total de cette dimension, et non les items 15A, 16A ou 17A.

La septième composante exprime plusieurs facettes du « concordisme classique » : il appartiendrait à la religion d’assurer une forme de contrôle et de guidage de l’activité scientifique. L’item 14B évoque, par exemple, l’idée assez courante au Moyen-Âge (Minois, 1990) d’une recherche d’alliance entre la science et les Écritures, sous l’autorité de ces dernières et de l’Église. Cette conception peut déboucher aussi sur la proposition de fonder une science basée sur des prémisses religieuses (item 19). Une autre facette du concordisme classique, en particulier dans sa mouvance islamique contemporaine, est l’idée, exprimée à des degrés différents, selon laquelle les Écritures contiendraient des anticipations scientifiques (items 10A, 11 et 12).

Analyse factorielle confirmatoire

Afin de vérifier la robustesse du modèle dégagé par l’analyse en composantes principales avec rotations, une analyse factorielle confirmatoire a été réalisée. Cette analyse a pour but de vérifier si des variables mesurées, appelées manifestes dans ce cadre, peuvent représenter correctement des variables sous-jacentes. Au total, 32 variables manifestes ont donc été introduites afin de confirmer ou non le regroupement corrélationnel en sept facteurs ou composantes[10] dégagé au point précédent.

L’analyse factorielle confirmatoire se base sur une méthode de calcul par maximum de vraisemblance. En cela, elle diffère de l’analyse en composantes principales basée sur une extraction de composantes par la méthode des moindres carrés. L’information relative au modèle testé est présentée à l’annexe II (la matrice des corrélations entre les facteurs tels qu’estimés par l’analyse confirmatoire et l’estimation des coefficients de régression existant entre ces facteurs et les items correspondants). Les mesures habituelles d’adéquation entre les données introduites et le modèle théorique envisagé sont :

Le test khi-deux. Celui-ci représente l’écart entre les données observées et le modèle théorique, et ne doit donc pas être significatif. Toutefois, lorsque les degrés de liberté sont nombreux, un écart même de petite taille est détecté et le test devient significatif, même pour de bons modèles. C’est le cas ici : khi-deux (496) = 932,4, p<0,001. Une variante moins sensible à la taille de l’échantillon est la valeur du khi-deux observé divisée par le nombre de degrés de liberté du modèle. Il existe plusieurs interprétations plus ou moins conservatrices de cette valeur. Une règle très conservatrice suggérée par Ullman (2001) fixe une limite supérieure de cet indicateur à 2, mais d’autres auteurs acceptent une valeur inférieure à 5 (Schumacker & Lomax, 2004). Ici, il est de khi-deux (496) = 1,88, ce qui est donc très satisfaisant.

  • La racine du carré moyen de l’erreur d’approximation (RMSEA). Cet indice doit être inférieur à 0,08 pour être considéré acceptable et à 0,05 selon les exigences les plus conservatrices (Steiger, 1990). Ici, il est de 0,042, compris dans un intervalle de confiance assez faible borné par 0,038 et 0,047, montrant une bonne stabilité du construit. Le test Closeness of fit (PCLOSE), qui mesure la qualité de l’ajustement, doit avoir une valeur supérieure à 0,50 selon Beutler (1990). Elle est ici de 0,998.

  • L’indice comparatif de compatibilité (CFI). Il compare le modèle testé à un modèle de référence correspondant au modèle d’indépendance. Cet indicateur doit atteindre une valeur supérieure à 0,90 pour être acceptable et à 0,95 pour être appréciable (Kline, 1998). Il est ici de 0,94.

  • L’indice de Tuckes Lewis (TLI ou NNFI). Il s’agit d’un indice assez conservateur, mais qui a l’avantage d’être relativement indépendant de la taille de l’échantillon (Marsh, Balla, & McDonald, 1988). Il doit être supérieur à 0,90 pour être acceptable et à 0,95 pour être appréciable. Il est ici de 0,93.

Comme il est démontré ci-dessus, tous les indicateurs sont satisfaisants. Le khi-deux relatif est inférieur à 2, c’est-à-dire qu’il satisfait les exigences les plus conservatrices suggérées par la littérature. La RMSEA est inférieure à 0,05. Les indices CFI et TLI sont tous deux supérieurs à la valeur admise de 0,90. La structure en composantes proposée semble donc bien correspondre à l’analyse des données observées.

Discussion et perspectives

L’étude des conceptions des élèves à propos des différentes postures intellectuelles qu’il est possible d’adopter entre la science et les croyances religieuses est un domaine de recherche où il existe peu d’instruments, si ce n’est à propos de certaines matières spécifiques (théorie de l’évolution et astronomie).

Il a dès lors d’abord été nécessaire de construire un modèle théorique en veillant à prendre en compte un large spectre de conceptions possibles. En nous inspirant en particulier de Rasi (2003), de Lambert (1999), de Minois (1990, 1991) et d’Urvoy (2006), nous avons défini six grandes conceptions (Wolfs, Salamon, El Boudamoussi, et al., 2008 ; Wolfs, Salamon, De Coster, et al., 2008) : le rejet total ou partiel de contenus scientifiques au nom de conceptions fidéistes, le concordisme classique, le concordisme inversé, l’autonomie de la démarche scientifique à l’égard de croyances religieuses, la recherche d’une complémentarité sous des formes autres que concordistes et les critiques rationalistes, au nom de la science, de conceptions religieuses.

Dans un second temps, sur base de ce modèle, un questionnaire a été construit et mis à l’épreuve. La mise en évidence d’une structure factorielle compatible avec ce modèle permet désormais à l’utilisateur de disposer de questions, dont la validité conceptuelle a été éprouvée, portant spécifiquement sur chacune des dimensions retenues par ce modèle[11].

Toutefois, ce questionnaire présente plusieurs limites. Une première limite concerne l’adéquation entre les dimensions postulées par le modèle et les composantes extraites. Ainsi, une des six dimensions théoriques a donné lieu à deux composantes distinctes, dont l’une est clairement interprétable (la complémentarité, estimée par le répondant lui-même, entre les registres scientifique et religieux dans sa vie personnelle) et l’autre l’est moins (l’articulation), en raison de la formulation un peu vague et sans doute trop complexe des items la concernant et de leur trop petit nombre (deux). Une seconde limite, suggérée par l’indice alpha unitarisé, est le caractère relativement hétérogène d’une des dimensions (autonomie de la science), reposant de fait sur plusieurs critères définitoires. Enfin, une troisième limite est le fait que trois des sept composantes extraites (complémentarité, concordisme inversé et articulation) ne sont représentées que par un très petit nombre d’items (inférieur à quatre). Ces limites suggèrent des pistes d’amélioration possibles pour une version ultérieure éventuelle de l’instrument : l’élaboration plus développée à propos d’une des composantes (l’articulation), le réaménagement éventuel de la dimension « autonomie » afin de la rendre moins hétérogène (éventuellement en définissant plusieurs sous-dimensions) et, enfin, l’augmentation sensible du nombre d’items pour plusieurs de ces dimensions.

Le bilan, à ce stade, est donc le suivant. Pour trois des six dimensions initialement prévues (rejet de la science au nom de conceptions fidéistes, concordisme classique et critiques rationalistes à l’égard de croyances religieuses), le questionnaire apparaît globalement satisfaisant, à la fois en matière de validité conceptuelle (factorielle), de constance ou fiabilité (alpha de Cronbach) et de nombre d’items disponibles. Pour les trois autres dimensions, le questionnaire présente certaines faiblesses, qui ne l’invalident pas pour autant. Pour le concordisme inversé : une bonne validité factorielle et une bonne fiabilité, mais un faible nombre d’items (en l’occurrence trois) ; pour l’autonomie : une validité factorielle et un nombre d’items acceptables, mais un caractère relativement hétérogène de l’échelle ; enfin, pour l’idée de complémentarité, à condition de la recentrer sur la composante complémentarité, dans la vie personnelle de l’élève, entre registres scientifique et religieux : une bonne validité factorielle et une bonne fiabilité, mais un petit nombre d’items (en l’occurrence trois).

Dès lors, malgré ses limites, le questionnaire peut être un outil pertinent pour plusieurs types de recherche. Il permet de dresser un état des lieux, une photographie à propos du degré d’adhésion ou de rejet dont des élèves font preuve à l’égard des différentes postures envisagées. Par exemple, quelle est la proportion d’élèves, au sein d’une population scolaire, adhérant au « rejet de la science au nom de conceptions religieuses fidéistes » ou au « concordisme classique » et à quel degré ? Au-delà de l’aspect descriptif, quels sont les facteurs pouvant influencer les prises de position des élèves ? Dans quelle mesure leurs convictions personnelles en matière de religion influencent-elles leurs prises de position ? Dans quelle mesure aussi la formation scientifique reçue influence-t-elle et permet-elle de faire évoluer leurs conceptions ? Ces questions ont notamment été abordées lors d’une enquête récente réalisée en Belgique francophone (Wolfs, 2013). Plusieurs cadres de référence pourraient être convoqués à l’avenir pour mieux comprendre certaines prises de position des élèves, par exemple la théorie de la dissonance cognitive de Festinger (Vaidis, 2011) et la théorie de la construction des stratégies identitaires de Camilleri (1993) s’intéressant en particulier aux élèves issus de l’immigration et d’origines culturelles diverses, pour qui ces questions de positionnements entre la science et les croyances religieuses peuvent revêtir un enjeu identitaire tout particulier. Du point de vue de la didactique, il peut être utilisé notamment dans des recherches visant à déterminer les caractéristiques des dispositifs permettant aux élèves de mieux différencier le registre explicatif scientifique du registre des croyances personnelles, en particulier en matière de religion. Une articulation en particulier avec les travaux d’Aroua, Coquidé et Abbes (2012) pourrait sur ce point se révéler féconde. Enfin, des pistes de recherche en matière d’éducation comparée, sous la forme d’enquêtes comparatives internationales, sont également envisageables, en fonction en particulier des formes et des degrés de sécularisation des sociétés comparées.