Corps de l’article

1. Introduction et problématique

La persévérance dans des études universitaires est un concept qui a été étudié à de nombreuses reprises dans les écrits de recherche (Begin, Michaut, Romainville et Stassen, 2012 ; Pascarella et Terenzini, 2005). Beaucoup de chercheurs ont notamment essayé de comprendre ce qui détermine la persévérance en identifiant ses antécédents (Otero, Rivas et Rivera, 2007 ; Pascarella et Terenzini, 2005 ; Schmitz, Frenay, Neuville, Boudrenghien, Wertz, Noël et Eccles, 2010 ; Vermandele, Dupriez, Maroy et Van Campenhoudt, 2012). Cependant, malgré la diversité des antécédents mis en évidence, peu d’études ont tenté de comprendre la persévérance en partant des croyances développées par les étudiants comme le suggèrent certaines théories comportementales comme celle du comportement planifié (Fishbein et Ajzen, 2010). Or, étudier les croyances liées à la persévérance semble pertinent. Tout d’abord, comme nous l’évoquerons plus bas, la persévérance a majoritairement été conceptualisée et opérationnalisée comme un comportement. Cependant, peu d’études ont utilisé un cadre théorique adapté à la nature comportementale de la persévérance pour comprendre ce phénomène. La théorie du comportement planifié le permet et accorde en plus une place centrale aux croyances. Ensuite, les croyances semblent être de bons prédicteurs du comportement (Ajzen et Fishbein, 2000 ; Eagly et Chaiken, 1993 ; Schwarzer, 2008 ; Wigfield et Eccles, 2000) et pourraient donc mener à une meilleure compréhension de la persévérance. Cependant, avant d’être capable de déterminer l’influence qu’ont les croyances sur la persévérance, il est essentiel d’identifier quelles sont les croyances relatives à la persévérance en première année à l’université. L’objectif de l’étude présentée dans cet article est donc d’identifier les croyances liées à la persévérance des étudiants en première année à l’université.

2. Contexte théorique

2.1 La persévérance

Dans les écrits de recherche, la persévérance a majoritairement été conceptualisée comme une forme d’engagement comportemental envers les études (Miller, Greene, Montalvo, Ravindran et Nichols, 1996 ; Robbins, Le, Davis, Langley et Carlstrom, 2004). Elle consisterait à continuer une action, une tâche, même si des difficultés se présentent (Miller et al., 1996). Multon, Brown et Lent (1991) développent d’ailleurs cette idée de persévérer face à des obstacles. Persévérer serait un processus en place tout au long de l’année et qui se traduit par une multitude de comportements (De Clercq, Roland, Dupont, Parmentier et Frenay, 2014). Dans la lignée de cette conceptualisation, la persévérance a majoritairement été opérationnalisée grâce à des mesures d’engagement comportemental. Ainsi, la persévérance a souvent été mesurée par la durée pendant laquelle un étudiant reste inscrit dans l’institution (Houme, 2009 ; Pritchard et Wilson, 2003 ; Robbins et al., 2004), mais également par l’obtention d’un diplôme (Ben-Yoseph, Ryan et Benjamin, 1999 ; DeRemer, 2002). D’autres auteurs (Neuville, Frenay, Schmitz, Boudrenghien, Noël et Wertz, 2007 ; Schmitz et Frenay, 2013) ont également proposé d’évaluer l’engagement comportemental envers les études au moyen d’une mesure de l’effort fourni par l’étudiant en cours d’année (par exemple : la participation aux cours, aux travaux pratiques et aux séances d’exercices, le nombre d’heures passées à étudier pendant la semaine et pendant les fins de semaine...). Enfin, il faut noter que certains chercheurs ont approché la persévérance avec une mesure de l’intention de persévérer (DaDeppo, 2009 ; Schmitz et Frenay, 2013) qui représente une mesure plus motivationnelle que les autres. L’intention traduit en effet le degré de motivation à mettre en oeuvre un comportement donné (Ajzen, 2005).

2.2 Les antécédents de la persévérance

Les auteurs de nombreuses études mentionnées ci-dessous ont essayé de comprendre ce qui pouvait mener un étudiant à persévérer ou au contraire à abandonner ses études. Historiquement, les chercheurs se sont appuyés sur les caractéristiques sociodémographiques des étudiants (niveau scolaire des parents, revenus des parents, ethnie, appartenance religieuse, sexe…) (Otero et al., 2007 ; Vermandele et al., 2012) et sur leur passé scolaire pour comprendre ce phénomène (Pascarella et Terenzini, 2005 ; Vermandele et al., 2012). Cependant, d’autres chercheurs ont avancé d’autres variables explicatives : des variables motivationnelles (sentiment de compétence, valeur de la tâche…) (Eccles et Wigfield, 2002 ; Neuville, Frenay, Noël et Wertz, 2013), des variables éducationnelles (expériences institutionnelles, intégration académique et sociale de l’étudiant…) (Braxton, Hirschy et McClendon, 2004 ; Schmitz et al., 2010) et des variables psychoaffectives (traits de personnalité, concept de soi…) (Fuertes, Sedlacek et Liu, 1994 ; Pritchard et Wilson, 2003).

Malgré ces abondants résultats de recherches scientifiques, plusieurs méta-analyses et études ont montré que, même pris ensemble, ces déterminants potentiels de la persévérance ne permettaient pas d’expliquer complètement la persévérance (Robbins et al., 2004). Cela peut s’expliquer par le fait qu’un certain nombre d’antécédents de la persévérance n’ont pas été considérés dans les écrits des chercheurs. C’est notamment le cas des croyances qui ont, étonnamment, été peu étudiées en lien avec la persévérance. Or, il semblerait que les croyances soient à l’origine de nos actions (Ajzen et Fishbein, 2000 ; Bandura, 1997 ; Eagly et Chaiken, 1993 ; Schwarzer, 2008 ; Wigfield et Eccles, 2000). Connaître les croyances concernant la persévérance pourrait donc nous permettre de mieux comprendre cette dernière. Il nous semblait donc important de tenter d’identifier ces croyances afin d’envisager la persévérance sous un nouvel angle et de disposer ainsi d’éventuels facteurs explicatifs.

2.3 Les croyances selon la théorie du comportement planifié

Pour étudier les croyances liées à la persévérance chez les étudiants de première année à l’université, nous nous sommes penchées sur un cadre théorique qui permet de prendre en compte la nature comportementale de la persévérance et qui accorde une place centrale aux croyances, à savoir la théorie du comportement planifié. La théorie du comportement planifié (Figure 1) a pour objectif d’expliquer comment un comportement est généré en suivant une approche explicative linéaire. Selon cette théorie, tout comportement humain est précédé d’une intention de se comporter. L’intention représente la probabilité estimée personnellement par l’individu de s’engager dans un comportement. Cette intention est elle-même sous-tendue par quatre variables : l’attitude vis-à-vis du comportement, les normes injonctives, les normes descriptives et le contrôle comportemental perçu. Une attitude est l’évaluation positive ou négative faite par un individu à propos d’un comportement. Les normes injonctives représentent la perception qu’a un individu de ce que les personnes les plus importantes pour lui pensent qu’il devrait ou ne devrait pas faire. Les normes descriptives représentent la perception qu’a un individu de ce que les personnes les plus importantes pour lui ont accompli. Enfin, le contrôle comportemental perçu se définit comme la perception qu’a une personne, d’une part, de sa capacité à réaliser un comportement et, d’autre part, du contrôle qu’elle a sur sa performance. L’attitude vis-à-vis du comportement, les normes injonctives, les normes descriptives et le contrôle perçu sont à leur tour déterminés par les croyances que l’individu a développées.

Selon la théorie du comportement planifié, une croyance se définit comme la probabilité subjective d’une relation entre l’objet de la croyance et un objet, une valeur, un concept ou un attribut quelconque (Fishbein et Ajzen, 2010). Cette définition implique la création d’un lien entre au moins deux aspects du monde d’un individu. Ainsi, nous nous formons des croyances à propos d’un objet en associant à cet objet différentes caractéristiques, qualités et attributs. Une croyance est donc le résultat d’une association entre le comportement et une de ses caractéristiques. Un étudiant pourrait, par exemple, croire que terminer ses études lui garantira de trouver un emploi. Cet étudiant associe donc le fait de terminer ses études à celui d’emploi.

Une croyance peut se former de différentes manières (Ajzen, 2005). Elle peut se former par observation directe : elle peut se fonder sur des expériences passées (par exemple : un étudiant qui, lorsqu’il a rencontré des difficultés, a réussi à s’accrocher à ses études). Une croyance peut également se former de manière indirecte en recevant des informations provenant d’une source extérieure comme la télévision, la radio, Internet, les journaux, des livres, des amis, des collègues, la famille… (par exemple : un étudiant apprend dans les médias que le taux d’abandon à l’Université est assez élevé). Enfin, elle peut se former par inférence (par exemple : un étudiant qui constate qu’après avoir fait du sport, il est plus concentré et plus motivé pour étudier pourrait inférer que faire du sport lui permettra de réussir son année).

Au cours de notre vie, nous nous formons une multitude de croyances. Cependant, seules certaines d’entre elles auront une influence sur notre comportement. Il s’agit des croyances les plus saillantes, c’est-à-dire les croyances les plus accessibles en mémoire, celles qui viennent directement à l’esprit lorsque la personne pense à l’objet. Ces croyances sont formées automatiquement et activées spontanément (Ajzen, 2005).

Certaines croyances perdurent à travers le temps, alors que d’autres sont oubliées et que de nouvelles croyances se forment. Les croyances à propos d’institutions telles que l’église, la démocratie ou à propos de groupes nationaux ou raciaux tendent à être relativement stables. Par contre, les croyances à propos des conséquences d’un comportement ou les croyances à propos d’une personne peuvent varier de manière significative (Ajzen, 2005).

Il est important de noter que les croyances peuvent être biaisées par une série de processus cognitifs et motivationnels, et qu’elles peuvent avoir été fondées sur des informations invalides et sélectives ou ne pas correspondre à la réalité. De ce fait, elles ne sont pas nécessairement vraies, elles peuvent être inexactes, biaisées ou même irrationnelles. Cependant, les gens ont tendance à les tenir pour vraies et à agir conformément à celles-ci (Ajzen, 2005).

La théorie du comportement planifié distingue quatre catégories de croyances : les croyances comportementales, les croyances injonctives, les croyances descriptives et les croyances de contrôle qui prédisent respectivement l’attitude, les normes injonctives, les normes descriptives et le contrôle comportemental perçu.

Les croyances comportementales concernent la représentation vécue ou anticipée des avantages et des inconvénients associés à la réalisation d’un comportement. Chaque croyance lie le comportement à une conséquence. Peu de recherches ont été menées à propos de ce type de croyances. Schwarzer (2008) a, dans son modèle d’adoption et de maintien de saines habitudes, néanmoins étudié et montré le lien entre les avantages et les inconvénients de l’adoption d’un comportement favorisant la santé. Cependant, dans le cadre de la persévérance, il n’existe pas, selon nous, d’étude qui ait essayé d’identifier ces croyances particulières en lien avec la persévérance. Or, elles pourraient constituer un motif central dans la décision, de la part d’un étudiant, de persévérer ou d’arrêter ses études.

Les croyances injonctives touchent à la perception qu’a un individu concernant ce que les personnes les plus importantes pour lui pensent qu’il devrait ou ne devrait pas faire. Seuls les référents les plus importants pour un comportement donné auront une influence sur le comportement qu’une personne adoptera.

Les croyances descriptives concernent quant à elles la perception qu’a un individu de ce que les personnes les plus importantes pour lui ont accompli ou non. Une personne qui s’identifie fort à ce que les personnes les plus importantes pour lui ont fait aura davantage tendance à vouloir réaliser le même comportement.

Que ce soit pour les croyances injonctives ou descriptives, il est donc indispensable d’identifier quels référents sont les plus influents en termes de persévérance chez les étudiants en première année à l’université. Nous retrouvons l’idée de croyances injonctives et descriptives dans le modèle attentes-valeur (expectancy-value) (Wigfield et Eccles, 2000). Il s’agit de croyances concernant les attentes des référents et de croyances concernant les comportements des référents. Cependant, même si ces deux notions sont évoquées dans cette théorie, elles ont été peu testées, selon les écrits de recherche en lien avec la persévérance. Il serait donc judicieux de creuser la question des aspects normatifs de la persévérance, qui est très peu explorée par les chercheurs et qui nous semble primordiale, étant donné que nous sommes des êtres sociaux soumis inévitablement aux normes présentes dans notre société.

Les croyances de contrôle sont des croyances concernant la présence ou l’absence de facteurs qui facilitent ou gênent la réalisation d’un comportement (Fishbein et Ajzen, 2010). Certains facteurs pouvant s’apparenter à des croyances de contrôle ont parfois été étudiés par les chercheurs, mais toujours de manière isolée. C’est notamment le cas des croyances concernant le sentiment d’efficacité personnelle ou encore le support social (Bandura, 1997 ; Robbins et al., 2004 ; Schmitz et al., 2010). Cependant, davantage de facteurs pourraient faciliter ou entraver la réalisation d’un comportement. Il nous semble donc essentiel de pouvoir les identifier pour en avoir une meilleure connaissance.

Figure 1

La théorie du comportement planifié (adapté de Ajzen et Fishbein, 2010)

La théorie du comportement planifié (adapté de Ajzen et Fishbein, 2010)

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2.4 La présente étude

Comme le révèle ce bref état de question, peu de chercheurs se sont penchés sur l’étude de la persévérance en la considérant comme un comportement et sur l’impact des croyances sur ce comportement. De plus, les quelques études qui ont utilisé une approche comportementale pour comprendre la persévérance (Houme, 2009 ; Koslowsky, 1993) ne se sont pas intéressées aux croyances qui nous semblent pourtant primordiales pour comprendre ce phénomène. En effet, connaître ces croyances nous permettrait d’approcher de manière plus fine et nuancée le vécu des étudiants par rapport à la persévérance. D’après de nombreux chercheurs ayant pourtant des cadres théoriques et des intérêts de recherche différents (Ajzen et Fishbein, 2000 ; Bandura, 1997 ; Eagly et Chaiken, 1993 ; Schwarzer, 2008 ; Wigfield et Eccles, 2000), il semblerait que les croyances aient une influence importante sur nos décisions et nos comportements. Identifier clairement ces croyances serait une première étape cruciale, et ce d’autant plus que la plupart des chercheurs qui ont étudié le lien entre croyances et comportement sont partis de leurs propres croyances a priori. Ils n’ont donc pas réalisé le travail préliminaire de mise en évidence des croyances les plus saillantes de leur population cible au moyen d’une étude qualitative. Or, mener ce travail exploratoire est extrêmement important afin de pouvoir évaluer le rôle des croyances par des items qui soient les plus proches possibles des croyances réelles de la population de référence (Fishbein et Ajzen, 2010). En effet, procéder de cette manière augmente la probabilité que les croyances proposées dans les items correspondent aux croyances réelles des participants. C’est pourquoi il nous a semblé primordial de nous atteler à identifier, au moyen d’une étude qualitative exploratoire, les croyances liées à la persévérance chez des étudiants en première année d’université avant même de mener une investigation sur les effets des croyances sur la persévérance. L’objectif principal de cette étude est donc d’identifier les croyances comportementales, injonctives, descriptives et de contrôle liées à la persévérance.

3. Méthodologie

3.1 Sujets

Nous avons sollicité l’ensemble des étudiants de première année de Bachelier en psychologie et sciences de l’éducation de l’Université catholique de Louvain (N = 455). Pour cette étude, 203 étudiants ont accepté de participer. Parmi ceux-ci, on comptait 83 % de filles et 17 % de garçons. Cette proportion filles/garçons est représentative des étudiants en psychologie. L’âge moyen des participants était de 18 ans.

3.2 Instrumentation

Le questionnaire était constitué de dix questions ouvertes. Celles-ci permettaient d’évaluer les croyances comportementales, injonctives, descriptives et de contrôle des étudiants à propos de la persévérance.

Avant que les questions ne soient posées, un petit passage introductif expliquait aux participants ce que nous entendions par persévérer face à des difficultés. Plus précisément, nous avons précisé le type de difficultés qu’ils pourraient rencontrer durant l’année, afin qu’ils évitent de se centrer uniquement sur des difficultés liées à l’université. En effet, des difficultés d’ordre personnel (séparation d’avec un conjoint, décès d’un proche, conflits interpersonnels, maladie, fatigue, manque de motivation, difficultés financières...) pourraient également avoir un impact sur leur décision de continuer leurs études.

Croyances comportementales. Les croyances comportementales ont été mesurées à l’aide de deux questions. L’une demandait aux participants de lister les avantages possibles de la persévérance ; l’autre, les inconvénients possibles de la persévérance (par exemple : Si vous rencontrez des difficultés durant cette première année d’études, quels avantages verrez-vous à persévérer dans ces études ?).

Croyances normatives. Les croyances normatives ont été mesurées au moyen de six questions. Dans ces questions, les participants devaient lister les personnes qui jouaient un rôle déterminant dans leur persévérance. Deux des questions avaient trait à leurs croyances injonctives (par exemple : Si vous rencontrez des difficultés durant cette première année d’études, quelles catégories de personnes pourraient penser que vous devez persévérer dans ces études ?) ; les quatre autres concernaient leurs croyances descriptives (par exemple : Parmi les catégories de personnes que vous connaissez et qui ont déjà eu une expérience à l’université ou en haute école, listez celles qui, lorsqu’elles ont rencontré des difficultés durant leurs études, ont abandonné leurs études).

Croyances de contrôle. Les croyances de contrôle ont été évaluées à l’aide de deux questions. L’une demandait aux participants de lister les facteurs ou les conditions qui facilitent leur persévérance, l’autre les facteurs ou les conditions qui les amènent à ne pas persévérer (par exemple : Si vous rencontrez des difficultés durant cette première année d’études, qu’est-ce qui pourrait faciliter votre persévérance ?).

3.3 Déroulement

La passation de ce questionnaire s’est déroulée en novembre 2012 dans le cadre d’un cours, lors du premier semestre universitaire, c’est-à-dire avant la première session d’examens. Il était en effet important que les croyances exprimées par les étudiants soient celles qu’ils avaient a priori et qu’elles ne soient pas teintées par la réussite ou l’échec de leurs examens. La passation du questionnaire durait environ 20 minutes.

3.4 Méthode d’analyse des données

L’ensemble des réponses émises par les participants a été soumis à une analyse thématique de contenu. Ce type d’analyse a pour objectif de transposer un corpus en thèmes représentatifs du contenu analysé en s’appuyant sur la problématique de la recherche (Paillé et Mucchielli, 2012). Cette analyse a été réalisée à l’aide du logiciel NVivo. Elle avait donc pour objectif de regrouper les croyances similaires entre elles. Cette analyse nous a permis de mettre en évidence des croyances comportementales, injonctives, descriptives et de contrôle. Pour sélectionner les croyances les plus saillantes, nous nous sommes appuyés sur les recommandations de Fishbein et Ajzen (2010) qui suggéraient de sélectionner les réponses les plus fréquemment émises jusqu’à totaliser 75 % des réponses émises par l’échantillon. Par exemple, en nous appuyant sur 600 réponses émises, la règle des 75 % impliquait que nous sélectionnions les réponses les plus fréquemment mentionnées jusqu’à totaliser 450 réponses.

3.5 Considérations éthiques

Les participants ont suivi un cours, crédité dans le cadre de leur programme de formation dans lequel la passation du questionnaire leur était proposée. Cependant, ils n’étaient pas obligés d’y répondre. Ils ont donc collaboré à la recherche de façon volontaire. Ils ont été informés explicitement que l’absence de participation à la recherche n’aurait aucune répercussion sur la réussite du cours. La passation du questionnaire était anonyme et s’est faite au moyen d’un questionnaire en ligne. Les résultats de la recherche ont été diffusés sur une plateforme en ligne accessible à tous les étudiants.

4. Résultats

Au total, l’ensemble des participants a émis 641 réponses concernant les croyances comportementales, 906 réponses concernant les croyances injonctives, 815 réponses concernant les croyances descriptives et 887 réponses concernant les croyances de contrôle.

Les tableaux ci-dessous (1, 2 et 3) reprennent les croyances les plus saillantes de notre échantillon. Ils comprennent également la fréquence avec laquelle les croyances ont été émises par l’ensemble des participants. Enfin, ils pointent la proportion, en pourcentage, avec laquelle ces croyances ont été émises parmi l’ensemble des croyances les plus saillantes.

Les croyances comportementales (tableau 1) mises en évidence lors de notre analyse thématique sont principalement des avantages liés à la persévérance, bien que trois inconvénients aient été pointés. Au-delà de cette distinction entre avantages et inconvénients, différentes sous-thématiques ont été mises en évidence. Certaines croyances semblent se rapprocher de l’idée de plaisir. Ces croyances liées au plaisir peuvent néanmoins avoir des objets différents (par exemple : poursuivre des études qui me plaisent, apprendre des choses intéressantes, faire le métier que j’aime, avoir moins de temps pour mes loisirs…). D’autres croyances se rapprochent de la notion d’utilité que l’étudiant trouve dans la poursuite de ses études. Tout comme les croyances liées au plaisir, les croyances liées à l’utilité peuvent avoir des objets différents, mais également une temporalité différente (vision à court ou à long terme) (par exemple : atteindre mon but, assurer mon avenir, perdre une année, acquérir une meilleure méthode de travail…). Certains des avantages et des inconvénients cités sont liés à des dimensions plus personnelles de l’individu (par exemple : me prouver que je peux réussir, avoir davantage confiance en moi, avoir une satisfaction personnelle, douter de mon choix d’études) et ont pour objet la perception de soi.

Tableau 1

Fréquence des croyances comportementales invoquées par les étudiants

Fréquence des croyances comportementales invoquées par les étudiants

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Le tableau suivant (Tableau 2) présente les croyances injonctives, mais également les croyances descriptives. Comme nous l’avons mentionné dans la méthode, les croyances injonctives et descriptives renvoient aux référents qui ont la plus grande influence sur la décision, de la part des étudiants, de continuer ou d’arrêter leurs études. Les mêmes référents ont été mis en évidence aussi bien pour les croyances injonctives que pour les croyances descriptives. Il semblerait que ce soient les amis, le père, la mère, les frères et soeurs, les cousins et les grands-parents qui aient la plus grande influence sur les participants. Cependant, afin de nuancer les résultats, nous avons également analysé les réponses les moins fréquemment émises par les participants afin de voir si des personnes ne faisant pas partie de la sphère familiale et des amis avaient une influence sur les étudiants. Nous observons que, bien qu’ils aient été cités minoritairement, le petit ami/la petite amie et les anciens professeurs peuvent également avoir une influence sur la décision de persévérer de l’étudiant. L’influence de la sphère familiale reste néanmoins prédominante chez la majorité des étudiants.

Tableau 2

Fréquence des croyances injonctives et descriptives invoquées par les étudiants

Fréquence des croyances injonctives et descriptives invoquées par les étudiants

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Parmi les croyances de contrôle (tableau 3), nous avons distingué les croyances qui représentent des obstacles de celles qui représentent des facilitateurs à la persévérance. Au-delà de cette distinction, trois sous-thématiques peuvent être déterminées au sein des croyances émises. Certaines croyances sont relatives à l’individu lui-même (par exemple : être [dé]motivé[e], l’envie de me prouver et de prouver aux autres que je suis capable de réussir, le manque de confiance en soi, la remise en question de mon choix d’études…) ; d’autres, à l’entourage de l’individu (par exemple : être soutenu[e] par mon entourage, l’entraide entre les étudiants), et d’autres enfin font référence aux études en elles-mêmes (par exemple : des cours [in]intéressants, la quantité de travail à fournir et la quantité de matière, la difficulté de la matière, le coût des études).

Tableau 3

Fréquence des croyances de contrôle invoquées par les étudiants

Fréquence des croyances de contrôle invoquées par les étudiants

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5. Discussion des résultats

L’objectif premier de cette étude était de mettre en évidence les croyances les plus saillantes, chez les étudiants, à l’égard de leur persévérance en première année à l’université. En effet, plusieurs études ont déjà montré que connaître les croyances d’un individu permet de prédire son comportement (Ajzen et Fishbein, 2000 ; Bandura, 1997 ; Eagly et Chaiken, 1993 ; Schwarzer, 2008 ; Wigfield et Eccles, 2000). À la lumière de la théorie du comportement planifié, des croyances comportementales, injonctives, descriptives et de contrôle ont donc été identifiées.

Les croyances comportementales qui ont été identifiées sont composées d’inconvénients et d’avantages liés à la persévérance. Au sein de ces croyances, nous avons distingué trois sous-thématiques : les croyances liées au plaisir de persévérer (par exemple : apprendre des choses intéressantes), les croyances liées à l’utilité de persévérer (par exemple : obtenir un diplôme) et les croyances liées à des dimensions plus personnelles des étudiants (par exemple : être fier[e] de moi). Ces croyances ainsi identifiées peuvent être mises en lien avec le concept de valeur perçue d’une tâche issue de la théorie attentes-valeur (expectancy-value) d’Eccles et Wigfield, (2002). La valeur perçue est ce qu’un individu pense qu’une tâche peut lui apporter personnellement. La valeur perçue est influencée par quatre composantes : 1) l’importance que la personne accorde à la tâche, 2) l’intérêt qu’elle a pour la tâche, 3) l’utilité qu’elle y trouve et 4) les coûts associés à la réalisation de la tâche. Les croyances mises en évidence dans notre étude pourraient être vues comme des antécédents des quatre composantes de la valeur perçue d’une tâche. Par exemple, être fier(e)de soi renforcera sans doute l’importance que l’étudiant accorde à la persévérance dans ses études. De même, apprendre des choses intéressantes pourrait permettre à l’étudiant de développer de l’intérêt pour ses études et par conséquent renforcer sa persévérance. Obtenir un diplôme pourrait renforcer le sentiment d’utilité lié aux études et par conséquent renforcer sa persévérance. Enfin, perdre une année pourrait rendre la persévérance plus coûteuse Cette mise en perspective avec la valeur perçue permet de confirmer l’influence indirecte des croyances comportementales sur la persévérance comme le présuppose la théorie du comportement planifié. De plus, nos analyses mettent également en relief la diversité des croyances qui existent et l’intérêt de les connaître afin de pouvoir en tenir compte pour de futures études.

Les croyances injonctives et descriptives ont permis de mettre en évidence les référents normatifs les plus importants pour les participants. Conformément à ce qui a déjà été observé dans les écrits de recherche (Coslin, 2013), ce sont les parents, les frères et soeurs et les amis qui semblent avoir la plus grande incidence sur les étudiants. D’après les résultats des chercheurs, cette influence peut se traduire de différentes manières. En effet, un étudiant peut percevoir un soutien, une pression ou encore des attentes (Fishbein et Ajzen, 2010 ; Ratelle, Larose, Guay et Senécal, 2005) explicites de la part de son entourage. Il peut également avoir la sensation que son entourage nourrit des attentes par rapport à lui, sans que cela ait été clairement exprimé (Fishbein et Ajzen, 2010). Quoi qu’il en soit, ces différentes formes d’influences ont un impact sur le comportement de l’étudiant (Ratelle et al., 2005 ; Schmitz, Frenay et Neuville, 2006). Cependant, cette influence varie en fonction des référents normatifs impliqués (Coslin, 2013) et de la sensibilité de la personne à ces influences (Wooten et Reed, 2004).

Ces croyances injonctives et descriptives telles qu’elles sont mesurées dans le cadre de la théorie du comportement planifié méritent d’être discutées. En effet, même si dans le cadre de notre étude, nous avons suivi les recommandations de Fishbein et Ajzen (2010) concernant les échelles de mesure à utiliser, la manière dont ils proposent de mesurer ces croyances ne permet pas, selon nous, d’évaluer réellement ce que sont les croyances des participants, mais plutôt d’identifier quels référents normatifs sont les plus importants pour eux. De plus, ils suggèrent de mesurer quantitativement les croyances injonctives au moyen des items du type X pense que je devrais persévérer, même si je rencontre des difficultés et les croyances descriptives au moyen des items du type X a persévéré lorsqu’il a rencontré des difficultés durant ses études. L’énoncé des différents items pour mesurer ces croyances reste toujours le même, seul le référent normatif X change d’un item à l’autre afin qu’il soit possible d’évaluer à quels référents normatifs cette croyance peut s’appliquer. Cette manière de faire ne permet donc d’évaluer qu’un seul type de croyance (par exemple : les référents normatifs pensent que je devrais ou non persévérer pour les croyances injonctives), croyance qu’ils n’ont, par ailleurs, pas mise en évidence au moyen de leur étude qualitative comme ils le préconisent et comme ils le font d’ailleurs pour les croyances comportementales et de contrôle. Or, il serait instructif d’évaluer les différentes croyances injonctives et descriptives que partagent les participants. Dans ce cadre, une manière de mesurer qualitativement les croyances injonctives pourrait être de poser une question du type : Qu’est-ce que mes proches attendent de moi en ce qui concerne ma persévérance universitaire ? Les croyances descriptives pourraient quant à elles être évaluées au moyen d’une question du type : Qu’est-ce que mes proches ont fait lorsqu’ils ont été confrontés à des difficultés durant leurs études ? De cette manière, un certain nombre de croyances pourraient être mises en évidence et servir de base pour une étude quantitative.

Enfin, les croyances de contrôle qui sont composées d’éléments facilitateurs et d’obstacles à la persévérance ont également pu être regroupées en différentes sous-thématiques : les croyances liées à l’individu, les croyances liées à l’entourage et les croyances liées aux études. Certaines des croyances ressorties de cette analyse avaient déjà été étudiées dans des recherches antérieures et mises en lien avec la persévérance. C’est notamment le cas du soutien de l’entourage ou encore de la confiance en soi et en ses capacités (Multon et al., 1991 ; Robbins et al., 2004 ; Schmitz et al., 2010). Cependant, l’étude que nous avons réalisée a le mérite d’avoir mis en évidence une large palette des croyances de contrôle liées à la persévérance, ce qui, à notre connaissance, n’avait pas été fait jusqu’à présent. Selon Ajzen (1985), ces croyances de contrôle peuvent être interprétées en référence au type d’attribution causale que la personne met en place. L’attribution causale peut être de trois types : attribution à des causes stables ou instables (l’intelligence par rapport à la chance), internes ou externes (l’intelligence par rapport au soutien des autres) et contrôlables ou non (les efforts fournis par rapport à la difficulté de la tâche) (Weiner, 1979). Plusieurs chercheurs ont déjà montré qu’en fonction du type d’attribution mise en oeuvre, les conséquences sur la persévérance différaient. Ainsi, selon Hoza, Pelham, Waschbusch, Kipp et Owens (2001) par exemple, attribuer un échec à des facteurs externes tels que la difficulté de la tâche était relié positivement à la persévérance, alors qu’attribuer un échec à des éléments internes tels que l’intelligence était relié négativement à la persévérance. Ces études révèlent donc l’intérêt de prendre en compte le type d’attribution lié à une croyance de contrôle : un effet différencié pourrait apparaître et apporter plus de nuances au sein des résultats. Dans ce cadre, nous constatons que, bien que nous n’ayons pas créé la méthodologie de cette étude en nous appuyant sur les différentes dimensions de la théorie de l’attribution causale, au sein des croyances de contrôle ressorties des analyses, nous pouvons distinguer les croyances liées à une attribution causale interne des croyances liées à une attribution causale externe (par exemple : le stress par rapport à la difficulté de la matière). Nous avons par ailleurs constaté que les croyances liées à l’individu sont presque toutes des croyances de type interne, alors que les croyances liées à l’entourage et aux cours sont de type externe. Il nous a paru plus hasardeux, par contre, d’associer ces croyances à un versant de la stabilité et de la contrôlabilité. Pour classifier les obstacles et les facilitateurs en fonction de leur stabilité et de leur contrôlabilité, il est indispensable de connaître le contexte dans lequel ils se présentent, ce que ne nous permettaient pas les questions que nous avons posées dans cette étude. Il est néanmoins important de noter qu’un même facteur explicatif peut être interprété différemment d’un individu à l’autre (Weiner, 1979). Certaines analyses ont par exemple révélé qu’un facteur tel que l’habilité peut être vu par certaines personnes comme malléable et sous contrôle volontaire, alors que pour d’autres il s’agit d’une caractéristique immuable sur laquelle nous n’avons pas de contrôle (Hong, Chiu, Dweck, Lin et Wan, 1999). Même si nos résultats ne permettent pas d’être analysés selon les trois catégories d’attributions causales, il nous semblait intéressant de discuter de ce parallèle.

La nature comportementale de la persévérance nous a incitées à nous tourner vers une théorie comportementale pour étudier ce phénomène. Cependant, il existe d’autres théories comportementales que celle du comportement planifié. Citons notamment l’approche des processus d’action de santé (Schwarzer, 2008), qui a pour objectif de comprendre l’adoption et le maintien de comportements. La raison pour laquelle nous nous sommes tournés vers la théorie du comportement planifié réside principalement dans la diversité des croyances qu’elle permet d’étudier en comparaison aux autres théories comportementales. L’objectif de notre étude étant d’identifier l’ensemble des croyances liées à la persévérance des étudiants, il nous a paru plus opportun de nous tourner vers la théorie du comportement planifié. Cette théorie nous a permis de prendre en compte quatre catégories de croyances : les croyances comportementales, injonctives, descriptives et de contrôle. Ces quatre catégories permettent de balayer un grand nombre de croyances associées à la persévérance, contrairement à ce qui a déjà été fait dans les recherches antérieures. En effet, les chercheurs qui se sont intéressés aux croyances se sont souvent uniquement focalisés sur des croyances appartenant à l’une de ces catégories et ont rarement tenté d’élargir leurs investigations à d’autres types de croyances. C’est notamment le cas des nombreuses recherches qui ont porté sur le lien entre croyances d’efficacité personnelle et persévérance (Bandura, 1997 ; Rigali-Oiler et Kurpius, 2013). Or, c’est cette diversité de croyances qui permet de saisir un comportement de manière fine et complète.

La diversité des croyances mises en évidence dans notre étude permet également de montrer l’intérêt de réaliser une étude qualitative afin d’identifier les croyances, plutôt que de se fonder sur les croyances a priori des chercheurs. Même s’il est clair que certaines des croyances a priori des chercheurs peuvent correspondre aux croyances réelles des étudiants, nous observons qu’un nombre important de croyances mises en évidence dans notre étude n’avaient, à notre connaissance, jamais été prises en compte dans les recherches. Connaître ces différentes croyances permettra de comprendre avec plus de finesse la persévérance et d’identifier les perceptions associées à la persévérance chez les étudiants en première année à l’université.

Bien que les croyances mises en évidence dans notre étude soient relativement variées, elles ont été émises par un public spécifique, celui des étudiants inscrits en première année d’études universitaires en psychologie. Nous nous interrogeons donc sur leur caractère universel. En effet, les étudiants inscrits dans d’autres programmes d’études partagent-ils ces croyances ? Des recherches (Leclercq, 2003) ont montré que des étudiants en sciences humaines n’ont pas les mêmes antécédents (revenus et diplôme des parents, filière d’études choisies...) que des étudiants en sciences de la santé ou en sciences et technologies. Or, bien que nous n’ayons pas abordé cet aspect plus haut, selon la théorie du comportement planifié, les croyances des individus seraient influencées par ces antécédents. Selon cette logique, des étudiants inscrits en psychologie pourraient avoir des croyances différentes des étudiants inscrits dans d’autres programmes d’études. Il est donc important d’être conscient du caractère potentiellement non universel de ces croyances.

6. Conclusion

Cette étude avait pour objectif de mettre en évidence les croyances liées à la persévérance chez des étudiants en première année à l’université. En effet, les croyances pourraient jouer un rôle déterminant dans la décision de persévérer ou au contraire d’abandonner ses études. Or, peu d’études ont été réalisées à ce sujet. Dans ce cadre, nous avons mené une étude qualitative au cours de laquelle nous avons demandé à des étudiants en première année à l’université de nous parler de quatre types de croyances liées à la persévérance, à savoir les croyances comportementales, injonctives, descriptives et de contrôle. Leurs réponses nous ont permis de nous rendre compte de l’étendue des croyances qui affectent la persévérance des étudiants. Certaines de ces croyances sont des croyances déjà bien étudiées dans les écrits scientifiques. Cependant, d’autres restent beaucoup plus méconnues et donc négligées dans l’explication de la persévérance. Cette étude a également permis de dépasser les limites méthodologiques de plusieurs recherches antérieures concernant les croyances. En effet, comme nous l’avons dit précédemment, presque aucune étude qualitative n’a été menée pour mettre en évidence les croyances réelles des individus.

Cette étude présente toutefois quelques limites qui ouvrent la voie à des perspectives futures. Tout d’abord, elle a été menée auprès d’étudiants en psychologie. Or, comme nous l’avons évoqué dans la discussion, il est possible que les croyances des étudiants inscrits en psychologie soient différentes de celles des étudiants inscrits dans d’autres programmes d’études. Afin de s’assurer que ces croyances sont partagées par l’ensemble des étudiants, il pourrait donc s’avérer pertinent de répliquer notre étude en incluant des étudiants inscrits dans les différents secteurs. De manière moins coûteuse, nous pourrions demander à des étudiants issus de différentes facultés de prendre position par rapport aux croyances mises en évidence dans notre recherche. Plus précisément, nous leur demanderions dans quelle mesure ces croyances sont des croyances qu’ils partagent.

Une autre limite concerne l’échantillon, qui n’était pas constitué d’étudiants ayant abandonné leurs études. Or, leurs croyances auraient probablement différé sur certains aspects des croyances d’étudiants dits persévérants. Cependant, la passation du questionnaire s’est déroulée en début d’année universitaire, avant la première session d’examens. À cette époque de l’année, assez peu d’étudiants avaient déjà arrêté leurs études. De ce fait, nous ne pensons pas que cette limite puisse mettre en cause nos résultats.

Une autre limite de notre étude concerne l’évaluation des croyances injonctives et descriptives. Comme nous l’avons évoqué dans la discussion, les items utilisés pour identifier les croyances injonctives et descriptives ne nous ont pas permis de faire ressortir ces croyances à proprement parler, mais plutôt d’identifier les référents normatifs centraux des participants dans le cadre de la persévérance.

Enfin, une dernière limite concerne les données récoltées. Très peu de questions d’ordre personnel ont été posées aux participants. Nous n’avons donc pas pu réaliser d’analyses prenant en compte les caractéristiques individuelles des participants, ce qui aurait pu être éclairant pour nuancer nos résultats.

Nos résultats ouvrent la voie à des recherches futures. Il serait en effet instructif de tester l’impact des croyances mises en évidence sur la persévérance. En effet, les croyances mises en évidence semblent liées à la persévérance, mais ont-elles un réel impact sur cette dernière ? Il serait également nécessaire de s’interroger sur l’influence d’éventuels médiateurs entre les croyances et la persévérance. En effet, selon la théorie du comportement planifié, les croyances n’auraient pas une influence directe sur le comportement, mais passeraient par les attitudes, les normes injonctives, les normes descriptives ou le contrôle comportemental perçu, avant d’influencer l’intention puis le comportement. Il serait donc intéressant de tester si cette double médiation se vérifie dans le cadre de la persévérance en première année à l’université.

Enfin, nos résultats nous amènent à réfléchir aux implications pratiques pouvant découler de cette recherche. En nous appuyant sur la théorie du comportement planifié, nous constatons que les croyances font partie des facteurs à l’origine des comportements et donc de la persévérance. Agir sur les croyances nous permettra donc d’intervenir plus en amont de ce qui conduit un étudiant à persévérer ou au contraire à abandonner. Plusieurs auteurs (Eagly et Chaiken, 1993 ; Fishbein et Ajzen, 2010) ont par exemple montré que les croyances que nous avons peuvent être erronées. Il pourrait dès lors être intéressant de travailler sur ces croyances erronées. S’il est difficile de supprimer une croyance, il est cependant plus facile d’en créer une nouvelle et de la rendre plus saillante que les autres (Corneille, 2010). De ce fait, nous pourrions faire passer au second plan les croyances erronées en rendant plus accessibles d’autres croyances plus adaptées. Une manière de modifier une croyance est de faire prendre conscience à une personne de l’absence de cohérence qui existe entre ses croyances et ses valeurs. La prise de conscience de cette absence de cohérence est un moteur de changement de croyances (pour une revue de la question, voir Corneille, 2010).

Connaître les croyances liées à la persévérance des étudiants va également nous permettre d’agir sur un plan plus environnemental. En effet, nous avons, par exemple, constaté que l’entraide entre étudiants est considérée comme un facilitateur à la persévérance. Il serait donc judicieux de favoriser l’entraide et le partage entre étudiants dans les dispositifs pédagogiques mis en place. Pour dégager de telles pistes d’actions, il est donc nécessaire d’analyser, dans un premier temps, l’impact des différentes croyances sur la persévérance des étudiants par le biais d’une étude quantitative, pour déterminer ensuite sur quel plan nous pouvons intervenir.