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Cet ouvrage s’adresse à toute personne travaillant en soins palliatifs pédiatriques (médecin, infirmier, psy, travailleur social, bénévole, artiste, gestionnaire de maisons de répit, chercheur, ...).

Il se divise en onze parties, une introduction, neuf chapitres et une conclusion. Les neuf chapitres s'intéressent à différentes mesures de soutien mises en place par « Le Phare Enfants et Familles », organisme actif depuis plus de 10 ans au Québec dans l'offre de soins, de répit et de soutien aux enfants atteints de maladie grave et à leurs familles.

Les auteurs viennent d'horizons divers mais sont tous liés de près ou de loin au Phare. Du parent au professeur à l'université en passant par le massothérapeute, la travailleuse sociale, l'animateur, l'intervenant en arts, le professionnel de recherche, le philosophe, la consultante en technologie éducative ou en évaluation de programmes et d'autres, nous avons en main un ouvrage complet, riche et complexe.

Dans l'introduction, M. Champagne et S. Mongeau partagent leurs réflexions autour des transformations des pratiques entourant la prise en charge d'enfants atteints de maladies graves et leurs retombées sur les familles. Si les avancées de la médecine permettent à de plus en plus d'enfants atteints de maladies aux conditions chroniques complexes de vivre plus longtemps qu'auparavant, c'est à la condition de recevoir divers types de soins parmi lesquels certains sont d'une grande complexité et intensité. Avec le virage ambulatoire que connaît le Québec, la prise en charge de ces enfants relève de plus en plus des familles qui se retrouvent face à de multiples et complexes responsabilités et tâches. Les risques d'un isolement social, de répercussions négatives sur la santé physique et mentale des proches aidants, de problèmes émotifs chez la fratrie et d'importantes difficultés financières ne sont pas négligeables.

M. Champagne et S. Mongeau nous présentent aussi un bref état de la question des soins palliatifs pédiatriques en insistant sur leurs spécificités par rapport aux adultes : conditions médicales rares, durée de la maladie souvent plus longue, importance de l'impact sur l'ensemble de la famille (parents, grands-parents fratrie), question du consentement des enfants et adolescents, responsabilité des parents, enfant en développement,... Ces spécificités demandent à être prises en considération dans les offres de soins aux patients et à leurs familles.

Enfin, les auteures nous présentent l'organisme Le Phare Enfants et Famille. Fondé en 1999 pour apporter des solutions face au manque de services et de soutien pour les parents d'enfants gravement malades, Le Phare offre aux enfants et à leurs familles du répit au domicile ainsi qu'une maison de répit et de soins palliatifs (Maison André-Gratton : MAG) permettant un accueil individualisé (séjours de répit, de crise, de gestion de symptômes ou de fin de vie et suivi de deuil).

Le premier chapitre, écrit par les mêmes auteures s'attarde sur les conditions de vie des familles d'enfants atteints de maladies graves à partir de l'analyse d'entrevues effectués avec les parents de 48 familles. Ces familles mettent en avant la lourdeur de leur quotidien. Assumer le soin de l'enfant jour et nuit, sept jours sur sept, est très exigeant avec un impact sur la vie de couple, la vie familiale et sociale ainsi que sur les aspects financiers. Les familles pointent aussi le choix très limité des ressources informelles de répit.

Les chapitres 2 (M. Champagne et S. Mongeau) et 3 (M. Champagne et M. Trudel) nous informent des retombées des séjours de répit à la maison MAG sur les parents et fratries (à partir du point de vue des parents au chapitre 2) et sur les enfants (à partir d'observations des chercheuses, au chapitre 3). Au niveau des enfants je retiens particulièrement la création de liens avec le monde extérieur et la projection dans une autre réalité que la maladie. Ces travaux mettent aussi en évidence les conditions de réussite de ces séjours (préparation de l'enfant et des parents, séjour suffisamment long,...).

Le chapitre 4 (M. Champagne, S. Mongeau et M.E. Cardinal) s'intéresse aux différents moyens par lesquels les parents sont invités à prendre leur place de parents partenaires et experts dans la gestion du Phare, la défense de leurs intérêts et droits et dans la prestation des soins à leur enfant ce qui leur permet de se sentir réellement reconnus. En continuité, le chapitre 5 (J. Chenard et M.E. Cardinal) s'intéresse aux ateliers d'aide à la prise de décision complexe offerts aux parents d'enfants gravement malades et dont la vie est jalonnée de décisions plus difficiles à prendre les unes que les autres. Comme le soulignent les auteures, « la complexité et la portée des décisions imposent une posture réflexive, critique et continue ». C’est la raison pour laquelle ces ateliers interactifs offrent des repères et un outil concret pour soutenir la réflexion et la prise de décision.

Le chapitre 6 (F. Vinit et L. Bourdages) est très touchant. Il met le focus sur les préposés aux bénéficiaires en s'attardant sur leur expérience d'accompagnement des enfants dont les moyens d'expression sont souvent fort diminués. Nous comprenons combien leur travail, essentiellement corporel, est d'une grande qualité, intense et complexe, riche et confrontant.

Le chapitre 7 (M. Trudel et S. Mongeau) nous amène à partager des moments d'une beauté exceptionnelle avec les étudiants en art qui offrent leur temps, leur expertise et toute leur humanité, au domicile ou à la MAG, pour apporter aux enfants réconfort, sécurité et opportunités de découverte et d'évolution. Nous y voyons combien ce travail demande une grande souplesse et une aptitude à faire sa place dans le milieu de vie des enfants. Les étudiants, en insufflant « un brin de folie qui vient faire contrepoids au spectre de la mort », participent à l'humanisation de l'espace de soin.

Le chapitre 8 (M. Champagne) s'intéresse à la formation des bénévoles qui participent à l'ensemble des activités du Phare (formation en salle et formation à distance). Ces formations partent des besoins des parents et des bénévoles et s'articulent avec ce que proposent les formatrices. L'auteure nous en décrit les différents modules et montre combien l'enseignement à distance ne peut faire l'économie de quelques modules en salle.

Le chapitre 9 (S. Garrow, N. Kishchuk et J. Forsyth) se penche sur les facteurs contextuels dans l'introduction d'un programme de répit bénévole à domicile en soins palliatifs pédiatriques. Si les services de répit sont essentiels, ils sont souvent difficilement accessibles. Les auteures se penchent sur cette question et mettent en évidence l'importance des facteurs qui influent sur l'implantation du projet de répit (identification des enfants ayant des besoins palliatifs, recrutement des familles, démystification des soins palliatifs pédiatriques,...). Elles avancent deux stratégies de déploiement gagnantes (accompagnement et continuité).

Enfin, la conclusion de l'ouvrage est consacrée à une perspective éthique sur la question du soutien aux familles d'enfants. F. Carneval, infirmier psychologue et éthicien soulève les complexes questionnements sur le consentement éclairé et l'intérêt supérieur de l'enfant, certes vulnérable mais pas incapable, l'importance des familles, les valeurs d'équité et de justice sociale dans nos sociétés occidentales.

Ce regard sur des pratiques novatrices arrive à point et s’avère fort pertinent.