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Deboudt, Meur-Ferec et Morel nous proposent une géographie de l’espace maritime et de ses usages, déclinée en 12 chapitres. Agissant comme directeurs, ils signent eux-mêmes l’introduction, le dernier chapitre et la conclusion. Une dizaine d’auteurs différents contribuent au projet. L’ouvrage n’est pas pour autant un collectif regroupant des analyses distinctes débattues successivement. L’objectif est plutôt de dresser un portrait raisonné du territoire maritime d’abord à l’intention des aspirants enseignants préparant les concours français de certification (capes) ou d’agrégation. Malgré cette coloration française, la perspective est résolument internationale. L’analyse est faite principalement à l’échelle planétaire.

Seul le premier chapitre est consacré aux caractéristiques naturelles des océans. En y décrivant la nature des eaux marines et de leur circulation, Claude Kergomard souligne l’influence des océans sur le climat. Cette approche donne le ton et sert de fil conducteur pour la suite : les mers sont des espaces mouvants des lieux d’échanges.

La première des trois sections du livre éclaire les enjeux du commerce international et du transport maritime. On y trouve notamment un chapitre par Guy Baron sur les conditions de travail en mer, un aspect souvent oublié. La deuxième section porte sur les ressources maritimes elles-mêmes. Un chapitre est consacré à chacune des ressources vivantes, à l’énergie et aux ressources minérales, au tourisme, ainsi qu’aux principes guidant le découpage foncier des ressources. Dans la troisième section, le regard est plus géopolitique. On y aborde, entre autres, les thèmes de la piraterie et de l’influence géostratégique de la puissance navale. Cette section se conclut par le chapitre « De la protection du milieu marin aux politiques maritimes intégrées ». Les directeurs y exposent la thèse centrale de l’ouvrage : les mers et océans ne sont en rien des espaces vides, mais bien des territoires de partage où les usages multiples se côtoient dans un contexte mondialisé, la gouvernance complexe qu’exige une telle situation venant en fin de compte démontrer le caractère territorialisé des mers et océans.

L’ouvrage affiche d’emblée ses ambitions pédagogiques. À cet égard, le projet est réussi : il propose une synthèse agréable à lire qui ne manque pour autant ni de détails ni de profondeur. On peut souligner le travail de sélection des références proposées. Chaque chapitre se conclut sur une bibliographie d’une vingtaine de titres environ où s’équilibrent les monographies francophones, les rapports officiels riches en statistiques et quelques articles de revues scientifiques. Le chercheur, quant à lui, terminera peut-être sa lecture sur un questionnement : en construisant ainsi tout l’ouvrage sur un argumentaire quelque peu linéaire, est-ce qu’on n’uniformise pas la réalité ? Certes, les territoires océaniques ne sont pas que des lieux de passage. Certes, il existe plusieurs enjeux communs aux espaces maritimes du monde et une certaine cohérence dans leur gouvernance. Mais ces territoires sont aussi fragmentés et leur gouvernance demeure en grande partie dictée par des dynamiques qui leur sont bien souvent extérieures et plus terrestres.

Pour le chercheur ou l’étudiant québécois, l’ouvrage prend une valeur particulière au moment où son gouvernement applique une stratégie de communication fortement axée sur un projet de politique maritime. Un projet politique qui adopte, lui aussi, une vision intégratrice de son territoire maritime.