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1. Introduction

L’Homme s’est toujours posé des questions sur l’origine et l’histoire des êtres vivants et de leur diversité. Des registres religieux, philosophique et scientifique ont été évoqués pour formuler une réponse. Mais cette diversité de registres rend problématique l’enseignement de l’évolution biologique, où l’approche scientifique se trouve de plus en plus confrontée à des représentations religieuses refusant la théorie de l’évolution. Cette confrontation et ce qu’il s’en suit comme menace pour l’éducation et la formation scientifique des apprenants seraient largement conditionnés par des pouvoirs politiques. La volonté politique du parti islamiste, vainqueur aux élections du 23 octobre 2011 en Tunisie, de s’attaquer en premier lieu à la réforme du système éducatif amène à poser la question sur ce qu’il en est de l’enseignement apprentissage de la théorie de l’évolution dans un contexte d’islamisation de l’état tunisien.

Une analyse historique et une autre de la littérature montreront les assujettissements auxquels le traitement didactique de l’évolution biologique serait soumis. Elles seront suivies d’un développement théorique de l’approche basée sur l’étude des relations pouvoir-savoir en se référant aux travaux de Michel Foucault, et de l’idée d’un pouvoir du plaisir du savoir développée par Astolfi (2010). Les deux cadres constitueront la référence théorique pour structurer une démarche didactique qui aiderait à promouvoir l’enseignement apprentissage de la théorie de l’évolution dans un contexte marqué par de forts assujettissements. Cette démarche est expérimentée auprès de trois groupes-classes d’élèves de 4e année du secondaire, sciences expérimentales (âgés de 18 à 22 ans) appartenant à trois lycées d’état tunisiens.

2. Traiter de l’évolution biologique: liens historique et sociopolitique

Le conflit entre ceux qui conçoivent le monde vivant en termes évolutionnistes et ceux qui défendent les assertions de la Bible s’est franchement établi au siècle des Lumières à travers les philosophies fondées sur le principe des causes actuelles[1] (Langaney, 1999). En effet, sous l’influence des Lumières, une lecture biblique appelée «critique» s’est développée. Cette lecture remet en question la fiabilité historique des textes bibliques et s’appuie sur les normes de la raison humaine.

Dès la formulation de théories qui mettent en question l’idée de création des êtres vivants et de leur fixité, des critiques et des condamnations se sont manifestées. Au début du XIXe siècle, c’est la controverse entre Cuvier, partisan fervent du fixisme, et Lamarck, concepteur et diffuseur du transformisme (Théodéridès, 1995). En 1859, c’est la condamnation de la théorie de l’évolution de Darwin par l’Église qui «se déclare d’emblée résolument opposée à la théorie darwinienne» (Lecourt, 2007, p. 35). Cette théorie commençait alors à avoir ses détracteurs, dont les plus fervents défendent le créationnisme défini par Tort (1996) comme étant une «doctrine suivant laquelle l’univers, dans toutes ses caractéristiques fondamentales, est le résultat d’un acte singulier de création émanant d’un être transcendant» (p. 716).

Sous-tendus par des ambitions politiques, les protagonistes du fondamentalisme religieux mènent un combat sans répit, dans certains États des États-Unis dès la fin du XIXe siècle, contre ce qu’ils estiment être en contradiction avec le texte religieux, et déploient différentes stratégies[2] (Langaney, 1999). Mais, dès le début des années 1970, les créationnistes – convaincus qu’une interdiction légale est impossible – adoptent une nouvelle stratégie en proférant que la même place doit être accordée à l’explication biblique de la création et à la théorie de l’évolution dans les manuels de biologie à l’usage des collèges. Les créationnistes ne s’opposent plus à la science. Certains inventent «le créationnisme scientifique», d’autres adoptent le courant de dessein intelligent (Lecourt, 2007), que Wolfs, Salamon et Delhaye (2010) qualifient de «concordisme inversé» du fait qu’il «vise à établir des concordances entre science et religions, en partant non pas des Écritures ou d’une tradition révélée, mais d’une démarche qui se présente comme “scientifique”» (p. 138).

Les deux courants de «créationnisme scientifique» et de dessein intelligent, qui constituent selon Rumelhard (2007) «des doctrines typiquement américaines liées à un groupe de fondamentalistes protestants» (p. 115), lancent une nouvelle compagne au début des années 1980. Mais à la différence de la première, à celle-ci (conduite par les tenants du «créationnisme scientifique») participent des scientifiques reconnus. Ces derniers évitent toutes références à la religion et défendent le «créationnisme scientifique» en contestant les méthodes actuelles de datation, et en insistant sur les données lacunaires de la paléontologie (Duris et Gohau, 1997).

Face à ces remous, l’Église ne peut rester indifférente. Le 22 octobre 1996, le fait lui-même de l’évolution n’est plus à remettre en cause par l’Église suite à un message adressé par le pape Jean-Paul II aux membres de l’Académie pontificale des sciences, où il exprimait la reconnaissance du statut de la théorie de l’évolution comme dépassant celui d’une simple hypothèse (Perru, 2010). Son successeur, le pape Benoît XVI, adopte la même attitude modérée et salue le rôle des sciences dans l’évolution de l’humanité[3]. Mais la démarche entreprise par l’Église n’a pas été en mesure de conduire les adeptes des courants fondamentalistes à revoir leur position par rapport à la théorie de l’évolution biologique.

Soutenus par des pouvoirs politiques, les partisans du dogme maintiennent alors leur position, la défendent et la diffusent. Cette position dogmatique fondamentaliste, soutenue par un pouvoir politique, dépasse les frontières de son lieu d’émergence et arrive à toucher les différentes cultures. Susanne (2004) précise que dans certains pays européens (Italie, Serbie, Pologne), les tentatives politiques d’éliminer l’enseignement de l’évolution biologique se sont multipliées.

Face à ces menaces, le 4 octobre 2007, le Conseil de l’Europe adopte une résolution intitulée «Dangers du créationnisme dans l’éducation». Les quelques extraits qui suivent montrent la mise en garde contre certains dangers des courants fondamentalistes, et décrivent leurs fondements politiques.

Le combat mené contre la théorie de l’évolution et ses défenseurs émane le plus souvent d’extrémismes religieux proches de mouvements politiques d’extrême droite. Les mouvements créationnistes possèdent un réel pouvoir politique. De fait, et cela a été dénoncé à plusieurs reprises, certains tenants du créationnisme strict souhaitent remplacer la démocratie par la théocratie. […] L’étude approfondie de l’influence grandissante des créationnistes montre que les discussions entre créationnisme et évolution vont bien au-delà du débat intellectuel.

Assemblée parlementaire, Conseil de l’Europe , 2007

Dans les pays musulmans, la culture scientifique et les systèmes éducatifs ont commencé à être marqués par le poids de l’idéologie religieuse par le biais du politique à partir de la fin des années 1970, lorsque les mouvements islamistes ont émergé en tant que mouvements politiques (Paivandi, 2006). À travers une comparaison internationale entre les systèmes d’enseignement religieux, et en prenant le cas de la relation entre religion et système éducatif dans certains pays musulmans, Paivandi (Ibid.) montre que «l’islamisation de l’école est devenue une revendication récurrente et un projet éminemment politique» (p. 10). Il prend le cas de l’Iran, où l’islamisation de l’école iranienne a pris comme mission à travers la «révolution culturelle» de 1980-1983, la formation du nouvel individu islamique par des «pratiques répressives pour imposer l’ordre religieux, enrégimenter les esprits et les fermer à l’évolution du monde contemporain» (Ibid., p. 14). Selon lui, cette islamisation est un échec, car la même jeunesse qui devrait être imprégnée de culture islamique revendique des changements.

En Tunisie, les résultats des élections des membres de La Constituante organisées après la Révolution du 14 janvier 2011, qui ont donné les partis islamistes vainqueurs, ont constitué l’événement déclencheur d’une volonté politique de tout soumettre à la religion. Tous les dangers qui guettent la culture scientifique prennent alors de plus en plus d’ampleur, et «la construction d’une “société du savoir”» est sérieusement menacée» (Charfi, 2013, p. 10).

Face à cette menace, des appels à l’adoption d’une laïcité ont été lancés par des intellectuels, mais ces appels n’ont fait que rendre la situation plus tendue. L’aggravation de la situation vient du fait que «laïcité» (aalmania, en arabe) est comprise davantage comme une attitude hostile aux religions et renvoie à l’idée de l’athéisme et de l’irréligion, plutôt qu’à «un idéal visant à garantir à la fois la liberté de conscience de chacun (en particulier sur le plan religieux ou philosophique) et le “vivre ensemble”» (Wolfs, Boudamoussi, De Coster et Baillet, 2007, p. 109).

Concernant l’enseignement de la théorie de l’évolution biologique en Tunisie, le danger a commencé avec la réforme du système éducatif de 2002. En effet, après la première réforme en 1958, où une place a été donnée à l’enseignement de la théorie de l’évolution quoique limité à l’étude d’un fait paléontologique, la réforme de 1993 a renforcé le volume horaire consacré à l’enseignement de ce thème et a augmenté le contenu de manière à toucher aux différents aspects en relation avec ce thème. Mais avec la réforme de 2002, l’enseignement de cette théorie s’est trouvé fortement réduit au niveau du contenu, de l’horaire (deux semaines), et des filières concernées. Il n’est abordé qu’à la fin de l’enseignement secondaire, au début du deuxième trimestre de l’année scolaire, et il est placé entre le chapitre de «La génétique humaine» et le thème de la «Neurophysiologie».

Des études effectuées auprès de lycéens de la région de Tunis (Hraïri et Coquidé, 2002) ont montré que la question de l’origine de l’Homme est le principal motif évoqué par les répondants qui ont rejeté la théorie de l’évolution. Pourtant, en se référant à des versets coraniques et à l’avis du recteur et imam de la mosquée de Bordeaux, Charfi (2013) rappelle qu’en ce qui concerne l’origine d’Adam, il n’y a aucun argument théologique contre la théorie de l’évolution.

Certes, la question de l’origine de l’Homme selon l’approche évolutionniste pose problème chez les élèves, mais les recherches ont également montré que les difficultés sont en rapport avec d’autres questions relatives à la nature épistémique de l’objet du savoir et à diverses représentations du monde vivant. Nous proposons de reprendre l’essentiel des résultats de certaines enquêtes et études qui ont cherché à identifier ces difficultés. Ceci permettra de justifier les choix théoriques et empiriques qui seront développés par la suite.

3. Enseigner l’évolution biologique: aperçu de la littérature

En prenant l’enseignement de l’évolution biologique comme objet d’étude, Fortin (2008) s’est interrogé sur l’approche à adopter dans cet enseignement, tout en prenant en compte la question des finalités de l’enseignement scientifique. Elle propose l’adoption d’une approche explicative où l’observable est expliqué à partir de l’inobservable et non pas décrit comme résultats de loi.

En se basant sur la distinction, développée par Fortin (Ibid.), entre les deux approches, Kebaïli (2010) a analysé les contenus textuels du savoir enseigné traitant du thème de l’évolution biologique, présentés dans les manuels scolaires tunisiens. L’analyse a montré que ces contenus sont présentés de manière descriptive. L’une des causes de cette démarche serait la réforme de 2002 qui a limité les contenus à la description de quelques arguments en faveur de l’évolution biologique, outre les difficultés conceptuelles et les représentations liées à la théorie de l’évolution.

De Biseau et Perbal (2010) ont porté leur intérêt sur ces difficultés et les ont analysées sous trois angles qu’ils estiment «complémentaires: les difficultés liées aux concepts scientifiques qui forment la théorie de l’évolution[4], les difficultés liées aux convictions philosophiques des citoyens et les difficultés d’ordre épistémologique[5]» (p. 243). L’absence de prise en considération de ces difficultés impliquerait la manifestation de représentations et attitudes hostiles à cette théorie chez les apprenants, mais aussi chez les enseignants. Les recherches et les enquêtes faites sur la manière avec laquelle les répondants se représentent la théorie de l’évolution en sont révélatrices.

Les résultats de l’enquête internationale conduite par l’équipe de recherche  Biohead-Citizen Research Project[6] révèlent que la théorie de l’évolution biologique reste en deçà des attentes des spécialistes quant à la place qu’elle devrait occuper dans l’enseignement-apprentissage des sciences de la vie et de la Terre. Ce manquement est mis en évidence à la suite de l’analyse des conceptions d’enseignants dans 26 pays (Clément, 2008). Les résultats de l’enquête montrent que «les créationnistes purs[7] sont extrêmement majoritaires (73 % à 86 %) dans cinq pays non européens qui sont surtout musulmans (les deux tiers des enseignants libanais interrogés et presque tous dans les 4 autres pays: Tunisie, Sénégal, Maroc et Algérie)» (Ibid., p. 202). La comparaison qualitative des résultats révèle que l’ensemble des conceptions «est lié à une foi en Dieu, à une pratique de la religion et à certaines opinions politiques (contre la laïcité, pour un pouvoir central fort)» (Clément, Quessada et Castera, 2012, p. 2).

En s’intéressant aux rapports entre sciences et religion/laïcité, Wolfs, El Boudamoussi, De Coster, Salamon, Jackson et Cornelis (2008) ont présenté un essai de modélisation des différentes conceptions, particulièrement dans le champ éducatif, et ce à travers l’étude de la littérature portant sur l’enseignement de la théorie de l’évolution biologique. Cette étude a permis de répertorier six grandes manières de se représenter ces rapports: «fidéisme»[8], «concordisme», «indépendance mutuelle entre science et religion», «recherche d’une complémentarité entre science et religion (autre que concordiste au sens strict)», «primat de la science sur la religion», et «concordisme inversé».

L’étude du rapport de l’élève aux savoirs quotidiens et aux savoirs scientifiques portant sur la parenté entre gorille et Homme chez les élèves brésiliens, effectuée par Da Silva (2004), a montré que la question «L’homme descend-il du gorille?» (p. 129), induit des réponses avec des taux avoisinant les 50 % négatives, et dont les argumentations présentées expriment des opinions personnelles des élèves interrogés. L’expression de cette opinion est centrée soit sur la question des ressemblances et des différences entre l’Homme et le singe, soit portant directement sur la théorie de l’évolution biologique, soit encore de type religieux. Par ailleurs, Da Silva (Ibid.) note la prudence avec laquelle certains élèves répondent positivement en estimant que «la science est une autorité elle aussi, mais ce qu’elle nous dit là est grave, et bien étrange» (p. 137).

Dans le contexte tunisien, la recherche conduite par Hraïri et Coquidé (2002), qui ont cherché à «mieux comprendre comment des lycéens tunisiens interrogent et s’approprient l’évolution biologique», a relevé la référence à différents registres (religieux, magique, scientifique) et l’adoption de différentes attitudes (d’adhésion, de rejet, instrumentale, nuancée, d’ambivalence, d’assimilation, d’indifférence, conditionnelle ou de restriction) chez les lycéens interrogés. Enfin, Aroua (2008) a montré la «précarité du statut scientifique» de l’enseignement de la théorie de l’évolution biologique à travers les interventions de ses élèves lors d’un débat en classe.

En résumé, les analyses historiques et de la littérature didactique mettent en lumière le danger du fondamentalisme. Celui-ci est en voie de prendre de l’ampleur à travers le temps et dans différents pays (des rejets exprimés par des apprenants et des enseignants), et serait sous-tendu par un pouvoir politique (des volontés politiques qui interdisent l’enseignement de l’évolution biologique, qui cherchent à le supprimer ou à le marginaliser). D’où notre choix d’appréhender les savoirs relatifs à l’histoire du vivant en termes de relations pouvoir-savoir. L’existence de ces relations n’est plus à démontrer, mais c’est la manière avec laquelle elles se construisent qui est à interroger. Pour ce faire, nous prenons comme référence théorique les «formes fondamentales des relations pouvoir savoir» (Foucault, 2001b) et la notion de Dispositif (Foucault, 2001c), formulées par Michel Foucault.

4. Cadre conceptuel: dispositif et formes fondamentales des relations pouvoir-savoir

Après l’étude de l’épistémè, Foucault (2001a) reconnait que cette étude montre un maillon manquant quant à la détermination de ce qui a pu donner lieu aux différents événements discursifs permettant la construction des savoirs en question. Pour pallier à cette insuffisance théorique, il développe la notion de «dispositif» dans les années 1970. Le dispositif est «un cas beaucoup plus général de l’épistémè. Ou plutôt que l’épistémè, c’est un dispositif spécifiquement discursif, à la différence du dispositif qui est, lui, discursif et non discursif, ses éléments étant beaucoup plus hétérogènes» (Foucault, 2001c, p. 301). Le recours à cette notion a permis à Foucault (Ibid.) de lier le pouvoir au savoir de façon indissociable.

Appréhendée selon cette approche, l’analyse du pouvoir en termes de microphysique sous-tend que le pouvoir ne peut être exercé sans avoir eu recours à une extraction, à une appropriation, à une distribution ou même à une retenue du savoir. On ne peut alors se contenter de limiter la relation entre pouvoir et savoir au simple besoin en découvertes, mais il serait plus adéquat de l’appréhender à travers l’idée que l’exercice du pouvoir met en oeuvre une création de nouveaux objets de savoir. Ceci conduit l’auteur de Surveiller et punir à estimer que c’est à travers les effets de pouvoir (du fait qu’il n’est pas unifié par le haut mais s’exerce dans des «foyers locaux» [enfants, éducateurs, par exemple)] que ce dernier se construit et fonctionne, et non à partir des volontés individuelles ou collectives (Foucault, 1975).

Cette idée selon laquelle le pouvoir n’est plus limité à une instance souveraine qui commande, mais requiert une présence diffuse à travers la totalité de l’espace social, permet de distinguer deux sortes de formations pratiques, les unes «discursives» ou d’énoncés, les autres «non-discursives » ou de milieux. Nous mettons sous la première formation pratique le système de communication au sens large (tout ce qui peut être dit sur l’évolution biologique); et sous la deuxième, tout ce qui est en relation avec l’espace (types d’espaces et emplacement où un discours sur l’évolution biologique peut y être tenu).

4.1 Formation pratique d’ordre non discursif ou de milieux

Les pratiques non discursives, ou de milieu, permettraient une étude des caractéristiques des modalités du pouvoir, en postulant que le pouvoir se développe sous la forme de la «discipline» (Ibid.). Ceci conduit Foucault à considérer que l’émergence des concepts «discipline» et «relation de pouvoir» est corrélative de celle de l’espace. Car, dans sa pratique effective, la discipline commence par une répartition dans l’espace, où la distribution est faite selon les critères d’efficacité, et selon les comportements en vue d’une optimisation de la rentabilité. Dans cet ordre d’idées, Foucault considère que l’école fait partie des machines à contrôler les corps à travers une «microphysique du pouvoir» caractérisée par trois nouveautés moyennant une échelle de contrôles. Ces contrôles s’exercent sur l’efficacité des mouvements et sur la modalité du contrôle, et ce par un quadrillage au plus près du temps, de l’espace et des mouvements.

À cette machine à contrôler les corps caractérisant le dispositif non discursif, s’ajoute le dispositif discursif. Le développement des formations pratiques d’ordre discursif permet de relever les procédés de fonctionnement de ce dispositif.

4.2 Formation pratique d’ordre discursif

Concernant les formations pratiques d’ordre discursif, Foucault (2012) parle de «société de discours», où le nombre des individus parlants entre lesquels le discours pourrait circuler et être transmis, quoique n’étant pas fixé, serait limité. Mais cette limite ne pourrait être valable dans le cas des doctrines. En effet, la doctrine «tend à se diffuser; et c’est par la mise en commun d’un seul et même ensemble de discours que des individus, aussi nombreux qu’on veut les imaginer, définissent leur appartenance réciproque» (Ibid., p. 44). De ce fait, l’appartenance doctrinale touche aussi bien l’énoncé que l’énonciateur. Par conséquent, la doctrine met en cause l’énoncé à partir de leur énonciateurs, les liant ainsi à certains types d’énonciation et leur interdisant tous les autres. Cela conduit Foucault (Ibid.) à affirmer que «la doctrine effectue un double assujettissement: des sujets parlants aux discours, et des discours au groupe, pour le moins virtuel, des individus parlants» (p. 45), question que nous considérons comme étant très importante dans la compréhension du fonctionnement des relations pouvoir-savoir.

Cette importance vient du fait qu’on ne peut parler de savoir sans l’avoir déjà intégré dans un système de communication, car le savoir détient avec ce dernier des relations à quatre niveaux: un niveau de divulgation (dans le sens de dévoiler), un niveau de construction discursive entre savants et laboratoires, un niveau d’interaction disciplinaire et un niveau de vulgarisation à un tout public. Ce système de communication, avec ce qu’il implique comme enregistrement, accumulation, ou même déplacement des savoirs, recèle des formes de pouvoir qui sont, respectivement, le pouvoir institutionnel et politique, le pouvoir de l’approche scientifique, le pouvoir idéologique et socioculturel.

Mais quelque soit la caractérisation du pouvoir que recèle le savoir, dès son intégration dans un système de communication qui lui est indispensable, le langage est son outil par excellence. En ceci, Foucault considère «les discours et les pratiques humaines comme des “symptômes” et des “stratégies”» (des outils)» (Guigot, 2006, p. 28), et soulève deux autres problèmes quant aux pratiques d’ordre discursif. Le premier se rapporte à la relation des sociétés avec tout ce qui peut être dit, qu’il qualifie de «profonde logophobie, une sorte de crainte sourde contre ces événements, contre cette masse de chose dites, […] contre ce grand bourdonnement incessant et désordonné du discours» (Foucault, 2012, p. 52). L’autre problème est en relation avec ce qui peut être dit dans le cadre d’un système d’enseignement qu’il dénonce.

Tout système d’éducation est une manière politique de maintenir ou de modifier l’appropriation des discours, avec les savoirs et les pouvoirs qu’ils emportent avec eux. […] Disons d’un mot que ce sont là les grandes procédures d’assujettissement du discours. Qu’est-ce, après tout, qu’un système d’enseignement, sinon une ritualisation de la parole; sinon une qualification et une fixation des rôles pour les sujets parlants; sinon la constitution d’un groupe doctrinal au moins diffus; sinon une distribution et une appropriation du discours avec ses pouvoirs et ses savoirs?

Ibid., p. 46

En appréhendant l’analyse de la construction des savoirs selon la notion de dispositif, Foucault a mis l’accent sur les relations fondamentales du «pouvoir-savoir» permettant de procéder à une analyse du dispositif non discursif en plus du discursif. Mais toujours à la recherche d’une historicité réinventée, Foucault complète son analyse en faisant appel à la notion de «problématisation» qu’il utilise de plus en plus dans les deux dernières années de sa vie (Revel, 2009).

4.3 Du dispositif à la problématisation

Procéder par une étude des modes de problématisation, c’est chercher à identifier ce qui a permis, dans l’ensemble des pratiques discursives et non discursives, à quelque chose de constituer un objet de la pensée (Ibid.). De ce fait, la tâche de la problématisation doit être dans une perpétuelle reproblématisation, car selon Foucault (2001d), «ce qui bloque la pensée, c’est d’admettre implicitement ou explicitement une forme de problématisation, et de chercher une solution qui puisse se substituer à celle qu’on accepte» (p. 1416). Procéder par une histoire problématisant ce qui fait problème, une histoire de la pensée à travers une histoire des mots, serait en mesure de permettre une compréhension d’un certain type de réponse à certains types de problèmes à travers l’expression de la pensée par les mots.

4.4 Cadre conceptuel: problématisation, pouvoir des mots et plaisir du savoir

L’effort de reproblématisation pourrait être entrepris auprès d’élèves concernant un objet de savoir dont le traitement se trouve confronté aux mêmes types de problèmes depuis sa formulation. Nous rappelons ici que la formulation des idées évolutionnistes s’est faite suite à une lecture critique du créationnisme et du fixisme. Cet effort devrait alors s’inscrire dans la continuité, car l’un des objectifs de l’enseignement scientifique est de passer d’une pensée commune à la pensée scientifique et à la mobilisation d’un savoir scientifique dont Rumelhard (1997) rappelle la «fonction polémique car il évince des croyances métaphysiques, morales, religieuses, politiques qui se présentaient comme des explications vraies» (p. 14).

Par ailleurs, en abordant l’importance des mots, suite à ce qu’ils génèrent comme «catégories de pensée, qui façonnent le regard et orientent les actions, qui décident de ce qui paraît possible et impossible» (p. 101), Astolfi (2010) explicite l’idée selon laquelle face à une exigence d’ouverture, l’«effet symbolique de fermeture» que peut produire l’enfermement par les mots, amplifie la puissance des contraintes et exagère la pression des structures. Ceci rejoint ce que Michel Foucault dénonce comme assujettissements imposés par le système éducatif évoqué supra.

D’un côté, les fondamentalistes détracteurs de la théorie de l’évolution, font reposer leur message sur les différentes techniques modernes de communication par «un usage intempérant dès lors qu’elles servent leurs desseins de communication et propagande» (Schlegel, 2004, p. 74). Ils se basent sur l’hypothèse implicite selon laquelle la répétition, la circulation et le martelage, par tous les moyens, du message voulu, suffiraient d’une part, à toucher et convertir de nouveaux adeptes, et permettraient d’autre part, de garantir une fidélité au commandement de Dieu ou à l’injonction du fondateur (Ibid.). Par ailleurs, un enseignement scientifique de l’histoire du vivant n’est abordé avec les apprenants qu’à l’âge de 18 ans, et de manière descriptive et lacunaire.

Face à ce martelage par un discours non questionné à visée essentiellement politique et défavorable aussi bien à la construction des savoirs qu’à celle du sujet et de sa socialité, conjugué à une absence (qui dure dans le temps) de l’enseignement de la théorie de l’évolution, la mise en situation de débat argumentatif à travers une situation incitatrice au questionnement, serait porteuse. Ces situations visent un double mouvement: construire et défaire, où la démarche à adopter dans le traitement de la théorie de l’évolution viserait à «entraîner chaque élève à enrichir la construction de son propre point de vue. L’objectif est alors de former des personnes capables de prendre une part active aux débats et d’apprendre à argumenter rigoureusement à leur sujet» (Astolfi, 2010, p. 160).

Deux facteurs sont alors à prendre en compte afin de préserver l’adéquation avec la stratégie didactique proposée par Astolfi (Ibid.) d’une part, et avec l’approche foucaldienne de la problématisation d’autre part. Ces deux facteurs sont le savoir, qui selon Astolfi, doit être au centre des pratiques didactiques, et la promotion de la saveur des savoirs, dont la clé réside dans l’adoption d’un constructivisme à trois facettes et dont le concept opérateur est la problématisation (tableau 1).

Tableau 1

Correspondance principes de la saveur des savoirs et constructivismes

Correspondance principes de la saveur des savoirs et constructivismes
Tiré de Astolfi, 2010

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Cependant, le procédé que Astolfi (Ibid.) propose pour rendre opérationnelle la construction de problème dans le cas de l’enseignement de la théorie de l’évolution, ne pourrait avoir lieu dans un cadre scolaire. L’application de ce procédé se trouve entravée par les choix curriculaires et transpositionnels et par les recommandations relatives à l’enseignement du thème de l’évolution biologique. Ce procédé consiste en un recours à des «situations à débattre» qui ont la particularité de ne pas «enrôler les élèves, en vue de faire avancer un savoir institutionnalisé. Il s’agit plutôt de les pousser, sur des questions ouvertes, à éviter les réponses toutes prêtes et à dépasser l’argumentation molle de type conversationnel» (Ibid., p. 160). Les contraintes relatives au cadre scolaire et leur inadéquation avec ce qui est recommandé pour satisfaire à la visée de l’enseignement apprentissage de la théorie de l’évolution appuient notre choix de convoquer le cadre foucaldien relatif aux formations pratiques d’ordre discursif et d’ordre non discursif, outre les formes fondamentales des relations pouvoir-savoir.

5. Questions, objectifs et hypothèse de recherche

L’analyse historique et de littérature et la convocation des deux cadres, en référence à Foucault et à Astolfi, conduisent à poser les questions suivantes: Quels seraient les assujettissements auxquels le traitement de la théorie de l’évolution par des élèves tunisiens serait soumis? L’adoption du triplet de la saveur des savoirs serait-elle en mesure d’aider à dépasser les assujettissements identifiés?

Le but de notre recherche consiste à décrire les justifications des élèves à propos de leur choix de registre explicatif de l’histoire du vivant. Cette description vise à expérimenter la démarche basée sur le «triplet» de la saveur des savoirs développé par Astolfi (Ibid.), à donner à voir les assujettissements auxquels l’enseignement-apprentissage de la théorie de l’évolution serait soumis, et de relever les apports de cette démarche pour les élèves interrogés. D’où la formulation des hypothèses suivantes:

  • les assujettissements seraient essentiellement d’ordre religieux et s’afficheraient à travers des choix en faveur du fixisme créationnisme;

  • ces choix seraient conditionnés par l’environnement socioculturel dans lequel les élèves interrogés se trouvent;

  • et l’adoption d’une démarche basée sur le triplet de la saveur des savoirs et sur la mise en pratique de «situation à débattre» où une reproblématisation de l’histoire du vivant est entreprise, serait en mesure d’aider les élèves à approcher scientifiquement le thème de l’évolution biologique.

Les assujettissements seront identifiés par l’analyse de justifications de choix de registre explicatif de l’histoire du vivant formulées par des élèves lors de passations de tests. L’analyse de la progression de ces justifications à travers les tests effectués par les mêmes élèves à des moments différents permettra de relever l’apport de la démarche adoptée.

6. Méthodologie

Dans la démarche empirique, nous adoptons le modèle didactique proposé par Astolfi (2010) qui vise à redonner saveur aux savoirs. Ce modèle s’articule autour de trois principes: «le diagnostic périodique», «l’identification du progrès possible» et la «construction des problèmes». Empiriquement, les deux premiers principes seront traduits par la passation d’un même test à trois moments différents par rapport à l’enseignement du thème de l’évolution biologique en classe. Le troisième principe sera pris en compte par la mise en place de «rencontres à débattre» entre un scientifique, spécialiste en biologie évolutive et les élèves qui ont passé les tests. Nous précisons que le jour de la passation du premier test a constitué notre premier contact avec les lycéens qui ont participé à cette étude, et que ces lycéens ont rencontré le scientifique pour la première fois lors des rencontres.

L’expérimentation s’est déroulée selon les étapes suivantes: test 1 proposé par le chercheur aux élèves en classe, cours en classe effectué par l’enseignant; test 2 proposé par le chercheur aux mêmes élèves en classe, visite à un média-exposition traitant de l’évolution biologique à la Cité des sciences à Tunis, rencontre à débattre entre les mêmes élèves et un scientifique; test 3 proposé par le chercheur aux même élèves en classe.

Ce schéma a été conduit auprès de trois groupes-classes de 4e année secondaire, filière sciences expérimentales (qui passeront l’examen du baccalauréat en fin d’année scolaire) appartenant à trois lycées différents. La durée de l’expérimentation était de trois semaines pour chaque groupe. Le choix des groupes-classes s’est fait selon la disponibilité des élèves. Le choix des lycées auxquels appartiennent ces trois groupes-classes s’est fait selon trois critères afin d’identifier la manière avec laquelle le pouvoir socioculturel pourrait assujettir l’enseignement-apprentissage de l’évolution biologique. Ces trois critères sont le niveau social (allant du moins favorisé au plus favorisé), les taux de réussite à l’examen du baccalauréat enregistrés par les trois lycées durant les quatre années précédant cette étude (allant des moins élevés au plus élevés), et les résultats des élections du 23 octobre 2011 (allant des taux les plus élevés en faveur des partis islamistes aux taux les moins élevés) dans les bureaux de vote les plus proches des lycées auxquels appartenaient les élèves qui ont participé à l’expérimentation. L’échantillon est le suivant, classé selon la description des critères:

  • Groupe-classe de 30 élèves du lycée Rafeha (R), situé dans un quartier populaire au gouvernorat de l’Ariana (limitrophe de la capitale);

  • Groupe-classe de 21 élèves du lycée Hannibal (H), situé au centre de l’Ariane;

  • Groupe-classe de 19 élèves du lycée Pilote (P), à proximité du lycée Hannibal, dont les meilleurs élèves sont sélectionnés par concours pour y accéder.

Le test (annexe 1) consiste en une présentation d’un ensemble d’arguments en faveur de la théorie de l’évolution biologique se rapportant à la paléontologie, à l’embryologie, à l’anatomie comparée et à la biologie moléculaire, suivis d’une représentation schématique d’un arbre phylogénétique de quelques primates dont l’Homme fait partie. Ces représentations schématiques sont suivies chaque fois par d’autres représentations relatives aux trois registres explicatifs de l’histoire du vivant, à savoir le transformisme (basé sur les idées de génération spontanée, de finalisme, et de l’hérédité des caractères acquis), le fixisme créationnisme (selon lesquels il n’y a ni transformation, ni dérive des espèces végétales ou animales, et où les êtres vivants ont été créés séparément) et l’évolutionnisme (basé sur les concepts de l’ancêtre commun, du hasard, et de la sélection naturelle). Par exemple, la consigne qui accompagne les représentations des arguments paléontologiques est la suivante: «Selon vous, ces fossiles permettraient-ils d’expliquer l’origine des espèces, leur diversité et leurs apparitions/disparitions? Selon quel modèle?». En ce qui concerne l’arbre phylogénétique, trois interprétations de cet arbre ont été proposées, puis il a été demandé aux élèves de choisir l’interprétation qui correspondrait, selon eux, à la représentation et de justifier leur choix.

L’analyse est une analyse de contenu qualitative des justifications des positions de refus formulées par écrit dans les tests. Pour conduire cette analyse, nous nous référons aux cinq points caractérisant les relations du pouvoir comme mode d’action complexe sur l’action des autres. Ces cinq points sont en rapport avec:

1) le système des différenciations qui permet d’agir sur l’action des autres, et qui est à la fois la condition d’émergence et l’effet de relations de pouvoir […]; 2) l’objectif de cette action sur l’action des autres […]; 3) les modalités instrumentales du pouvoir […]; 4) les formes d’institutionnalisation du pouvoir […]; 5) le degré de rationalisation en fonction de certains indicateurs.

Revel, 2009, p. 77-78

Les premier, troisième et quatrième points touchent les trois actions définies par la démarche basée sur le triplet de la saveur des savoirs, et ce, en cherchant à «neutraliser» les pouvoirs institutionnels de l’école par le recours à une pratique d’ordre non discursif ou de milieu (exposition permanente «La vie et l’Homme» à la Cité des sciences à Tunis), et par une pratique d’ordre discursif (des rencontres à débattre). Les deuxième et cinquième points touchent la construction des problèmes, où la détermination d’indicateurs en relation avec le traitement didactique de l’évolution biologique, laquelle permet d’identifier le degré de rationalisation.

Dans l’analyse des justifications, ces indicateurs se rapportent aux relations pouvoirsavoir définies d’un point de vue «objet de savoir», «sujet de savoir», et «institution». Les lectures répétées des productions écrites des justifications formulées par les élèves des trois groupes-classes lors des trois tests ont permis de répertorier des catégories relatives à ces indicateurs. Les catégories permettant d’identifier l’appartenance à l’indicateur en relation avec l’objet du savoir sont «des justifications qui mettent en cause la logique scientifique du registre (Lg Sc)» et «des justifications qui mettent en cause la validité des postulats de base du registre (Ms Cs)»; en relation avec le sujet du savoir, les catégories «des justifications qui montrent un refus partiel (Rf Pt)», «des justifications qui critiquent le registre par référence à un autre registre (Ct Rf)», et «des refus pour le refus et sans justification (Rf Rf)»; et en relation avec l’institution, la catégorie «des justifications qui permettent de voir un manque de connaissances (Mq Cn)». L’analyse comparative des productions des élèves, à travers le temps (les trois tests) et à travers l’espace (les trois groupes-classes), selon ces catégories permettra d’identifier des assujettissements et de relever les apports de la démarche adoptée.

7. Résultats

Les résultats des analyses qualitatives des justifications des positions de refus des trois registres [transformiste (T), fixiste créationniste (F) et évolutionniste (É)] formulées par les élèves lors des trois tests sont regroupés dans un tableau comparatif (tableau 2). Ce tableau montre les niveaux des présences et des absences des différentes catégories répertoriées à partir des justifications formulées par les élèves des trois groupes-classes et permettra d’effectuer des analyses à différents niveaux: les présences (+)/absences (–) en général, les différences entre les présences et les absences (les signes colorés), et la progression des présences et des absences dans les différents groupes-classes à travers les tests et selon les registres.

Tableau 2

Tableau comparatif des présences/absences des catégories relatives aux justifications de refus des registres chez les élèves des trois groupes-classes lors des trois tests

Tableau comparatif des présences/absences des catégories relatives aux justifications de refus des registres chez les élèves des trois groupes-classes lors des trois tests

forme: 1960913n.jpg Différence par l’absence forme: 1960914n.jpg Différence par la présence

Lg Sc (des justifications qui mettent en cause la logique scientifique du registre)

Rf Pt (des justifications qui montrent un refus partiel)

Mq Cn (des justifications qui permettent de voir un manque de connaissance)

Ms Cs (des justifications qui mettent en cause la validité des postulats de base du registre)

Ct Rf (des justifications qui critiquent le registre par référence à un autre registre)

Rf Rf (des refus pour le refus et sans justification)

T1 (test 1); T2 (test 2); T3 (test 3)

T (transformisme); F (fixisme); É (évolutionnisme)

-> Voir la liste des tableaux

Du point de vue de la distribution des présences/absences, chez les élèves du lycée Rafaha les signes (+) marquent une prévalence, alors que chez les élèves des groupes-classes du lycée Hannibal et du lycée Pilote, c’est le signe (–) qui est majoritaire. La comparaison de ces présences/absences selon le registre chez chaque groupe-classe montre que la plus grande manifestation des catégories de refus se présente chez les élèves du groupe-classe du lycée Rafaha au niveau du registre évolutionniste et va en diminuant de T1 vers T3. Chez les deux autres groupes, ce sont les catégories en rapport avec le refus des registres transformiste et fixiste créationniste qui se manifestent le plus et gardent presque les mêmes proportions de T1 vers T3.

La comparaison des différences entre les présences et les absences de chaque catégorie selon les relations pouvoir-savoir définies par les indicateurs d’un point de vue «objet du savoir» (les catégories Lg Sc et Ms Cs), «sujet du savoir» (les catégories Rf Pt, Ct Rf et Rf Rf) et «institution» (la catégorie Mq Cn) permet de relever d’autres points de divergence entre les élèves des trois groupes-classes dans leurs manières de refuser les registres explicatifs de l’histoire du vivant. Elle permet aussi d’identifier les assujettissements auxquels le traitement de la théorie de l’évolution serait soumis.

La comparaison des présences/absences de la catégorie des justifications qui mettent en cause la logique scientifique du registre (Lg Sc) permet de distinguer sa disparition à partir de T2 dans le refus du registre évolutionniste chez les élèves du groupe-classe du lycée Hannibal, et à partir de T3 chez les élèves des deux autres groupes-classes. Ces disparitions pourraient être expliquées par un pouvoir du savoir à la suite de l’acquisition de certaines connaissances concernant le registre évolutionniste dont les élèves n’avaient pas possession. Ceci témoigne aussi du pouvoir institutionnel qui a été exercé, soit par ce qui relève de l’institution scolaire lors de T2 à travers le recours à l’argument d’autorité (l’examen du baccalauréat), soit par un savoir scientifique plus convainquant lors de T3 acquis suite aux rencontres à débattre avec le scientifique dans un autre cadre que la cadre scolaire.

L’analyse de la catégorie des justifications qui mettent en cause la validité des postulats de base du registre (Ms Cs) appuie cette interprétation. En effet, le recours à cette catégorie est présent chez les trois groupes-classes, mais cette présence diffère d’un groupe à un autre, d’un registre à un autre et d’un test à un autre. Chez les élèves du groupe-classe du lycée Rafaha, dans le refus du registre évolutionniste, cette catégorie ne marque une absence que lors de T2, c’est-à-dire dans le test effectué après l’enseignement du thème de l’évolution biologique. Elle réapparaît lors de T3 à travers la mise en cause de l’idée de parenté entre les primates [Lémur ou chimpanzé ils ne sont pas les ancêtres de l’homme même s’il y a des caractères commun entre eux (T3E11]). Cette réapparition montre le caractère «éphémère» d’un savoir scientifique acquis suite à un argument d’autorité.

Chez les élèves du lycée Hannibal, c’est dans le refus du registre fixiste que cette catégorie marque une présence lors des trois tests (Non, car le temps et la l’environnement influencent … les êtres vivants (T1E1); Non, car les espèces originelles ne possèdent pas toutes les mêmes structures et les mêmes formes et ne restent pas les mêmes au cours du temps (T2E16); Les changement des espèces et la disparition des autres montrent que les espèces évoluent (T3E13). Elle disparaît dans T3 dans le refus du registre transformiste, et dès T2 dans le refus du registre évolutionniste, où c’est comme si les élèves cherchaient quelque chose qu’ils ont fini par trouver en étudiant le thème de l’évolution biologique. Car on remarque que dans le cas du registre évolutionniste, la majorité des catégories relatives aux positions de refus se précisent dans leurs présences et absences dès T2.

Chez les élèves du lycée Pilote, les refus du registre transformiste et du registre fixiste créationniste selon cette catégorie se sont maintenus de T1 à T3 [on ne peut pas passer directement de l’espèce originelles à l’espèce actuelles (T1E23); Non, parce que selon ce modèle [fixisme créationnisme], chaque espèces actuelle vient d’une espèce originelle et n’aurait subi aucun changement au cours du temps, ce qui est faux (T2E11); Les fossiles montrent la possibilité qu’il y ait un ancêtre en commun. De plus, des mutations ont affecté les espèces qui font qu’elles ne sont pas les mêmes actuellement qu’à 3500 millions d’années (T3E16)]. Mais dans leur refus du registre évolutionniste, cette catégorie est absente.

L’analyse des recours aux catégories relevant de l’indicateur d’assujettissement en relation avec le sujet du savoir à travers leurs présences/absences permet de relever d’autres causes d’assujettissement tout en étant différents d’un groupe-classe à un autre.

En effet, la comparaison des présences/absences de la catégorie des justifications qui montrent un refus partiel (Rf Pt) attire notre attention par sa manifestation chez les élèves du groupe-classe du lycée Rafaha dans T3 dans le refus du fixisme (L’homme est plus supérieur, qu’un animal – notre religion valorise l’homme et [lui] donne la priorité dans l’univers (T3E18)], et par sa disparition dans T3 dans le refus de l’évolutionnisme, par sa disparition des trois registres chez les élèves du groupe-classe du lycée Hannibal lors de T3, et par sa présence de T1 à T3 chez les élèves du groupe-classe du lycée Pilote dans le refus du transformisme. Chez ces derniers, ce qui est reproché au registre transformiste c’est surtout son incapacité à expliquer l’apparition de nouvelles espèces du fait qu’il se base sur le postulat des générations spontanées  [L’apparition de chaque être à part n’est pas logique, on se demande alors d’où apparaissent les êtres qui sont sur terres aujourd’hui? Comment et d’où proviennent leurs ancêtres… (T1E15); La comparaison anatomique des structures des membres antérieurs des êtres vivants montre une homologie, prouve l’existence d’un ancêtre commun, donc les espèces sont apparentés et n’existent pas par des générations spontanées (T2E7); Les espèces dérivent les unes des autres et non de générations spontanées (T2E15)].

Ces apparitions, disparitions et maintiens de cette catégorie, de manière spécifique à chaque groupe-classe, montrent des différences entre ces trois groupes dans leurs manières de se représenter les savoirs acquis dans le cadre scolaire et la place que ces savoirs occupent par rapport aux savoirs qu’ils ont déjà, soit par le biais de la culture et de la société, soit par le biais d’une construction personnelle de l’histoire du vivant. Selon l’une ou l’autre, l’ancrage de ce qui a été déjà construit serait plus ou moins fort. En effet, l’ancrage d’une construction personnelle serait de moindre intensité, car il serait basé sur une sorte de «bricolage» de logique que l’élève se construit pour arriver à concevoir sa propre manière de se représenter la question de l’histoire du vivant, et ce, suite à sa non-possession de savoirs scientifiques établis. Alors que dans le cas d’un ancrage qui s’est fait par le biais d’un endoctrinement religieux qui considère que la théorie de l’évolution est liée à l’athéisme et qu’il faut la combattre, la démarche basée sur le savoir scientifique serait plus difficile à suivre pour l’élève, d’où l’importance de l’adoption d’une approche explicative basée sur la confrontation entre créationnisme et évolutionnisme dans le traitement de l’histoire du vivant. Cette importance est appuyée par la disparition de justification qui relève de cette catégorie lors de T3 chez les élèves des trois groupes-classes. Ceci témoigne de l’apport de la procédure d’une reproblématisation à travers des situations à débattre en vue d’un possible désassujettissement au religieux.

La deuxième catégorie relevant de l’indicateur en relation avec le sujet du savoir, c’est-à-dire celle des justifications qui critiquent le registre par référence à un autre registre (Ct Rf), se manifeste de la même manière dans les trois lycées dans le refus des registres transformiste et fixiste créationniste. Le registre de référence chez les élèves du lycée Hannibal et du lycée Pilote, est l’évolutionnisme [concernant le transformisme: Non, car les êtres vivants dérivent tous d’une même origine et subissent des transformations pour donner de nouvelles espèces (HT2E1); Ce modèle prouve qu’il n’y a aucune relation entre les espèces. Or il y a une ressemblance entre les espèces qui montre qu’elles proviennent d’une espèce ancestrale (PT2E6); Présence de formes intermédiaires ancêtres communs (PT3E19)].

Par ailleurs, cette catégorie se distingue par sa présence dans le refus du registre évolutionniste chez les élèves du groupe-classe du lycée Rafaha, où ils affichent un mélange de références qui varie selon les arguments présentés dans le test et selon les moments des tests par rapport au cours en classe [C’est vrai que cette théorie me semble la plus logique, mais j’arrive pas à croire que tous les êtres vivants dérivent d’un même ancêtre. En fait chaque être vivant a ces spécificités, même si cet ancêtre évoluerait au cours des années, c’est presque impossible que l’Homme était une simple cellule eucaryote et que aujourd’hui serait si compliqué (T1E2); C’est vrai que, avec le temps des espèces disparaissent et d’autres apparaissent selon le milieu. Mais le fait que les espèces avaient un ancêtre commun ne m’a pas convaincu. A mon avis des espèces originelles sont apparus tous ensemble et ont évolué à travers le temps (T2E2); La théorie de Darwin s’oppose à mes pensées et ma religion (T2E18); La théorie de Darwin s’oppose à nos principes (T3E18)].

Ces justifications de refus du registre évolutionniste reflètent un tiraillement chez ces élèves entre se baser sur des faits scientifiques et une réflexion logique ou sur des références socioculturelles et religieuses. En outre, en appréhendant ces justifications selon le moment de leur formulation, ce tiraillement est de moins en moins imprégné par le religieux. Ceci témoigne d’un apport épistémologique de la pratique de la reproblématisation effectuée lors des rencontres à débattre.

Ce tiraillement chez les élèves du groupe-classe du lycée Rafaha se confirme par la présence de la catégorie de refus pour le refus et sans justification (Rf Rf) des registres transformiste et évolutionniste. Cette catégorie fait son apparition dans T2, c’est-à-dire après le cours en classe [concernant le registre évolutionniste: Je suis contre ce modèle (T2E16); Je ne suis pas convaincu par ce modèle et il s’oppose à mes pensées (T2E17)]. C’est comme une manière de se défendre contre un danger, où même l’appel à la réflexion scientifique n’est plus le bienvenu. Mais cette catégorie disparaît dans T3. Sa disparition et celle de la catégorie des justifications qui montrent un refus partiel (Rf Pt) dans T3 montrent que l’adoption d’une démarche explicative loin des contraintes imposées par le cadre scolaire incite les élèves à remettre en question ce qui est déjà stabilisé par référence au religieux et au culturel et les aide à mieux comprendre l’approche de la méthodologie scientifique dans le traitement de l’histoire du vivant. En outre, l’absence de ces catégories chez les élèves des deux autres groupes-classes appuie l’hypothèse émise concernant l’existence d’assujettissements en relation avec le milieu socioculturel dans lequel se trouvent les élèves interrogés.

L’analyse des justifications de refus selon la catégorie relevant de l’indicateur en relation avec «l’institution» – c’est-à-dire la catégorie des justifications qui permettent de voir un manque de connaissance (Mq Cn), chez les trois groupes-classes et relatifs aux trois registres explicatifs – montre une manifestation significative dans le refus du registre évolutionniste. Nous notons aussi que la présence de cette catégorie se maintient tout au long des trois tests chez les élèves des groupes-classes des lycées Rafaha et Pilote, alors qu’elle disparaît chez les élèves du lycée Hannibal dans T2. Nous interprétons cette prévalence et ce maintien par le fait qu’elles constitueraient des conséquences d’un processus d’enseignementapprentissage des sciences de la vie et de la Terre, où le traitement didactique du thème de l’évolution est tardif (à 18 ans), où le contenu scolaire est basé essentiellement sur une approche descriptive (Kebaïli, 2010) et où l’environnement socioculturel prédisposerait ces élèves davantage que celui dans lequel vivent les élèves du lycée Hannibal.

Sur ce dernier point, l’interprétation est à nuancer entre les élèves du groupeclasse du lycée Rafaha et les élèves du groupe-classe du lycée Pilote. En effet, le rapport au savoir chez les uns et les autres n’est pas le même. Chez les élèves du milieu défavorisé, le savoir et l’école ne constituent pas leur priorité, mais ce qui domine toutes leurs activités et idées, c’est de préserver l’appartenance à une identité basée ici sur la référence religieuse[9]. Alors que chez les élèves du lycée Pilote qui ont été choisis en raison de l’excellence de leurs résultats, c’est la conscience même de cette excellence qui les incite à la critique permanente de ce qui est présenté comme fait établi, et qui conduit certains, parmi eux, au refus de l’évolutionnisme.

Cependant, lorsqu’il est question de l’évolution des primates, les justifications du refus du registre évolutionniste formulées par les élèves des deux groupes-classes s’accordent à revendiquer la suprématie de l’Homme par rapport au reste du monde vivant. Cet accord vient du fait que la place de l’Homme dans la religion musulmane (mais aussi dans les deux autres religions monothéistes) favorise les conceptions anthropocentriques d’un «homme supérieur» [dans le groupe-classe Rafaha, Dieu a créé l’homme comme il est maintenant (T1E4); Darwin croyait qu’entre le chimpanzé et nous il y avait un chaînon manquant, mais nous savons aujourd’hui qu’il n’y a rien. Le singe est le contemporain de l’homme ... Chaque espèce occupe aujourd’hui une branche distincte qui comme deux lignes parallèles (T2E21); … sur Terre chacun a … un rôle, des caractéristiques qui le diffèrent des autres … je crois que l’homme est le maître de la Terre avec son esprit (T2E18); Le fait de dire que l’homme était un singe est trop humiliant et dégradant pour nous les humains. Ça remet en question notre existence (T2E2); L’Homme est le maître de ces univers L’Homme est noble, intouchable, plus supérieure qu’un animal (T3E18); Chez les élèves du lycée Pilote, l’origine de l’Homme c’est l’Homme (T1E20); Cette idée de parenté homme singe m’étouffe (T1E22)].

La manière avec laquelle les élèves se sont exprimés pour revendiquer la suprématie de l’Homme montre la ténacité de cette idée, reflétant un assujettissement culturel de la théorie de l’évolution. Cependant, la diminution des références aux justifications qui refusent d’approcher l’être humain comme obéissant aux mêmes conditions d’existence du reste du monde vivant lors de T3, constitue un autre indice sur l’apport de la pratique de la problématisation dans un cadre non scolaire.

8. Discussion

La recherche de ce qui fait qu’un élève appartenant à un cadre socioculturel bien déterminé fasse le choix de refuser la théorie de l’évolution, à la lumière des formes fondamentales des relations de pouvoir savoir, a montré la place qu’occupe le religieux dans les justifications des positions de refus de l’évolutionnisme. Cependant, les résultats des analyses comparatives des justifications des élèves des trois groupes-classes montrent que ce registre n’occupe pas la même place chez les élèves.

La présence des justifications d’ordre religieux chez les élèves du lycée Rafaha contre ce qu’ils appellent «théorie de Darwin», la manifestation d’un refus de son application à l’Homme par certains élèves du lycée Pilote, et l’adhésion totale à la théorie de l’évolution chez les élèves du lycée Hannibal témoignent de l’existence de relations étroites entre environnement socioculturel dans lequel vit l’élève et sa manière de se représenter la théorie de l’évolution. En outre, le faible recours au registre fixiste créationniste chez les élèves du lycée Rafaha (contrairement à ce qui a été attendu), l’absence d’une référence au religieux lors des trois tests et l’adhésion au registre évolutionniste par tous les élèves appartenant au lycée Hannibal, la présence très limitée de ce registre et sa liaison avec la revendication de la suprématie de l’Homme chez les élèves du lycée Pilote, permettent de relativiser les résultats quantitatifs de précédentes études et enquêtes (section Enseigner l’évolution biologique: aperçu de la littérature).

Par ailleurs, ce qui a été relevé comme progression dans les catégories de justifications à travers le temps et à travers l’espace témoigne des apports didactiques par une meilleure compréhension du registre évolutionniste de point de vue conceptuel. Cette meilleure compréhension s’est traduite par la disparition des catégories «des justifications qui mettent en cause la logique scientifique du registre» et «des justifications qui montrent un refus partiel» lors du dernier test chez les élèves des trois groupes-classes.

Les apports de l’adoption du triplet de la saveur du savoir et de la problématisation dans un cadre non scolaire étaient aussi d’ordre épistémologique, où la confrontation entre les trois registres au regard des faits scientifiques concernant l’histoire du vivant a permis de déstabiliser ce qui est déjà stabilisé chez les élèves refusant la théorie de l’évolution, les incitant à questionner leur manière de l’appréhender et les poussant à la réflexivité. Ceci a conduit, chez certains élèves du lycée Rafaha (celui qui a le taux de réussite le plus faible, dont les élèves appartiennent à une classe sociale plus ou moins défavorisé et montrant une préférence pour les partis islamistes), à un tiraillement entre pouvoir religieux et pouvoir du savoir, et à l’hésitation entre se baser sur une logique scientifique convaincante et une croyance spirituelle surnaturelle.

Ces apports accordent plus de pertinence au recours au «dispositif» foucaldien et à la pratique d’une problématisation hors du cadre scolaire. Cette pertinence vient du fait que le cadre scolaire ne pourrait satisfaire aux critères d’une situation à débattre vu que ce qui devrait être traité lors de l’enseignement de la théorie de l’évolution est le même pour tous les élèves tunisiens et, en sus, relève du descriptif et non de l’explicatif. La garantie de cette unicité se fait par l’adoption d’un manuel scolaire unique des sciences de la vie et de la Terre, supervisée par des inspecteurs du ministère de l’Éducation.

Cette unicité ne se limite pas aux sciences de vie et de la Terre, mais touche toutes les matières enseignées. Ceci nous amène à proposer de conduire le recours au dispositif et au triplet de la saveur des savoirs à d’autres objets de savoir, relevant de la géographie, de la littérature, de la philosophie, etc., qui seraient assujettis à des pouvoirs institutionnels et/ou socioculturels. L’inscription de cette démarche dans la continuité (dès l’école primaire) et dans l’interdisciplinarité et l’ouverture sur des discours autres et des espaces autres, rendrait les savoirs enseignés plus opérationnels, préserverait une société du savoir, et serait en mesure de contrer un éventuel endoctrinement.

Cependant, il conviendrait de revoir le cadre conceptuel de manière à le rendre apte à présenter ce qui serait en mesure de permettre une analyse des refus de l’évolutionnisme en relation avec le culturel, notamment la représentation anthropocentrique.

9. Conclusion

L’expérimentation et les analyses, selon la rencontre théorique entre l’approche de Foucault et la démarche proposée par Astolfi, ont permis de montrer l’apport de l’adoption de cette démarche et d’ouvrir des perspectives didactiques par la possibilité de leur application sur d’autres objets de savoir touchant à d’autres domaines que le domaine scientifique. Cependant, ceci serait tributaire d’une volonté politique de le faire, car la lucidité réflexive et la capacité à participer à l’expérience citoyenne pourraient toujours représenter, pour certaines sociétés, institutions ou personnes, un danger. Un danger qui est toujours présent et face auquel il faut rester vigilant, quoique dans le cas de l’enseignement du thème de l’évolution biologique, il n’y a aucun signe émanant du pouvoir institutionnel qui laisserait entrevoir une éventuelle suppression de ce thème. L’exigence de la vigilance appellerait à s’interroger sur ce qui pourrait constituer un équilibre entre des volontés de ceux qui possèdent un pouvoir et tiennent à le préserver et ce qui garantirait la préservation d’une société du savoir. Dans un contexte international marqué par la montée du fanatisme religieux, il faudrait miser sur les générations futures en conduisant une nouvelle guerre, celle des discours.