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Moyens, stratégies, attitudes et conditions favorables

Une étude sur l’accompagnement des pratiques de formation visant le développement de compétences professionnelles à l’enseignement de l’art dramatique a été réalisée en marge d’une autre recherche, le Projet accompagnement recherche formation (PARF)[1]. À quelques années d’intervalle, plusieurs moyens, stratégies et conditions favorables au développement de compétences qui avaient été ciblées par le PARF ont aussi été identifiés par les formateurs en arts ayant participé à notre recherche en 2013. Il a été facile d’établir des corrélations entre ces deux recherches et les réponses des répondants qui n’avaient, a priori, pas de liens entre eux puisqu’ils n’interviennent pas dans les mêmes milieux ni auprès des mêmes clientèles[2]. Par ailleurs, même si les répondants associés à la présente collecte de données ne faisaient pas partie du PARF, plusieurs avaient suivi, de près ou de loin, l’évolution de ses travaux puisque l’expertise développée dans ce projet a été mise à contribution dans le cadre de formations nationales.

Concepts, orientations et méthodologie de la recherche

La recherche sur l’accompagnement des pratiques de formation visant à développer des compétences professionnelles à l’enseignement de l’art dramatique permet d’identifier certaines pistes d’intervention favorables à la formation des spécialistes et d’établir des concordances entre les actions des formateurs et l’impact de ces actions chez ceux qui sont formés ou qui ont été formés en art dramatique. En termes d’accompagnement, précisons qu’il s’agit d’un « soutien axé sur un processus de professionnalisation. Il suppose une cohérence entre ce qui est réalisé par les personnes accompagnatrices auprès des personnes accompagnées » (Lafortune, 2008 : 179). Dans cette perspective, il ne s’agit pas de « faire à la place » de ces personnes, mais plutôt de « faire avec » les personnes au regard du contexte d’accompagnement. Dans le cadre de cette recherche, il s’agit d’accompagner la formation des spécialistes en art dramatique. Pour Maela Paul, l’accompagnement est une autre façon de concevoir la formation en considérant ce que la personne doit acquérir, en termes de connaissances, mais aussi ce qui va contribuer à la structuration de son identité professionnelle : « Le développement de la personne constitue l’interface entre les apprentissages, l’acquisition de savoirs et de savoir-faire et la socialisation –autrement dit, entre le projet personnel et le projet professionnel » (Paul, 2004 : 89).

En s’inscrivant au baccalauréat en art dramatique ou à la maîtrise en enseignement des arts (MEA), les étudiants s’engagent dans le développement de compétences professionnelles à l’enseignement. Selon le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), la compétence est « un savoir agir fondé sur la mobilisation et l’utilisation efficace d’un ensemble de ressources » (Gouvernement du Québec, 2001 : 9). Pour Perrenoud, elle est un « savoir-faire de haut niveau, qui exige l’intégration de multiples ressources cognitives dans le traitement de situations complexes » (Perrenoud, cité dans Durand et Chouinard, 2006 : 35). Dans un contexte d’action professionnelle, la compétence est un savoir agir en contexte. Par conséquent, la personne compétente sait 

interpréter les exigences et les contraintes de la situation, repérer les ressources disponibles [savoir, savoir-faire et savoir-être] et faire une action en intégrant, en combinant, en orchestrant ces ressources de manière pertinente et efficace par rapport à la situation donnée

Gouvernement du Québec, 2001 : 52

Il s’agit des décisions et des gestes professionnels que l’enseignant utilise de manière intentionnelle et récurrente (Gouvernement du Québec, 2001 : 53) en puisant dans un répertoire d’actions qu’il a construites tout au long de sa formation (théorie et pratique), et qu’il continue à bonifier avec l’expérience. Tous les cours de la concentration « Enseignement de l’art dramatique » participent au développement de compétences professionnelles. Certaines compétences se rapportent aux fondements de l’enseignement de l’art dramatique, d’autres sont associées à l’acte d’enseigner, aux contextes social et scolaire ainsi qu’à la structuration d’une identité professionnelle.

Cet article présente une partie des résultats de la collecte de données[3] qui a été réalisée auprès de cinq groupes : les formateurs de formateurs en arts; les formateurs de formateurs en art dramatique (professeurs, superviseurs de stage et enseignants associés); les enseignants en art dramatique et enfin les étudiants inscrits au baccalauréat en enseignement de l’art dramatique[4]. Chaque groupe a été sollicité pour répondre à un court questionnaire en ligne[5]. Les questions ont été modulées en fonction du statut des répondants. Deux questions sur quatre se rapportaient aux moyens, aux stratégies, aux attitudes et aux conditions qui contribuent le plus au développement des compétences professionnelles des étudiants inscrits en enseignement alors que les deux autres cherchaient plutôt à identifier ce qui incite les étudiants ou les enseignants à ajuster ou à améliorer leur intervention auprès des élèves, ou encore à changer leurs pratiques. Aux fins de cet article, nous traiterons uniquement les données se rapportant aux moyens, aux stratégies, aux attitudes ainsi qu’aux conditions favorables au développement des compétences.

Bien que la majorité des répondants soient des spécialistes en art dramatique, nous avons voulu soumettre les questions à ceux et à celles qui forment les futurs enseignants en arts dans les écoles et les départements de la Faculté des arts à l’UQÀM, mais aussi dans d’autres universités  – telles que l’Université du Québec à Chicoutimi (UQÀC), l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) et l’Université Laval. Rappelons que ces dernières forment des spécialistes en arts plastiques avec une « mineure » en art dramatique. Ce groupe ne représente cependant pas la majorité des répondants sollicités, lesquels proviennent principalement de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM). Cette ouverture a permis d’interroger un bassin plus large d’intervenants en éducation artistique. Ce choix s’est également imposé, car la plupart des professeurs et des chargés de cours sollicités interviennent aussi auprès des étudiants inscrits à la maîtrise en enseignement des arts (MEA) à l’UQÀM. Ces formateurs collaborent régulièrement à l’élaboration et à l’enseignement de cours qui s’adressent aux étudiants des quatre disciplines artistiques enseignées au Québec  – soit l’art dramatique, les arts plastiques, la danse et la musique.

Le questionnaire a été acheminé à 350 personnes[6]; 59 répondants l’ont complété, le taux de participation est donc de 17%. Pour faciliter le traitement des données et le travail du lecteur, nous avons regroupé les réponses en trois catégories de répondants  : les formateurs, les enseignants et les étudiants.

Formateurs

• Formateurs à la Faculté des arts : 5 sur 20 (25%);

• Formateurs en art dramatique : 8 sur 11 (73%);

• Superviseurs et enseignants associés en art dramatique : 19 sur 90 (21%);

Enseignants

• Enseignants en art dramatique en situation d’emploi : 17 sur 129 (13%) (12 sur 107 proviennent de l’Association Théâtre Éducation du Québec et 5 sur 22 de la maîtrise qualifiante en art dramatique[7]);

Étudiants

• Étudiants en art dramatique : 10 sur 100 (10%).

La codification et la catégorisation des données ont fait ressortir les moyens, les stratégies, les attitudes et les conditions favorables au développement de compétences professionnelles les plus souvent nommés par les formateurs, les enseignants et les étudiants. Ils sont le reflet de pratiques établies chez ceux et celles qui interviennent dans la formation à l’enseignement en art dramatique.

Moyens et stratégies pour développer des compétences professionnelles

Une des formatrices rappelle que l’efficacité des moyens et des stratégies peut différer selon l’expérience des étudiants, leur degré d’engagement, la maturité et l’ouverture qu’ils manifestent à l’égard de la formation. Il n’en demeure pas moins que les formateurs mettent en oeuvre différentes stratégies et encouragent le développement d’attitudes dans le cadre de la formation des enseignants. Rappelons qu’une stratégie réfère à une « organisation planifiée de méthodes, techniques et moyens, en vue d’atteindre un objectif » (Raynal et Rieunier, 2007 : 347). Parmi les moyens et les stratégies qui ont été identifiés : faire des liens entre la théorie et la pratique, la pratique réflexive, l’interaction, la conservation de traces, le passage à l’action, la rétroaction, l’adoption d’une posture d’apprenant et de maître cultivé, le modelage et l’autonomie.

Faire des liens entre la théorie et la pratique

Dans le cadre de la formation à l’enseignement, le savoir se rapporte à tout ce qui gravite autour des exigences du MELS – les programmes de formation, la progression des apprentissages et l’évaluation des compétences artistiques –, c’est-à-dire aux connaissances que l’étudiant doit acquérir par rapport à sa discipline de référence et à une pratique artistique.

Puis entre en compte la manière dont le futur enseignant va s’y prendre pour communiquer et transposer ses savoirs disciplinaires à des savoirs scolaires. Si l’enseignement de l’art dramatique exige des connaissances liées au théâtre, les pratiques renvoient également à des compétences qui sont liées à la pédagogie, à la didactique et à l’évaluation d’une discipline artistique.

Plusieurs formateurs identifient la nécessité de faire des allers-retours constants entre la théorie et la pratique, entre la pratique artistique et l’enseignement, en passant du rôle de formateur à celui d’étudiant. Ces trajectoires amènent l’étudiant à faire des liens, à anticiper comment il peut réinvestir ce qu’il apprend et à transférer ces acquis dans le milieu scolaire. En plus de favoriser ces ancrages, les apprentissages contribuent à l’établissement d’une pensée réflexive. Ils permettent de faire des liens avec les compétences et de mieux soutenir leur développement. Selon les formateurs, il importe de fournir des exemples concrets, de faire des liens entre les apprentissages et leur réinvestissement dans le réseau scolaire. Si la théorie est essentielle à la mise à distance de certaines problématiques et à leur compréhension[8], elle s’inscrit toujours dans un rapport dialectique. Et si l’enseignement réfère à une pratique, il importe de tenir compte de situations concrètes et du [contexte] afin d’aider les étudiants à comprendre les enjeux de la situation pédagogique.

En effectuant ces allers-retours, le futur enseignant s’engage dans un exercice de transposition didactique puisqu’il est placé en situation de faire la synthèse de ce qu’il a appris et [de] vulgariser les savoirs pour les transmettre, [ce qui lui] permet de se rapprocher de situations plausibles dans une réalité scolaire.

Pour les enseignants, les compétences professionnelles renvoient à des ressources, elles suggèrent aussi des moyens pour mieux intervenir auprès des élèves en prenant en compte leurs intérêts, leurs besoins : ma formation m’a grandement sensibilisée à la réalité de l’élève et à la diversité de la clientèle scolaire et c’est ainsi que j’ai appris à adapter mes interventions. L’établissement de liens entre les connaissances antérieures et les savoirs acquis dans les cours facilite le cheminement de l’enseignant. Ces liens permettent également de voir autrement les compétences et d’en avoir une meilleure compréhension. Un enseignant observe que les compétences professionnelles sont maintenant mieux intégrées aux cours qu’elles ne l’étaient auparavant. Il ajoute en avoir eu une meilleure compréhension lorsque les professeurs ont été en mesure d’effectuer des liens entre la théorie et la pratique en démontrant comment les apprentissages à réaliser dans le cadre des cours nous serviraient à [développer les compétences, car celles-ci] renvoient à des savoir-faire et à des savoir-être qui font sens […] et se déploient dans l’action.

Pour les apprenants, la capacité à faire des liens et à maintenir un bon rapport entre la théorie et la pratique passe par ce qui a été vu ou discuté en classe, les lectures suggérées, l’observation de pilotages, le réinvestissement de ce qui a été appris, etc. Mais il s’agit également d’aider les étudiants à identifier ce qu’on attend d’eux en tant que professionnels. Pour un étudiant à la MEA, l’aller-retour entre la théorie et la pratique suppose l’établissement de liens entre le contenu de formation et sa pratique professionnelle puisqu’il est en situation d’emploi.

La pratique réflexive

« Une pratique réflexive est une mise à distance et un regard critique sur son propre fonctionnement, mais aussi une analyse tant individuelle que collective des actions et des gestes posés au cours de son intervention professionnelle » (Lafortune, 2008a : 194). La pratique réflexive et l’exploitation de moyens pour la mettre en action occupent une place prépondérante. Un professeur observe qu’au début de leur formation, plusieurs étudiants n’ont pas développé des habitudes de lecture, d’écriture et de réflexion. Pour eux, réfléchir est peu utile, ils veulent être dans l’action. La pratique réflexive favorise une mise à distance et l’exercice d’un regard critique sur les apprentissages réalisés. Elle contribue à la construction ainsi qu’à l’affirmation d’une identité professionnelle. Ainsi l’étudiant peut se projeter dans le modèle d’enseignant qu’il souhaite devenir en considérant une double posture, privilégiée dans sa formation, soit celle de l’artiste et du pédagogue.

Avec la pratique réflexive, les conflits cognitifs et la remise en question de ses pratiques aident l’étudiant à mieux se préparer à faire face à la complexité de son métier  :

Si elle s’inscrit dans une perspective socioconstructiviste, la pratique réflexive suppose des interactions […] et une confrontation des pratiques individuelles et collectives des individus et d’un groupe qui acceptent de confronter leurs croyances (conceptions et convictions), de vivre des conflits cognitifs afin de viser une plus grande cohérence entre ce qu’ils pensent (pensée) et ce qu’ils font (actions), ce qu’ils croient (croyances) et ce qu’ils accomplissent (pratiques) dans leur vie professionnelle

Lafortune, 2008a : 194

En analysant ce qu’il fait et en le partageant avec d’autres, l’étudiant apprend de ses expériences. Cette réflexivité favorise son développement professionnel, elle l’aide à se responsabiliser avec de plus en plus d’autonomie au cours de sa formation.

Les formateurs suscitent le questionnement, ils invitent les étudiants à faire une analyse des tâches qu’ils proposent à leurs élèves, à faire des retours sur la gestion de leur classe, à observer la réaction des élèves lorsqu’ils donnent des consignes ou à ce qui se passe en situation. Ce questionnement amène des prises de conscience à l’égard de l’enseignement de l’art dramatique. La pratique réflexive les amène aussi à réfléchir sur le sens de la profession, à se dépasser, à mieux planifier, à prendre en compte l’acte d’apprendre, les élèves, le contexte d’enseignement, etc. Ces prises de conscience les amènent à considérer l’importance et les bénéfices de la réflexion sur leur développement professionnel.

En stage, un enseignant associé précise que la progression du stagiaire est grandement favorisée par les prises de conscience qu’il fait au regard des erreurs commises et des bons coups. Pour y arriver, l’étudiant doit pouvoir évaluer ses pratiques, les gestes qu’il accomplit et faire des retours constants sur son action. Les retours en fin de journée, la captation de ses interventions sur vidéo et l’auto-évaluation s’avèrent des moyens pertinents pour planifier ces moments réflexifs. Ces retours sur l’action permettent de faire un réel bilan des apprentissages réalisés lors de la formation pratique, sauf s’ils s’inscrivent dans une perspective de désirabilité sociale : faire plaisir au professeur, obtenir une évaluation positive.

Les formateurs soulignent que les lectures ou les activités autour de ces lectures favorisent aussi la réflexivité. Elles incitent les étudiants à chercher des informations, à sélectionner des idées, à en prioriser certaines pour mieux organiser et construire leurs connaissances.

Les enseignants apprécient les bénéfices de la pratique réflexive, certains trouvent même du plaisir à réfléchir à des questions liées à l’enseignement et à l’apprentissage : adopter une démarche réflexive a été l’une des stratégies les plus utiles et les plus révélatrices pour moi dès le début de mon apprentissage, et cela, aujourd’hui encore, dans le cadre de ma pratique au quotidien. Réfléchir sur soi, sur ses pratiques, sur son rôle, sur certaines situations problématiques, sur sa conception de l’éducation, de la pédagogie et de l’apprentissage, mais aussi sur le théâtre, incite à la remise en question de son action par l’exercice d’une veille professionnelle.

La pratique réflexive favorise le développement des compétences professionnelles. Elle oblige l’étudiant à réfléchir sur son rôle, sur le sens de son action : c’est une façon de découvrir ce que l’école et la société […] attendaient de moi en tant qu’enseignante. Dans certains cas, le fait de réfléchir peut aussi faire prendre conscience qu’on n’est pas fait pour cette profession.

L’interaction

L’interaction favorise les échanges, le partage, la discussion, la confrontation des idées, des pratiques […]. C’est en interagissant les uns avec les autres [que les étudiants et les professeurs] finissent par se construire une vision [de la profession]. L’interaction favorise la co-construction, c’est pourquoi il importe de miser sur la qualité, la fréquence et la diversité des interactions

Lafortune, 2008a : 189

Les interactions amènent les étudiants à progresser dans le développement de leurs compétences; elles participent à la constitution d’un répertoire de gestes professionnels qui contribuent à l’élaboration d’un modèle qui leur est propre. En art dramatique, l’interaction se fait entre les étudiants, avec les professeurs, les superviseurs ou les enseignants associés, entre le stagiaire et ses élèves lorsqu’il s’agit d’un stage. Elle peut également se faire avec les professionnels du réseau scolaire ou avec les artistes que les étudiants côtoient.

Les formateurs insistent sur le maintien d’une saine communication, car elle représente pour l’étudiant des occasions d’apprendre, de s’exprimer, de prendre position, de s’engager dans la formation, de prendre des risques et d’évoluer aux plans cognitif, affectif et social. Au contact des autres, celui-ci modifie ses représentations, enrichit ses connaissances et affirme progressivement son identité professionnelle. L’interaction permet de faire des liens entre ses acquis et ses nouvelles connaissances. Ainsi, l’étudiant est mieux à même d’évaluer les effets de l’interaction sur l’évolution de son modèle de pratiques et le développement de ses compétences. Une bonne communication est essentielle à la réussite d’un stage, il importe que tous les acteurs concernés y travaillent en participant activement et ouvertement aux échanges. Les rencontres avec des enseignants expérimentés, la participation à des journées de formation ou à des journées pédagogiques constituent autant d’occasions pour échanger avec d’autres professionnels de l’enseignement.

La formation pratique est un puissant révélateur, elle expose l’étudiant à toutes sortes d’émotions. Certaines expériences sont positives alors que d’autres s’avèrent difficiles à gérer pour le stagiaire qui effectue ses premiers pas dans le monde scolaire. Le passage de celui qui apprend à celui qui doit faire apprendre n’est pas nécessairement facile à assumer. Certaines conditions ou certains jumelages peuvent provoquer des situations de déséquilibre chez les étudiants. Souvent déstabilisants, ces déséquilibres peuvent aller jusqu’à remettre en question leur choix d’exercer la profession d’enseignant.

Les interactions avec les enseignants, la direction, les professionnels, les élèves et les parents permettent aux stagiaires d’avoir une meilleure connaissance du milieu et d’entretenir des liens significatifs avec l’ensemble de la communauté éducative. Un étudiant trouve enrichissant de pouvoir échanger avec les professeurs de la MEA et ses collègues aussi spécialistes en art dramatique lors de séminaires, puisqu’ils sont souvent isolés en tant qu’artistes pédagogues […]. Le fait de pouvoir échanger [leurs] points de vue, [leurs] bons coups, [leurs] méthodes, [leurs] approches a été très formateur.

La conservation de traces

Garder des traces permet d’avoir un portrait de l’étudiant. L’utilisation d’outils ou de moyens variés tels que le journal de bord, la trousse du stagiaire, le bilan des apprentissages, le portfolio incitent l’étudiant à réfléchir au développement de ses compétences et aux pratiques qu’il expérimente. Ces traces témoignent de sa progression dans la formation à l’enseignement, elles sont réinvesties à l’intérieur des cours, dans les travaux et dans le portfolio. Elles servent d’amorces, elles aident les apprenants à mieux suivre la progression de leurs apprentissages et à mieux évaluer le degré de maîtrise de leurs compétences professionnelles à l’enseignement. Elles attestent de leur évolution en les obligeant à faire ressortir les justifications relatives à cette progression. Elles manifestent la compréhension que l’étudiant se fait des contenus associés à la formation, mais aussi des approches qui sont privilégiées dans l’enseignement, la didactique et l’évaluation de l’art dramatique. La consignation de ces traces dans le portfolio numérique ou dans un rapport de stage lui permet aussi de mieux cerner ses forces et ses défis, et de mettre en oeuvre des actions liées à la remédiation de certaines lacunes observées ou de difficultés qui auraient été ciblées par un formateur.

Pour les professeurs, l’utilisation de grilles d’observation ou d’échelles descriptives oriente l’action pédagogique, elle permet de garder des traces et d’offrir une meilleure rétroaction aux étudiants. L’étudiant peut également identifier ce qui est attendu lorsque les énoncés sont formulés sous forme de manifestations observables. Pour les enseignants, la prise de notes dans un carnet, soit à la fin d’une période, soit à la fin d’une journée permet de réfléchir et d’améliorer les pratiques pédagogiques. De leur côté, les étudiants disent que les observations et les exercices consignés dans leur journal de bord aident à mieux saisir le sens des compétences professionnelles.

Le passage à l’action

L’action est un passage obligé qui place l’étudiant en situation de mobiliser les connaissances qu’il a intégrées au cours de sa formation. Il peut mettre à l’essai ses propositions ou différentes approches, prendre certains risques, se mesurer à différents contextes d’enseignement. Il peut ainsi mettre à l’épreuve ce qu’il a appris et réfléchir sur la conduite de son action en la mettant à distance.

Ce passage peut se faire en commençant par piloter des situations dans les cours de didactique, une sorte de répétition avant de sauter dans l’arène scolaire. Là, les étudiants adoptent différents rôles, ceux d’enseignant, de joueur ou d’observateur. Ces expérimentations leur permettent d’observer ce que chacun a retenu de ses apprentissages et de le faire dans un environnement qui fournit un filet de sécurité.

Faire des jeux de rôle, simuler des mises en situation, faire des études de cas, simuler un conseil d’établissement, débattre de la place de l’art à l’école avec des représentants du pour et du contre, défendre sa discipline lors d’une rencontre avec les parents, jouer une entrevue d’embauche sont autant de façons de passer à l’action à l’intérieur de la formation. Calquées sur la réalité scolaire, ces expériences favorisent l’apprivoisement du métier et placent les étudiants en situation de « faire comme si ».

La conception et le pilotage de situations d’apprentissage et d’évaluation favorisent également une meilleure appropriation du Programme de formation de l’école québécoise et des documents qui s’y rapportent tels que la « Progression des apprentissages » et le « Cadre de référence en évaluation ». L’étudiant peut ainsi éprouver concrètement le matériel qu’il a préparé en le mettant à l’essai auprès de ses collègues ou avec des élèves en stage.

Les stages conduisent à un passage à l’action. Les étudiants devraient bénéficier d’une sorte d’immunité en s’accordant le droit à l’erreur. Malgré le fait que les stages soient très souvent perçus comme une expérience anxiogène, s’ils sont bien accompagnés, les étudiants apprennent à s’ajuster en situation et à réguler leur action au regard des contextes qui se présentent dans le feu de l’action. La prise en charge partielle ou complète d’un groupe d’élèves constitue toujours une étape importante pour le futur enseignant. Ce changement de statut, d’étudiant à enseignant, et les attitudes qui en découlent vont l’aider à mieux comprendre ses responsabilités et le rôle qu’il sera appelé à jouer auprès d’élèves. Face à ces derniers, le stagiaire doit pouvoir se débrouiller en faisant appel à son jugement professionnel et à ses acquis antérieurs. Son modèle est influencé par tous les modèles d’enseignant qu’il a croisés depuis qu’il fréquente le système scolaire. La formation pratique et les premières années d’expérience dans le réseau vont contribuer à l’affirmation de ce modèle en construction. Même si la formation à l’enseignement s’inscrit dans un continuum de quatre années, elle ne s’arrête pas avec l’obtention du brevet. Le développement des compétences se poursuit bien au-delà de la formation initiale qui n’est qu’une des étapes dans le développement professionnel d’un enseignant.

Le passage à l’action amène les enseignants à prendre plus de risques, à mettre en oeuvre ce qu’ils ont appris. Il contribue à l’amélioration de leurs « réflexes pédagogiques ». En stage, les étudiants peuvent également avoir un modèle en action en observant l’enseignant associé. Bref, la formation pratique participe à la construction du modèle d’enseignant qu’ils souhaitent devenir.

La rétroaction

La rétroaction est une information fournie à l’apprenant à propos de la qualité de son travail. Elle est probablement le meilleur moyen pour influencer les compétences des personnes en situation d’apprentissage, car elle suscite un recadrage, une remise en question ou une régulation dans un but de changement […]. La rétroaction semble avoir une influence sur la motivation des personnes apprenantes, car celles-ci peuvent mieux évaluer leurs progrès, comprendre leur performance, maintenir leurs efforts et recevoir des encouragements

Wlodkowski et Ginsberg, cités dans Lafortune, 2008a : 197-198

Les formateurs soulignent la nécessité de fournir des rétroactions aux futurs enseignants. Ils peuvent ainsi valider certaines observations, refléter des attitudes, aider l’étudiant à prendre conscience de certaines lacunes et à relever certains défis. Une saine communication préserve la relation pédagogique et le maintien de conditions favorables à l’apprentissage. La rétroaction vise à soutenir la progression de l’étudiant. Ce dernier gagne à être réceptif aux commentaires des formateurs qui l’accompagnent s’il veut s’améliorer (il est préférable d’identifier les difficultés avant de partir en stage). La régularité des rétroactions aide l’étudiant à faire des bilans et à prendre les mesures qui s’imposent pour remédier aux manques observés.

En stage, plusieurs enseignants associés planifient des rencontres en fin de journée ou font des retours à la fin d’une période sur ce qui vient de se passer en classe. Les retours s’appuient alors sur des situations réelles à partir desquelles ils peuvent soutenir l’étudiant dans la recherche de solutions ou le conforter dans ses choix. Et même si les stagiaires peuvent appréhender ces rencontres, elles permettent d’avoir un suivi beaucoup plus individualisé que celui offert habituellement à l’université où le ratio étudiants-professeur est plus grand. Le suivi individualisé favorise l’insertion professionnelle des jeunes enseignants. Malheureusement, ces derniers n’ont pas toujours la chance d’avoir ce type d’encadrement une fois embauchés dans le réseau scolaire.

La capacité de l’étudiant à réguler son action va lui permettre d’évoluer rapidement et est un gage de réussite. Il devra adapter son intervention en considérant sa planification, les particularités du milieu ainsi que celles de ses élèves. Les problématiques et les ajustements ne sont pas nécessairement ceux qu’il a vus en cours à l’université.

La rencontre précédant le stage peut donner le ton sur la nature des échanges qui vont soutenir le développement des compétences professionnelles de l’étudiant. Il importe que l’enseignant associé et le stagiaire formulent clairement leurs attentes en début de stage. Certains enseignants envoient à l’avance des questions au stagiaire afin que ce dernier ait le temps de se préparer à cette rencontre.

Enfin, plusieurs enseignants associés insistent sur la nécessité de préparer les élèves à l’arrivée du stagiaire à l’école. Afin de le guider dans sa planification, les enseignants l’informent aussi de la progression des élèves, de ce qu’ils ont déjà fait et de ce qu’ils entendent faire avec eux.

Le modelage

Il consiste à fournir un exemple en action, à agir de la façon dont on voudrait que cela soit fait dans une démarche d’accompagnement […], dans les actions et les gestes professionnels accomplis quotidiennement. La personne accompagnée va observer la conduite de la personne accompagnatrice qui, par sa manière d’intervenir, de « se donner en exemple », fournit un exemple en action; en ce sens, elle actualise, en paroles et en actes, son modèle de pratiques

Lafortune, 2008a : 191

Peut-on demander à d’autres de faire ce qu’on ne fait pas soi-même? Cette phrase résume assez bien la pensée de plusieurs formateurs en ce qui a trait à leurs pratiques. Ces derniers essaient de donner l’exemple quant à la qualité de la langue parlée et écrite, à la planification de leur enseignement et à leur manière d’évaluer. Ils le font aussi lorsqu’ils rédigent leurs travaux de recherche et le matériel didactique qu’ils utilisent.

Pour un des répondants, il est inconcevable de parler d’approches participatives, de créativité, de différenciation pédagogique et d’évaluation comme soutien à l’apprentissage si on ne favorise pas soi-même la participation, si on n’est pas créatif dans sa didactique ou sensible à différents styles d’apprentissage. Tout ce que je fais dans la classe est forcément un exemple vivant qui peut guider [l’]action professionnelle [du futur enseignant].

La majorité des formateurs disent qu’ils sont conscients d’être des modèles pour les étudiants : je m’efforce d’être authentique et transparent dans ma manière d’enseigner, avec mes propres forces et faiblesses. En parlant de cette influence, un des formateurs précise :

La manière dont nous le faisons aura nécessairement un impact sur le développement de leur façon de faire – que ce soit par identification ou rejet du modèle présenté. Je crois qu’en étant modeste dans notre approche, en acceptant de discuter avec les étudiants [de] nos choix comme professeurs (contenus de cours, types d’exercices et d’évaluations, choix de critères dans les grilles), nous leur permettons de se questionner, de réfléchir […] et surtout, nous leur montrons qu’il est important de demeurer humble et ouvert à l’amélioration tout au long de sa carrière.

Ce dialogue professionnalisant invite les futurs enseignants à adopter différents regards croisés : Qu’est-ce que je fais? Comment je le fais? Comment je pourrais le faire faire à d’autres? Ou encore : comment je pourrais améliorer mon intervention par rapport aux conditions de pratique et au contexte dans lequel je suis appelé à intervenir? En rendant visibles leurs façons de faire, leurs stratégies, leurs moyens, en explicitant ce qui a guidé ces choix, les formateurs contribuent au développement des compétences professionnelles des futurs enseignants. Ils peuvent demander aux étudiants ce qu’ils ont observé dans leurs façons de faire et les inciter à identifier et à nommer ce qu’ils pourraient réinvestir ou comment ils pourraient adapter ce qu’ils ont observé à leur propre modèle de pratiques, en considérant plusieurs contextes d’enseignement.

Les étudiants en enseignement se réfèrent constamment aux pratiques de leurs professeurs. Ils observent les bons coups et les lacunes de ces derniers. Ce modelage permet d’observer plusieurs approches et moyens utilisés par les formateurs. Selon notre appréciation de l’enseignement que l’on reçoit, certaines visions ou attitudes face à l’acte d’enseigner sont plus marquantes que d’autres et laissent une influence.

Adopter une posture d’apprenant et de maître cultivé

L’enrichissement de la culture associé à un domaine […] est l’introduction de nouvelles connaissances, de nouvelles pratiques, de nouveaux concepts, sujets, objets ainsi que le développement de nouvelles compétences, stratégies… liées à un champ d’expertise et à un milieu. […] C’est un ensemble constitué d’attitudes, de connaissances, de stratégies, d’habiletés, de compétences et d’expériences qui permettent de développer le sens critique, la créativité, la mise à distance et l’assurance de la personne accompagnée

Lafortune, 2008a : 187-188

Plusieurs formateurs soulignent l’importance d’adopter une posture d’apprenant. Celle-ci se manifeste par une soif d’apprendre et de mettre à jour [s]es connaissances. D’autres insistent sur la nécessité d’avoir une culture générale, de pouvoir situer sa pratique dans le champ des pratiques actuelles et des influences culturelles ou encore de se nourrir soi-même d’objets de culture et de partager ses impressions avec les étudiants (les encourager à faire de même). Pour ce faire, on souligne l’importance d’aimer le théâtre, sa pratique, sa diffusion, les questionnements que ce médium apporte, de placer cet art dans la réalité politique, sociale, artistique d’aujourd’hui et d’hier, d’ici et d’ailleurs.

Pour les enseignants, l’adoption d’une posture d’apprenant et de maître cultivé passe par diverses activités : revisiter régulièrement le programme de formation; solliciter les ressources disponibles dans les services éducatifs; s’inscrire à des stages, faire du perfectionnement ou poursuivre des études à la maîtrise. La formation continue permet d’échanger avec d’autres professionnels et brise l’isolement des spécialistes.

La diversité des contextes d’enseignement, le nombre d’élèves côtoyés et les clientèles auxquelles ils sont confrontés, surtout en début de carrière, poussent les enseignants à adopter ces postures puisqu’ils doivent constamment s’ajuster à la situation pédagogique. Plusieurs enseignants s’engagent également dans des activités qui les amènent à réfléchir à leurs pratiques ou à les diffuser : participation à des groupes de développement (situations d’apprentissage, grilles d’évaluation, etc.), animation de formations, etc.

Pour les enseignants comme pour les étudiants, il importe également d’entretenir la passion de sa discipline en allant voir du théâtre, en restant à l’affût de ce qui se fait sur le plan de la dramaturgie, du jeu, de la mise en scène. Ils relèvent l’importance de s’engager dans des projets artistiques, en dehors de l’école, afin de parfaire leur connaissance du théâtre pour mieux le transmettre, et de rester ouverts à la contribution des autres disciplines. Pour les étudiants, l’adoption d’une posture d’apprenant et de maître cultivé passe aussi par la lecture et la réalisation de travaux.

L’autonomie

Dans la formation pratique, le superviseur et l’enseignant associé jouent un rôle prépondérant. Ils guident le stagiaire, le soutiennent sans toutefois « faire à la place de... ». Ils encadrent l’étudiant en examinant ses planifications, en effectuant des retours sur son enseignement, en discutant avec lui de la gestion et de la prise en charge des élèves. Ils font des suggestions pour inciter l’étudiant à modifier certaines attitudes ou pratiques afin de l’aider à s’améliorer.

L’enseignant associé ne doit pas exercer un contrôle indu sur le stagiaire : si le stage se passe bien, il n’y a aucune raison pour que le maître associé impose sa façon de faire. Il doit savoir se mettre en retrait pour permettre au stagiaire de développer sa propre façon d’enseigner, même si son approche diffère de la sienne. En stage, l’étudiant travaille à la mise à l’essai de son propre modèle ainsi qu’à la structuration de son identité professionnelle. Conséquemment, il importe pour lui de pouvoir proposer sa couleur. Aussi l’enseignant associé assurera-t-il une présence tout en étant invisible. Si la chimie est au rendez-vous et que le climat est favorable, le stage sera une réussite.

Certains laissent une grande marge de manoeuvre au stagiaire. Même si ce dernier fait preuve d’autonomie et d’assurance, il est moins expérimenté que l’enseignant associé, que ce dernier soit spécialiste ou non. Les stages sont des moments déterminants pour l’étudiant qui doit mobiliser et combiner les ressources qui témoignent du degré de maîtrise des compétences qu’il a développées au cours de sa formation. Cette maîtrise peut différer avec l’expérience, mais aussi selon sa progression dans la séquence de formation. Pour chacun des stages, l’étudiant est placé en situation d’en poursuivre le développement. Ce cheminement se fait sur un continuum de plusieurs années, et du premier au quatrième stage, les attentes et les exigences diffèrent. Bien que des enseignants traitent parfois les stagiaires comme des collègues ou des amis, ce type de liens peut nuire à la relation et entraîne souvent de la confusion. La relation peut également être inversée lorsque l’enseignant associé n’est pas un spécialiste[9] en art dramatique et qu’il se retire en laissant toute la place au stagiaire qui devient l’expert de la discipline. Ce renversement de pouvoir n’est pas nécessairement sain puisque le stagiaire en est très souvent à ses premières armes en enseignement.

Pour les enseignants, l’accueil de stagiaires permet de se questionner ou de remettre en question leurs pratiques; ils passent beaucoup de temps à discuter et à réfléchir sur la profession, ce qu’apprécient les étudiants. Son expérience et ses conseils sur le terrain m’ont permis d’améliorer ma pratique enseignante; il a su exactement cibler mes forces et mes faiblesses; [identifier] mes besoins et me guider adéquatement.

Attitudes

Selon Gordon Willard Allport, l’attitude est un état mental qui précède et guide l’action; elle exerce une influence sur le comportement de la personne (Allport, cité dans Raynald et Rieunier, 2007 : 45). En ce qui a trait au développement des compétences professionnelles, les attitudes ayant été le plus souvent citées par l’ensemble des répondants sont l’ouverture, l’engagement, le respect, l’écoute et la créativité.

Enfin, il semble que le fait d’étudier avec la même cohorte favorise également le développement d’attitudes et d’habiletés sociales. Selon les étudiants, cette situation les prépare à l’exercice d’un métier où la capacité à établir des relations est essentielle. D’autres attitudes comme l’humour, être positif, l’empathie, la débrouillardise, la persévérance, l’organisation et la rigueur sont apparues en filigrane des réponses.

Ouverture, curiosité et réceptivité

Pour développer des compétences, les formateurs pensent que les étudiants doivent faire preuve d’ouverture. C’est-à-dire être ouvert à soi, aux autres, aux expériences proposées avant de faire certains choix. Il importe de s’ouvrir aux diverses modalités de création présentées et de faire l’essai de pratiques et d’approches diversifiées qui obligent parfois à sortir de sa zone de confort.

L’ouverture se rapporte autant aux étudiants qu’aux formateurs. Elle aide ces derniers à mieux connaître les étudiants, en étant attentifs à leurs demandes et à leurs besoins. L’ouverture est souvent associée à la curiosité et à la réceptivité. Certains privilégient la curiosité intellectuelle en proposant des activités où l’étudiant doit faire des lectures, chercher des informations, les sélectionner, les structurer. Dans la foulée, un professeur encourage aussi le plaisir de la découverte en proposant des rencontres entre les étudiants et les artistes. Enfin, les étudiants devraient être réceptifs à la rétroaction menée dans une perspective constructive. S’ils ne sont pas ouverts ou réceptifs aux commentaires, ils ne chercheront pas à s’améliorer ni à innover.

Pour les enseignants, l’ouverture est associée à la capacité de s’adapter à la culture et à la réalité des jeunes, d’ajuster les tâches et les attentes, de penser à faire de la différenciation pédagogique, etc. Il s’agit de faire preuve de curiosité face à ce que les élèves consomment en matière d’art, en explorant les questions qu’ils se posent à propos du théâtre.

Pour les étudiants, faire preuve d’ouverture contribue à progresser au regard des réactions et de la rétroaction reçues. Être ouvert d’esprit face aux élèves, c’est faire preuve d’accessibilité et cela favorise les échanges. L’ouverture favorise un climat où chacun se sent libre de s’exprimer à sa manière.

Engagement

François Guillemette définit l’engagement comme 

[u]n investissement personnel consentant, volontaire, conscient et décidé ou un attachement profond. L’engagement montre qu’une personne croit à l’importance d’un objet ou d’une personne à laquelle elle est liée et il garantit la réalisation d’une tâche dans laquelle cette personne s’était engagée. [Selon Kiesler (1971)], seuls les actes engagent les individus

Kiesler, cité dans Lafortune, 2008a : 185

Dans le développement des compétences professionnelles, l’engagement est lié à différents contextes : le travail de création, la relation pédagogique avec les élèves, le travail d’équipe ou les activités qui nécessitent la collaboration entre collègues. Les étudiants évoquent aussi la nécessité d’être engagés dans leur processus d’apprentissage afin de trouver la motivation intrinsèque à leur formation professionnelle.

Respect

Il y a, d’une part, le respect des différences […] dans des activités nécessitant la créativité, la collaboration, et d’autre part, la qualité de la relation qui prévaut entre l’étudiant et les personnes qui le forment. Les enseignants associés s’attendent à ce que les stagiaires fassent preuve de respect envers l’expérience et l’expertise qu’ils ont du milieu scolaire. Ils ajoutent que les étudiants et les enseignants associés ne sont pas au même point dans leur cheminement professionnel, mais tous s’accordent pour dire que le respect doit être manifeste et réciproque.

Écoute

Plusieurs formateurs nomment cette attitude comme étant une disposition associée à l’action du professeur : être à l’écoute, de soi, des autres, des jeunes, etc. Un formateur ajoute que nous vivons actuellement dans un monde où les relations humaines sont fragilisées par la distance inhumaine entre les gens, par la violence cachée et par le manque d’espoir. On doit rester très attentif au développement personnel de nos étudiants. Selon bon nombre de répondants, être à l’écoute des jeunes, c’est prendre le temps de les observer, d’être ouvert à leurs propositions, de connaître leurs intérêts et leurs besoins afin d’améliorer son intervention et de proposer des choix adaptés et signifiants.

Créativité

En éducation artistique, la créativité devrait faire l’objet d’une réflexion. La créativité pédagogique a également été identifiée par les répondants. Il s’agit de la créativité déployée par l’enseignant lorsqu’il planifie ses cours, trouve ses repères culturels, élabore des propositions inspirantes, varie ses approches pédagogiques et sa manière d’évaluer les élèves, etc. Bref, tout ce qu’il met en oeuvre pour conjurer la citation de Perrenoud qui dit que l’enseignement est un métier impossible. Pour les enseignants, il importe de suivre son instinct créatif, mais aussi de faire des propositions qui stimulent la créativité des élèves. Des propositions posant de réels défis comme un saut en parachute ou qui amènent les élèves à réfléchir, à voir [et à faire] les choses autrement.

Pour conclure, à travers les moyens, les stratégies et les attitudes ciblés par les répondants, certaines conditions favorables à l’accompagnement du développement de compétences professionnelles ressortent du lot telles que mettre en place un environnement ou un climat favorable à l’apprentissage ainsi que développer des liens et une relation de confiance.

L’établissement d’un environnement et d’un climat propices à l’apprentissage et au développement de compétences en art dramatique repose sur la créativité, la prise de risque, l’invention et le plaisir du jeu. L’instauration d’un lien de confiance et la capacité à établir une relation y contribuent également, car l’étudiant doit être à l’aise de discuter avec ses formateurs. Si la confiance est mutuelle, elle favorisera les apprentissages. En stage, la relation établie avec l’enseignant associé est très importante; en l’accueillant dans sa classe, ce dernier développe rapidement un lien de proximité avec le stagiaire. Enfin, deux autres conditions ont été identifiées par les formateurs comme étant favorables au développement des compétences professionnelles à l’enseignement de l’art dramatique : l’approche programme et la formation destinée aux superviseurs et aux enseignants associés pour accompagner les étudiants en stage.

Les données recueillies dans le cadre de cette recherche exploratoire auront permis l’identification et l’illustration de moyens, de stratégies et d’attitudes qui sont privilégiés dans l’accompagnement du développement des compétences professionnelles à l’enseignement. Même s’ils ont été examinés dans l’optique de l’art dramatique, ces éléments sont facilement transposables à l’enseignement d’une autre discipline artistique. Nous pourrions observer et préciser davantage « en quoi » et « comment » ces éléments contribuent à l’établissement d’un dialogue professionnalisant avec les futurs enseignants, cela soit en observant des formateurs, soit en les amenant à faire des récits de pratique. Ce suivi ferait probablement émerger de nouveaux moyens ou d’autres stratégies qui n’auraient peut-être pas été ciblés par les formateurs parce que ces derniers ont mis de l’avant ceux qui, à leurs yeux, contribuaient le plus au développement en question. En attendant la suite, ces résultats apportent un certain éclairage à la formation des spécialistes en arts et nous souhaitons qu’ils favorisent une diversification des pratiques.