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I. EXPOSÉ

1. Le propos et sa mise en oeuvre

U.C. von Wahlde soutient que l’Évangile de Jean, dans sa forme actuelle, manque de cohérence et présente de nombreuses contradictions, ce qui laisse supposer qu’il est le résultat d’un long processus d’édition. L’interprétation de ce texte ne pourra donc être complète tant qu’on n’aura pas clairement identifié les différentes étapes de sa composition. Ainsi, après J. Wellhausen (1908), E. Hirsch (1936), R. Bultmann (1941-1966 ; trad. angl. 1970), R. Schnackenburg (1965, 1971, 1975 ; trad. angl. 1982), R.E. Brown (1966, 1970), M.-E. Boismard, A. Lamouille (1977), R.T. Fortna (1970, 1988), H.M. Teeple (1974) et plusieurs autres dont, récemment, J. Zumstein (2007, 2014), F. Siegert (2008) et M. Theobald (2009), von Wahlde propose son hypothèse concernant la genèse de l’Évangile de Jean : l’oeuvre serait le résultat de trois éditions relevant chacune de trois mains différentes. À l’aide de cette nouvelle hypothèse, l’auteur pense qu’il est possible de comprendre la composition de l’Évangile de même que sa relation à la Première Épître avec une clarté non encore atteinte jusqu’à présent (p. 2). Une fois identifié le matériau de chacune des éditions, il devient possible d’en déterminer avec une précision considérable l’orientation théologique (p. 3) et de distinguer les différentes étapes du développement de la théologie johannique d’une façon qui n’a jamais été possible auparavant (p. 5). Le projet est ambitieux et la mise en oeuvre imposante : trois volumes totalisant plus de deux milles pages !

Le premier volume (705 p.), s’ouvre sur une introduction qui définit l’approche utilisée, expose l’organisation de l’ouvrage et brosse un aperçu de l’histoire de la communauté johannique. Les trois parties suivantes décrivent de façon très minutieuse, à l’aide de critères d’ordre linguistique, narratif et théologique, chacune des trois strates ou éditions. La quatrième partie présente une synthèse du développement de la théologie johannique regroupée sous onze chefs. La cinquième et dernière partie donne le texte de l’Évangile ainsi que des trois Épîtres dans une nouvelle traduction de l’auteur. Différents caractères typographiques identifient chacune des éditions de l’Évangile. Suit une abondante bibliographie sur l’Évangile et les trois Épîtres. Un index des sujets, des passages scripturaires et de la littérature ancienne clôt ce premier volume.

Le second volume (plus de 900 p. !) est consacré au commentaire de l’Évangile. L’auteur présente d’abord le texte de l’unité littéraire sous étude, chaque strate éditoriale étant identifiée à l’aide de caractères typographiques. L’analyse débute par des notes exégétiques sur un ou plusieurs termes ou expressions ; suivent les explications sur la composition, c’est-à-dire les raisons qui amènent l’auteur à attribuer tel verset ou telle partie de verset à une édition déterminée. Après ce travail d’identification des strates, vient l’interprétation du texte à partir de l’édition la plus ancienne en remontant jusqu’au texte actuel, ce que l’auteur appelle un commentaire génétique (p. 34). L’analyse se termine par quelques réflexions sur le rôle de l’unité littéraire dans l’ensemble de l’Évangile. Le volume comporte des index des auteurs cités, des passages scripturaires et de la littérature ancienne.

Le troisième volume, dédié aux trois Épîtres, s’ouvre sur une introduction générale qui donne un aperçu de la crise qui a divisé la communauté johannique au temps de la Première Épître, traite ensuite de la question des auteurs, de la date et du lieu de composition. Le commentaire de chacune des Épîtres est présenté selon un modèle commun : d’abord le texte dans une traduction de l’auteur, des notes détaillées et enfin l’interprétation, qui inclut souvent des subdivisions discutant des questions de structure ou de techniques littéraires. S’ajoutent neuf appendices sur des questions concernant l’Évangile et les Épîtres ainsi que des index de même type que ceux du deuxième volume.

2. La méthodologie

Dans le chapitre d’introduction du premier volume l’auteur précise son approche et présente un exposé détaillé de sa méthodologie. L’essentiel de son investigation dans la recherche des étapes de la tradition johannique s’appuie sur deux tâches principales : 1) la détection des sutures littéraires et 2) l’identification du matériau de chacune des éditions à l’aide de critères précis et objectifs.

2.1. Les sutures littéraires

Comme ses prédécesseurs, von Wahlde débute son investigation par l’examen des apories. L’Évangile, en effet, contient beaucoup d’exemples de séquences narratives difficiles, de doublets, de contrastes dans la théologie, de variations dans le langage, de contradictions et de variétés de points de vue. Toutes ces difficultés constituent ce qu’on appelle les apories[1]. Elles résultent d’un travail d’édition et permettent de détecter les sutures entre les différentes strates dans le matériau de l’Évangile. Les plus évidentes, selon l’auteur, sont celles qui brisent la logique de la séquence narrative, par exemple, en Jean 10,7-13, Jésus est présenté à la fois comme le berger qui entre par la porte et comme la porte elle-même (p. 11-12).

Il existe d’autres indicateurs de sutures, dont la reprise, ce que la critique allemande a appelé la Wiederaufnahme[2] (angl. repetitive resumptive) : après avoir inséré une glose plus ou moins longue dans un texte déjà constitué, un auteur reprend le fil du récit interrompu à l’aide de mots ou d’expressions qui se trouvent dans le texte primitif. Exemples : 6,22-24 ; 6,49-50 ; 13,10-18. Ce type de reprise avec répétition peut parfois correspondre au procédé rhétorique de l’inclusion, mais associé à une aporie, le procédé devient clair. Certaines formules stéréotypées, telles que : « Ayant dit cela… (Tauta eipōn… ; variantes : toutoeipousa) » peuvent aussi en certains cas indiquer des reprises après une insertion (cf. 7,9 ; 9,6 ; 11,28.43 ; 13,21 ; 18,1.38 ; 20,14.20.22 ; 21,19), surtout dans des contextes où la transition est abrupte (cf. 7,9 ; 9,6 ; 11,28 ; 13,21 ; 18,38 ; 20,14.22).

2.2. Les critères choisis pour identifier le matériau de chacune des éditions

Après avoir identifié les sutures, c’est-à-dire les endroits où commence et se termine une édition, il faut préciser l’identité des matériaux, récits ou discours appartenant à l’une ou l’autre édition, décider qu’un texte appartient à une édition plutôt qu’à une autre. Celles-ci sont déterminées par un ensemble de traits caractéristiques qui servent de critères ; ils sont regroupés sous trois ordres. 1) Terminologique (traits linguistiques), par exemple les termes ou expressions désignant les autorités religieuses ou encore les miracles. 2) Idéologique (l’orientation narrative) : chaque édition a sa façon de présenter les événements, ses présupposés idéologiques qui se reflètent dans le texte. Par exemple, dans la première édition, le peuple discute librement avec les autorités religieuses, alors que dans la seconde, le peuple craint « les Juifs ». 3) Théologique, c’est-à-dire les caractéristiques qui concernent le message religieux. Toutefois, pour éviter la subjectivité, ce critère doit être associé aux précédents. V. Wahlde conclut son exposé sur ce point en mentionnant que, par le passé, la difficulté d’établir des critères adéquats a été le facteur déterminant qui a bloqué le progrès dans l’analyse de la composition du quatrième évangile et que c’est par la découverte et la clarification des traits caractéristiques pour chaque édition que la présente étude espère apporter sa principale contribution (p. 27).

3. Identifier le matériau des deux premières éditions

3.1. Le point de départ

Les deux premières éditions sont identifiées en premier lieu par ce qui est, selon l’auteur, un des traits caractéristiques parmi les plus frappants de l’Évangile de Jean, à savoir la présence de deux ensembles de termes ou expressions pour désigner les autorités religieuses : 1) les termes Pharisaioi (Pharisiens), archiereis (grands prêtres), archontes (autorités, chefs, notables), termes spécifiques et exacts historiquement, caractérisent la première édition ; 2) l’expression hoi Ioudaioi (« les Juifs »), historiquement anachronique en ce sens, est propre à la deuxième édition. Il ajoute : bien que ce ne soit pas la première étude à reconnaître la présence de deux groupes de termes pour désigner les autorités religieuses (cf. Wellhausen), c’est cependant la première à l’utiliser comme fondement pour une analyse complète de l’Évangile. De plus, une des avancées de la présente étude est de reconnaître que le terme Ioudaioi prend une variété de significations dans l’Évangile et que toutes les occurrences ne se réfèrent pas aux autorités religieuses. En conséquence, il est nécessaire d’identifier de façon critique les emplois qui désignent les autorités religieuses, parce que ce sont seulement ces emplois qui caractérisent la deuxième édition de l’Évangile (p. 27).

Lorsqu’on a repéré ces deux groupes de termes de façon critique, on découvre qu’on est en présence de traits caractéristiques distribués tellement abondamment dans tout l’Évangile que, lorsqu’ils sont associés à la présence d’apories et de marqueurs littéraires indiquant les sutures, ils fournissent un point de départ approprié pour identifier le noyau de chacune des deux premières éditions.

3.2. Autres traits caractéristiques qui se présentent de façon constante dans ces deux corps de matériaux

Une fois ces deux blocs de matériaux identifiés sur la base des termes utilisés pour désigner les autorités religieuses, il devient aussitôt évident que d’autres traits caractéristiques se présentent de façon constante en chacun des groupes de matériaux. Par exemple, le terme signe (sēmeion) pour désigner les miracles de Jésus est associé avec les termes Pharisiens, grands prêtres et autorités. D’autre part, dans les passages qui utilisent l’expression les Juifs pour désigner les autorités religieuses, c’est le terme oeuvre (ergon) qui est employé. Cependant ce terme reçoit trois sens et un seul désigne les miracles. À ces traits spécifiques d’ordre linguistique s’en ajoutent d’autres d’ordre narratif et théologique.

D’ordre narratif ou idéologique. Dans la première édition, on fait constamment référence à la quantité et à la qualité des signes de Jésus (cf. 7,31), ce qui n’est pas le cas dans la deuxième édition. Dans la première édition l’hostilité des autorités religieuses s’accroît tout au long de l’Évangile, depuis le début du ministère de Jésus (2,4) jusqu’à la décision du sanhédrin de le mettre à mort (11,45-54), alors que dans la deuxième, les Juifs montrent le même degré d’intense hostilité du début jusqu’à la fin du ministère. Dans la première édition, le peuple s’oppose régulièrement à la volonté ou à l’action des autorités. Par exemple, en 7,45-49, la police du Temple n’arrête pas Jésus lors de la fête des Tabernacles, comme l’ont commandé les Pharisiens et les chefs des prêtres et en 9,24-34, l’aveugle-né discute de l’identité de Jésus avec les Pharisiens. Par contre, dans la deuxième édition, on parle constamment de « la crainte des Juifs », on n’ose pas parler « par crainte des Juifs ». Ce sont des traits constants en chacune de ces éditions.

D’ordre théologique. Dans la première édition, plusieurs affirmations soulignent que la foi s’est répandue dans divers secteurs de la société, que cette foi est entièrement fondée sur les signes, qu’elle en découle naturellement. Dans la deuxième édition, la foi est comprise comme la réponse aux témoins. Ces témoins ce sont les miracles (maintenant appelés oeuvres), auxquels s’ajoutent Jean-Baptiste, les paroles de Jésus et l’Écriture. C’est une approche radicalement différente, mais fondée sur l’ancienne.

Dans la première édition, la christologie s’inscrit dans le cadre des catégories traditionnelles juives. Jésus est le Christ, Élie, le Prophète. On se demande s’il vient de Dieu ou non ? Dans la deuxième, les discussions se situent à un tout autre niveau et la question est constamment centrée sur la prétention de Jésus à avoir Dieu pour Père et à être l’égal de Dieu. Il est de plus constamment accusé de blasphème.

3.3. Cohérence et contraste

Lorsque les deux ensembles de matériaux, ont été identifiés grâce à leur emploi de termes différents pour désigner les autorités religieuses, il en résulte une liste imposante de traits, tant sur le plan de l’idéologie et de la théologie, qui apparaissent de façon cohérente dans un ensemble et non dans l’autre. Cette cohérence constitue un argument important en faveur de l’exactitude de l’analyse. Ce qui est encore plus significatif, c’est que des traits de la première édition contrastent avec des traits parallèles de la deuxième. Par exemple, le peuple ne montre pas la même crainte des autorités religieuses dans la première et dans la deuxième édition.

3.4. Extension du processus d’analyse à d’autres matériaux de la première et de la deuxième édition

Les traits caractéristiques de base, c’est-à-dire les différents termes pour désigner les autorités religieuses et les miracles de Jésus, n’apparaissent certes pas en chaque passage de l’Évangile. Mais une fois que des traits additionnels, d’ordre idéologique ou théologique, ont été identifiés comme étant caractéristiques d’une édition donnée, ils peuvent servir de critères pour étendre l’analyse à des passages où n’apparaissent pas les critères linguistiques de base. On peut de cette façon analyser le reste de l’Évangile.

4. Vue d’ensemble de la première édition[3]

On peut déjà donner une vue d’ensemble de la première édition en insistant sur les points les plus importants non déjà signalés. Sur le plan linguistique d’abord : l’expression hoi Ioudaioi désigne parfois les Judéens (cf. infra, n. 12). On explique aussi les coutumes et les fêtes juives. Des termes religieux apparaissant en hébreu sont ensuite traduits en grec, alors que des références géographiques apparaissant en grec sont ensuite traduites en hébreu.

Parmi les orientations narratives caractéristiques, notons les expressions stéréotypées pour décrire l’adhésion de foi. Celle-ci est souvent présentée comme une réaction en chaîne. Les miracles conduisent à la foi, plutôt qu’ils ne la supposent comme dans les Synoptiques. Jésus est le prophète semblable à Moïse et comme lui il accomplit des signes (Dt 18,15-18). La connaissance surnaturelle de Jésus fonctionne comme un signe. La puissance des signes va en ordre croissant jusqu’à la résurrection de Lazare. Ce dernier signe incite les autorités religieuses à condamner Jésus de peur que les Romains n’interviennent et détruisent le Temple (cf. 11,47-48).

La théologie se concentre sur les signes et la foi qu’elle suscite. Cette foi, acceptée par différents groupes de la société n’est pas présentée comme quelque chose de difficile. Seuls les Pharisiens, les chefs des prêtres et les autorités ne croient pas. La christologie reste au niveau de l’attente traditionnelle juive.

Une fois complétée l’analyse des matériaux de cette édition à l’aide des critères d’ordre linguistique, narratif et théologique, la configuration générale de l’édition apparaît, marquée par certains traits (features), qui cependant ne peuvent pas être considérés techniquement comme des critères. Ces traits concernent la séquence narrative du ministère : la rencontre avec Jean-Baptiste à Béthanie au-delà du Jourdain, l’appel des premiers disciples, le récit des miracles, de la passion, de la mort et de la rencontre avec les disciples après la résurrection. La structure de cette séquence est construite en fonction de la grandeur des signes, qui s’amplifie jusqu’à la résurrection de Lazare, en fonction aussi de la foi grandissante parmi le peuple et de l’incroyance des autorités religieuses, qui finalement décident de tuer Jésus. Cette structure apparaît encore, même si le deuxième auteur a inversé les chapitres 5 et 6. Un autre trait concerne la chronologie, qui diffère de celle des Synoptiques : on mentionne trois voyages à Jérusalem ; le dernier repas et la crucifixion se situent avant la Pâque. Cette édition mentionne en outre vingt références géographiques uniques à cet évangile et contient des détails qu’on ne rencontre nulle part ailleurs dans le Nouveau Testament. On n’y retrouve aucun des grands symboles typiques de la deuxième édition.

Pourtant une partie considérable de cette édition n’a pas été conservée. Cela se déduit du fait que la seconde édition répond de façon constante aux questions posées par la première édition et du fait que des thèmes importants pour une présentation complète de la personne de Jésus ne sont pas abordés. Les lacunes théologiques sont frappantes : aucune mention de l’Esprit et de l’eschatologie. Aucun enseignement significatif de Jésus, aucune règle d’éthique, aucune sotériologie significative. Est-ce dû au processus d’édition ou serait-ce que ces sujets n’ont jamais fait partie de cet évangile primitif ? Impossible de le savoir. Pourtant le matériel de la première édition contenu dans le c. 9, contient des discussions étendues au sujet de Jésus, ce qui indique que cette édition pourrait avoir été beaucoup plus longue que ce qui en reste maintenant.

Il y a peu à dire concernant la date de cette édition (vers 55-65 ?). On ne connaît ni l’identité de l’auteur ni le lieu de composition. On sait cependant que l’auteur était un juif possédant une familiarité considérable avec le ministère de Jésus et la Palestine.

5. Vue d’ensemble de la deuxième édition[4]

Sur le plan linguistique d’abord, on doit tenir compte du fait que l’expression les Juifs, qui désigne les autorités religieuses, peut aussi désigner les habitants de la Judée et l’ensemble de la nation comme groupe ethnique et religieux. De plus, en certains cas elle désigne un groupe de personnes distinct des autres Juifs, qui exerce des fonctions et soutient des opinions typiques de la tradition juive à l’encontre des vues de Jésus et de la communauté johannique. Le terme oeuvre (ergon) pour désigner les miracles de Jésus indique un changement de perspective. Ce terme désigne seulement un aspect de l’ensemble de l’oeuvre à accomplir commandée par le Père à son Fils, son envoyé. Par ailleurs, le terme signe, dans cette édition, prend un sens négatif (cf. 2,18 ; 6,30).

La perspective narrative change aussi. L’hostilité des autorités religieuses, qui présente la même intensité du début à la fin, reflète la situation de la communauté johannique à la fin du premier siècle. Il n’y a pas non plus de division parmi les autorités religieuses concernant Jésus. En constant dialogue avec Jésus, leurs objections représentent les objections typiques du judaïsme le concernant à la fin du premier siècle. Le peuple craint les autorités religieuses et celles-ci ne s’inquiètent pas de l’attitude du peuple envers Jésus.

En théologie, l’intérêt se concentre sur les revendications christologiques de Jésus plutôt que sur les miracles (christologie haute). Il est le Fils, envoyé par Dieu, son Père, pour accomplir « son oeuvre ». De cette façon il révèle la gloire de son Père et la sienne. La foi porte sur ces revendications concernant sa personne et se fonde sur les quatre témoins : les oeuvres qu’il accomplit, ses paroles, Jean-Baptiste, les Écritures. Jésus contrôle les événements. Il sait quand son heure est venue ; c’est l’heure fixée par le Père. On lui reproche de se faire l’égal de Dieu.

Jésus promet le don eschatologique de l’Esprit, symbolisé par l’eau. L’Esprit est principe de la vie éternelle et celle-ci est donnée au croyant dès la vie présente (eschatologie réalisée). Présenté comme une force intérieure, plutôt que comme une personne (troisième édition), il est au principe de la connaissance intérieure de Dieu et de sa volonté, d’où l’absence de règles éthiques. La purification du péché s’obtient par le don de l’Esprit.

La mort de Jésus n’est pas vue comme une expiation pour le péché, mais comme un départ nécessaire pour l’envoi de l’Esprit. Nés de l’Esprit, les croyants peuvent être appelés enfants de Dieu. D’un point de vue anthropologique, leur statut ressemble à celui de Jésus. Le rôle sotériologique de Jésus n’est pas mis en évidence.

La communauté ne possède pas de structure hiérarchique. C’est l’Esprit qui donne la vie et unit le croyant à Jésus et au Père. Il n’est donc pas nécessaire d’avoir des rites comme le baptême et l’eucharistie. On ne parle pas de résurrection corporelle. Les réalités matérielles n’ont pas de signification religieuse.

Parmi les traits caractéristiques qui apparaissent une fois l’analyse complétée, on relève un certain nombre d’anachronismes : l’emploi de l’expression les Juifs pour désigner les autorités religieuses. Cet usage reflète une période de l’histoire de la communauté, alors que les distinctions spécifiques n’avaient plus d’importance. L’emploi de l’expression aposynagōgos poiein (cf. 9,22 ; 12,42 ; 16,2) en est un autre exemple. On discute surtout de christologie haute, ce qui suppose une longue réflexion sous la mouvance de l’Esprit. C’est pourquoi le matériau de cette édition consiste davantage en discours et débats qu’en récits. Ces discussions théologiques ne nous informent pas sur le ministère historique de Jésus, mais plutôt sur les relations entre la synagogue et la communauté johannique à la fin du premier siècle.

L’auteur transforme la séquence narrative et impose un arrangement artificiel qui illustre les diverses réponses aux différents témoignages en faveur de Jésus. Il introduit la notion de malentendu et présente aussi plusieurs exemples d’argumentation à l’aide de procédés rabbiniques (cf. 5,17-18 ; 6,30-59 ; 7,22-24 ; 8,16b-18).

Continuité et discontinuité

La deuxième édition contraste avant tout avec la première, puisque cette édition ultérieure a dû prendre naissance à partir de la nécessité pour la communauté d’élargir la perspective exprimée dans l’édition précédente. En même temps, la nouvelle perspective de la communauté a dû se développer en dialogue avec la théologie de la version antérieure[5]. Il serait cependant faux de penser qu’il n’y a pas continuité entre les deux éditions. Il y a à la fois continuité et discontinuité. Ainsi la deuxième édition reprend la notion de foi suscitée par les signes qui était caractéristique de la première édition (continuité). Mais il y a discontinuité en ce sens que, tout en reprenant cette notion, la deuxième édition la situe dans un cadre plus large dans lequel la foi est comprise comme dépendant des quatre témoins déjà mentionnés. De plus, la seconde édition présente un point de vue théologique beaucoup plus élaboré que celui de la première édition.

Enfin, l’auteur de cette édition introduit des caractéristiques qui n’apparaissent pas dans la première édition, mais qui sont reprises par l’auteur de la troisième édition. On le verra, il y a continuité théologique aussi entre ces deux éditions, par exemple, la notion de gloire, la désignation de Jésus comme le Fils, comme l’envoyé. Ces notions sont introduites par la seconde édition, mais ne lui sont pas exclusives. La troisième édition nuance et clarifie la deuxième. Il y a à la fois continuité et discontinuité. Parmi les caractéristiques, certaines sont propres à la deuxième édition, d’autres sont communes à la deuxième et à la troisième.

Concernant l’auteur, la date (60-65 ?) et le lieu de composition, on ne peut rien dire de certain. À partir du texte on peut déduire que l’auteur était un Juif, au courant de la pensée juive traditionnelle de son époque, qui compose quelques années après la première édition.

6. La troisième édition

6.1. Identifier le matériau de la troisième édition : Apories et caractéristiques

Une fois précisé le matériau des deux premières éditions, le problème de l’Évangile n’est pas entièrement résolu. Il reste des apories et des vues théologiques distinctes, spécialement à l’intérieur du matériau identifié comme étant de la deuxième édition, mais aussi parfois à l’intérieur de celui de la première édition. Ce sont les indicateurs les plus sûrs qu’il y a eu processus d’édition. C’est aussi à ces endroits que les sutures éditoriales se situent.

En plus des marqueurs linguistiques et idéologiques, il y a des caractéristiques largement présentes dans cette édition qui n’apparaissent pas ailleurs. Celles-ci se rencontrent si fréquemment et se chevauchent de façon tellement constante que leur utilisation comme critère fiable est assurée et permet d’étendre l’analyse à l’ensemble de l’Évangile.

6.2. Continuité et discontinuité des traits caractéristiques dans la troisième édition

L’aspect continuité-discontinuité vaut aussi pour la relation entre la deuxième et la troisième édition. Plusieurs traits introduits par le deuxième auteur sont repris par le troisième (par exemple, la relation Dieu/Père-Jésus/Fils, les notions d’Esprit, vie éternelle, témoin, gloire, etc.). Il en est ainsi précisément parce qu’il y a eu continuité de la tradition théologique dans la communauté dans la période entre la deuxième et la troisième édition, mais en même temps désaccord, ce qui a conduit à la composition de la Première Épître de Jean et éventuellement à la clarification théologique contenue dans la troisième édition. Conséquemment, lorsqu’on parlera des traits de la deuxième édition, on parlera de traits introduits par le deuxième auteur, plutôt que de traits uniques à cet écrit. De tels traits sont en contraste (parfois de façon radicale) avec ceux de la première édition, mais ne contrasteront pas de la même façon avec ceux de la troisième.

6.3. Mélange de termes provenant de différentes strates[6]

Il faut distinguer cohérence et exclusivité. Alors qu’en certains cas tous les exemples d’un trait caractéristique sont identifiés à une édition donnée, il est clair qu’en un certain nombre de cas le mélange des caractéristiques est un trait propre de la troisième édition. Il ne s’agit pas d’un deus ex machina dans le but de rendre compte d’un défaut dans les critères. C’est un trait cohérent de la troisième édition, spécialement à l’intérieur des sutures littéraires entre des corps de matériaux.

Un exemple de ce mélange est particulièrement frappant. À mesure qu’on se familiarise avec le visage de l’Évangile, il devient évident que le troisième auteur n’a pas adopté de terminologie distinctive pour désigner les autorités religieuses et a adopté celle qui est apparue dans le texte juste auparavant. Parmi les exemples marquants, l’auteur mentionne l’emploi de Ioudaioi en 6,51-58 et de Pharisaioi en 8,13[7].

6.4. Vue d’ensemble de la troisième édition[8]

L’analyse de la troisième édition doit tenir compte de la crise qui a secoué la communauté johannique et que rapporte la Première Épître (1 Jn). Cet écrit représente un stade de développement de la tradition johannique plus tardif que celui de la deuxième édition et antérieur à la troisième. Cette crise concerne la tradition johannique telle que présentée dans la deuxième édition de l’Évangile. Les opposants soutiennent une interprétation semblable à celle de la deuxième édition, alors que l’auteur de 1 Jn veut démontrer que leur interprétation doit être corrigée et nuancée. La troisième édition de l’Évangile présuppose l’existence de 1 Jn, mais va au-delà sur plusieurs aspects de la tradition johannique. C’est pourquoi le matériau de cette édition consiste en additions plus ou moins longues sur le matériau existant. Il s’agit de clarifier l’Évangile en accord avec les vues de 1 Jn et d’aborder des sujets importants au-delà de cette lettre. Cependant l’étude des caractéristiques de cette édition part de l’analyse littéraire du texte même de l’Évangile et doit tenir compte de la deuxième édition.

Parmi les caractéristiques linguistiques on note le terme kyrios, utilisé dans son sens religieux pour parler de Jésus, malgré le fait qu’ailleurs dans l’Évangile il soit utilisé dans son sens séculier de Maître, forme d’adresse respectueuse. Autres exemples : l’emploi du terme adelphos (frère), pour désigner des coreligionnaires, plutôt que des parents, les Douze pour désigner les apôtres, enfants, petits-enfants à propos des croyants, le titre Jésus-Christ, le terme commandement (entolè) utilisé en un sens théologique pour désigner le ministère donné à Jésus par le Père, au lieu du terme oeuvre (ergon). L’auteur n’a pas de terme distinctif pour désigner les autorités religieuses ; il utilise n’importe quel terme utilisé plus récemment.

Cependant, dans la troisième édition, les marques linguistiques ne sont pas suffisamment représentées pour servir de fondement à l’analyse. C’est plutôt une caractéristique idéologique, la vision apocalyptique du monde, aussi adoptée par l’auteur de 1 Jn, qui est la plus apte à servir de fondement à l’analyse. Cette vision du monde trouve ses plus proches parallèles dans la Règle de la Communauté de Qumran et dans les Testaments des Douze Patriarches. Comme caractéristiques de cette vision on retrouve le titre Fils de l’homme et l’expression Royaume de Dieu, une symbolique dualiste (lumière/ténèbres), les expressions « Esprit de vérité/Esprit de mensonge », « connaître la vérité », « fils de…, appartenir à…, faire les oeuvres de… ». L’amour mutuel est exprimé de façon sectaire et on traite de la seconde venue de Jésus, du jugement final de condamnation et de la colère de Dieu.

L’auteur de cette édition réinterprète la théologie propre à l’auteur de la deuxième édition, surtout en ce qui concerne la christologie : Jésus est préexistant, est descendu du ciel et doit y retourner après sa mort ; sa filiation est unique, il a reçu l’Esprit sans mesure et peut dire « Je suis ». Son statut est clairement défini par rapport à celui des croyants. Présenté comme la Lumière du monde, son ministère public s’accomplit pendant un jour de douze heures, alors qu’il subit sa Passion de nuit. Sa mort n’est pas seulement un départ ; elle est essentielle, salvifique et expie le péché.

La notion d’Esprit est interprétée dans un contexte apocalyptique, non dans celui du contraste chair/esprit. Il faut posséder l’Esprit de vérité, l’Esprit Saint, le Paraclet, qui rapporte les paroles de Jésus (14,16-17.26 ; 15,26 ; 16,7-11 ; 16,12-15). Le croyant qui possède l’Esprit est encore capable de pécher et doit se conformer au commandement de l’amour mutuel. Les croyants sont responsables de leurs actions et devront subir le jugement dernier. La vie éternelle sera octroyée définitivement lors de la résurrection des corps.

En matière de foi, cette édition maintient la notion de témoin, mais en ajoute deux : l’Esprit de vérité et les disciples. Le contenu de la foi se base sur les paroles historiques de Jésus ; celles-ci confèrent la vraie connaissance de Dieu. La mort sanglante de Jésus est essentielle pour avoir la vie. On affirme la résurrection des corps et l’importance des rites physiques comme le baptême et l’eucharistie.

En ecclésiologie, l’auteur se démarque des stades antérieurs de la tradition. Le Disciple Bien-aimé joue un rôle important comme témoin de la tradition. En même temps, la communauté reconnaît le rôle de Pierre. L’auteur cherche à s’harmoniser avec la tradition pétrinienne et avec la Grande Église. Il ajuste la tradition johannique à celle des Synoptiques, ce qui parfois peut amener de la confusion par rapport à des éléments antérieurs de l’Évangile.

La séparation d’avec la synagogue est effective. On peut situer entre 95 et 117 la date de cette édition, mais après 1 Jn.

La discussion sur l’auteur de la troisième édition implique la figure du Disciple Bien-aimé. Celui-ci est un personnage historique et s’identifie comme l’Ancien en 2-3 Jn. Au temps de la troisième édition, il est décédé et reçoit de la communauté le titre de Disciple Bien-aimé. Mais alors que l’Ancien peut être l’auteur de 1 Jn, il n’est pas l’auteur de la troisième édition, même si le but de la troisième édition est d’enchâsser ses vues dans la tradition évangélique. On ne connaît pas l’identité de l’auteur de cette édition. Enfin certains indices amènent à penser que la forme finale de l’Évangile a vu le jour à Éphèse ou près d’Éphèse.

Au total l’auteur propose 28 critères et traits pour identifier le matériau de la première édition, 34 pour la seconde et 57 pour la troisième. En tout 119. Cette liste inclut les traits (features) ou caractéristiques qui n’apparaissent qu’une fois l’analyse complétée, mais ne sont pas considérés techniquement comme des critères[9].

Puisque les critères sont les pierres de fondation sur lesquelles s’appuie l’identification des matériaux, il est important que leur justesse et leur validité soient bien établies. D’où l’arrangement du premier volume de cette étude. Dans le volume 1, les critères et traits caractéristiques sont exposés et tous les exemples sont rassemblés de façon à ce que le lecteur puisse les examiner et se rendre compte de la cohérence de leur emploi. Une telle vue d’ensemble est impossible quand ces éléments sont étudiés individuellement dans leur contexte à l’intérieur de l’Évangile. Dans le volume 2 (le Commentaire), le lecteur pourra voir comment ils apparaissent dans leur contexte et comment ils se chevauchent les uns les autres, confirmant ainsi la justesse de l’analyse grâce à leur fréquence. En même temps, au moyen du commentaire génétique, le lecteur sera capable de voir comment une édition se construit à partir de la précédente et la complète (p. 34).

Enfin, à la p. 31, n. 71, l’auteur fait une remarque importante : il faut analyser l’ensemble du corpus. C’est alors qu’on pourra juger : 1) si les critères se présentent de façon constante ; 2) si le corpus de matériaux qui en résulte montre une orientation théologique cohérente ; 3) si ces corpus de matériaux se développent les uns par rapport aux autres et fournissent une théorie de développement plausible et cohérente avec ce qui est connu des autres secteurs de la chrétienté primitive.

II. CRITIQUE

Cette oeuvre monumentale incorpore la recherche de toute une vie et manifeste une familiarité peu commune avec l’Évangile de Jean[10]. Travail complexe, mais qui s’appuie sur un exposé très clair, une définition précise de la méthodologie ainsi qu’une disposition bien ordonnée des matériaux. Qu’on soit d’accord ou non avec l’auteur concernant cette façon d’aborder le texte de Jean, on doit reconnaître le sérieux et la rigueur de sa démarche. Une telle entreprise appelle au dialogue des méthodes et à la confrontation des conclusions.

Dans son exposé méthodologique l’auteur signale que sa recherche débute par l’observation des apories, des reprises (Wideraufnahme) et de certaines formules stéréotypées, autant d’indices qui signalent les sutures entre les strates. L’attribution de ces strates à l’une ou l’autre édition se fait ensuite à l’aide de critères d’ordre terminologique, idéologique ou théologique. Il n’est certes pas question ici d’entreprendre une critique systématique de chacun des 119 critères ou traits établis par l’auteur. Nous limiterons notre examen critique de l’hypothèse de l’auteur à deux points importants : 1) le critère que l’auteur juge fondamental pour sa recherche ; 2) le type d’exégèse qu’il met en oeuvre à partir des conclusions de son hypothèse rédactionnelle, c’est-à-dire « l’exégèse génétique ».

1. Le critère fondamental

Selon v. W., l’Évangile de Jean utilise deux catégories de termes pour désigner les autorités religieuses : d’un côté les termes « Pharisiens », « chefs des prêtres » (archiereis) et « notables » (archontes), et de l’autre, l’expression « les Juifs » (hoi Ioudaioi). Cette expression serait un anachronisme en ce sens au temps de Jésus et relèverait d’une couche ultérieure de la tradition. L’auteur serait le premier à faire de ce critère d’ordre terminologique le fondement d’une analyse complète de l’évangile et surtout à montrer que l’adjectif grec Ioudaios, utilisé à 71 reprises en Jean, peut selon les contextes revêtir trois sens : 1) le sens régional, pour désigner les habitants de la Judée, les Judéens[11], sens limité à la première édition ; 2) le sens ethnique, qui identifie la nation juive dans son ensemble comme groupe politique et religieux — on le traduit en français par « Juif [12] » ; 3) le sens hostile, proprement johannique et typique de la deuxième édition[13].

En ce dernier cas, l’expression réfère à un groupe de personnes qui exerce des fonctions et présente des positions typiques de la tradition juive à l’encontre de Jésus et de la communauté johannique. Elle reflète la situation d’une communauté judéo-chrétienne cherchant encore à pratiquer sa foi en Jésus le Messie, vers la fin du ier siècle, dans le cadre de la synagogue, mais d’où elle a été exclue officiellement[14]. Cette façon de parler montre donc que l’auteur de la deuxième édition prend ses distances, parle à la façon d’un « outsider » et d’après le portrait dressé par Jean, ce groupe devait être situé en Judée. Cependant, même si cette contrée a été le lieu premier de cette hostilité, ces « Juifs » doivent être distingués des autres « Juifs ». Il s’agit ici avant tout de l’hostilité des autorités synagogales « juives ».

Certes, la question des Ioudaioi dans le quatrième évangile a déjà été abondamment traitée[15] et, comme l’a souligné J. Ashton, la question doit être considérée sous deux aspects différents, celui du référent historique et celui du sens ou de la fonction, c’est-à-dire le rôle joué dans le récit johannique par les personnes que désigne l’expression[16]. Le point en cause ici concerne le référent historique : qui sont les Ioudaioi ? Quels groupes de personnes englobe l’expression ? L’ensemble de la nation ? Les seuls Judéens ? Les autorités religieuses ? Son emploi est-il anachronique au temps de Jésus ?

Dans son article de synthèse couvrant les années 1983-1998[17], von Wahlde cite Ashton à propos des Ioudaioi : « […] ce sont les autorités juives (ou judéennes) et non le peuple de Jérusalem ou de la Judée, encore moins la nation juive dans son ensemble. Ce sont simplement les gens qui ont pouvoir et influence et s’autorisent à parler au nom de tous[18] ». Il ne mentionne cependant pas que pour Ashton cette solution prête flanc à la critique : le mot utilisé par l’évangéliste, quel que soit son référent immédiat, n’est pas la plupart du temps ‘autorités’ (archontes), ni même ‘chefs des prêtres’ ou ‘Pharisiens’, bien que ces termes lui soient familiers et qu’il les utilise de temps en temps, mais l’expression hoi Ioudaioi, expression qui semblerait désigner la nation tout entière[19]. Pour von Wahlde, l’emploi de l’expression pour désigner les autorités religieuses serait un anachronisme au temps du ministère de Jésus. Mais Ashton propose une autre solution. Après avoir éliminé également la proposition de Malcolm Lowe de traduire toutes les occurrences par « Judéen[20] », il suggère que l’expression renvoie plutôt à un groupe religieux particulier — non identifiable tout simplement avec les Pharisiens[21]. Il cite ensuite Flavius Josèphe pour qui le terme ’Ιουδαῖοι, qui dérive de la tribu de Juda, aurait été appliqué aux rapatriés de Babylone qui s’étaient regroupés dans le territoire de Juda autour du Temple, plutôt qu’à ceux qui étaient restés sur place[22]. En outre, selon Esdras (6,21), la Pâque observée pour célébrer la fin de l’exil fut réservée aux rapatriés et à ceux qui s’étaient séparés de l’impureté des « gens du pays » (‘am-ha-aretz). Les gens des régions du sud qui n’étaient pas allés en exil s’attirèrent la désapprobation du groupe des Ioudaioi[23] et ceux-ci finirent par constituer un parti puissant caractérisé par un conservatisme strict et une observance rigide de la Loi, contrairement aux autres régions qui sous l’influence de l’hellénisme manifestaient une plus grande flexibilité. Ashton ajoute qu’au temps de Jésus, le judaïsme était devenu une jungle avec ses nombreux partis et les administrateurs corrompus s’étaient attiré l’hostilité de plusieurs dissidents. À la fin du premier siècle, après la destruction du Temple, les Prêtres se regroupèrent avec les Pharisiens. Mais ceux qui ont encouru l’hostilité du quatrième évangéliste ne furent en aucun cas tous ou quelques-uns des nombreux dissidents encore en marge de ce qui deviendra le judaïsme orthodoxe, encore moins la race juive et la nation en son entier, mais ceux qui après la débâcle de 70 réussirent à prendre les rênes du pouvoir en mains propres[24].

Dans un article important, D. Boyarin a repris la question du référent historique des Ioudaioi[25]. Il signale d’abord que le terme ne signifie pas ce que nous désignons aujourd’hui par le terme « Juif » et qu’il n’est pas non plus coextensif au terme « Israélite ». Pour interpréter correctement l’expression hoi Ioudaioi en Jn, il faut tenir compte du fait que l’expression désigne à la fois 1) des habitants de Judée, 2) un groupe religieux particulier, 3) ce groupe ayant des adhérents hors de Judée. Ces trois aspects combinés peuvent fonctionner comme une clé herméneutique pour l’analyse de l’Évangile de Jean.

Pour retracer l’origine des Ioudaioi, Boyarin cite l’historien biblique Shemaryahu Talmon qui situe l’émergence du judaïsme à l’époque de l’exil, dans le groupe des Judéens déportés à Babylone[26]. Leur concentration en des lieux précis leur permit de maintenir leur identité et de développer leurs traditions selon des façons et dans des directions qui n’étaient pas partagées par les autres compatriotes laissés par les conquérants dans la province babylonienne de Juda (Yehud)[27]. Revenus en Judée au temps d’Esdras et de Néhémie, les exilés constituèrent un groupe religieux particulier, attaché au Temple de Jérusalem, soucieux de pureté rituelle, ayant leur propre interprétation de la Loi. Le nom donné aux citoyens de ce petit État regroupé autour du Temple a dû être naturellement « Fils de Juda » ou « Yahudim » (Ioudaioi)[28]. Ils se considéraient comme « le Reste juste », la « semence sainte » et à ce titre, s’estimaient supérieurs aux « gens du pays » (‘am-ha-haretz), qui n’étaient pas allés en exil et avec qui il était interdit de se marier (Esd 9,2 ; Ne 9,2 ; cf. Is 6,13)[29].

Il en a résulté une structure sociale à trois niveaux : 1) un noyau central (inner-group), composé des rapatriés distincts à la fois sur le plan géographique et religieux ; 2) un groupe fermé plus large (in-group), les « gens du pays », qui s’identifiaient au premier groupe sur le plan national, mais non religieux ; 3) un groupe extérieur (out-group), les Samaritains, complètement exclus de ces deux groupes et qui ne furent pas autorisés à participer à la reconstruction du Temple.

Bien que le terme ait gardé sa connotation ethno-géographique, son référent s’est étendu pour inclure tout juif loyal à l’idéologie du Temple ou à la religion judéenne. Ioudaios est donc à la fois le nom des habitants de Judée et celui d’un groupe religieux ayant aussi des adhérents hors de Judée. Le nom Israël, par ailleurs, regroupe à la fois les ‘am-ha-haretz et les Ioudaioi. C’est pourquoi le référent ne peut être restreint de façon exclusive aux Judéens ou aux autorités religieuses[30].

L’Évangile de Jean proviendrait d’un groupe Israélite (on dirait aujourd’hui juif) qui se situe hors de la communauté des Ioudaioi et en conséquence voit tout le groupe comme ennemi et réfère aux Pharisiens en particulier lorsqu’il veut souligner leur influence pour les besoins du récit[31]. De plus, contre Martyn, Boyarin soutient que l’Évangile de Jean témoigne d’une division déjà existante entre les Ioudaioi de la Palestine du ier s. et les Israélites non Ioudaioi, plutôt qu’une division entre l’Église et la synagogue du ier s. L’important, c’est que le terme avait acquis son sens religieux dès avant le ier s. ap. J.-C. et que Jean pouvait s’en servir en ce sens. Les controverses avec les Ioudaioi dont témoigne l’Évangile ne concernent pas ceux que nous appelons aujourd’hui les Juifs, mais un groupe particulier qui à l’époque exerçait son hégémonie sur l’ensemble des Israélites. En ce cas, le texte de Jean ne serait pas un texte « anti-juif [32] ».

Dans la deuxième édition de son livre, Ashton a remanié les sections concernant les Ioudaioi en tenant compte des conclusions de Boyarin[33]. Il accepte l’hypothèse élaborée par Boyarin concernant le sens fondamental à donner à l’expression et se dissocie de la position de Bultmann à la suite des critiques de Boyarin concernant le rôle des Ioudaioi comme représentants du monde dans son rejet de la lumière (p. 69). Il adopte la triple structure de la société israélite proposée par S. Talmon (p. 72) et résume sa position dans les termes suivants : il s’agit « d’un groupe religieux distinct […] le nom donné au puissant parti qui a tiré avantage du désarroi qui a suivi la chute de Jérusalem en 70 ap. J.-C. et qui a graduellement imposé son autorité sur le peuple juif. Ce parti a posé les fondations de ce que nous connaissons aujourd’hui comme le peuple juif » (p. 70 ; cf. p. 78). Ashton maintient toutefois que la synagogue à l’intérieur de laquelle la communauté johannique a démarré son existence dut appartenir à l’inner-group, c’est-à-dire les Ioudaioi, les descendants des rapatriés de Babylone, alors que Boyarin les situe dans l’in-group, les « gens du pays » (p. 74)[34].

Il faut signaler ici la thèse de John A. Dennis sur Jn 11,47-52[35]. L’auteur étudie ce passage dans le contexte des attentes juives concernant la restauration à l’époque du second Temple. Dans l’intrigue du quatrième évangile, ce texte se situe au moment où l’opposition des Ioudaioi et de leurs chefs atteint son paroxysme. Le rejet de Jésus par les siens (cf. 1,11) ainsi que sa mise à mort inaugurent le rassemblement des enfants de Dieu dispersés (11,52) et la restauration du véritable Israël.

Jean 11,47-52 entend démontrer 1) que la mort de Jésus est arrivée selon le plan divin et non selon le vouloir des hommes, c’est-à-dire les Ioudaioi et leurs chefs ; 2) que Dieu s’est servi des chefs religieux et des Romains pour réaliser son plan ; 3) que les effets de cette mort, à savoir le salut et la restauration des « enfants de Dieu », font aussi partie de ce plan ; 4) ainsi se trouve justifiée l’existence de la communauté johannique en tant que « Reste véritable » en qui se trouvent réalisées les promesses de la restauration. Tout cela a été prédit dans les Écritures, bien commun de la synagogue et de la communauté johannique[36].

Dennis aborde la question des Ioudaioi au c. 7 où il traite de la fonction sociale de Jn 11,47-52. Il adopte la position de Boyarin concernant le référent historique de l’expression et affirme que la communauté israélite qui a produit le quatrième évangile ne provenait pas des Ioudaioi, mais de membres provenant des groupes désignés par les « gens du pays ». L’auteur peut avoir été un Israélite galiléen. Il redéfinit le concept de « peuple de Dieu » : « ceux qui l’ont reçu », « les nouveaux siens », « les enfants de Dieu », deviennent le véritable Israël restauré et Jésus rassemble ce nouvel Israël non d’abord en Judée, mais plutôt en Galilée (cf. 1,47 : Nathanaël, modèle du véritable Israélite) et en Samarie (cf. 4,39 : la Samaritaine, modèle du témoin). Mais en même temps il ne renverse pas la priorité et l’autorité de la Judée, de Jérusalem ou des Ioudaioi dans l’histoire du salut, puisqu’il affirme que « le salut vient des Ioudaioi » (4,22). Mais si le salut vient des Ioudaioi, c’est pour tout Israël, incluant les Galiléens, les Samaritains et les Juifs de la Diaspora[37].

Ainsi, Jean n’essayait donc pas de créer une nouvelle religion contre le judaïsme. Il tentait plutôt d’établir que sa communauté formait le « Reste véritable » d’Israël, qu’elle était la seule héritière des anciennes Écritures d’Israël, de ses promesses et traditions. De ce fait, sa communauté jouissait de la continuité spirituelle avec l’Israël historique. C’est pourquoi la visée fondamentale de son argumentation visant à légitimer l’existence de sa communauté n’était pas : nous sommes chrétiens contre les Juifs, mais nous sommes le « véritable Israël » contre les Ioudaioi[38].

Dans un article paru en 2009[39], C. Bennema affirme d’abord qu’on ne peut résoudre la question des Ioudaioi en Jean uniquement par une analyse narratologique ou par une approche historique limitée au monde de la fin du premier siècle ap. J.-C. Son étude entend démontrer que durant la période du Second Temple, le référent de οἱ Ἰουδαῖοι a d’abord été ethno-géographique et désignait les Juifs judéens. Par la suite il a pris un sens géo-religieux et désigné tous ceux qui adhéraient à la religion judéenne, qu’ils aient ou non résidé en Judée. Bennema s’appuie sur les conclusions de Shaye Cohen, de Seán Freyne et de Daniel Boyarin.

Selon Cohen[40], le sens du terme a varié avec le temps, passant d’un sens d’abord ethno-géographique, avant la seconde moitié du iie s. av. J.-C., pour désigner les Juifs de Judée à un sens élargi pour désigner, à partir de la seconde moitié du iie s. av. J.-C., toute personne affiliée à la religion ou à l’État de Judée, qu’on soit résident de Judée ou judéen de race. Le sens religieux de Ioudaios est par ailleurs attesté dans la littérature juive dans le courant du iie s. av. J.-C., et vers la fin du ier s. av. J.-C., on voit apparaître ce terme dans la littérature gréco-romaine pour désigner toute personne qui vénérait le Dieu des Judéens. Cf. Dn 14,28 ; 2 M 6,6 ; 9,17.

De même pour Seán Freyne[41], vers la seconde moitié du iie s. av. J.-C., le nom Ioudaioi en vint à désigner tous ceux qui avaient embrassé l’idéologie du Temple et venaient adorer à Jérusalem. Alors que dans les Antiquité juives, XI, 173, Flavius Josèphe avait appliqué l’expression hoi Ioudaioi aux rapatriés de Babylone regroupés autour du Temple de Jérusalem, dans la Guerre juive, II, 232 et les Antiquités XX, 118-120, il l’applique aux habitants de Galilée en général. Dans Vie, 112-113, cependant, l’expression désigne certains Galiléens, stricts adhérents de la Torah et fidèles au Temple de Jérusalem.

Selon Daniel Boyarin par ailleurs, c’est déjà à l’époque du retour de l’exil, au ve s. av. J.-C., que l’expression a acquis un sens à la fois national et religieux pour désigner les rapatriés de Babylone qui prirent le contrôle de l’État constitué autour du Temple, à Jérusalem et dans les environs[42].

À la suite de ces auteurs, Bennema conclut que le référent de l’expression, dans le quatrième évangile, est celui connu à l’époque du second Temple : il s’agit d’un groupe religieux particulier à l’intérieur du judaïsme, dont les membres, observateurs stricts de la Torah et loyaux au Temple de Jérusalem, étaient localisés principalement en Judée, mais pouvaient aussi avoir été présents en Galilée. L’expression n’a qu’un seul référent, bien que le groupe ainsi désigné soit composite, en ce sens qu’il peut inclure des Pharisiens, des notables (archontes) et des grands prêtres (archiereis). Le terme peut référer aux autorités religieuses, mais inclut aussi des croyants qui ne faisaient pas partie des autorités. Les chefs des prêtres ou les autorités du Temple sont les principaux leaders des Ioudaioi. Du côté laïque, l’influence se trouvait entre les mains des Pharisiens[43]. À l’intérieur de ce groupe, les réponses à la prédication de Jésus ont été variées. Voir par exemple les réponses positives en 8,30-31 ; 11,45 ; 12,11 ; 12,42[44].

En ce qui concerne l’hostilité manifestée par ces Ioudaioi, Jean décrit une évolution : on passe d’un conflit religieux et théologique avec les Pharisiens au milieu du ministère de Jésus vers un conflit politico-religieux avec les chefs des prêtres, plus tard, vers la fin du ministère (c. 11). Alors que les Pharisiens avaient la main haute à l’occasion d’une rencontre précédente du Sanhédrin qui réunissait Pharisiens et grands prêtres (7,45-52), dans la rencontre suivante (9,11.47-53 ; 12,10), ce sont les grands prêtres qui prennent la décision. Dans le récit de la Passion, on voit que Jean tient en général les Ioudaioi, et les grands prêtres en particulier, responsables de la mort de Jésus. Les Pharisiens sont absents du récit, mais peuvent avoir été présents en tant que partie des Ioudaioi[45].

Bien qu’on ait argumenté pour affirmer que l’emploi johannique du terme trahit la séparation de la chrétienté d’avec la synagogue juive, il y a une autre explication. Dans la vision dualiste du monde qui est celle de l’Évangile de Jean, les Ioudaioi constituent le monde d’en bas (8,23), alors que ceux qui appartiennent à Jésus, les membres de la communauté johannique, sont du royaume d’en haut. C’est pourquoi la perspective de Jean concernant ses compatriotes non croyants était celle de quelqu’un de l’extérieur (bien qu’encore juive), et pour lesquels il utilisait le terme Ioudaioi[46]. En conclusion, Bennema souligne que son interprétation de l’expression hoi Ioudaioi en général et des Pharisiens en particulier conteste de façon implicite l’hypothèse de J.L. Martyn. Mais ce qu’il importe avant tout de souligner dans ces recherches, c’est que le référent de l’expression hoi Ioudaioi dans le quatrième évangile ne peut se limiter aux autorités religieuses et que son emploi en ce sens n’est pas anachronique au temps du ministère de Jésus[47].

Plus récemment, M. Marcheselli a repris la question du référent du terme Ioudaioi en insistant sur la nécessité de demeurer sur le terrain de l’histoire[48]. Il s’appuie à la fois sur les conclusions de Boyarin et Ashton[49]. Il accepte l’hypothèse du double niveau de lecture, comme l’a proposé Martyn, mais en tenant compte des faits suivants : le référent complet visé par l’évangéliste lorsqu’il parle des Ioudaioi n’est pas seulement celui qui a émergé à la fin du ier siècle après la destruction du Temple, lorsque le mouvement pharisien est devenu graduellement hégémonique. Le référent est en premier lieu celui qui est né au retour de l’exil : un groupe rattaché au territoire de la Judée (mais présent aussi hors de ses confins géographiques), ayant une relation spéciale avec le Temple de Jérusalem et qui se considère le gardien de la tradition d’Israël. Ces rapatriés se considèrent les « Fils de Juda », les « Ioudaioi » par excellence, une appellation d’où sont exclus ceux qui d’un point de vue géographique et ethnique pouvaient être qualifiés de « Juifs » (Samaritains et Galiléens). Ce référent existait donc déjà bien avant la rédaction du récit johannique

Les Ioudaioi de la fin du ier s. sont en continuité directe avec ces groupes déjà actifs dans les premières décennies du ier siècle. Ce sont des zélateurs de la Torah agissant dans les limites d’un judaïsme non encore monolithique. Il s’agit d’un mouvement à la fois nationaliste et religieux, qui s’est montré à découvert à partir de la mort d’Hérode le Grand et contemporain de l’époque de Jésus.

Par contre, R. Sheridan affirme, dans les pages déjà citées[50], que Jean utilise le terme Ioudaioi de façon indifférenciée et que l’emploi d’une définition étroite de l’antijudaïsme johannique qui évite de prendre en compte la fonction rhétorique des « Juifs » dans le récit peut donner faussement du crédit à l’argument que l’évangile johannique lorsqu’il est compris dans son contexte historique original, n’est pas « antijuif [51] ». L’affirmation manque de nuances. Il faut éviter de faire un procès d’intention ou de la rétroprojection à partir des fausses lectures qui se sont multipliées dans l’histoire de l’exégèse. Doit-on s’empêcher de faire de la recherche au sujet des conditions historiques du ministère de Jésus ou de celles de la production du quatrième évangile parce que les conclusions de la recherche ne seraient pas entièrement persuasives[52] ? Il faut bien distinguer les problèmes, ne pas confondre les méthodes et bien jauger la valeur des conclusions auxquelles peut aboutir la recherche. Les travaux sur le référent historique du terme Ioudaioi, tels ceux de Boyarin et Ashton, se fondent sur les conclusions d’historiens juifs[53] qui nous paraissent suffisamment probables et justifient qu’on s’en serve comme clé herméneutique pour essayer de préciser autant que possible le référent historique de l’expression hoi Ioudaioi en Jean[54].

Cela ne règle nullement la question de la fonction des Ioudaioi dans le récit, ni de l’image projetée sur le lecteur, ni de la réception du texte dans l’histoire de l’exégèse. Qu’à partir du récit johannique on soit passé d’une perception anti-Ioudaioi au sens restreint à une perception « antijuive[55] » et à une perception antisémite est une autre histoire. C’est justement le rôle de l’exégèse d’éclairer le lecteur[56]. L’exégète a en main les ressources des différentes méthodes exégétiques, la connaissance des conventions rhétoriques et du langage hyperbolique utilisé déjà dans la Bible[57]. Il reste cependant impératif de bien cerner le problème à son point de départ si on veut définir le plus exactement possible l’« anti-Jewishness[58] » de Jean.

Dans ses deux premiers volumes, von Wahlde cite Ashton (Understanding, 1991) à plusieurs reprises[59], mais sans mentionner l’hypothèse que celui-ci a défendue concernant le référent historique du terme Ioudaioi, hypothèse remaniée en 2007 pour tenir compte du travail de Boyarin. Les conclusions de ces auteurs et des autres que nous avons cités jettent tout de même un doute sérieux sur la validité du critère linguistique fondamental utilisé par von Wahlde pour distinguer les deux premières éditions.

(à suivre)