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1. Introduction

Les carbonates sont les minéraux les plus fréquents qui précipitent dans des environnements riches en méthane (LEIN, 2004). Plusieurs facteurs sont favorables à leur précipitation, entre autres l’évaporation et le dégazage, deux phénomènes qui modifient considérablement la composition de la solution des lacs. Alors que le réchauffement du climat provoque l’évaporation, le retournement des eaux rompt l’équilibre des strates et provoque le dégazage. Dans les deux cas, la concentration des espèces dissoutes change et certaines parviennent à saturation (EUGSTER et HARDIE, 1978; PIENITZ et al., 1992; ROCA et JULIA, 1997). En effet, au fur et à mesure que le lac s’évapore, le coefficient de saturation des espèces minérales augmente progressivement jusqu’à l’optimum où carbonates sulfates et chlorures précipitent (RODO et al., 2002).Nous nous intéressons à la précipitation endogène de carbonates de calcium, de fer, de manganèse et de magnésium qui sont des indicateurs climatiques indéniables (MASON et al.,1991; SHAPLEY et al., 2002; TELLER et LAST, 1990). Plusieurs auteurs ont décrit les mécanismes de précipitation de ces carbonates sans tenir compte, si oui partiellement, de l’origine de leurs éléments constitutifs (STABEL, 1986; RAJAN et al., 1996; DAG HONGVE, 1997; DEAN, 2009; JIMENEZ-LOPEZ et ROMANEK, 2004; KONOVALOV et al., 2004; KRYLOV et al., 2008; DEAN et DONER, 2011). Pourtant, l’implication des algues dans la nucléation de la calcite en solution des lacs (STABEL, 1986), la précipitation endogène de la sidérite tantôt à partir du fer biogénique et du bicarbonate géochimique (TEUTSCH et al., 2009), tantôt à partir du bicarbonate biogénique (KRYLOV et al., 2008) devraient inciter à tenir compte des origines des constituants des solides carbonatés lacustres dans les mécanismes de leur précipitation.

Après une revue profonde de la littérature sur le sujet, nous proposons dans cette étude trois origines des éléments constitutifs des solides carbonatés qui précipitent en solution dans les lacs : origine géochimique biologique ou biogéochimique, selon la nature des anions et des cations de ces solides. La prise en compte de ces origines apporterait plus de précisions à l’endogenèse des phases solides carbonatées des sédiments lacustres. Ainsi, au lieu de parler de la sidérite endogénique, terme qui ne précise pas l’origine des constituants de la sidérite, il conviendrait de parler de la sidérite endo-géochimique quand les deux éléments qui la constituent sont d’origine géochimique, et de la sidérite endo-biogéochimique quand l’un des éléments constitutifs a une origine biologique et l’autre géochimique.

Par ailleurs, si la littérature abonde sur les mécanismes de décomposition des oxydes et hydroxydes en milieu marin et lacustre, lesquels mécanismes ne font pas l’unanimité, elle ne décrit pas suffisamment les phénomènes qui décomposent ou stabilisent les carbonates solides, phénomènes qui permettraient de comprendre pourquoi certains sédiments lacustres sont plus riches en carbonates que d’autres de composition voisine, voire identique.

Cette étude tente d’harmoniser les données de la littérature tout en apportant des éléments de réponse aux préoccupations évoquées.

2. Intérêt de l’étude

Le manganèse et le fer rencontrés dans les sédiments des lacs sont tantôt sous forme d’oxydes et d’hydroxydes (WALTER et LISA. 2011) tantôt sous forme de carbonates (BAHRIG, 1985; CALLENDER et GRANINA, 1992; EMERSON, 1976; KRYLOV et al., 2008; LIM et al., 2004; POSTMA, 1982). La sidérite, une des formes carbonatées du fer est retrouvée dans les sédiments des lacs stratifiés et profonds ayant un potentiel redox négatif et très pourvus en fer(II) et en hydrogénocarbonate (DAVISON, 1993; RAJAN et al., 1996). L’environnement dans lequel se forme la sidérite lacustre semble donc particulier. On cherche à comprendre le mécanisme par lequel elle précipite, les conséquences de sa précipitation sur la stabilité du lac (risque de dégazage consécutif à une rupture d’équilibre des strates), l’effet du climat sur sa précipitation afin d’établir un lien de causalité s’il en existe. En effet, les principes géochimiques et les observations de terrain montrent que les lacs alcalins qui subissent l’évaporation peuvent devenir des réacteurs idéaux de carbonate de calcium (DEAN, 2009; SHAPLEY et al., 2002). Les anomalies du climat peuvent donc influencer l’endogénèse des carbonates solides. Il en est de même du dégazage d’un lac, qu’il soit spontané ou provoqué. BERNARD et SIMONE (1987), analysant les sédiments superficiels du Lac Nyos après le dégazage spontané de 1986, lequel fit 1 700 victimes (KLING et al., 1987) signalent la présence de la sidérite précipitée dans la colonne d’eau de ce lac. Une analyse profonde des sédiments inférieurs pourrait révéler des intervalles carbonatés témoins des évasions antérieures de gaz, la même cause produisant le même effet. Il apparait ainsi que les carbonates solides précipités en solution des lacs pourraient être des indicateurs climatiques, mais aussi un paramètre de suivi des milieux lacustres.

3. Matériels et méthodes

Chaque solide carbonaté pris séparément est étudié selon la séquence suivante : revue de la littérature et harmonisation des mécanismes de formation en tenant compte de l’origine des éléments constitutifs du solide – compléments de mécanismes – études expérimentales de la précipitation des solides carbonatés au moyen du diagramme potentiel redox-pH : les expériences visent à confirmer ou infirmer certaines données de la littérature à partir des considérations simples de la thermodynamique et des procédures expérimentales simplifiées; les constantes thermodynamiques des équilibres énumérés dans cette étude peuvent être consultées dans les compilations critiques de l’Union Internationale de Chimie Pure et Appliquée (IUPAC) sur les carbonates des systèmes aquatiques. Les analyses physico-chimiques sont prises en considération et doivent corréler les analyses radiocristallographiques et microscopiques. L’analyse des phénomènes qui fragilisent ou stabilisent les solides carbonatés ainsi que l’influence de l’évaporation et du dégazage spontané ou forcé sur l’endogénèse des carbonates solides seront abordés en dernier.

3.1 Diagramme potentiel –pH des systèmes (Fe, CO2, H2O) (Mn, CO2, H2O) et (Ca, CO2, H2O)

Ces diagrammes sont connus sous l’appellation « diagrammes de POURBAIX (1963) » qu’il conviendrait d’établir en tenant compte des équilibres chimiques possibles en solution des lacs. Rappelons tout de même qu’il s’agit de représentations graphiques d’un ensemble d’informations relatives aux équilibres qui peuvent exister en milieu aqueux entre des espèces chimiques comportant un même élément à différents degrés d’oxydation.

Pour établir les diagrammes d’équilibre, nous avons retenu les concentrations suivantes des cations métalliques dissous et des espèces carboniques totales CO2T

  • fer et manganèse dissous : 10‑5 mol/l et 10‑3 mol/l

  • CO2 total: 10‑2 mol/l (acide carbonique + hydrogénocarbonate + carbonate)

Il est à remarquer d’une part que deux concentrations sont attribuées aux espèces métalliques. En effet, l’hypolimnion des lacs stratifiés est généralement plus concentré en espèces dissoutes que l’épilimnion; d’autre part, les quantités considérées dans cette étude sont sous-estimées quand on sait que certains lacs contiennent d’avantage du CO2 dissous pour ne parler que de cette entité (340 mmol/kg CO2 à 206 m de profondeur du lac Nyos (KUSAKABE et al., 2000) ; Néanmoins ces quantités sous-estimées suffisent pour déterminer de façon précise les domaines de potentiel redox et de pH favorables à la précipitation de solides carbonatés.

3.2 Expérimentation

En ajustant le pH et le potentiel redox d’une eau synthétique à des valeurs convenables déduites des diagrammes établis, il est possible par simple agitation moyennant quelques précautions de précipiter des solides carbonatés.

3.2.1 Procédure expérimentale

La solubilité de l’hydroxyde de calcium est limitée. Par contre si on fait barboter du dioxyde de carbone dans de l’eau contenant cet électrolyte faible, on obtient une solution de calcium hydrogénocarbonate Ca(HCO3)2. Après filtration, le perméat est introduit dans un réacteur, désaéré à l’azote et maintenu à 25 °C sous agitation magnétique dans un bain thermorégulé. Ce filtrat a un caractère oxydant (potentiel redox  > 0) même après barbotage de l’azote. Pour lui conférer un caractère réducteur lorsque c’est nécessaire, le dithionite de sodium Na2S2O4 (MAYHEW, 1978) est ajouté à la solution. Parmi les réducteurs testés, ce dernier a donné satisfaction, baissant suffisamment le potentiel redox du milieu à des valeurs convenables. Selon les cas, le sulfate ferreux est ajouté dans le but de précipiter la sidérite ou alors du chlorure de manganèse pour précipiter la rhodochrosite. Par addition de soude, on élève le pH du milieu pour provoquer la précipitation ; la valeur du pH ne doit pas dépasser celle que recommande le diagramme établi, au risque de former plutôt des oxydes et hydroxydes. Au bout de 24 h, l’équilibre est sûrement atteint.

3.2.2 Méthode d’analyse chimique

Une analyse est faite avant et après précipitation et concerne :

  • le dosage de Ca2+, Fe2+ ou Mn2+

  • le dosage de CO2 total

  • la mesure du pH

  • la mesure du potentiel redox

Les ions Ca2+, Fe2+ et Mn2+ sont dosés à l’aide d’un spectrophotomètre d’absorption atomique (Varian Spectra 10) utilisé en flamme air - acétylène à la longueur d’onde 422,7 nm ; 248,3 nm ; 279,5 nm respectivement.

Le CO2 total est mesuré au moyen d’un analyseur de carbone (Dohrman carbon analyser, modèle DC 80). Étant- donné que la précipitation d’une mole de carbonate entraîne la diminution d’une mole de CO2 total et d’une mole de cations considérés, il est possible après analyse chimique de savoir si le précipité est sous forme d’oxyde ou de carbonate.

Le pH est déterminé au moyen d’un ionomètre à microprocesseur « Orion 901 » et d’une électrode de verre combinée type Ross.

Le potentiel redox est mesuré à l’aide d’une électrode de platine et d’une électrode au calomel saturé.

3.2.3 Analyse radiocristallographique

La diffraction des rayons x des précipités a été réalisée avec un générateur PHILIPS PW 1009 muni d’un tube à anticathode de fer et de chambres à enregistrement photographique. L’identification des phases a été faite par comparaison avec les données contenues dans le fichier publié par le « Joint Committee on Powder Diffraction Standards, J.C.P.D.S ». Les paramètres de maille (a et c) des précipités du fer ont été calculés en considérant les six réflexions (indices de Miller) les plus fortes de la sidérite (102, 104, 110, 113, 202, 116).

3.2.4 Analyse SEM (microscopie électronique à balayage)

La morphologie des cristaux a été mise en évidence au moyen d’un microscope électronique à balayage à effet de champ, de marque JEOL JSM 6301F.

4 Résultats et discussion

4.1 Mécanisme de formation endogène de la sidérite lacustre FeCO3

Avant d’aborder un tel mécanisme, il conviendrait de s’interroger sur les origines des constituants du solide carbonaté FeCO3.

4.1.1 Origines de l’ion Fe2+, élément constitutif de FeCO3

4.1.1.1 Source géochimique de l’ion Fe2+-+

L’origine géochimique du fer peut être lointaine ; il peut provenir d’un aquifère profond qui recouvre un substratum rocheux du crétacé (DEAN et DONER, 2011). Les sources volcaniques du fer ne sont pas à négliger (GLENN, 2008) ; Les oxysols sont également une source importante de fer. Le lessivage de ces sols riches en Fe2O3 est à l’origine d’importantes quantités de fer rencontrées dans certains lacs de cratère (KAMGAING, 2003; TEUTSCH et al., 2009). L’acidité du milieu accélère le processus selon la réaction

Le fer(II) n’est pas stable en milieu oxygéné. Il est concentré dans les zones anoxiques des lacs stratifiés (DAG HONGVE, 1997). Dans les zones oxiques, il s’oxyde en Fe3+, puis précipite sous forme d’hydroxyde Fe(OH)3. Il convient de rappeler qu’au niveau de l’oxycline, des bactéries acidophiles oxydatives du fer peuvent conduire également au précipité Fe(OH)3 (GLENN, 2008). Lorsque ce dernier atteint les zones anoxiques, il est réduit en fer(II) par des bactéries réductrices du fer selon un mécanisme que nous proposons au paragraphe 2.1.1.2.2. Le temps de résidence de Fe2+ en zone anoxique pouvant être plus court que celui de l’eau, Fe2+ migre alors vers la frontière oxique-anoxique où il est de nouveau oxydé, et le cycle recommence (DAG HONGVE, 1997; KONOLOV et al., 2004).

4.1.1.2 Origine biogénique de l’ion Fe2+
4.1.1.2.1 Mécanismes de réduction bactérienne de Fe(OH)3 en Fe2+

L’oxydation bactérienne de Fe2+ en Fe(OH)3 est bien décrite (EHRENREICH et WIDDEL, 1994; STRAUB et al.,1996; STRAUB et BUCHHOLZ-CLEVEN, 1998; WIDDEL et al., 1993). Par contre, les mécanismes de la réduction bactérienne de l’hydroxyde de fer suscitent encore des interrogations. COLEMAN et al. (1993) remarquaient déjà que la sidérite se forme après réduction des oxydes ferriques en ion ferreux par les bactéries sulfatoréductrices Desulfovibrio desulfuricans. GLENN (2008), abondant dans le même sens, signale certains types de bactéries non acidophiles capables d’accumuler l’hydroxydes de fer et donc le fer(III) dans leurs parois cellulaires pendant la nucléation de la sidérite : liptothrax et crenothrix, deux bactéries non acidophiles porteuses de masses floculantes de Fe(OH)3 ont ainsi été identifiées par GLENN dans la rivière Verte « Green river » provenant du lac Gosiute (Colorado). Toutefois, cet auteur n’en dit pas plus sur les mécanismes qui gouvernent la réduction bactérienne de l’hydroxyde de fer. À notre sens, la production d’énergie est au coeur de ce processus biologique. En effet, l’oxydation microbiologique des substances chimiques s’accompagne en général de la production d’énergie indispensable à la croissance bactérienne. Par conséquent, il n’est pas exclu que la réduction bactérienne de Fe(OH)3 soit nécessaire à la synthèse continue de l'adénosine triphosphate (ATP). Les métabolites de cette synthèse pourraient avoir un rôle important dans la réduction de l’hydroxyde en question. Si tel est le cas, le mécanisme de transfert de ces métabolites est ci-dessous suggéré.

4.1.1.2.2 Suggestion de mécanismes

Fe(OH)3 peut être réduit en Fe2+ parce qu’il est un accepteur d’électrons(oxydant). Les électrons proviennent d’un donneur qui est un réducteur. Si le réducteur est la matière organique MO, sa dégradation génère des métabolites, des protons et des électrons. Cette dégradation se fait en général avec production d’ATP, source d’énergie indispensable à la croissance bactérienne (KAPPLER et STRAUB, 2005; LOVLEY, 1993 et 2004; NEALSON et SAFFARINI, 1994; STUCKI, 2006). Protons et électrons sont transmis à l’hydroxyde par l’intermédiaire d’une enzyme bactérienne, la ferriréductase selon le mécanisme ci-après :

Il convient de signaler que dans ce mécanisme la synthèse de l’ATP est couplée à l’oxydation de la matière organique. Le transfert des électrons et des protons à l’hydroxyde est une étape déterminante. Ce transfert est assuré par le contact entre l’enzyme bactérienne et l’hydroxyde.

4.1.1.2.2.1 Contact « cellule bactérienne – hydroxyde de fer »

Le transfert des électrons et des protons dépend de l’efficacité des contacts entre l’hydroxyde et la bactérie (NEVIN et LOVLEY, 2002). MUNCH et OTTOW (2010) étudiant le mécanisme de réduction bactérienne de l’oxyde de fer dans le sol ont montré que le contact optimal s’obtient avec l’oxyde amorphe, non cristallisé. En effet, l’énergie d’activation bactérienne est faible lorsque le contenu énergétique de la substance à activer est élevé ; or, les substances cristallisées ont en général un contenu énergétique faible comparé aux substances amorphes. Par ailleurs, l’hydroxyde colloïdal parce que porteur de charges négatives, repousserait les électrons, rendant le contact difficile (MUNCH et OTTOW, 2010). Le mécanisme de réduction bactérienne de l’hydroxyde de fer dans les eaux interstitielles des lacs serait similaire à celui des oxydes de fer dans le sol. Il s’agit d’une réduction enzymatique qui nécessite un contact direct oxydes/hydroxydes – bactéries pour que le proton et les électrons issus du métabolisme soient transmis aux oxydes ou hydroxydes accepteurs. Certains auteurs ont expérimenté la réduction bactérienne de Fe(III) à l’état solide: en atmosphère H2-CO2, elle conduit en majorité à la formation de la sidérite alors qu’en atmosphère N2-H2, c’est la magnétite Fe3O4 qui est formée en quantité (ROH et al., 2003 et 2006).

4.1.1.3 Influence du manganèse, du phosphate, des sulfures et des nitrates sur le fer(II)

Le fer et le manganèse subissent les mêmes transformations redox dans l’environnement aquatique (DAG HONGVE, 1997). Ces deux éléments ont le même comportement chimique : tout comme le fer(II), le manganèse(II) est instable dans les zones oxiques où il précipite sous forme de dioxyde de manganèse MnO2. Dans les zones anoxiques, ce dernier oxyde malheureusement le fer(II) selon la réaction :

En présence du phosphate et en l’absence du manganèse(II), il y a précipitation de la vivianite Fe3(PO4)2, 8H2O (DAG HONGVE, 1997; FREDERICHS et al., 2003). C’est par ce processus préjudiciable au fer(II) que le phosphate des eaux non manganifères est régulé.

Les lacs qui contiennent du fer et des sulfures en quantité ont généralement leurs sédiments pourvus de pyrite FeS. En présence de l’oxygène, le sulfure s’oxyde en sulfate. C’est donc dans la zone anoxique des lacs qu’il y a formation de pyrite, soit par combinaison directe de HS avec Fe2+, soit indirectement à partir de Fe(OH)3 selon le mécanisme ci-après décrit par KONOVALOV et al. (2004) :

L’oxydation anaérobie de Fe2+ limite également la quantité du fer(II) en solution des lacs. Elle se fait selon deux voies : en présence du CO2 et de la lumière selon la réaction suivante (EHRENREICH et WIDDEL, 1994)

et en présence des nitrates selon la réaction (SCHELOBOLINA et al., 2003; STRAUB et al.,1996)

Ou encore

Bioxyde de manganèse, phosphate, sulfure et nitrates limitent de ce fait la quantité de fer(II) en solution des lacs.

4.1.2 Origine de l’ion HCO3, précurseur de l’ion CO2‑3 / élément constitutif de HCO3

4.1.2.1 Source géochimique de l’ion HCO3

HCO3 peut provenir du gaz magmatique CO2 qui au contact de l’eau se dissous en H2CO3. Selon le pH de la solution, l’acide carbonique peut se dissocier en hydrogénocarbonate en libérant des protons selon les réactions suivantes :

L’hydrogénocarbonate en solution du lac ne provient pas que de la dissociation de H2CO3, mais peut être un produit d’altération des roches (NIA et al., 2009) :

4.1.2.2 Source biologique de l’ion HCO3

La fermentation bactérienne est un phénomène courant des milieux marins, océaniques et lacustres. Dans la zone oxique, la matière organique est dégradée avec dégagement de CO2, gaz dominant. Une fois dissous en H2CO3 il se transforme en HCO3 en selon le pH de la solution du lac. Dans la zone anoxique, le méthane est le gaz dominant de la fermentation. L’acétogenèse est l’étape prédominante de la méthanogenèse et peut se résumer par la réaction générale ci-dessous (WHITICAR, 1999)

Une partie du méthane est ensuite oxydée en CO2 dans la zone oxique, une autre partie dans la zone anoxique par des bactéries spécifiques (GREINERT et al., 2001; LEIN, 2004; SAPOTA et al., 2006).

La production biogénique de HCO3 en milieu anoxique s’explique mieux si on le considère comme étant un produit d’oxydation anaérobie de la matière organique constituée de carbone d’azote et de phosphore (MÜLLER et al., 2006) :

En milieu aérobie, le phénomène est tout autre : plus de protons générés que d’hydrogénocarbonates formés (STUMM et MORGAN, 1996) :

L’ion H+ étant l’unique cation compensateur des anions HCO3, HPO2‑4 et NO3, le bilan de cette dégradation bactérienne en milieu aérobie est :

À partir de ce bilan on constate que la décomposition de la matière organique en présence de l’oxygène renforce l’acidité de la solution du lac, ce qui a pour effet de réduire considérablement la dissociation de H2CO3 en HCO3.

Ainsi, en milieu aérobie, c’est selon un mécanisme biologique (B) et chimique (C) qu’on obtient l’hydrogénocarbonate (mécanisme BC) alors qu’en milieu anaérobie, c’est par un mécanisme purement biologique (B) que se forme cet ampholyte:

Milieu aérobie:

Milieu anaérobie:

HCO3, formé en milieu anoxique, peut être considéré comme étant de l’hydrogénocarnate biologique strict, parce que produit uniquement par des micro-organismes, sans réaction chimique ultérieure. Par contre en milieu oxique, c’est du HCO3 biochimique.

4.1.3 Conditions et mécanisme de formation de la sidérite

De ce qui précède, on peut suggérer les différentes formes suivantes de sidérite selon l’origine de leurs éléments constitutifs: sidérite géochimique, sidérite biogénique et sidérite biogéochimique.

La sidérite biogénique doit sa formation à :

  • la matière organique et au CO2 total qui doivent être disponibles -à l’absence des sulfures et

  • à l’activité microbienne (BAHRIG, 1989; CANFIELD et al., 1992; CURTIS et al., 1986; KHIM et al.,1999; PEARSON, 1979; POSTMA, 1982; PYE, 1984; ZODROW et al., 1996).

Cette activité bactérienne en milieu anoxique induit un potentiel redox négatif favorable à la formation de la sidérite. C’est dans les eaux interstitielles que le phénomène a lieu, décrit aussi bien dans les milieux marins peu profonds que dans les plaines inondables, les delta et les lacs (COLEMAN et RAISWELL, 1993; CURTUS et al., 1986; DUAN et al., 1996; FREDERICHS et al., 2003; KRYLOV et al., 2008; MOORE et al.,1992; MORTIMER et COLEMAN, 1997; MOZLEY et CAROTHERS, 1992; ROMANEK et al., 2003; ZHANG et al.,1998 et 2001). Dans cette étude, nous intéressons en particulier à la sidérite endogénique qui précipite dans la colonne d’eau des lacs.

HSU et KELTS (1978) étudiant la sédimentation chimique de la mer Noire (BlacK Sea) suggérait pour la première fois que la sidérite relevée dans les sédiments provenait probablement de la colonne d’eau (sidérite endogénique). Selon ces auteurs, la disponibilité du fer réactif et de la matière organique en l’absence des sulfures dans un environnement anoxique auraient amélioré les conditions de saturation, favorisant la précipitation de la sidérite. Des études menées sur deux lacs volcaniques camerounais (Nyos et Monoun), après émission de gaz mortels, ont révélé la précipitation de la sidérite dans la colonne d’eau (BERNARD et SYMONDS, 1989; SIGURDSSON et al., 1987). Il apparait que le dégazage spontané, l’évaporation due au réchauffement (GLENN, 2008; RAJAN et al., 1996) et le dégazage forcé d’un lac sont des facteurs qui peuvent favoriser la saturation en solides carbonatés. Le potentiel redox négatif de la solution du lac, sans être une condition suffisante, serait nécessaire à la précipitation de la sidérite. Dans le cas de la sidérite biogénique, ce potentiel négatif est induit par l’activité bactérienne (COLEMAN et RAISWELL, 1993; KRYLOV et al., 2008;  POSTMA, 1982). Lorsque ces conditions sont réunies, la sidérite précipite selon la réaction suivante :

Prenant en compte ces considérations et se référant à la mer Noire, RAJAN et al. (1996) ont développé un modèle thermodynamique de précipitation endogène de la sidérite. Plus encore, certains auteurs ont expérimenté la précipitation de FeCO3 soit à partir d’un précurseur métastable à température et pression élevées (BRUNO et al., 1992; CAROTHERS et al.,1988; WERSIN et al.,1989) soit par recristallisation des précurseurs à des températures comprises entre 35 °C et 70 °C (JOHNSON, 1990). SINGER et STUMM (1970) ont réussi à précipiter la sidérite inorganique entre 17 °C et 30 °C à la pression atmosphérique à partir d’un protocole expérimental brièvement décrit, sans information sur l’évolution du milieu. Tout récemment, JIMENEZ-LOPEZ et ROMANEK (2004) ont étudié la cinétique de précipitation de la sidérite à 25 °C et 1 atmosphère à pression de CO2 relativement faible et en atmosphère d’azote (milieu anaérobie). Le modèle expérimental qu’ils utilisent est basé sur la technique « chemostat », technique qui nécessite l’ensemencement du milieu avec quelques cristaux de produit à précipiter (MORSE, 1974). Cependant, la précipitation de la sidérite est sensible aux conditions réductrices et sa cinétique est lente. Pour cette raison, ces auteurs ont développé une technique alternative basée sur la nucléation homogène, génératrice de semences propices à la précipitation de la sidérite.

4.1.4 Expérimentation de la précipitation du carbonate de fer (sidérite) inspirée du diagramme potentiel-pH

Notre dispositif expérimental plus simplifié tient compte essentiellement des conditions réductrices et anaérobies du milieu, par analogie à la sidérite biogénique qui ne s’obtient que dans ces conditions. La figure 1 indique le domaine de stabilité thermodynamique du carbonate de fer : c’est à des potentiels négatifs (milieu réducteur) que précipite ce solide carbonaté. Le recours à un réducteur chimique (dithionite de sodium) permet d’atteindre ces potentiels. Le milieu réactionnel a été réalisé tel que décrit dans la partie 1.2.1. La filtration s’est déroulée en atmosphère d’azote, dans une boîte à gants pour éviter l’évolution de la forme solide carbonatée vers la forme hydroxyde ou oxyde. Les résultats d’analyse chimique avant et après précipitation sont confinés dans le tableau 1; le tableau 2 regroupe les données d’analyse des précipités et le tableau 3 les paramètres calculés de la maille élémentaire. La figure 2 donne la morphologie des cristaux observée au microscope électronique à balayage (SEM).

Figure 1

Diagramme potentiel–pH du système [Fe, CO2, H2O]

Potential–pH diagram of the system [Fe, CO2, H2O]

Diagramme potentiel–pH du système [Fe, CO2, H2O]

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Tableau 1

Analyse chimique des solutions avant introduction de NaOH, Na2S2O4 0,5 mM, et après précipitation du carbonate de fer (sidérite) ; les concentrations sont en mmol∙L‑1 et les potentiels redox ρε en mV/ECS (électrode au calomel saturée) ; T = 25 °C

Chemical analysis of solutions before introduction of NaOH, Na2S2O4 0.5 mM, and after precipitation of iron carbonate (siderite); concentrations are expressed in mmol∙L‑1 and redox potential, ρε, in mV/SCE (saturated calomel electrode); T = 25°C

Analyse chimique des solutions avant introduction de NaOH, Na2S2O4 0,5 mM, et après précipitation du carbonate de fer (sidérite) ; les concentrations sont en mmol∙L‑1 et les potentiels redox ρε en mV/ECS (électrode au calomel saturée) ; T = 25 °C

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Tableau 2

Analyse des précipités du fer en solution (T = 25°C; ss : solution solide Fe1-x CaxCO3)

Analysis of iron precipitates in solution (T = 25°C; ss: solid solution Fe1-x CaxCO3)

Analyse des précipités du fer en solution (T = 25°C; ss : solution solide Fe1-x CaxCO3)

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Figure 2

Microphotographies SEM des précipités du fer : (A) E1; (B) E2; (C) E3; (D) E6; (E) E7; (F) E9. Barres d’échelle 2 μm

SEM photomicrographs for iron precipitates in: (A) E1; (B) E2; (C) E3; (D) E6; (E) E7; (F) E9. Scale bars 2 μm

Microphotographies SEM des précipités du fer : (A) E1; (B) E2; (C) E3; (D) E6; (E) E7; (F) E9. Barres d’échelle 2 μm

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Tableau 3

Paramètres de la maille élémentaire des précipités du fer

Unit cell parameter for iron precipitates

Paramètres de la maille élémentaire des précipités du fer

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Analyse par diffraction des rayons X (DRX)  : le décalage des distances réticulaires, d, et l’absence de pics de fractionnement des principales réflexions (102, 104, 110, 113, 202, 116) observés dans les diffractogrammes montrent clairement que c’est la solution solide de FeCO3-CaCO3 qui précipite et non des phases séparées (e.g. sidérite et calcite), particulièrement illustrées par les expériences E6 et E10 (tableau 2). Certaines expériences (E6, E7, E10) ont conduit à la sidérite contenant 5 à 7 % mol CaCO3 avec des longueurs d’axe « a », comprises entre 4,6893 et 4,7186 A° (Tableau 3). D’autres, par contre, ont conduit à la sidérite contenant 15 à 18 % mol CaCO3 (E4, E8, E9) avec des axes, a, significativement importants en longueur (4,7397 à 4,7505 A°). En effet, l’incorporation considérable du calcium crée des tensions au sein du réseau cristallin de la sidérite de base (E1, E2) et explique la déviation significative des réflexions de plus forte intensité. L’absence du magnésium dans les précipités (Tableau 2) montre une incorporation préférentielle du calcium dans le réseau de la sidérite même en présence d’une concentration importante de magnésium (Tableau 1, E6). Ces données confirment celles de ROMANEK et al. (2009) qui obtiennent des résultats similaires dans des conditions expérimentales pourtant différentes.

Analyse SEM : le microscope électronique à balayage montre que le solide précipité est un rhomboèdre, les faces 104 caractéristiques du cristal (sidérite, solution solide Fe1-x CaCO3) étant bien définies ainsi que les arrêtes et les sommets (Figure 2). La longueur des arrêtes de la maille rhomboédrique de la sidérite pure (E1 et E2) ou pratiquement pure (E3) est comprise entre 2 et 3 μm (Figure 3, A-B-C); pour des solutions solides contenant 5 à 7 % mol CaCO3 (E5, E7, E10) elle varie de 3 à 4 μm (Figure 2, D ), et de 6 à 14 μm (Figure 2, F) pour des solutions solides contenant 15 à 18 % mol CaCO3 (E4, E8, E9).

Figure 3

Diagramme potentiel–pH du système [Mn, CO2, H2O]

Potential–pH diagram of the system [Mn, CO2, H2O]

Diagramme potentiel–pH du système [Mn, CO2, H2O]

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Les analyses RDX et SEM montrent ainsi qu’en milieu réducteur et bicarbonaté calcique, le fer(II) précipite sous forme de solution solide carbonatée dans laquelle le solvant de base est le fer, ce qui est en accord avec la littérature (FREDERICHS et al., 2003; KRYLOV et al., 2008; RAJAN et al.,1996). Plusieurs expériences menées dans des conditions identiques aux précédentes, mais sans ajout de réducteur chimique ont révélé une diminution considérable du fer(II) sans modification quelconque du CO2 total : les précipités seraient des hydroxydes ou des oxydes de fer. Le potentiel redox est de ce fait un paramètre important de la précipitation du carbonate de fer à l’état pur ou sous forme de solution solide.

4.2 Mécanisme de précipitation endogène de la rhodochrosite lacustre MnCO3

L’origine de l’ion carbonate, élément constitutif de MnCO3 a été évoquée au paragraphe 1.2. L’origine de Mn2+ est à chercher dans le cycle même du manganèse. Le mécanisme de réduction bactérienne de MnO2 en Mn2+, lequel ne fait pas l’unanimité, est discuté dans cette partie de l’étude. Il en de même de la stabilité du manganèse(II).

4.2.1 Cycle du manganèse des lacs

Tout comme le fer, le manganèse est impliqué dans le cycle redox des environnements marins oxiques/anoxiques : sulfure, oxygène, nitrate et ammonium forment avec ces deux métaux un système redox complexe qui régit la zone de transition suboxique – anoxique (LEWIS et LANDING, 1991; MURRAY et al., 1995; OGUZ et al., 2001). Le manganèse dissous Mn(II) est stable dans la zone anoxique des lacs où la concentration de l’oxygène ne dépasse pas 1 mg/L (CANFIELD et al., 1992; DAG HONGVE, 1997); oxydé en MnO2 dans la zone oxique, il est rétabli dans la zone anoxique par réduction bactérienne et le cycle recommence (BALISTRIERI et al.,1992; KAWASHIMA et al.,1988).

4.2.1.1 Influence des sulfures et des phosphates sur la stabilité de Mn2+
4.2.1.1.1 Action des sulfures

En présence des sulfures, Mn2+ précipite en MnS selon le mécanisme ci-dessous proposé par KONOLOV et al., (2004). En milieu suffisamment pourvu d’espèces carboniques, le dioxyde de manganèse est réduit en carbonate de manganèse (équation 30).

L’équation (30) s’obtient également par combinaison de l’équation (28) avec l’équation (31) suivante :

4.2.1.1.2 Action des phosphates

En présence des phosphates, le manganèse(II) précipite sous forme de MnHPO4 selon la réaction

DAG HONGVE (1997), étudiant le cycle du fer, du manganèse et du phosphate dans un lac stagnant nettement plus riche en Mn(II) qu’en Fe(II), constate l’absence de la vivianite Fe3(PO4)2∙8H20 dans les sédiments, mais la présence de FeOOH et MnHPO4. C’est dire combien le cycle du manganèse peut influencer celui du fer au point où la vivianite ne soit plus l’élément régulateur des phosphates dans les zones anoxiques.

4.2.1.2 Influence de la nitrification- dénitrification sur le cycle du manganèse

MnO2 précipité dans la zone oxique traverse la frontière oxique-anoxique et sombre dans la zone anoxique où l’ammoniaque est stable. L’oxydation anaérobie de en par des bactéries nitrifiantes s’accompagne de la réduction de MnO2 en Mn2+ selon la réaction (33)

La réduction du nitrate en azote est également possible (dénitrification) :

Par le premier mécanisme (33) on comprend pourquoi Mn2+ est plus concentré dans l’hypolimnion que dans l’épilimnion des lacs stratifiés à forte teneur en .

Le second mécanisme (34) montre à quel point la dénitrification bactérienne est préjudiciable à Mn2+.

4.2.1.3 Origine biogénique de Mn2+: Réduction biologique de MnO2

Bon nombre d’études ont été consacrées à l’oxydation bactérienne de Mn(II) (TEBO, 1991). Par contre, le mécanisme de la réduction de ses oxydes, en particulier le dioxyde de manganèse MnO2 est peu documenté et assez controversé. Pour certains, c’est en présence de l’oxygène que la réduction a lieu (CALVERT et PEDERSON, 1996). Pour d’autres, ce n’est possible qu’en milieu anoxique réducteur (DELIAN et al., 1992; FORCE et MAYNARD, 1991; FRAKES et BOLTON, 1992; JENKYNS et al., 1991; OKITA et SHANKS, 1992). Selon NEUMANN et al. (2002), Mn2+ s’oxyde en MnO2 dans les zones oxiques. Une fois parvenu dans les zones anoxiques, l’oxyde est réduit en Mn2+ par des bactéries réductrices du manganèse oxyde. Mn2+ diffuse ensuite dans les eaux interstitielles, zones de forte alcalinité due à la forte minéralisation de la matière organique. La rhodochrosite entachée de calcium (Ca-rhodochrosite) se formerait juste au-dessus de la surface des sédiments où l’eau interstitielle est sursaturée en ce carbonate solide (KULIK et al., 2000). Deux remarques peuvent être dégagées des travaux de ces auteurs : la dégradation bactérienne de la matière organique (pourvoyeur de CO2, précurseur de HCO3) est une étape séparée de la réduction de MnO2; les réactions de formation de la rhodochrosite avec transfert d’électrons et de protons à MnO2 ne sont pas décrites.

Nous proposons ci-dessous un mécanisme similaire à celui que nous avons suggéré plus avant pour la réduction bactérienne de Fe(OH)3 (paragraphe 2.1.1.2.2) :

4.2.1.4 Autres sources de Mn(II) :
4.2.1.4.1 Réduction de MnO2 par Fe2+

MnO2 est un oxydant énergique et peut oxyder toute substance dont le pouvoir oxydant est inférieur au sien. Abondant dans ce sens, KONOLOV et al. (2004) ont proposé un mécanisme probable de réduction de MnO2 par le fer(II) dans les zones suboxiques et anoxiques de la mer Noire :

Il s’agit ici d’une réduction bactérienne de MnO2 qui s’accompagne d’une oxydation de fer(II) avec libération de protons, lesquels stabilisent Mn2+ formés (milieu acide anoxique)

4.2.1.4.2 Décomposition acide de Mn3O4

Il n’est pas rare de rencontrer dans les couches profondes de certains lacs du manganèse(II) et de l’oxygène dissous en quantité considérable. GREEN et al. (2004), constatant un accroissement local de Mn2+ dans les eaux profondes oxygénées du lac Vanda, proposent le mécanisme suivant :

4.2.2 Conditions et mécanisme de formation et de précipitation de la rhodochrosite

Les origines des éléments constitutifs, telles que décrites plus avant, apportent d’avantage de précisions à l’endogénèse du carbonate de manganèse MnCO3 : la rhodochrosite endo-géochimique et la rhodochrosite endo-biogéochimique précipitent tous dans la colonne d’eau, mais par un mécanisme différent de par l’origine de leurs éléments constitutifs. La rhodochrosite biogénique stricte serait celle dont les deux éléments constitutifs seraient tous d’origine biologique et qui se formerait dans les eaux interstitielles.

MIZANDRONTSEV (1975) était le premier à penser que les carbonates des sédiments du lac Baïkal pouvaient être la rhodochrosite eu égard au taux élevé de manganèse qui s’y trouvait. Contrairement à la sidérite, la rhodochrosite authigénique se forme dans tous les environnements anoxiques soufrés et non soufrés (GLASBY et SCHULTZ, 1999). On la retrouve aussi bien dans les sédiments marins (CHOW et al., 2000; MORAD et AL-AaSM, 1997; NEUMANN et al., 2002) que dans les sédiments lacustres (KRYLOV et al., 2008; STEVENS et al., 2000). Sa formation survient lorsque le milieu est riche en matière organique et contient du manganèse à l’état libre ou sous forme d’oxydes (FREDERICHS et al., 2003; SHAOFENG et al., 2010). Toutefois la médiation biologique joue un rôle important aussi bien dans l’authigènèse de la rhodochrosite (NEALSON et SAFFARINI, 1994) que dans l’authigènèse de la sidérite ( KONHAUSER, 1998).

4.2.3 Expérimentation de la précipitation du carbonate de manganèse (rhodochrosite) inspirée du diagramme potentiel-pH

Nous nous intéressons en particulier au carbonate de manganèse qui précipite en solution du lac (DAG HONGVE, 1997) bien que la forme oxy-hydroxyde soit la plus décrite (DEAN et DONER, 2011; DEAN et al., 2003). Le diagramme potentiel-pH du système (Mn2+, CO2, H2O), figure 3, permet de localiser le domaine de stabilité thermodynamique du carbonate de manganèse. Contrairement au carbonate de fer, le potentiel redox n’est pas un paramètre déterminant : c’est aussi bien en milieu oxydant qu’en milieu réducteur que précipite le carbonate de manganèse. Par contre c’est en milieu anoxique suffisamment pourvu de HCO3 et saturé en MnCO3 que précipiterait le manganèse selon l’équation (31). Le tableau 4 récapitule les données d’analyses chimiques de deux eaux synthétiques fabriquées selon la méthode décrite plus avant (Méthodologie) et désaérées par barbotage d’azote, auxquelles est ajouté du chlorure de manganèse. Après élévation du pH à la soude jusqu’à obtention d’une solution blanchâtre, l’équilibre est sûrement atteint au bout de 24 h d’agitation : la quantité de Mn2+ et de Ca2+ retranchés de la solution équivaut pratiquement à la diminution du CO2 total dans les deux expériences (E1 et E2). La réduction du calcium, bien qu’infime (E1), fut inévitable après plusieurs opérations. Au regard des analyses chimiques, le précipité serait soit une solution solide Mn1-xCaxCO3 riche en manganèse (E1), soit un mélange de deux carbonates solides MnCO3 et CaCO3 (E2). La diffraction des rayons x des précipités recueillis révèle tantôt une solution solide carbonatée enrichie à 93 % environ en manganèse (E1), tantôt un mélange calcite–solution solide Mn1-xCaxCO3 (E2). Ces données sont en accord avec les prévisions de la littérature (LIM et al., 2004; NEUMANN et al., 2002).

Tableau 4

Analyse chimique des solutions de manganèse avant introduction de NaOH et après précipitation du carbonate de manganèse; les concentrations sont en mmol∙L‑1 ; T = 25°C

Chemical analysis of manganese solutions before introduction of NaOH and after precipitation of manganese carbonate; concentrations are expressed in mmolL‑1; T = 25°C

Analyse chimique des solutions de manganèse avant introduction de NaOH et après précipitation du carbonate de manganèse; les concentrations sont en mmol∙L‑1 ; T = 25°C

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4.3 Mécanisme de précipitation endogène de la calcite et de l’aragonite lacustres

4.3.1 Origine de l’ion Ca2+, élément constitutif de CaCO3

Le calcium est le cinquième élément chimique le plus abondant de la croûte terrestre ; il est introduit dans le système d’eau douce sous l’action de la météorisation des roches calcaires (DAY,1963) ; La combustion de combustibles fossiles et les effluents industriels sont deux sources non négligeables de calcium des lacs : c’est le cas des Grands Lacs (INTERNATIONAL REFERENCE GROUP, 1977; UPPER LAKES REFERENCE GROUP, 1976)

4.3.2 Précipitation de la calcite et de l’aragonite en solution des lacs

La nucléation, étape importante du mécanisme de précipitation du carbonate de calcium, est bien documentée (LEBRON et SUAREZ, 1996; MORSE et al., 2007; MURPHY et al.,1983; ROSSMANN, 1980; STABEL, 1996). L’influence de cette précipitation sur le cycle du carbone des lacs eutrophisés est remarquable. Pour cette raison, plusieurs études ont mis l’accent sur la formation, sur la réaction, les processus de sédimentation et les dépôts de CaCO3 dans les lacs (EFFLER, 1984; EFFLER et JOHNSON, 2007; ELFIL et ROQUES, 2001; GAL et al., 2002; HOUSE, 1984; KELTS et HSÜ, 1978; STABEL, 1986). La température et le rapport Mg:Ca déterminent la composition et la variété cristallographique de carbonate de calcium précipité : calcite, aragonite, solutions solides Ca1-x MgxCO3 ont été ainsi décrites (DEAN, 2009; MORSE et al., 2007; MÜLLER ,1972; SHAPLEY et al., 2002). La calcite est la variété cristalline de carbonate de calcium la plus stable à température et pression ambiantes, l’aragonite étant stable à haute pression et la vatérite étant thermodynamiquement instable (CÖLFEN, 2003; JOHANESS et PUHAN, 1971; NAN et al., 2007).Cependant, ZHAODONG et al. (2008), dans une étude récente ont obtenu la vatérite à partir de l’aragonite en présence d’un surfactant. Étudiant les lacs alcalins de la vallée de Ovando dans l’ouest du Montana, SHAPLEY et al.(2002) ont montré une forte correspondance entre les anomalies du climat (évaporation des lacs) et l’endogénèse de l’aragonite précipité. DEAN (2009), réalisant une étude sur les lacs Utah et Idaho note trois grands intervalles de carbonates précipités en solution des lacs et déposés dans les sédiments pendant l’holocène. D’après cet auteur, l’intervalle carbonaté majoritaire (aragonite) coïncide avec les climats continentaux chauds interglaciaux qui se sont succédés.

Dans cette étude, nous nous intéressons à la précipitation endogène de CaCO3, sans action biologique, guidée uniquement par la saturation du lac en ce carbonate et dont les éventuelles causes ont été rappelées à l’introduction (DEAN, 2009; DEAN et DONER, 2011; DEAN et SCHWALB, 2002; SHAPLEY et al., 2002). La contribution à cette saturation des espèces solubles non chargées (CaCO30 en l’occurrence) n’est pas à négliger (BOLLINGER et al.,1988; GAL et al., 1996). Quand le produit des activités des ions Ca2+ et CO2‑3 devient supérieur à la constante de dissociation de CaCO3 qui est de 10‑8,48 (PLUMMER et al., 1978), il précipite du carbonate de calcium selon la réaction ci-dessous (ELFIL et ROQUES, 2001; LANGMUIR, 1997) :

L’un des éléments constitutifs de ce carbonate solide peut être d’origine géochimique (calcium par exemple) et l’autre d’origine biologique (dégradation anaérobie de la matière organique en HCO3). Ce serait alors de la calcite ou de l’aragonite biogéochimique si l’on tient compte de l’origine des éléments qui les constituent. Les constituants peuvent être d’origine géochimique avec une nucléation biologique de CaCO3 : ce serait encore de la calcite biogéochimique, et c’est bien le cas du lac Constance, la nucléation étant assurée par des algues (STABEL,1996). À notre sens, la calcite biogénique stricte serait celle dont la nucléation calcique est biologique, les éléments constitutifs étant d’origine biologique. La précipitation du carbonate de calcium dans les solutions modèles et dans les eaux naturelles dépend essentiellement du degré de saturation du milieu en ce carbonate (PROFT et STUTTER, 1993). Par conséquent, il importe peu que le milieu soit oxydant ou réducteur. Des essais menés à 25 °C à partir d’échantillons d’eau synthétisée selon la méthode décrite plus avant et sans précaution aucune (milieu aéré ou désaéré) ont conduit à la précipitation de CaCO3 d’après les analyses chimiques. Ces expériences aux résultats prévisibles (non présentés ici) n’ont rien d’attrayant en elles-mêmes, cependant permettent tout au moins de comprendre que seuls les lacs durs alcalins (pH supérieur à 8) précipitent le carbonate de calcium dans la colonne d’eau lorsque les conditions qui favorisent leur saturation en ce carbonate sont réunies (DEAN et SCHWALB, 2002; MÜLLER et al., 2006).

4.4 Mécanisme de précipitation endogène des carbonates de magnésium

Le carbonate de magnésium est soit anhydre (magnésite MgCO3), soit hydraté (MgCO3∙H2O, MgCO3∙2H2O, MgCO3∙3H2O, MgCO3∙5H2O). La littérature fait état de ces diverses formes cristallines réparties dans certains sédiments lacustres, le plus souvent combinées au calcium (DEAN, 1999; QUERALT et al., 1997). LAST et De DECKKER (1990) décrivent la plupart de solutions de lacs australiens comme étant fortement sursaturées thermodynamiquement en calcite, aragonite, dolomite CaMg(CO3)2, magnésite et hydromagnésite. Le mécanisme de précipitation endogène des carbonates de magnésium serait similaire à celui du carbonate de calcium : Ce sont des lacs alcalins à dureté magnésienne dominante (Mg2+ nettement plus élevée que Ca2+ ) qui, une fois saturée en carbonates de magnésium, précipite en solution des lacs selon la réaction (39) :

La magnésite MgCO3 (Ks = 10‑8,04 JOHNSON et al.,1992) de même ordre de solubilité que la calcite CaCO3 (Ks = 10‑8,48 PLUMMER et al.,1978) ne peut précipiter seule en présence du calcium. Par ailleurs le rayon atomique peu différent des atomes Ca2+ et Mg2+, la structure cristalline identique de leur carbonate (rhomboédrique), leurs charges et leurs électronégativités similaires sont autant de facteurs favorables à la formation de solution solide Ca1‑xMgxCO3 tant décrites dans la littérature (DEAN, 2009; LAST et De DECKKER, 1990; MORSE et al., 2007; MÜLLER et al.,1972; QUERALT et al.,1997).

4.5 Phénomènes stabilisants et phénomènes destructifs des carbonates solides des lacs

Dans ce qui précède, les mécanismes de précipitation endogène de solides carbonatés majeurs des lacs ont été revus et complétés. Pour en faire des indicateurs climatiques, leur stabilité doit être de longue durée après sédimentation, ce qui n’est pas toujours le cas. Cette partie de l’étude s’intéresse aux phénomènes néfastes et favorables à la stabilisation des carbonates solides précipités dans la colonne d’eau des lacs.

4.5.1 Oxydation aérobie de la matière organique : action des protons H+

La dissolution de la calcite dans la colonne d’eau ou dans les sédiments dépend de la production de protons que génère la décomposition aérobie de la matière organique (MÜLLER et al., 2006). L’équilibre (22) illustre bien le phénomène. Ces protons agissent soit à l’état (40), soit combinés au bicarbonate sous forme d’acide carbonique (41) :

M: Ca, Mg, Fe ou Mn

Alors que la production de la matière organique (eutrophisation par exemple) élève le pH de l’eau et provoque la précipitation du carbonate de calcium, la décomposition de la matière organique augmente l’acidité de l’hypolimnion propice à la dissolution de ce carbonate (DEAN, 1999). Les carbonates de fer, de manganèse et de magnésium subissent les mêmes contraintes.

4.5.2 Oxydation biologique du carbonate de fer FeCO3

Certaines bactéries acidophiles sont capables d’oxyder le fer(II) à l’état solide (KAPPLER et NEWMAN, 2004; PISAPIA et al., 2007). ZHANG et al. (2009), dans une étude expérimentale récente, rapportent la minéralisation biologique du citrate ferrique et de la nontronite (phyllosilicate riche en fer) par des micro-organismes réducteurs de Fe3+, également celle de la vivianite, sid érite et pyrite par des micro-organismes oxydatifs de Fe2+. Par cette étude et pour la première fois, ils ont montré qu’en milieu anoxique, il existe un cycle du fer dans lequel le fer(II) et le fer (III) sont à l’état solide. Cependant, les mécanismes de réduction et d’oxydation biologiques de ces solides ferreux et ferriques n’ont pas été décrits par ces auteurs. À notre sens, le mécanisme de réduction du citrate ferrique et de la nontronite serait le même que celui proposé dans cette étude pour la réduction d’hydroxyde de fer et d’oxyde de manganèse. L’oxydation de la vivianite, de FeS et de FeCO3 obéirait à un mécanisme beaucoup plus complexe, d’après ZHANG et al.(2009). La réflexion suivante que nous menons sur FeCO3 est applicable aux autres carbonates évoqués dans notre étude.

4.5.2.1 Oxydation en présence des nitrates

L’oxydation biologique de FeCO3, donneur d’électrons, nécessite un accepteur qui peut être du nitrate comme c’est le cas pour l’oxydation anoxique de Fe2+ (SCHELOBOLINA et al., 2003; STRAUB et al.,1996). Cependant il n’est pas encore prouvé que les bactéries oxydatives de Fe2+ dépendantes des nitrates soient capables de conserver l’énergie issue de l’oxydation de Fe(II) à l’état solide (KAPPLER et STRAUB, 2005).Toutefois, des bactéries anaérobies thermophiles telles que Thermoanaerobacter ethanolicus isolées majoritairement par ZHANG et al. (2009) dans leur milieu de culture sont capables d’oxyder le fer(II) et de réduire le fer (III) à l’état solide. Nous proposons le mécanisme suivant en milieu anoxique :

4.5.2.1.1 FeCO3 est oxydé en Fe3+ et est réduit en N2

Ici, la bactérie est perçue comme une biomasse fixée sur un support solide (FeCO3) en milieu anoxique et en présence des nitrates. Les deux réactions simultanées nécessitent un contact entre la bactérie et le carbonate de fer sans lequel le transfert des électrons du donneur FeCO3 à l’accepteur NO3 n’est pas possible. Une fois le contact établi, l’oxydation de FeCO3 est activée par l’enzyme ferrioxydase qui assure également le transfert de l’électron sur le nitrate. Ce transfert pourrait être assuré par une enzyme autre : l’enzyme transférase. L’énergie d’activation de la réaction serait considérable avec la sidérite cristallisée (faible contenu énergétique). Le contact optimal s’obtiendrait donc avec la bemmelenite qui est une sidérite amorphe colloïdale, bien que chargée négativement. Il est à remarquer que le système redox consomme les protons du milieu, ce qui n’est pas le cas pour la réduction biologique de Fe(OH)3, où le système génèrent ses protons . C’est donc en milieu anoxique et bien acide que cette oxydation se ferait si c’est le cas. Il est à remarquer également que la réduction d’une mole de nitrate s’accompagnerait de l’oxydation de 5 moles de FeCO3.

4.5.2.1.2 FeCO3 est oxydé en Fe3+ et NO3 est réduit en NO2

Dans ce cas, la réaction (42) est couplée à la réaction (44) suivante :

Cette fois la réduction d’une mole de NO3 engendre l’oxydation de deux moles de FeCO3 toujours avec consommation des protons du milieu et non du système redox. S’il en était ainsi, le milieu devrait être acide, mais moins que dans le premier cas.

4.5.2.1.3 FeCO3 est oxydé en Fe(OH)3 et NO3 est réduit en NO2

A la réaction (44), nous couplons la réaction (45) suivante:

Les électrons et les protons échangés proviennent du système redox, l’oxydation d’une mole de FeCO3 entrainant la réduction d’une demi-mole de NO3. Le système redox s’auto-entretient.

4.5.2.1.4 FeCO3 est oxydé en Fe(OH)3 et NO3 est réduit en N2.

La réaction d’oxydation-réduction qui a lieu dans ce cas s’obtient en couplant les réactions (43) et (45). La réduction d’une mole de nitrate s’accompagne de l’oxydation de 5  moles de FeCO3; à la différence du premier mécanisme (paragraphe 5.2.1.1), le système redox produit ses protons. Toutefois, le milieu devrait être acide eu égard au léger déficit protonique qu’accuse le système redox.

4.5.2.2 Oxydation en présence des phosphates ou des sulfates

Les bactéries sulfato-réductrices sont également capables de réduire PO43‑ (autre accepteur d’électrons) en phosphine PH3 (ROELS et VERSTRAETE, 2001). Il est donc possible que l’oxydation de Fe2+ soit couplée à la réduction de PO43‑, surtout que cette dernière est impliquée dans la corrosion du fer (ROELS et VERSTRAETE, 2001).Par ailleurs la réduction de SO42‑ (autre accepteur d’électrons) en SO32‑ par des bactéries oxydatives de Fe2+ est possible (ZHANG et al., 2009). Le milieu de culture bactérienne de ZHANG et al. (2009) contient toutes ses entités chimiques : présence de sulfates (NH4)2SO4 et MgSO4, et de phosphates K2HPO4 et KH2PO4. Nous inspirant de ce milieu, nous proposons les mécanismes ci-après qui dépendent de la forme oxydée du carbonate de fer (Fe2+ ou Fe(OH)3) :

4.5.2.2.1 Oxydation de FeCO3 en Fe3+ et réduction de PO43‑ en PH3

Le mécanisme y afférent s’obtient en combinant la réaction (42) avec la réaction (46) suivante :

Ce cas s’apparente à celui déjà évoqué (paragraphe 5.2.1.1) : forte consommation des protons du milieu, le système redox n’en produisant aucunement. Le milieu doit être acide pour entretenir le système redox.

4.5.2.2.2 Oxydation de FeCO3 en Fe(OH)3 et réduction de PO43‑ en PH3

Le couplage des équations (45) et (46) rend compte du mécanisme. La réduction d’une mole de PO43‑ entraine l’oxydation de 8 moles de FeCO3 en milieu acide.

4.5.2.2.3 Oxydation de FeCO3 en Fe3+ et réduction de SO42‑ en SO32‑

La réaction (42) et la réaction suivante (47) rendent compte du phénomène.

L’oxydation d’une mole de FeCO3 consomme autant de protons produits hors système redox que la réduction d’une mole de SO42‑. Par conséquent, c’est en milieu acide qu’une oxydation-réduction biologique de cette nature pourrait avoir lieu.

4.5.2.2.4 Oxydation de FeCO3 en Fe(OH)3 et réduction de SO42‑ en SO32‑

Les réactions (45) et (47) traduisent les faits dans pareil cas : Les protons et les électrons échangés proviennent du système redox qui s’auto-entretient.

4.5.3. Déplacement d’équilibre

L’équilibre (13) est celui qui caractérise toutes les eaux naturelles, connu sous l’appellation équilibre calco-carbonique. Lorsqu’il se déplace vers la droite, on dit que l’eau est agressive (KAMGAING, 2003b; LEGRAND et POIRIER, 1976). S’il se déplace vers la gauche l’eau est dite incrustante. Une eau agressive attaque le carbonate de calcium, mais également tout matériau mis à son contact : l’intoxication au plomb d’origine hydrique, conséquence de la circulation d’eau agressive dans des tuyauteries en plomb est bien décrite (BEAUSOLEIL et BRODEUR, 2007; LEROY, 1994). Une eau agressive qui attaque le métal est susceptible d’attaquer le carbonate de ce métal. L’équilibre (13) étendu aux carbonates métalliques devient:

M : Ca, Fe ou Mn

En résumé, la stabilité ou la vulnérabilité des carbonates solides endogènes des lacs dépend du caractère de l’eau : une eau incrustante ou à l’équilibre stabiliserait d’avantage ces carbonates alors qu’une eau agressive aurait l’effet inverse (déplacement de l’équilibre (48) vers la droite).

4.5.4 Influence de l’évaporation et du dégazage spontané ou forcé sur l’endogènèse et la stabilité des carbonates solides des lacs

Toute action susceptible de modifier la concentration de la solution du lac en espèces dissoutes peut conduire à sa saturation et provoquer la précipitation entre autres d’oxydes ou de carbonates. L’action la plus régulière est l’évaporation du lac suite au réchauffement ; le dégazage spontané ou forcé suite à un retournement des eaux ou à un dégazage du lac respectivement est une action à considérer également. Lorsque ces phénomènes adviennent, l’eau change de composition et même de caractère (agressif, incrustant). En général, une élévation de température peut conduire à l’évaporation qui rend l’eau incrustante, c’est-à-dire prompte à précipiter des carbonates solides (équilibre 48). L’évaporation artificielle d’un lac (dégazage forcé) n’est pas sans conséquences sur le caractère de l’eau. En effet, il existe une quantité d’acide carbonique qui maintient l’équilibre (13), connu sous l’appellation « acide carbonique équilibrant de l’eau » (LEGRAND et POIRIER, 1976). Pour éviter la rupture de cet équilibre, il convient d’éliminer uniquement la partie d’acide qui rendrait l’eau agressive, connue sous le nom d’acide carbonique agressif ou excédentaire. Lorsque le dégazage affecte le CO2 équilibrant, l’équilibre (13) se déplace vers la gauche où l’eau devient incrustante. Nos travaux antérieurs effectués avant dégazage ont montré que les eaux du lac Nyos avaient un caractère agressif alors que celles de Monoun étaient incrustantes (KAMGAING, 2003b). Ces deux lacs dévastateurs (KLING et al., 1987) constituent toujours un risque majeur pour l’homme et l’environnement et sont en phase de dégazage (HALBWACHS et al., 2004; KLING et al., 2005; KUSAKABE et al., 2008; SCHMID et al., 2006). Lorsque le CO2 équilibrant du lac Nyos sera éliminé, les eaux deviendront incrustantes avec pour conséquence une baisse d’alcalinité et de dureté doublée d’un envasement du lac par des carbonates solides (déplacement de l’équilibre 47 vers la gauche). Cette modification de la composition de l’eau pourrait provoquer une fois de plus le dégazage spontané tant redouté suite à une rupture d’équilibre des strates. Le même phénomène se produirait au lac Monoun où les eaux deviendraient plus incrustantes qu’avant. Ainsi, l’évaporation et le dégazage non contrôlé d’un lac auraient tendance à rendre ses eaux incrustantes favorables à la précipitation et à la rémanence des carbonates solides, mais néfastes à la stabilité du lac.

5. Conclusion

Plusieurs causes sont à l’origine de la précipitation des carbonates de fer, de manganèse ou de calcium en solution des lacs. L’évaporation due au réchauffement ou encore le dégazage spontané ou forcé favoriseraient la saturation du lac en ces carbonates. La revue de la littérature faite dans cette étude a permis de faire le point sur l’état des mécanismes de leur précipitation dans la colonne d’eau (carbonates endogéniques) et de leur formation par des micro-organismes dans les zones anoxiques et dans les eaux interstitielles (carbonates biogéniques). La prise en compte de l’origine de leurs éléments constitutifs (géochimique ou biologique) dans le processus de leur formation ou de leur précipitation apporterait plus de précision à l’endogènèse et à l’authigénèse des carbonates solides des milieux lacustres. Le caractère de l’eau (agressif ou incrustant) aurait une influence sur la précipitation et sur la stabilité des carbonates formés ou précipités.