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Introduction

Nous nous intéressons dans cet article à l’apprentissage des adultes. Nous questionnerons en particulier différentes notions relevant de ce processus, et repérables dans le contexte de la formation professionnelle continue. Nous envisagerons d’abord l’imitation comme première étape de l’apprendre; nous interrogerons également les notions d’interprétation et d’émancipation comme inhérentes au même processus. Ces notions, fil rouge de notre discours, sont aujourd’hui souvent malmenées voire incomprises dans les lieux traditionnels de la scolarisation ou de la formation. L’idée dominante renvoie en effet à l’appropriation voire à la captation du donné proposé, comme garante de la réussite de l’un, et de la légitimité de l’autre. Peu de place est donnée à une autonomie de réappropriation passant pas le détour de l’imitation et de l’herméneutique.

Nous présenterons dans un premier temps les aspects fondamentaux de la notion d’imitation, en la situant dans les espaces théoriques de l’agir communicationnel et de l’apprentissage vicariant[1] (Bandura, 1986). Nous ferons dépendre cette fabrication du lien inhérent à l’apprentissage de l’émergence de l’intelligence collective. Il sera ensuite question, de montrer en quoi cette construction permet à l’adulte qui se forme, en vue de maintenir et de développer ses compétences professionnelles, d’entrer dans un espace interprétatif, médiumde sa formation. Dans une deuxième étape, en nous appuyant sur une problématisation de la question, nous interrogerons le processus d’apprentissage à partir d’une autre entrée, celle permise par l’observation des différentes postures prises et occupés par les apprenants. Une troisième étape, inspirée des réponses des acteurs, devrait nous permettre de discuter de la conjonction existante entre l’imitation, l’interprétation et de l’émancipation, à travers leur nécessaire complémentarité comme éléments clés de l’auto-apprentissage, et médiations entre le donné et le reçu, appris et redonné.

1. Approche contextuelle

La recherche présentée ici a l’ambition de donner à voir les conditions d’apprentissage mises en valeur et en acte dans un espace de formation continue pour adultes, employés dans le secteur sanitaire et médico-social. Les participants aux formations proposées sont en effet des professionnels de santé, des services hospitaliers ou logistiques travaillant dans différents établissements ou services sociaux ou médico-sociaux (ESSMS). Le lieu de la formation est un institut intervenant pour des formations spécialisées, de courte durée, portant sur l’accueil, les soins, le management, l’organisation du travail, la démarche qualité et les relations humaines. Les ambitions des responsables de cet institut et des formations qu’ils gèrent, sont de deux ordres : une correspondance fidèle et avérée aux attentes des entreprises d’origine des participants aux formations, et une écoute continue des demandes des participants, de leurs avis, et de leurs évaluations. Les deux dimensions qui sont prises en compte dans la politique de l’établissement et donc dans l’organisation des formations renvoient parfois à des différences d’appréciation, voire à des oppositions entre :d’une part, la demande de technicité précise, accrue et parfois injonctive des lieux d’emploi qui doivent eux-mêmes respecter des règlementations et des normes définies en France par des instances évaluatrices et organisatrices de la qualité, notamment la H.A.S (Haute Autorité de Santé) et Anesm (agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux) ; et d’autre part, les attentes et les constats faits par les stagiaires que la formation est autant le lieu de la reconnaissance personnelle de la qualification que celui de la volonté de bien faire son travail pour au final valoriser une image de soi positive tant sur les deux plans, personnel et professionnel.

La prétention est alors d’animer l’espace–formation dans le respect des postures et des attentes, en inscrivant une troisième ambition, celle de faire se rencontrer les avis et les attentes dans le lieu de leur conjugaison et complémentarité possible qu’est la formation, et de faire de cet espace-temps un instrument de rencontre des opportunités et des freins, afin de permettre des avancées réciproques et significatives. Nous ne nous attarderons pas sur les intentions et leurs résultats, pour essayer par exemple, de repérer ce qui dans le temps et les contenus de formations pourraient servir les desseins d’inscrire la formation comme espace-temps de médiation. Cette question fait l’objet d’une autre recherche dont l’approche épistémologique se réfère à la recherche-action, et dans laquelle le rôle et les caractéristiques des formateurs occasionnels ou non sont à examiner rigoureusement. Notre perspective est ici davantage tournée vers l’espace pédagogique et didactique. Nous nous limiterons à interroger ce dont est redevable l’acquisition de connaissances techniques ou l’évolution personnelle, au processus d’apprentissage, dans ce que nous estimons être les différents espaces de sa construction, entre imitation et émancipation.

2. Approche conceptuelle

2.1 L’imitation

Nous aborderons le thème de l’imitation en le situant dans le champ des apprentissages en FPC destinée aux adultes. Cette notion est généralement évoquée dans d’autres espaces d’apprentissage, ceux parcourus par l’enfant. Ainsi, l’imitation peut être définie comme une reproduction d’une ou de plusieurs actions par un individu qui les fait siennes après les avoir vues pratiquées/produites et/ou explicitées par un autre individu (Nielsen & Dissanayake, 2004 ; Nielsen & Slaughter, 2007). (Téchnè)

Pour donner une seconde et plus ambitieuse définition de l’imitation relevant d’un autre espace de sens, nous pourrions nous appuyer sur Piaget, et avancer qu’elle est une fonction symbolique de la cognition; elle est la première manifestation du « processus assurant la transition entre l’intelligence sensori-motrice et la représentation imagée » (Piaget, 1964, p. 143).

Elle est peu investie comme pertinente dans les formations pour adultes, même si la richesse et la diversité des significations qu’elle peut prendre relève tout autant de la reliance que de la complexité (Morin 1995).

En effet, l’imitation met en jeu l’aptitude à apprendre des autres dans un contexte social et à incorporer des comportements observés chez les autres dans le répertoire moteur. C’est en outre le moyen par lequel nous absorbons, répétons et devenons imprégnés de culture humaine (Rogers & Williams, 2006). De plus, pour de nombreux auteurs de Piaget à Williams, apprendre en voyant faire est considéré comme la transition vers une cognition de haut niveau.

2.1.1 Grandeurs et misères de l’imitation

Notons d’abord la polysémie du terme : l’imitation renvoie à la fois au mimétisme et à l’émulation, elle opère de façon récurrente et essentielle dans les apprentissages. Elle est à la fois simulation et apprentissage vicariant.

Autre remarque, appliquée à l’apprentissage, l’imitation occupe trois espaces/références à partir desquels on peut interpeller le processus « apprendre » :

  • Celui référé à une action, et qui suppose une possible mimétique.

  • Celui référé aux résultats, qui entraine émulation et compétition.

  • Celui s’inscrivant à partir d’une intention, dans la recherche du (des) but (s) à atteindre.

Pour invoquer le rôle de l’imitation, et sa/ses fonctions, dans le champ de la FPC destinée aux adultes dans l’emploi, une distinction est à faire. Les partenaires de la relation s’inscrivent alors dans un schème actanciel (Muchielli, Corbalan & Ferrandez, 2001) qui suppose la prise en compte du contexte comme « système global marqué par des inductions externes aux acteurs » (Bocquet, 2013). Ainsi, la mesure de la pertinence du système et l’intérêt que sa reproduction, plus ou moins distanciée, peut représenter dans son poste de travail ou sa fonction deviennent des ressources et des contraintes qui permettent de faire émerger le sens. Les ressources et contraintes situationnelles peuvent se décrire à partir de trois niveaux d’intelligibilité :

  • Une forme démonstrative, qui est liée non pas à l’action observée mais aux principes de la « théorie de l’agir communicationnel ».

  • La mise à jour d’une représentation distanciée de l’action, modélisation puisant dans la référence à l’exemplarité : nouveaux savoirs, guide de bonnes pratiques, règles de l’art, recommandations de bonnes pratiques professionnelles,

  • Un champ de pertinence décrit à travers des moyens d’explicitation de l’expérience.

Il est souvent affirmé que « l’imitation possède une double dimension, cognitive et sociale. Or, la compétence cognitive est présente très tôt dans la vie et représente un outil puissant d’apprentissage et de transmission culturelle » (Petit & Pascalis, 2009). Elle sert également d’outil d’apprentissage social (Apports et échanges d’information + émulation) (Piaget, 1964). Ainsi, en complémentarité conjuguée de l’échange « imitatif et émulatif » relevant de l’agir communicationnel en FPC, il convient de proposer une autre dimension qui nous semble également appartenir au processus. En effet, évoquer l’agir communicationnel réfère à la construction d’une identité professionnelle et personnelle, à travers ce qui touche à l’« idem et à l’ipse » (Ricoeur, 1990) tant dans le raisonnement d’une action évoquée, que dans un résultat à améliorer et une intention à finaliser pour donner du sens (épistémè).

2.1.2 Eléments constitutifs et référentiels du processus

Après avoir posé une définition de la notion d’imitation liés à l’apprendre, nous allons interroger maintenant le processus d’apprentissage adulte, en liant cette notion d’imitation au rôle moteur que peut avoir le sentiment d’efficacité personnelle dans l’apprentissage. En effet, si ce sentiment d’efficacité semble indispensable au progrès, il est de fait souvent dépendant d’une dimension vicariante de l’apprentissage, c’est-à-dire à la fois ouverte à d’autres apprenants qui peuvent utiliser les connaissances acquises, et configurée de telle sorte qu’elle puisse bénéficier à d’autres stratégies d’apprentissage, de connaissance et de démonstration (Galand & Vanlede, 2004).

Ce premier questionnement nous permet d’interroger l’espace de l’apprentissage comme étant ouvert ou fermé, donnant ou pas la possibilité à un investissement personnel de s’exprimer, et à la distance entre ce qui est attendu et praticable, de se dire et de se réduire. Nous pouvons alors nous interroger sur les transformations possibles en FPC qui permettent ou inhibent l’accès à un processus de développement (Guillaume & Manil, 2006). Cela sous-tend, une conception anthropologique de l’adulte comme un sujet vivant qui, dès lors, n’a pas complètement « cessé de croître », comme l’écrivait Philippe Mérieu « l’homme, adulte comme enfant, est un être inachevé… » (Meirieu, 2002).

2.2 Intelligence collective

2.2.1 Les interactions

Le contexte occupé, qu’il soit réel ou virtuel, donne à voir de nombreuses interactions à partir desquelles peut se construire un processus d’apprentissage. Les contenus et les méthodes proposés à l’apprentissage mènent l’adulte à se mouvoir plutôt dans des espaces intellectuels, une mobilité symbolique non immédiatement accessible à chacun, mais facilitatrice et productrice d’intérêt et d’engagement réciproque. Cette mobilité sera conditionnée par la capacité qu’aura l’apprenant à faire face au conflit sociocognitif et/ou à « puiser dans ses réserves » de connaissances et d’informations expérientielles.

Une autre interaction sera provoquée au sein du processus par le partage des connaissances expérientielles individuelles de chaque apprenant qui leur permettra de tenir compte des attendus, des conditions et des contenus de l’apprendre, d’orienter ces attendus, conditions et contenus et de les inclure dans leurs propres expériences. Il s’agit donc en FPC de rendre les différents parcours intégrables dans l’espace multivarié du perfectionnement envisagé et de donner du sens aux contextes en présence, les rendre « habitables », c’est-à-dire y permettre l’expression de chacun, dans ses intentions, son ressenti et ses aspirations.

Or permettre l’expression de chacun, c’est également accepter la mise en arrêt du jugement pour accueillir la surprise et l’imprévisible de l’inattendu et de la diversité. Nous serions alors peut-être dans une première approche de la médiation en FPC qui toucherait sinon d’autres réalités au moins à d’autres ambitions. En outre, chaque apprenant se retrouverait d’emblée et de facto en situation d’échanges avec le monde physique, avec les pairs, des formateurs-trices, voire des interlocuteurs virtuels externes à la situation d’apprentissage, mais toujours à propos, peu ou prou, d’un objet de savoir en relation avec son domaine d’activité professionnelle.

C’est pourquoi, l’espace occupé ne peut donc pas être simplement celui autorisé par le champ de la FPC, qui limite bien souvent ses ambitions au contexte socio-économico-productiviste. Ce champ ne peut s’annoncer que comme un palliatif, factuel, dépendant du contexte/temps occupé, et globalisant. Son public cible est un public d’« adultes actifs », qui est perçu comme un « ensemble constitué » en objet et non au travers d’individualités où chacun serait pour lui-même « sujet » acteur de son développement.

2.2.2 La notion d’émergence

Il paraît donc indispensable que soit mises en avant et gérées dans le champ de la FPC les formes de l’expressivité (Jakobson) des adultes dans la subjectivité de leurs discours, et dans le même temps, l’émergence d’une expression collective qui donnera sens aux contenus et aux situations (cf. poly-adressage simultané). Parler ici d’« émergence » renvoie d’une part à l’incidence du collectif sur la manière dont les savoirs sont appréhendés et donc aux stratégies comportementales et d’expressivité employées par le collectif apprenant dans l’acte d’apprendre - notion développée par Morin (1977) et avant lui, Bertallanfy  (1968):

« [Un système] possède une propriété remarquable : il permet des émergences. Les émergences sont des propriétés qui présentent un caractère de nouveauté par rapport aux propriétés des éléments considérés isolément (…) » (Morin, 1977, p. 102  dans Bertalanffy, 1968). D’autre part si l’on admet avec ces auteurs que le tout est plus que la somme des parties et que les parties sont insuffisantes à comprendre le tout, cela suppose que dans le schème actanciel de la FPC les comportements et les acquisitions des participants (e) s ne peuvent pas être totalement maîtrisés et anticipés. Enfin, cette émergence d’un sens commun peut alors permettre à chacun de s’y retrouver, comme partie prenante et élément constitutifs du construit qui pourrait être soit le PPDC (plus petit dénominateur commun) ou le PGCM (plus grand commun multiple).

2.2.3 Les apprentissages vicariants

Une troisième notion nous paraît intéressante à approcher, celle d’« apprentissage vicariant », à travers ce qu’en dit Michèle Robert (1970).

Tout d’abord, voyons ce dont ne relève pas l’apprentissage vicariant :

  • Du conditionnement social

  • De l’apprentissage imitatif (imitation des réponses >>>> perception des indices donnant lieu aux réponses)

  • De l’apprentissage coactif (poursuite simultanée d’un comportement prescrit)

  • De la contagion comportementale (possession préliminaire de comportements produits en situation par effet de mimétisme par entrainement).

Puis ce qu’il suppose comme conditions :

  • Observation du comportement, écoute volontaire

  • Démonstration

  • Apprentissage sans essai

  • Apprentissage à partir de l’expérience d’autrui : compagnonnage

Et ce qu’il induit comme effets :

  • Modification acquise du comportement

  • Acquis exprimé en l’absence du modèle

  • Exécution de réponses dépendantes de nouveaux stimuli.

« Il y a apprentissage vicariant lorsque, après observation d’une certaine séquence d’événements (apparition de stimuli dans le champ sensoriel et perceptuel de M (Modèle), exécution de réponses par M et distribution d’agents de renforcement en fonction des réponses produites), il y a modification du système de réponses ou de comportements de O (Observateur), comme si O avait lui-même été directement impliqué à l’intérieur de cette séquence d’événements » (Robert, 1970, p. 506).

Ainsi, il apparaît qu’on emprunte à autrui des comportements qui, à nos yeux, peuvent s’avérer potentiellement efficaces (on n’emprunte donc pas que des comportements qui ont réussi) : distance entre le modèle et le réinvestissement que le sujet opère. Il ne s’agit donc pas d’imitation, mais plutôt d’une sorte d’autorisation à (s’) essayer dans la même voie.

De plus la « théorie de l’agir communicationnel » permet d’induire qu’en observant le comportement d’autrui (pair singulier ou pluriel) le sujet entre en apprentissage, puis s’autorise à maîtriser les éléments constitutifs, remarquables et utiles, de ce comportement et en assumer les conséquences pour lui. Chacun peut en profiter et gagner une volonté de s’investir à son tour, développer un sentiment d’auto-efficacité qui accroît la motivation (si mon voisin peut réussir, je le peux aussi) et qui diminue la portée d’échecs personnels futurs (Bandura, 2003, p. 136). Autre intérêt, le gain de temps puisqu’on profite des essais/erreurs d’autrui (Robert, 1970, p. 530) et d’un auto-étayage (Bruner, 1990).

2.3 Interprétation

2.3.1 L’apprenant habite l’espace… éducatif?

Ainsi, l’imitation n’est pas duplication; il ne s’agit pas d’enfermer l’autre dans la reproduction à l’identique et à la copie mais de lui faire entrevoir un espace qui est le sien pour construire ce que nul n’a fait avant lui et ne peut faire pour lui. La notion d’interprétation apparaît alors, qui permet de mieux comprendre le processus. Bachelard dans son introduction à la « Poétique de l’espace », (Bachelard, 1957) parle de topophilie, amour des lieux, pour spécifier un espace occupé comme ayant une portée sociale, dans lequel les investissements sont possibles, et promis à la satisfaction et la réussite. Sans prétendre que toute occupation de l’espace d’apprentissage renvoie à un « espace heureux », il est à notre avis intéressant de relier cette notion, peu connue et peu utilisée dans les démonstrations habituelles sur les contextes et théories de l’apprentissage, pour en faire, après Bachelard, une des conditions premières pour la construction d’un espace revendiqué comme éducatif. Ainsi, l’adulte pourrait se retrouver, par le bénéfice de la FPC à laquelle il participe dans cet espace de réalisation de soi, et de positivité. Ceci n’étant a priori qu’une promesse, considérons la topophilie comme une utopie. U-topie, c’est-à-dire non-lieu, mais ouvert à son évolution et à sa transformation en τόπος- topos réunissant les qualités attribuées à l’amour (φιλος — philos) du bien et du beau (καλoς καi αγαθός- kalos kai agathos), lieu où l’on est bien lorsqu’il s’y est passé quelque chose de bénéfique et de bienfaisant ou de bienveillant. C’est-à-dire un non-lieu, tant qu’il n’y est pas et un lieu où l’on est bien lorsqu’il s’est passé quelque chose.

Par ailleurs, cet espace est occupé selon des modalités et des postures différentes, qui entraineront des formes d’expressivité variant selon les conditions et les contextes d’apprentissage. Ces dernières peuvent être analysées comme des réponses aux dispositions prises pour favoriser cet apprentissage, le mobiliser et l’entretenir. Elles seront inhérentes à l’intention du dispositif de formation de l’adulte, aux attentes, mais également au degré de performativité des discours et injonctions énoncées et perçues.

2.3.2 L’interprétation comme médium de la formation destinée aux adultes

L’interprétation pourrait-elle se penser « comme le «moteur» du développement adulte » (Lesourd, 2006, p. 42) ? Cette première question, très générique, en entraine une autre; au sein d’un dispositif de formation, l’interprétation du sujet serait-elle « un objet du monde » dans lequel « est éveillée la possibilité de fonctionner comme instrument médiatisant, comme médium » (Clot, 2012, p. 269), selon l’expression de Jannette Friederich?

C’est dire que le développement des compétences professionnelles dans le cadre de la FPC mobilise l’interprétation de chacun et du groupe pour construire cette progression qui favoriserait la capacitation d’une élaboration compréhensive de soi. « Un soi » entendu « comme symbole d’unité de la personne » (Boutinet & Dominicé, 2009, p. 116).

Si apprendre consiste à voir et faire voir autrement, l’apprentissage transforme potentiellement chaque adulte parce que l’éducation nourrit individuellement (educare en latin signifie nourrir, élever) et donc « la connaissance devient idiosyncrasique : diverses personnes proposent des interprétations différentes du monde qui n’ont besoin d’aucune justification logique » (Vandenplas-Holper, 2003, p. 92). Elle pourrait donc se transmettre comme une capacité déjà reçue et cultivée.

Pour autant, le dispositif de la FPC exige pour parvenir à ses objectifs de ne pas perdre de vue l’intérêt poursuivi. De plus, aucune construction digne de durer dans le temps n’est possible si les personnes impliquées ne se centrent pas sur un terrain de coopération. C’est-à-dire un champ d’interprétation expérientiel (en l’occurrence leur monde professionnel concerné par l’objet la formation). À l’instar de Labelle et Eneau (2008) s’appuyant de Mézirow (2001), nous pouvons convenir qu’« apprendre est ainsi une manière de construire du sens à partir de la perception, de l’interprétation de cette expérience : en effet interpréter son expérience c’est la doter de cohérence » (Labelle & Eneau, 2008, p. 192).

3. Questionnement et hypothèses de recherche

Nous sommes alors d’emblée dans une dynamique interactionnelle et de réciprocité. Il n’y aurait donc d’apprentissage que réciproque, et en construction progressive, faite d’aller et retour dans un schème actanciel formatif. Le sujet apprenant est ainsi relié de facto ou accroché à l’autre sujet, partenaire de l’apprentissage, dans sa gestuelle physique, cognitive ou symbolique. Ce phénomène provoque dans l’espace éducatif de la FPC destinée aux adultes, réassurance et renforcement. En retour, chacun pourra utiliser les imitations faites dans cet espace-temps, pour appuyer et conforter le processus engagé, en les adaptant aux caractéristiques et profils d’intelligences à investir dans la situation et les contextes particuliers.

Comment imaginer des dispositifs qui puissent tolérer voire favoriser de la part des apprenants l’adoption de comportements variés et non seulement uniformisés par les apprenants? En y incluant coopération, échanges, concertation. Il reste à se poser la question du statut de l’apprenant puisqu’aucune intention pédagogique ne peut ignorer ou faire fi des postures prises par celles et ceux auxquelles il est demandé d’apprendre, et de rendre ce qui a été appris.

Pour l’adulte, les différentes postures dont il est question renvoient à différentes formes (pro) positionnelles prises ou adoptées par un individu en face d’un contexte relationnel vécu en formation. Elles expriment différentes postures du sujet.

  • Le silence qui renvoie aux premiers instants de la participation au processus formatif. Il s’agit d’un temps où l’intention d’apprendre et de se perfectionner se conjugue à une première perception d’autrui, présent pour les mêmes raisons, et potentiellement contributeur et partenaire de la formation.

  • La dynamique ascensionnelle conditionnée par le désir de progrès qui passe par l’acquisition de nouveaux savoirs (théoriques et pratiques), soutenue par les différents acteurs participant au processus d’apprentissage. Elle s’inscrirait plutôt dans l’acte performatif, dans l’intentionnalité d’un message (discours et projet) adressé à une réception dont on attend qu’elle prenne en compte l’énonciation, en mesure l’intérêt et provoque un rapprochement ou une adhésion.

  • La prudence (phronesis) qui mesure le vécu à l’aune du projet et des contenus de formation, pour apprécier la pertinence du passage au choix d’apprendre, puis d’agir dans une perspective d’amélioration.

  • L’ouverture vers un champ où la coopération engage l’espace d’une construction à plusieurs. Elle est d’abord l’accès à la disputatio, la discussion, concernant les contenus de connaissance apparaissant dans la transmission, et la possibilité offerte d’une traversée vers l’autre rive (Vieille-Grosjean & Szabo 2013), garante d’un investissement et d’une découverte de « soi-même comme un autre » (Ricoeur, 1990).

Ces quatre stades posturaux donnent quelques repères qui peuvent s’appliquer au processus relevant de l’apprentissage adulte. Passer du silence, à la prudence enjouée du sujet qui se forme, renvoie en effet à un premier stade de l’acte d’apprendre. Cet acte verra son achèvement dans la capacité qu’aura l’apprenant de rendre, et redonner (Mauss) ce qui lui aura été transmis, puis négocié en auto-construction[2] dans le recours au « déjà là » (Heidegger), c’est-à-dire à des acquis, dans une conjugaison déclinante et distanciée.

S’agirait-il de plusieurs stades « vertueux » qui tout en sollicitant la capacité cognitive dans un espace personnel à créer, et pour un espace social à inventer, permettrait l’ouverture vers un devenir-soi patient idoine aux apprentissages émancipateurs?

C’est pourquoi, dans le schème actanciel de la FPC, la question qui va se poser concerne le phénomène d’interprétation pour en discerner la pertinence comme médium propice à la formation des adultes en situation d’emploi.

4. Retour au terrain - Méthodologie

La vérification de la pertinence de notre questionnement de recherche passe par le retour au terrain qui nous a fourni les premiers éléments du questionnement. Nous nous sommes orientés vers une approche à visée compréhensive et basée sur les informations tirées d’une enquête qualitative. Ainsi, 30 entretiens ont été réalisés avec des participants aux formations organisées sur 3 ans. Le choix de nos partenaires de terrains a été dicté par cinq critères :

  • La participation à des formations

  • La situation à l’égard de l’emploi

  • Leur appartenance sexuelle

  • L’âge (trois catégorie : 25-35, 35-50, 50 et plus)

  • La qualification professionnelle (trois niveaux de qualification)

Les entretiens ont duré entre 30 et 40 minutes. Ils ont été menés en dehors des temps de formations ou de travail, soit à proximité des habitats (maison associative, centre social, café), soit au sein des entreprises (local disponible). Les questions posées s’organisaient dans quatre directions :

  • Les variables d’identification personnelles

  • Les opinions évaluatives des formations auxquelles ils avaient participé

  • Les ressentis concernant les apports de connaissances ou l’évolution personnelle (utilité, utilisation)

  • Des propositions d’amélioration (forme et fond)

4.1 Espaces et temporalités

Il est utile maintenant de recontextualiser la situation de formation, que nous avons interrogée sur quelques unes de ses pertinences, l’inventivité créatrice, l’autoformation, et la réciprocité éducative. Les prénoms des sujets ont été remplacés par des lettres :

Madame F : ce qui me revient c’est la convivialité de la formation (…). La convivialité, l’échange avec les différents membres du personnel, le formateur, c’était assez riche je trouve (…). Il y avait des exemples qui ont permis quand même de présenter les choses plus facilement et chacun a participé, a donné ses opinions, un petit peu ce qu’il pensait (…). Je pense que c’est riche au niveau humain, aussi 

Outre la confirmation de la convivialité de la situation, Madame F nous conduit à reconnaître avec Souto (2009) que « dans le groupe de formation, l’interprétation vise le «ici et maintenant», c’est-à-dire qu’on ne travaille pas avec l’histoire individuelle de chaque sujet, mais avec la situation partagée par le groupe. L’objet de l’interprétation, c’est le groupe » ( p. 554) et non, évidemment, l’adulte venu pour apprendre.

Mademoiselle E : en l’occurrence quand des personnes partagent une expérience, on ne peut pas être d’accord ou pas d’accord c’est un vécu donc c’est subjectif, après on peut éventuellement discuter de la réaction. (…) De comment analyser la chose! Mais quand les gens interviennent, je ne peux pas dire si je suis d’accord avec ce qu’ils ont vécu! (Rires) ».

Nous souscrivons à la synthèse de Souto (2009). Pour autant, le propos recueilli, hors enregistrement, d’une personne qui assistait à notre entretien avec Madame R, permet de poser une hypothèse complémentaire. Cette personne nous expliqua que quelques jours après avoir suivi une FPC concernant le thème de la « Relation Soignant-Soigné », elle réalisa et découvrit même, hors contexte, sa véritable place dans sa fratrie. Il semblerait qu’elle ait ainsi élargi l’espace et la temporalité des effets d’une formation.

Nous savons, en effet, à la suite de Dupuis (2006) que « le temps est d’abord ce grâce à quoi quelque chose peut jaillir, arriver, fulgurer, et aussi croître » (p. 110).

Nous pourrions traduire cette assertion en l’adaptant aux situations plus spécifiques de la formation : ce que le processus d’apprentissage dépose « ici et maintenant » pour la construction des connaissances et des compétences de l’individu adulte en FPC, chemine « ailleurs et après » avec l’apprenant adulte une fois sorti du groupe de formation.

Madame U :  La formation en général peut amener des réflexions intimes, personnelles, (…) par exemple, si je prends l’»obésité massive», elle a changé mon regard sur les gros! Vous savez on peut avoir tout un tas (…) d’idées reçues, de jugements de valeurs et tout ça et même à l’extérieur donc, dans ma vie personnelle, je peux avoir un autre regard sur ces personnes-là en étant beaucoup plus tolérante, en connaissant tellement mieux le processus (…), donc que ce soit l’une ou l’autre des formations, (…), ça impacte notre façon de voir, nos jugements, nos idées reçues, donc forcément aussi sur le versant personnel..

Les stages de FPC se présentent, tel un champ d’interprétations qui constitue le lieu où vont se réaliser un nombre d’interactions entre les sujets se formant à partir d’eux-mêmes, à partir de ce qu’ils sont et font avec les autres participants, comme sur un terrain de propositions sans imposition.

À tel point que Madame J pourrait ajouter qu’un échange de regards partagés contribue aussi à induire une cohérence non seulement de l’expérience mais aussi de l’action pendant qu’elle se fait, quand elle nous dit : « (…) après, pour repartir avec un regard neuf, on a entendu la même chose donc, pour avoir une même cohérence, (…) » dans les pratiques professionnelles.

Quelques propos de personnes interviewées, l’explicitent avec clarté :

Madame F : On a tous des avis qui ne sont pas forcément les mêmes, qui peuvent être divergents au niveau personnel et professionnel 

Madame J : Entendre d’autres personnes, parler sur des sujets peut-être sur un autre angle qu’on n’avait pas vu! Enfin je ne sais pas moi! Nous permettre d’évoluer nous-mêmes, je veux dire lêtre humain n’est pas un être changeant en perpétuel mouvement, après il y a que lui qui peut changer non? 

Madame Y : J’ai apprécié cette formation-là aussi, parce qu’on était vraiment un groupe très hétérogène, avec aussi bien des ASH que des aides-soignantes que des infirmières (…) le fait que ce soit un groupe très hétérogène, on avait tous des questionnements très spécifiques et ça j’ai beaucoup…, beaucoup apprécié

Madame Y : (…) la formation, en fait, c’est aussi se confronter à d’autres expériences et outre la compétence, c’est la relation à l’autre qui change, c’est savoir écouter aussi! Pardon! Savoir écouter, les avis des autres, voir le fonctionnement du groupe aussi, ça c’est quelque chose que je découvre (…), voir un petit peu les relations (…) dans un groupe, comment ça fonctionne, (…) voilà! quoi! Et, (…) oui, le partage, l’expérience des choses comme ça (…), c’est un peu différent de la compétence, oui!

4.2 Le progrès dans l’intersubjectivité

L’expérience de la FPC, le moment de la FPC, et nous nous référons ici à la « théorie des moments » (Hess, 2009), semble atteindre la dimension de l’ouverture consensuelle vers « l’agir communicationnel » (Habermas & Fultner, 2002) à partir duquel chacun sera libre de déterminer le point qu’il voudrait atteindre ou le chemin qu’il souhaite emprunter dans sa « zone proximale de développement » (Vygotsky, 1985) pour son perfectionnement.

L’agir communicationnel n’aboutirait-il pas à « mettre en scène un sujet qui s’autorise à se penser dans son existentialité. Car ce processus autoréflexif qui oblige un regard rétrospectif et prospectif est à comprendre comme une « activité d’auto-interprétation critique et de prise en compte de la réalité sociale, historique et culturelle des référentiels intériorisés par le sujet et par là, constitutive de sa subjectivité » (C. Josso 2001, p. 105). De plus, mentionnons que « ce travail introspectif, pour être producteur de distanciation, ne peut se dérouler que dans la confrontation au regard d’autrui en jouant sur les effets de contraste que cette confrontation engendre », ce processus conduisant à « l’interpellation de l’autre pour cheminer vers ses valeurs ultimes et pour en faire une véritable force intérieure » (Barbier, 1997, p. 311).

Madame K indique après un temps de réflexion : Alors au niveau de la reconnaissance des valeurs, donc, (…), je pense que ça y participe, mais… Je pense que le but premier dans une formation c’est que ça vise plutôt le professionnel (…)! Même si bien sûr (…) le côté personnel, forcément il y aura des répercussions aussi (…)! Parce que comme je vous ai dit, on n’est pas que des êtres professionnels, donc on a aussi nos savoirs être, on a aussi des acquis qui sont pas forcément des acquis liés à tel ou tel domaine d’activité! C’est aussi d’autres valeurs (…)! Pas que des valeurs professionnelles, on est un être complexe qui essaie d’autres valeurs.

Cet essai herméneutique de la formation et de ses effets sous-entend-il, en fait, que l’interprétation d’autres valeurs perçues et reçues, est sollicitée pendant la relation de transmission interindividuelle et qu’elle est forcément non imposée dans nos sociétés démocratiques?

4.3 De l’interprétation à l’émancipation : entre reconversion et poièsis

Boutinet explique que « c’est par une conversion de son regard qu’il (le sujet) a pu développer une intelligence de la situation qu’il avait lui-même provoquée. Toute observation (de signes et de symboles) est réactive et l’interprétation de cette réactivité a généré une révolution » (2007, p. 321) comme l’est un apprentissage, une sorte de retournement sur soi, sur ses capacités, son potentiel.

Pour Vieille-Grosjean, cette activité est promesse d’apprentissage, dans la mesure où elle se donne à voir et s’installe comme « une démarche métanoétique[3] qui permet à l’un et l’autre des partenaires de la relation de dépasser les peurs et les refus, pour apprendre et changer » (2009 p. 127).

Nous pouvons alors évoquer à la suite de Paul (2009),

un cheminement ensemble qui ne conduit pas «sur une voie bien indiquée où tout est déjà dit» car il n’y a ni technique ni méthode pour mettre en oeuvre une démarche qui vise l’ouverture des autres à eux-mêmes si ce n’est une mise en présence relationnelle et le dialogue lors duquel le professionnel, tout en provoquant cette ouverture par son propre engagement subjectif, transmet tout autant une part de lui-même.

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Barbier (2001) quant à lui, s’inspirant de Luhan (1964), parle de message et de massage dans la transmission, semble faire émerger au-delà de la subjectivité (dont a parlé Mademoiselle E), la notion de « transpersonnel » qui « dépasse les frontières imposées par une interprétation en termes simplement historique, économique, sociologique ou psychologique et devient attentif à la notion d’imprévu, de «vécu» singulier et de coformation de soi à soi, de soi au Monde et de soi aux autres » (Barbier, 2001, p. 13). A partir de là, nous pourrions convenir avec Wulf (1999) que « chaque individu comprend grâce à cela le monde à sa manière » (p. 58).

En quelque sorte, nous rejoignons l’« existentialisme » sartrien qui s’ordonne fondamentalement à partir d’un « être au monde » réalisé entre l’« être en soi », l’« être pour soi » (Sartre, 1946) et la reconnaissance intrinsèque de la liberté d’être des autres. Il semblerait, à ce point, que l’adulte en formation se situe, se positionne, dans un environnement d’échange, de « réciprocité éducative » (Labelle, 1996) et expérientielle qui suppose la prise en compte de soi et des autres.

En outre, l’espace de la formation destinée aux adultes devient le terrain de jeu « des cadres de référence implicites des sujets, leurs “perspectives de sens” qui s’expriment à travers leurs interprétations du monde. La réévaluation, au cours de la vie adulte, de ces cadres de référence implicites, constitue des «transformations de perspectives» qui s’accompagnent de véritables changements du monde vécu » (Lesourd, 2006, p. 41). Jullien quant à lui, évoquerait des « transformations silencieuses » (2009) oscillant entre « continuation » et modification ».

Dès lors, l’interprétation devient une modalité constitutive d’un « apprentissage émancipateur » (Mezirow, 2001) qui ne se limite pas au « seul domaine cognitif mais inclut la totalité de l’être humain » 2009, p. 1068). Cette totalité renvoyée à la réflexivité de notre propre histoire, peut « élever » la croissance de la vie adulte et incliner à saisir que « la compréhension de soi est une interprétation; l’interprétation de soi, à son tour, trouve dans le récit (comme peut l’être l’agir communicationnel), parmi d’autres signes et symboles, une médiation privilégiée » (Ricoeur, 1990, p. 138). Par ailleurs, nous voici en face d’une proposition de réponse à l’injonction du « Connais toi toi-même », maxime inscrite sur le temple de Delphes, et reprise par Socrate dans le Charmide de Platon (Platon & Cousin, 1987).

Conclusion

Il nous semble important de rappeler que « personne ne possède le monopole de l’interprétation car l’interprétation langagière produit sans cesse de nouvelles interprétations » (Ménard, 1989, p. 432).

C’est pourquoi, le processus interprétatif, en FPC, n’attend pas le fin mot ou le mot final « du grand interprétateur » qui pourrait être le formateur ou le groupe. En effet, l’absence de jugement est indispensable dans ce processus qui fait appel à l’intersubjectivité « comme miroir actif, maître d’accompagnement existentiel, susceptible d’entrer conflictuellement avec nous pour nous faire découvrir, dans le rapport humain qui n’a pas peur de la confrontation, les valeurs existentielles à notre devenir » ( Barbier, 1997, p. 311-312).

D’ailleurs, Madame O, a précisé avec satisfaction que « ce qui était bien c’était que, elle (la formatrice) nous a fait faire des situations et on a réfléchit ensemble comment faire, et ça je trouvais que c’était : «l’une disait moi je fais ça», l’autre disait : «non, moi je fais plutôt ça!” pourquoi, on expliquait un peu notre fonctionnement (…) », d’auteur plus que d’acteur, sans doute. L’agir communicationnel peut participer dans le cadre d’une formation, de cette forme de « communication significative » permettant à la personne « d’avoir accès au soi » , 2009, p. 543).

Ainsi, à travers son propre engagement subjectif et sans extrapolation, l’interprétation devient le médium d’une ouverture personnelle à ce qui est vécu, et entendu, dans les contextes de réception formative, en permettant au sujet de s’inscrire progressivement dans la construction ou la reconstruction de connaissances et de savoirs. D’autre part, l’interprétation, dont nous avons vu qu’elle naviguait entre art et artisanat, pourra devenir plurielle, c’est-à-dire constitutive d’une communauté d’approches, et d’intérêts, lorsque sa dimension herméneutique lui permettra de relier l’humilité modératrice de l’intersubjectivité à la promesse de l’éducabilité de l’adulte, créatrice de sens.

Toute interprétation, serait donc à la fois une entreprise de prudence menée dans des espaces et temporalités participant de la construction des savoirs utiles aux adultes, tout en constituant dans le même contexte spatio-temporel, un médium au service de la liberté pour apprendre : un parcours du sujet vers son autonomie et son émancipation d’adulte.