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Introduction

L’intensification de l’internationalisation des échanges depuis une vingtaine d’années a conduit les gouvernements à développer des programmes d’accompagnement à l’exportation en direction des PME. Les résultats de ces actions peuvent paraître décevants au regard loldu niveau d’exportation de ces entreprises. La part des PME exportatrices ne dépasse pas, par exemple pour la France, la barre des 3,5 % (Commerce extérieur, 2014) tandis que seulement un tiers des primo-exportateurs survivent au-delà d’un an (Cour des comptes, 2011). Dans un contexte de restriction de la dépense publique, la question de la performance des programmes d’accompagnement se pose avec une grande acuité (Parker, 2007 ; Shane, 2008).

Les services d’accompagnement à l’exportation (SAE dans le reste du texte) sont généralement définis comme des mesures de politique publique qui contribuent à renforcer les activités d’exportation d’une entreprise, d’une industrie ou d’une nation dans sa globalité (Root, 1971 ; Seringhaus, 1986 ; Koksal, 2009). Ils incluent une grande diversité de services comme la sensibilisation des entreprises sur les opportunités à l’étranger, la planification et le support de l’activité à l’export (Seringhaus et Botshen, 1991), la transmission de connaissances (Czinkota, 1994), la mise en relation (Demick et O’Reilly, 2000) ou encore l’accès à des prêts, garanties et assurances (Czinkota, 2002 ; Shamssuddoha, Yunus Ali et Oly Ndubisi, 2009a). Ils sont prioritairement destinés aux entreprises locales qui cherchent à exporter leurs produits, l’objectif des pouvoirs publics étant de créer de la valeur et de l’emploi dans le marché domestique et d’améliorer leur balance commerciale (Ahmed, Mohammed, Johnson et Meng, 2002 ; Koksal, 2009). D’ailleurs, les chercheurs (par exemple, Albaum, 1983 ; Czinkota, 1996 ; Gençturk et Kotabe, 2001 ; Brewer, 2009 ; Faroque et Takahashi, 2012) comme les acteurs de l’accompagnement et les pouvoirs publics (par exemple, Couzin et Gaubert, 2007) parlent généralement d’accompagnement à l’exportation et non pas d’accompagnement à l’international au sens large.

La littérature s’intéresse depuis une trentaine d’années à l’évaluation des dispositifs d’accompagnement à l’exportation. Pour cela, les auteurs s’efforcent de mesurer le lien entre les SAE et la performance à l’exportation des entreprises accompagnées (Faroque et Takahashi, 2012). La performance à l’exportation peut être définie comme les résultats des activités de l’entreprise dans les marchés étrangers (Katsikeas, Leonidou et Morgan, 2000) aussi bien sur le plan économique (rentabilité, part de marché…) que sur le plan stratégique (nouveaux pays d’exportation, nouveaux produits exportés…) (Knight et Cavusgil, 2005). Les résultats de ces travaux sont contradictoires et ne permettent pas d’affirmer de manière stricte l’efficacité des SAE (Francis et Collins-Dodd, 2004 ; Lages et Montgomery, 2005 ; Faroque et Takahashi, 2012).

La question du lien entre accompagnement et performance reste donc ouverte. Nous nous intéresserons ici non pas au lien entre SAE et performance, mais à la mesure même de l’accompagnement à l’exportation. En effet, l’une des difficultés auxquelles sont confrontés les chercheurs est de parvenir à mesurer l’utilisation par l’entreprise des services d’accompagnement à l’exportation, ceci afin d’en mesurer l’impact sur la performance (Gençturk et Kotabe, 2001). D’une part, la littérature souligne l’absence d’une mesure validée statistiquement (Wilkinson et Brouthers, 2006). D’autre part, et par conséquent, elle souligne la grande hétérogénéité des méthodes d’appréciation de l’accompagnement à l’exportation, empêchant dès lors la comparaison des résultats (Faroque et Takahashi, 2012). C’est pourquoi différents auteurs notent la nécessité de construire une échelle de mesure dont les propriétés psychométriques seraient vérifiées de sorte qu’elle puisse être employée dans les futures études (Wilkinson et Brouthers, 2006 ; Brewer, 2009).

La question centrale du champ étant de savoir si les offres d’accompagnement à l’exportation influencent ou non la performance export des entreprises accompagnées, un tel apport offrirait de nouvelles perspectives au champ de l’accompagnement à l’exportation ainsi qu’aux pouvoirs publics. De fait, l’échelle permettrait de mesurer l’accompagnement à l’exportation (variable indépendante des modèles conceptuels testés dans la littérature) à partir d’un même instrument de mesure. Dès lors, la comparaison des résultats entre les différentes études deviendrait possible, tout comme l’identification des meilleures pratiques d’accompagnement ou des services réellement inefficaces proposés par les différents acteurs.

Notre problématique se propose donc, au travers de cette recherche, de contribuer au développement de concepts et d’outils de mesure qui s’inscrivent dans le champ de l’accompagnement à l’exportation. Nous tenterons de répondre à la question suivante : comment mesurer l’accompagnement à l’exportation dont a bénéficié l’entreprise ? Les objectifs de cet article sont les suivants :

  • Proposer et justifier une conceptualisation de l’accompagnement à l’exportation, notamment quant à son caractère multidimensionnel ;

  • Construire et valider une échelle de mesure de l’accompagnement à l’exportation qui puisse être réutilisée dans de futures études empiriques ;

  • Offrir aux pouvoirs publics et aux chercheurs la possibilité de mieux apprécier l’efficacité et l’impact spécifique des différents types d’accompagnement à l’exportation proposés aux entreprises.

Pour cela, nous avons mené une étude empirique auprès de 288 PME accompagnées à l’exportation. L’échelle de mesure proposée valide statistiquement l’aspect multidimensionnel de l’accompagnement à l’exportation au travers des quatre dimensions suivantes : la formation, la prospection, la mise en réseau et le soutien financier.

Dans une première partie, nous reviendrons sur la littérature en accompagnement à l’exportation des PME et plus précisément sur les travaux qui emploient des mesures de l’accompagnement à l’exportation. Nous tenterons d’expliquer pourquoi les auteurs soulignent le besoin d’élaborer une mesure validée statistiquement. Nous exposerons dans une deuxième partie le cadre méthodologique qui s’inspire de la méthode de construction d’échelle proposée par Churchill (1979). Dans une troisième partie, nous présenterons et discuterons les résultats en montrant qu’il est possible d’adopter une mesure multidimensionnelle de l’accompagnement à l’exportation. Nous terminerons par une conclusion et évoquerons les limites et perspectives pour les recherches futures.

1. Revue de littérature sur la mesure de l’accompagnement à l’exportation

Proposer une mesure valide de l’accompagnement à l’exportation vise à répondre aux enjeux auxquels font face les gouvernements dans la mise en place et la promotion de leur politique d’accompagnement ainsi que dans leur évaluation. Au-delà de ce seul enjeu managérial, nous montrons que la littérature est confrontée à des résultats contradictoires sur la relation entre accompagnement à l’exportation et performance et que le contenu de l’accompagnement à l’exportation est loin de faire l’objet d’un consensus. Au même titre que d’autres auteurs (Gençturk et Kotabe, 2001 ; Wilkinson et Brouthers, 2006 ; Brewer, 2009), nous défendons la thèse selon laquelle cette contradiction tient en partie de l’absence d’une mesure valide de l’accompagnement à l’exportation.

1.1. La relation entre accompagnement à l’exportation et performance à l’exportation

Le développement à l’exportation est devenu une condition sine qua non de la compétitivité, mais aussi de la survie des entreprises (Ramadan et Levratto, 2011). Face à de tels enjeux, les pouvoirs publics de la plupart des nations investissent lourdement dans des programmes d’accompagnement depuis une trentaine d’années (Seringhaus, 1986). L’enquête internationale de Lederman, Olarreaga et Payton, (2006, 2010) menée avec l’aide de la Banque mondiale auprès de 88 pays (développés ou émergents, répartis sur l’ensemble des continents) l’illustre parfaitement : le nombre d’agences de promotion des exportations a été multiplié par trois sur la période 1985 à 2005. Les PME en sont les premières bénéficiaires, qu’elles soient néo-exportatrices ou expérimentées dans les affaires internationales (Ahmed et al., 2002 ; Koksal, 2009). L’objectif est double :

  • Augmenter le nombre d’entreprises exportatrices (Couzin et Gaubert, 2007), notamment en réduisant les barrières à l’exportation qui constituent l’un des principaux freins à l’exportation (Zou et Stan, 1998), et plus particulièrement pour les PME (Arteaga-Ortiz et Fernandez-Ortiz, 2008) ;

  • Et renforcer la performance à l’exportation des entreprises déjà exportatrices en améliorant leurs capacités, leurs ressources, leur stratégie et leur compétitivité (Czinkota, 1996 ; Diamantopoulos, Schlegelmilch et Katy Tse, 1993 ; Seringhaus et Rosson, 1991). Plusieurs études ont montré que ces dimensions influencent elles-mêmes la performance à l’exportation (Aaby et Slater, 1989 ; Cavusgil et Zou, 1994 ; Zou et Stan, 1998).

La structure d’accompagnement à l’exportation intervient ainsi comme fournisseur de ressources pour l’entreprise accompagnée (Dhanaraj et Beamish, 2003 ; Wilkinson, 2006 ; Shamssuddoha, Yunus Ali et Oly Ndubisi, 2009a), la principale ressource fournie étant la connaissance (Czinkota, 1994).

Néanmoins, la question de l’efficacité des offres d’accompagnement demeure sans réponse claire (Francis et Collins-Dodd, 2004 ; Gençturk et Kotabe, 2001). Certaines études montrent l’impact positif des offres d’accompagnement à l’exportation sur la performance des entreprises accompagnées (Coughlin et Cartwright, 1987 ; Seringhaus, 1987 ; Vanderleest, 1996 ; Gençtürk et Kotabe, 2001 ; Shamssuddoha, Yunus Ali et Oly Ndubisi, 2009b ; Faroque et Takahashi, 2012). D’autres études remettent en cause l’efficacité des offres existantes (Walters, 1983 ; Albaum, 1983 ; Buckley, 1983 ; Cavusgil, 1983 ; Denis et Depelteau, 1985 ; Kedia et Chokar, 1986 ; Howard et Herremans, 1988 ; Wilkinson et Brouthers, 2000 ; Bernard et Jensen, 2004 ; Brewer, 2009). Depuis une dizaine d’années, face aux résultats empiriques « limités et mixtes », (Kotabe et Czinkota, 1992, p. 640) ou contradictoires (Lages et Montgomery, 2005), les chercheurs s’efforcent de mesurer, dans différents pays et contextes, la relation entre l’accompagnement à l’exportation et la performance afin de démontrer l’efficacité des SAE (Francis et Collins-Dodd, 2004 ; Shamssuddoha et Yunus Ali, 2006 ; Shamssuddoha, Yunus Ali et Oly Ndubisi, 2009a, 2009b ; Faroque et Takahashi, 2012).

Mesurer l’efficacité des dispositifs publics d’accompagnement à l’exportation d’une manière « rigoureuse et systématique » demeure difficile (Shamssuddoha, Yunus Ali et Oly Ndubisi, 2009a). L’hétérogénéité des outils de mesure et leur manque de précision expliquent en partie la difficulté à évaluer l’efficacité des dispositifs publics et à comparer les résultats des différentes études (Wilkinson et Brouthers, 2006 ; Faroque et Takahashi, 2012). Par ailleurs, la littérature souligne la nécessité de mesurer précisément l’efficacité de chaque type d’accompagnement à l’exportation, et non plus de l’accompagnement en général (Francis et Collins-Dodd, 2004 ; Shamssuddoha, Yunus Ali et Oly Ndubisi, 2009b). Le but des programmes d’accompagnement à l’exportation est « d’améliorer les performances à l’exportation par l’amélioration des capacités, ressources, stratégies et compétitivité globale de l’entreprise qui à leur tour, comme il a été démontré, améliorent les performances à l’exportation » (Francis et Collins-Dodd, 2004, p. 474). Ainsi, une distinction des types d’accompagnement à l’exportation permettrait de mesurer non seulement ceux ayant le plus d’impact sur la performance de l’entreprise, mais également d’identifier l’apport spécifique en ressources et compétences que procure l’utilisation de chaque type de SAE (Shamssuddoha et Yunus Ali, 2006). Par conséquent, les auteurs soulignent le besoin (1) d’élaborer une échelle de mesure valide de l’accompagnement à l’exportation réutilisable dans les futures études (Wilkinson et Brouthers, 2006 ; Brewer, 2009) et (2) d’en faire ressortir l’aspect multidimensionnel (Francis et Collins-Dodd, 2004 ; Shamssuddoha, Yunus Ali et Oly Ndubisi, 2009b).

1.2. L’accompagnement à l’exportation : un concept multidimensionnel ?

Depuis les années 1990 et plus intensément au cours de la dernière décennie, des études empiriques visent à modéliser les relations complexes entre l’accompagnement à l’exportation, les ressources de l’entreprise et sa performance à l’exportation (Faroque et Takahashi, 2012). De nombreux travaux ont eu tendance à raisonner sur l’accompagnement de façon générique en englobant sous une même variable indépendante tous les types de SAE, sans distinction de nature (Donthu et Kim, 1993 ; Gençturk et Kotabe, 2001 ; Lages et Montgomery, 2005 ; Francis et Collins-Dodd, 2004 ; Bonner et McGuinness, 2007 ; Shamssuddoha et Yunus Ali, 2006). À l’opposé, quelques auteurs se sont intéressés à un ou quelques SAE individuellement (par exemple, missions de prospection, salons à l’étranger…) sans tenir compte des autres SAE utilisés par l’entreprise (Marandu, 1995 ; Spence, 2003 ; Alvarez, 2004). D’autres encore ont tenu compte de l’accompagnement privé (Faroque et Takahashi, 2012), parfois sans même les distinguer des offres gouvernementales (Lages et Montgomery, 2005).

Le tableau 1 montre la grande hétérogénéité des mesures de l’accompagnement à l’exportation dans les études empiriques menées au cours des vingt dernières années. L’absence d’une mesure qui est à la fois complète (prise en compte de la diversité des SAE), précise (distinction des différents types de SAE), mais également commune (afin de faciliter la comparaison des résultats), pose des problèmes d’évaluation du dispositif d’accompagnement.

Tableau 1

Les méthodes de mesure de l’accompagnement à l’exportation

Les méthodes de mesure de l’accompagnement à l’exportation

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Comme le notent Shamssuddoha, Yunus Ali et Oly Ndubisi (2009a), l’utilisation d’une mesure globale regroupant des SAE très différents devrait être abandonnée au profit d’une mesure multidimensionnelle mettant en évidence la diversité de l’accompagnement à l’exportation. Une distinction des types de SAE permettrait d’apprécier plus précisément l’impact des différents services. Les études empiriques les plus récentes vont dans ce sens en se focalisant sur deux dimensions (Figure 1) (Shamssuddoha et al., 2009a ; Faroque et Takahashi, 2012) :

  • les SAE de type marketing : par exemple, formations, transmission d’informations, préparation à la participation de salons, organisation de missions de prospection… ;

  • les SAE de type financier : par exemple, prêts à taux zéro, garanties contre les risques…

Figure 1

Distinction des deux grands types d’accompagnement à l’exportation

Distinction des deux grands types d’accompagnement à l’exportation

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Cette catégorisation constitue une avancée significative dans la mesure où ces deux grands types d’accompagnement sont proposés par des acteurs différents. En France, par exemple, Bpifrance International (ex-Oséo International)[1] et Coface[2] sont responsables de l’accompagnement financier tandis que l’accompagnement de type marketing est assuré principalement par les Chambres de commerce et d’industrie à l’international, Ubifrance[3] ou encore par les conseillers du commerce extérieur. Être en mesure de définir l’impact de ces deux grands types d’accompagnement permet de fournir aux différents acteurs des recommandations managériales plus précises et individualisées, sans pour autant ignorer le reste de l’offre.

La distinction faite par Shamssuddoha, Yunus Ali et Oly Ndubisi (2009b), et reprise par Faroque et Takahashi (2012), n’est pour autant pas exempte de limite. D’une part, la mesure des SAE contenus dans chacune des variables s’appuie sur une mesure dichotomique (oui/non) et non pas sur une échelle métrique permettant de tester les qualités psychométriques de l’échelle. En d’autres termes, cette mesure ne permet pas de valider un instrument réutilisable par d’autres. D’autre part, on peut s’interroger sur l’exhaustivité d’une catégorisation en deux types d’accompagnement, notamment au regard des autres travaux plutôt conceptuels ou exploratoires. En effet, si le processus de développement à l’international peut être qualifié de phénomène « complexe et multidimensionnel » (Ramadan et Levratto, 2011, p. 99), la diversité des acteurs publics et des dispositifs laisse entrevoir, en réponse, une offre d’accompagnement à l’exportation elle aussi tout aussi complexe et multidimensionnelle. C’est pourquoi de nombreux auteurs proposent, sans pour autant le mesurer empiriquement, de distinguer trois voire quatre catégories d’accompagnement reflétant une diversité beaucoup plus marquée et tenant compte des différents besoins des entreprises (Tableau 2). Cela remet en cause la pertinence d’une catégorisation en deux types de SAE et questionne l’absence d’une telle subdivision dans les études empiriques.

La catégorisation de Seringhaus et Rosson (1991) est la plus fréquemment citée dans la littérature. Les auteurs proposent de distinguer trois grands types d’accompagnement à l’international :

  • Des programmes « motivationnels » afin, comme leur nom l’indique, de motiver les entreprises à aller à l’export (rencontres avec des exportateurs à succès, études de cas, communication sur les aides proposées…) ;

  • Des programmes « informationnels » au travers de la provision d’information sur les pratiques d’affaires et les marchés étrangers (recherche de marchés, information sur les marchés étrangers, séminaires sur la commercialisation à l’étranger…) ;

  • Des programmes « opérationnels », ou supports opérationnels, permettant à l’entreprise de mener efficacement ses opérations à l’export (formation à la logistique internationale, assistance marketing, missions commerciales, support financier, visites de clients étrangers…).

Diamantopoulos, Schlegelmilch et Katy Tse (1993) vont dans le même sens, tout en soulignant que les différents SAE doivent viser les besoins spécifiques à chaque étape d’engagement à l’export de l’entreprise. Gençturk et Kotabe (2001) évoquent quant à eux deux types de SAE : (1) des programmes de service à l’export (export service programs) tels que les séminaires pour les exportateurs potentiels, le conseil à l’exportation, les manuels et publications ainsi que le financement des exportations et (2) des programmes de développement de marché (market development programs) tels que la diffusion des opportunités de ventes pour les entreprises locales, la participation à des salons à l’étranger, l’analyse de marché et les rapports sur l’exportation. Czinkota (2002), suivant Kotabe et Czinkota (1992), distingue trois approches complémentaires de l’accompagnement à l’exportation. L’une porte sur le transfert de connaissances informationnelles et expérientielles pour permettre une plus grande compétence au sein des entreprises (par des séminaires, du conseil, des salons à l’étranger…). Une deuxième approche traite du subventionnement direct (prêts) ou indirect (crédit d’impôt export…) des activités d’exportation. Une troisième approche consiste à réduire les formalités administratives et les contraintes juridiques (par exemple, la diminution des exigences pour les licences d’exportation ou la prise en charge des carnets ATA par les conseillers en CCI).

Tableau 2

Les différentes approches conceptuelles de l’accompagnement à l’exportation

Les différentes approches conceptuelles de l’accompagnement à l’exportation

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Plus récemment, Lederman, Olarreaga et Payton (2010) distinguent quatre catégories générales. Une première catégorie, à un niveau étatique, nommée « construction de l’image du pays » et englobant la publicité ou encore les événements promotionnels qui mettent en avant le pays et des secteurs clés. La deuxième catégorie, « services de soutien à l’export », regroupe les formations, l’assistance technique et le partage d’informations. La troisième intitulée « marketing » a trait à l’organisation de salons à l’étranger et de missions de prospection ainsi qu’au suivi par des opérateurs installés dans les pays étrangers (comme les Chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger ou les missions économiques d’Ubifrance). Enfin, la quatrième catégorie est liée aux « études de marché et publications » (générales, sectorielles, sur Internet, base de données…).

Enfin, certaines catégorisations sont plus influencées par le contexte ; par exemple, Koksal (2009) parle de trois types d’accompagnement en s’appuyant sur le contexte turc : l’assistance pour de la production à moindre coût, la fourniture de crédit pour l’exportation et la promotion de l’export et l’assistance marketing.

Manifestement, la manière de catégoriser et de mesurer l’accompagnement à l’exportation fait débat dans la littérature. Les travaux conceptuels et exploratoires distinguent jusqu’à quatre types d’accompagnement à l’exportation tandis que les études empiriques qui mesurent le lien entre SAE et performance ne distinguent qu’une ou deux catégories. Nous notons donc une dissonance entre la conceptualisation de l’accompagnement à l’exportation et sa mesure empirique. De plus, les mesures existantes dans la littérature n’ont jamais fait l’objet de validation statistique. Ces limites plaident pour la construction d’un instrument de mesure qui puisse tenir compte de l’aspect multidimensionnel de l’accompagnement à l’exportation.

1.3. L’utilisation des SAE

Outre le problème de distinction des types d’accompagnement, se pose la question de l’échelle employée pour apprécier l’utilisation des différents SAE par l’entreprise. La quasi-totalité des auteurs applique une échelle dichotomique (oui/non) pour savoir si l’entreprise interrogée a utilisé les différents SAE. Certains additionnent les réponses positives pour créer un indice du degré d’utilisation des SAE (Donthu et Kim, 1993 ; Singer et Czinkota, 1994 ; Marandu, 1995 ; Francis et Collins-Dodd, 2004 ; Bonner et McGuinness, 2007 ; Soussa et Bradley, 2009) ou distinguer des catégories d’entreprises en fonction du nombre de « oui » (non-utilisatrices, peu utilisatrices, moyennement ou très utilisatrices) (Gençturk et Kotabe, 2001). D’autres auteurs complètent l’indice par un score de satisfaction ou de bénéfice perçu sur les SAE utilisés (voir par exemple, Ali et Shamssuddoha, 2007 ; Shamssuddoha, Yunus Ali et Oly Ndubisi, 2009a, 2009b ; Faroque et Takahashi, 2012). D’une part, cette méthode ne permet pas de mesurer la fréquence d’utilisation des différents SAE, comme le suggèrent plusieurs auteurs (Souchon et Diamantopoulos, 1997 ; Wilkinson et Brouthers, 2006). D’autre part, l’application d’un score de satisfaction ou de bénéfice perçu est « trop large et ouverte à interprétation pour pouvoir faire ressortir l’impact des services d’accompagnement sur la performance à l’export d’une entreprise ou d’une nation » (Brewer, 2009, p. 130). Afin de dépasser ces limites, mais également d’offrir la possibilité de vérifier les qualités psychométriques de l’échelle, plusieurs auteurs proposent d’appliquer une échelle de fréquence (Gençturk et Kotabe, 2001 ; Wilkinson et Brouthers, 2006).

C’est pourquoi nous proposons d’identifier et de développer un instrument de mesure qui permette d’apprécier les différentes pratiques d’accompagnement à l’exportation, mais également leur fréquence d’utilisation par l’entreprise. Nous présenterons dans la partie suivante la démarche méthodologique adoptée pour construire cet instrument.

2. Méthodologie pour la validation empirique de l’échelle de l’accompagnement à l’exportation

Pour construire l’échelle de mesure, nous avons suivi les étapes proposées par Churchill (1979) et les avons complétées par les recommandations de Gerbing et Anderson (1988) et d’Adams, Bessant et Phelps (2006). Nous présenterons tout d’abord le paradigme de Churchill et son intérêt pour notre recherche, puis les étapes préliminaires à la démarche de traitements statistiques.

2.1. Le paradigme de Churchill et son intérêt pour notre recherche

Le paradigme de Churchill (1979) est le modèle prédominant dans la construction d’échelles. La démarche proposée peut être considérée comme « une définition d’échelle multiple a posteriori, c’est-à-dire où l’échelle est affinée sur les données d’enquête et non spécifiée a priori sur la base d’un pré-test » (Evrard, Pras et Roux, 2009, p. 321). La spécification a priori n’intervient que dans une seconde phase lors de l’analyse factorielle confirmatoire. Cette méthode est particulièrement adaptée à notre étude puisque nous proposons une échelle multi-items originale. Une spécification a priori est donc impossible. Une phase exploratoire auprès d’acteurs de l’accompagnement est alors nécessaire pour générer un ensemble d’items sur le sujet avant de réaliser une phase d’épuration puis de confirmation. Le support méthodologique proposé par Churchill permet de suivre l’ensemble de ces étapes. La démarche peut se résumer en quatre étapes : (1) la spécification du domaine de construit de l’accompagnement à l’exportation et la construction des items ; (2) la constitution de la base de données ; (3) le processus de purification par une analyse factorielle exploratoire ; (4) et le processus de vérification par l’analyse factorielle confirmatoire. Les détails de cette démarche sont décrits dans les paragraphes suivants.

2.2. La construction des items de l’échelle

Afin de générer un échantillon d’items qui capture le construit d’accompagnement à l’exportation, nous nous sommes tout d’abord appuyés sur la revue de littérature présentée précédemment. Nous l’avons ensuite complété par une étude exploratoire d’entretiens semi-directifs auprès de 21 acteurs français de l’accompagnement à l’exportation intervenant uniquement ou pas sur les problématiques liées à l’exportation, et représentatifs de la diversité de l’offre publique française (CCI International, conseiller du Commerce extérieur, Oséo, Coface, UCCIFE, pépinières d’entreprise…). Le détail des entretiens est présenté en annexe. Les acteurs ont été interrogés sur leurs pratiques d’accompagnement à l’exportation, la diversité de leur offre, et le processus d’accompagnement. Les données récoltées ont été complétées par une collecte de sources secondaires (données administratives non confidentielles, plaquettes et outils de communication) disponibles dans les structures d’accompagnement ou sur Internet. Après retranscription des entretiens, nous avons réalisé une analyse thématique manuelle afin de générer des énoncés. Au total, 24 items, représentant 24 services d’accompagnement à l’exportation, ont été générés (Tableau 3).

Tableau 3

Items générés à l’issu de l’étude exploratoire

Items générés à l’issu de l’étude exploratoire

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Une échelle de fréquence à 5 points (allant de 1, jamais à 5 : presque toujours) a été appliquée selon les recommandations de Gençturk et Kotabe (2001, p. 68). Les entreprises accompagnées à l’exportation et interrogées pour l’enquête devaient indiquer la fréquence avec laquelle elles ont bénéficié, dans le cadre de leur développement à l’export, des différents types d’accompagnement à l’exportation. Mesurer la fréquence avec laquelle l’entreprise a utilisé les différents services d’accompagnement à l’exportation permet de vérifier si proposer plusieurs fois à la même entreprise un service similaire a une influence supplémentaire significative sur la performance de l’entreprise. En outre, en accord avec les suggestions d’Ifju et Bush (1994) et de Wilkinson et Brouthers (2006), la période des 5 dernières années d’existence de l’entreprise a été retenue. Ces aspects permettent d’intégrer le laps de temps qui peut exister entre le moment où l’entreprise utilise un service d’accompagnement et le moment où le service en question influence les résultats de l’entreprise, comme l’ont montré plusieurs études (Seringhaus, 1986 ; Spence, 2003). Indiquer aux entreprises répondantes une période précise est également nécessaire pour saisir de manière homogène l’accompagnement à l’exportation qu’elles ont reçu (Gençturk et Kotabe, 2001 ; Wilkinson et Brouthers, 2006). C’est pourquoi la formulation de la question met en évidence la fréquence d’utilisation, mais également l’aspect temporel. La question posée aux répondants est la suivante : « Afin de préparer ou de mener votre développement à l’international, pouvez-vous indiquer la fréquence avec laquelle vous avez bénéficié, au cours des 5 dernières années, des différentes aides suivantes proposées par les acteurs publics de l’accompagnement ».

2.3. Collecte des données et échantillons

La collecte de données s’est fondée sur la méthode décrite par Dillman (2000) : total design method (TDM). Cette approche vise à organiser le processus de collecte des données de manière à augmenter la confiance des répondants et leur intérêt à répondre à l’enquête. Ces éléments permettent d’améliorer la quantité et la qualité des réponses. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur les acteurs de l’accompagnement à l’exportation interrogés durant la phase exploratoire afin qu’ils diffusent le questionnaire auprès de leurs entreprises accompagnées. L’information a également été diffusée sur les sites Internet officiels de plusieurs acteurs et lors de journées d’information destinées aux chefs d’entreprises accompagnés à l’export. Leur intervention a permis d’augmenter la confiance et l’implication des entreprises. Le questionnaire a été administré en ligne afin que les répondants puissent y répondre directement.

La structure de l’échantillon final nous informe sur le public qui sollicite un accompagnement à l’exportation. L’échantillon est composé de 288 PME (Tableau 4). 217 entreprises (75,3 %) sont présentes dans les marchés étrangers. Les 71 restantes (24,7 %) ont reçu un accompagnement porté vers l’exportation, mais n’ont pas encore de présence effective dans les marchés étrangers. Les entreprises de l’échantillon sont à la fois jeunes et petites. La moyenne d’âge est de 14 ans, avec 136 entreprises (47,2 %) entre 1 et 6 ans. 65 % des entreprises ont moins de 10 salariés et seule 21 d’entre elles (7,3 %) ont plus de 50 salariés. La jeunesse et la petitesse d’une entreprise sont caractéristiques d’un manque de ressources qui justifie l’usage des services d’accompagnement pour en pallier le manque. Pour autant, la petitesse et la jeunesse des entreprises de l’échantillon ne les empêchent pas de réaliser une part importante de leur activité dans les marchés étrangers. En effet, 49 % des entreprises internationalisées de l’échantillon (107 entreprises sur 217) réalisent plus de 25 % de leur chiffre d’affaires à l’export et 64,1 % exportent dans plus de 3 pays étrangers.

Tableau 4

Caractéristiques de l’échantillon en termes d’âge, d’intensité exportatrice et de nombre de pays à l’exportation

Caractéristiques de l’échantillon en termes d’âge, d’intensité exportatrice et de nombre de pays à l’exportation

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Parmi elles, 42 entreprises réalisent au moins 25 % de leur chiffre d’affaires à l’étranger alors qu’elles ont entre 1 et 6 années d’existence. En accord avec ces critères d’âge (Oviatt et McDougall, 1997) et de chiffre d’affaires à l’export (Knight et Cavusgil, 1996), ces 37 entreprises peuvent être qualifiées d’International New Ventures (INV – Oviatt et McDougall, 1994) ou d’Entreprises à Internationalisation Précoce et Rapide (EIPR Servantie, 2011), c’est-à-dire des entreprises qui débutent leur internationalisation peu de temps après la création (Oviatt et McDougall, 1994). La littérature porte un intérêt grandissant à ce type d’entreprises (Cabrol et Favre-Bonté, 2011 ; Servantie, 2007, 2011 ; Bacq et Coeurderoy, 2010 ; Baldegger et Schueffel, 2009). La présence d’EIPR dans notre échantillon d’entreprises accompagnées à l’export suggère la nécessité pour les pouvoirs publics de tenir compte de ces entreprises dans l’élaboration de leur offre. Dans certains pays d’Europe du Nord, les EIPR peuvent représenter jusqu’à 50 % des jeunes entreprises créées (Eurofound, 2012).

3. Résultats : une échelle multidimensionnelle de l’accompagnement à l’exportation

Dans cette partie, nous testerons la dimensionnalité de l’échelle, sa fiabilité ainsi que sa validité. Nous finirons par une discussion des résultats et mettrons en évidence les apports de cette recherche.

3.1. La vérification de la fiabilité de l’échelle : analyse factorielle exploratoire

Après le recueil des données et la description de l’échantillon, et suivant la démarche préconisée par Churchill (1979), il convient de vérifier la dimensionnalité de l’échelle de l’accompagnement à l’exportation. Pour cela, nous avons effectué une AFE, analyse factorielle exploratoire (analyse en composantes principales avec rotation Varimax sous le logiciel SPSS version 20), conformément aux suggestions de Hair, Black, Babin et Anderson (1998). L’AFE est une « technique préliminaire lors de la construction d’une échelle de mesure » (Gerbing et Anderson, 1988, p. 189). Les alphas de Cronbach ont ensuite été calculés afin de vérifier si les items utilisés mesurent bien le même phénomène.

Test de la dimensionnalité — En facteur libre, notre analyse factorielle permet d’extraire quatre dimensions qui expliquent en tout 74,55 % de la variance (Tableau 5). Les items qui ont une contribution factorielle inférieure à 0,5 ou qui se répartissent sur plusieurs axes (à hauteur de 0,3 sur le second) ont été supprimés. Tous les items maintenus disposent d’une contribution factorielle supérieure à 0,7. Les axes retenus sont ceux qui ont une valeur propre supérieure à 1. Les onze items conservés se répartissent sur les quatre axes suivants : axe « mis en réseaux » (3 items), axe « soutien financier » (3 items), axe « formation et information » (3 items) et axe « prospection » (2 items). Les items ont été nommés en correspondance avec l’axe auquel ils sont rattachés.

Test de la fiabilité — L’évaluation de la fiabilité de l’échelle est appropriée pour déterminer si ces facettes sont en mesure de présenter une cohérence et une stabilité acceptable (Ahire, Golhar et Waller, 1996). La cohérence interne des différentes dimensions de l’accompagnement à l’exportation est exprimée par le coefficient alpha de Cronbach (α). Un indice de l’alpha doit être supérieur à 0,7 pour qu’un construit soit considéré fiable (Nunally, 1967). Les α des quatre dimensions sont au-dessus du seuil recommandé (Tableau 5). La cohérence interne de l’échelle est ainsi démontrée.

Tableau 5

Résultats de l’analyse factorielle et de la fiabilité

Résultats de l’analyse factorielle et de la fiabilité

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3.2. L’estimation de la validité de l’échelle : analyse factorielle confirmatoire

Pendant cette phase et conformément aux suggestions de Gerbing et Anderson (1988) et Ahire, Golhar et Waller (1996), nous avons effectué une AFC, analyse factorielle confirmatoire (sous LISREL 8,80), afin (1) de tester l’ajustement et la structure factorielle du modèle de mesure consolidé par l’analyse exploratoire (2) de vérifier la validité convergente, la fiabilité ; et (3) la validité discriminante des sous-échelles de l’accompagnement à l’exportation. L’AFC « fournit un moyen de tester rigoureusement un modèle qui doit être spécifié a priori » (Gerbing et Hamilton, 1996, p. 62). Le modèle spécifié a priori est celui identifié grâce à l’AFE (Figure 2). L’AFC permet de tester explicitement l’unidimensionnalité des échelles de mesure employées (Gerbing et Anderson, 1988).

Test d’ajustement — Plusieurs critères d’ajustement ont été utilisés pour évaluer la solidité du modèle de mesure (Bollen et Long, 1993). L’ajustement a été évalué sur la base des indices fournis par LISREL, c’est-à-dire : (a) le ratio du Chi2/nombre de degré de liberté (χ2/df) qui doit se situer entre 1 et 5 ; (b) le RMSEA (root mean square error of approximation) qui doit être inférieur à 0,05 et (c) les indices GFI (goodness-of-fit indice), CFI (comparative fit indice), NNFI (non-normed fit indice) qui doivent être supérieurs à 0,9.

Figure 2

Modèle de mesure de l’échelle de l’accompagnement à l’exportation (sous LISREL)

Modèle de mesure de l’échelle de l’accompagnement à l’exportation (sous LISREL)

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Les indices mis en oeuvre pour l’échelle de l’accompagnement à l’exportation – RMSEA (0,029), GFI (0,90), la CFI (1,00), et NNFI (0,99) – ont dépassé les valeurs des seuils recommandés (Tableau 6). Le ratio Chi2 carré par le nombre de degrés de liberté (1,25) est dans la fourchette recommandée, et même inférieur à 0,2, seuil maximum accepté par certains auteurs (Byrne, 1989). Ainsi, tous les indices montrent un bon ajustement du modèle de mesure aux données empiriques. Ces résultats justifient l’aspect multidimensionnel de l’échelle.

Tableau 6

Résultats des indices d’ajustement du modèle de mesure

Résultats des indices d’ajustement du modèle de mesure

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Estimation de la validité convergente et de la fiabilité — La contribution factorielle de chaque item permet d’évaluer la validité convergente de l’instrument. Une contribution factorielle supérieure à 0,45 et une statistique T significative supérieure à 1,96 sont considérées comme une preuve de la validité convergente (Bentler et Wu, 1993). Les résultats montrent que les statistiques T des items sont significatives et que toutes les contributions factorielles des items sont supérieures à 0,45 (Tableau 7). Ces résultats justifient la validité convergente de l’instrument de mesure.

Tableau 7

Contributions factorielles, statistiques T des items de l’échelle et indices de fiabilité composite des dimensions

Contributions factorielles, statistiques T des items de l’échelle et indices de fiabilité composite des dimensions

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L’indice de la fiabilité composite (composite reliability) a été utilisé pour évaluer la fiabilité du modèle de mesure. La valeur acceptable d’une fiabilité composite est de 0,70, voire de 0,60 selon Bagozzi et Yi (1988). D’autres considèrent un seuil plus strict de 0,8 sans pour autant rejeter les valeurs supérieures à 0,7 (voir par exemple Gurviez et Korchia, 2002). La dimension « formation et information » représente l’indice de fiabilité le plus faible (0,78), sans pour autant s’éloigner fortement du seuil de 0,8. Toutefois, les valeurs calculées de fiabilité sont toutes supérieures à 0,70 ce qui démontre la cohérence de l’ensemble des dimensions (Tableau 7).

Estimation de la validité discriminante — La validité discriminante montre le degré de divergence entre les constructions dissemblables. Dans cette étude, elle a été testée en utilisant la méthode de Fornell et Larcker (1981), c’est-à-dire en comparant les corrélations au carré entre deux constructions avec leur AVE (la variance moyenne extraite) respective. La validité discriminante de l’échelle de l’accompagnement à l’exportation est démontrée puisque l’AVE relative à chaque dimension est plus grande que sa corrélation au carré avec d’autres dimensions (Tableau 8).

Tableau 8

Évaluation de la validité discriminante et corrélations entre les dimensions

Évaluation de la validité discriminante et corrélations entre les dimensions

Note : En diagonale l’AVE pour chaque dimension ; les entrées hors diagonale représentent les corrélations au carré entre construits.

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Les résultats confirment donc l’hypothèse de la multidimensionnalité de l’accompagnement à l’exportation. L’instrument de mesure démontre les bonnes propriétés psychométriques de l’échelle. Les analyses confirmatoires soutiennent que les items peuvent être classés dans quatre dimensions conceptuellement distinctes qui reflètent des aspects différents de l’accompagnement à l’exportation : la mise en réseaux, le soutien financier, la formation et l’information, et la prospection.

3.3. Discussion des résultats

La validation empirique de l’échelle de mesure de l’accompagnement à l’exportation répond au besoin de construire un tel instrument aux propriétés psychométriques vérifiées (Wilkinson et Brouthers, 2006 ; Brewer, 2009). Dès lors, l’échelle proposée peut être réemployée dans les futures études centrées sur le lien entre SAE et performance export. Elle offre aux chercheurs et aux pouvoirs publics la possibilité de mesurer l’accompagnement à l’exportation à partir d’un même instrument et ainsi de faciliter la comparaison des différentes études, élément qui fait pour le moment défaut au champ (Faroque et Takahashi, 2012). Les contributions de cette recherche sont multiples, tant sur le plan théorique et managérial que sur le plan méthodologique.

Contributions de la recherche

Sur un plan théorique, le premier apport a trait à la mise en évidence de l’aspect multidimensionnel de l’accompagnement à l’exportation. En effet, l’échelle permet d’aller au-delà d’une distinction en deux catégories (accompagnement marketing et financier) en distinguant quatre formes d’accompagnement à l’exportation. La dimension « soutien financier » constitue une catégorie à part entière comme il est possible de l’observer dans les études empiriques les plus récentes. En revanche, l’ensemble des autres SAE traditionnellement regroupés sous une seule et même variable de type « marketing » s’avère ici distingué en trois dimensions « formation et information », « prospection » et « mise en réseaux ». Le tableau 9 propose une synthèse de l’échelle quant à sa multidimensionnalité, son contenu, sa mesure et sa fiabilité. Il met également en évidence les objectifs propres à chacune des formes d’accompagnement à l’exportation.

L’outil apporte également un éclairage pour les autres catégories de travaux, notamment conceptuels ou qualitatifs, qui ne s’intéressent pas à la mesure de l’impact de l’accompagnement à l’exportation, mais à des questions portant sur la sensibilisation des entreprises par rapport aux offres existantes (voir par exemple, Ahmed et al., 2002 ; Gillespie et Riddle, 2004 ; Brewer, 2009) ou sur l’adéquation entre offres et besoins des entreprises (voir par exemple, Seringhaus et Rosson, 1991 ; Kotabe et Czinkota, 1992 ; Gray, 1997 ; Fischer et Reuber, 2003). En effet, comme nous l’avons évoqué, de nombreuses typologies des différentes formes d’accompagnement à l’exportation existent dans ces travaux. Notre catégorisation en quatre types d’accompagnement peut constituer une base commune pour l’ensemble des travaux du champ.

Tableau 9

Synthèse sur l’échelle de mesure de l’accompagnement à l’exportation

Synthèse sur l’échelle de mesure de l’accompagnement à l’exportation

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La contribution managériale, notamment pour les pouvoirs publics, est également importante. En effet, cette échelle permettrait, dans une démarche empirique quantitative, d’apprécier l’impact spécifique de quatre types d’accompagnement sur les ressources, les compétences et la performance des entreprises accompagnées. Ainsi, l’échelle peut, d’une part, aider les acteurs de l’accompagnement à identifier les services les plus efficaces sur lesquels l’investissement doit être concentré. D’autre part, elle peut leur servir à déterminer les services les plus adaptés à chaque type de PME, en fonction notamment de leur expérience dans les affaires internationales et de leur degré d’avancement dans le processus d’exportation. L’élaboration de cette échelle constitue donc le point de départ d’une démarche de recherche plus globale qui, à terme, permettra aux acteurs de l’accompagnement d’améliorer leurs pratiques d’accompagnement et aux pouvoirs publics de mieux allouer les ressources sur les différents programmes.

Au plan méthodologique, la démarche de construction de l’instrument de mesure de l’accompagnement à l’exportation, guidée par le paradigme de Churchill (1979), constitue, à notre connaissance, une nouveauté dans ce champ de recherche. En outre, l’application d’une échelle de fréquence, selon les recommandations de Gençturk et Kotabe (2001) et de Wilkinson et Brouthers (2006), constitue également un apport important. Ce type de mesure s’avère plus précis qu’une simple mesure dichotomique utilisée dans les études précédentes. L’échelle permettra ainsi de vérifier si proposer plusieurs fois à la même entreprise un même SAE aura une influence supplémentaire significative sur la performance à l’exportation. Les acteurs de l’accompagnement ont en effet intérêt à savoir si accompagner plusieurs fois une même entreprise sur des services identiques, dans une logique d’accompagnement à moyen – long terme, a réellement une influence significative sur sa performance à l’exportation.

Par ailleurs, la prise en compte des 5 dernières années d’existence de l’entreprise permet, comme nous l’avons évoqué, de tenir compte du temps qu’il peut exister entre le moment où l’entreprise utilise un SAE et le moment où ce service influence effectivement la performance de l’entreprise (Seringhaus, 1986 ; Spence, 2003). Cette dimension temporelle prend tout son sens dans le cadre de l’utilisation de l’échelle dans un modèle causal. La prise en compte des SAE utilisés au cours des 5 dernières années permet tout d’abord de s’assurer que ces derniers aient eu le temps d’influencer l’entreprise et ses résultats à l’exportation. À l’inverse, tenir compte d’une période plus courte, par exemple des SAE utilisés au cours de l’année passée, peut influencer les résultats et amener à conclure à une inefficacité des SAE alors même que ceux-ci n’ont pas eu le temps de produire l’effet attendu. En ce sens, Spence montre par exemple que les missions de prospection ont tendance à produire un effet sur l’entreprise (nouveaux partenariats, nouveaux contrats…) qu’après deux ou trois années. De plus, préciser une période aux répondants permet de garantir une cohérence dans les réponses en s’assurant de mesurer la même chose, à savoir l’accompagnement à l’exportation reçu par un ensemble d’entreprises sur une période donnée. C’est pourquoi plusieurs auteurs recommandent d’intégrer une dimension temporelle, notamment de 5 années (Ifju et Bush, 1994 ; Wilkinson et Brouthers, 2006).

Ainsi, en nous appuyant sur les recommandations de la littérature pour construire notre échelle (étude exploratoire, mesure de fréquence, étude des 5 dernières années, validation psychométrique), nous proposons un outil de mesure fiable et valide qui permette de dépasser les limites soulignées par la littérature (mesures trop hétérogènes, absence de distinction des SAE, mesure dichotomique, dimension temporelle non précisée, indice de satisfaction critiqué). L’utilisation d’un instrument fiable pourra permettre, dans le cadre d’études comparatives au niveau international, de comparer et échanger sur les meilleures pratiques d’accompagnement.

Conclusion

La littérature souligne le besoin d’une échelle de mesure valide de l’accompagnement à l’exportation. Le travail proposé oeuvre dans ce sens. Quatre dimensions distinctes ont été identifiées et confirmées. Cette échelle peut devenir un outil de mesure pour les futures recherches dans ce domaine. Il convient néanmoins d’interpréter ces résultats en tenant compte des limites imposées par la démarche suivie.

Limites et perspectives de recherche future

L’offre d’accompagnement a tendance à être similaire d’un pays à l’autre. C’est ce que soulignaient déjà dans les années 1990 plusieurs auteurs (Diamantopoulos, Schlegelmilch et Katy Tse, 1993 ; McNiven, 1990, cité par Seringhaus et Rosson, 1991) et ce que confirment récemment un rapport de l’Union européenne (2008) ou encore l’étude de Lederman, Olarreaga et Payton (2010). Les différences se situent principalement au niveau du financement même des structures d’accompagnement (financement privé, public ou mixte) et de leur taille (multitude de petites structures dans un même pays contre quelques grosses structures nationales) (Lederman et al., 2010). L’aspect multidimensionnel du concept semble assuré quel que soit le contexte. Néanmoins, il est possible que les items reflétant chaque dimension (c’est-à-dire le contenu même des différents types d’accompagnement) varient, au moins légèrement, selon les pays, notamment en fonction de facteurs environnementaux politiques, économiques et sociaux spécifiques (Gillespie et Riddle, 2004). En effet, l’échelle met en exergue quatre dimensions de l’accompagnement représentées par des items dépendant du terrain d’étude étudié pour les générer. Ces items sont le reflet des services proposés par les acteurs publics du pays étudié. Par exemple, la « garantie contre les risques économiques (assurance prospection) » (item Fin_2) a ses propres spécificités liées au contexte français. L’aide couvre un pourcentage de dépense en fonction du pays visé, avec une garantie supérieure sur des marchés clés (États-Unis, Russie, Brésil, Chine…). Si l’on trouve de telles garanties dans d’autres pays (voir par exemple, Seringhaus, 1986 ; Czinkota, 2002 ; Shamssuddoha et Ali, 2006), les conditions de couverture, le pourcentage garanti ou encore les pays prioritaires peuvent différer selon la politique commerciale du pays et de son contexte environnemental. Des recherches explorant cette échelle dans d’autres contextes sont alors nécessaires pour en confirmer l’universalité.

Par ailleurs, la question des indicateurs de performance spécifiques à chacune des 4 formes d’accompagnement à l’exportation mérite d’être posée[4]. Dans la mesure où les différents types d’accompagnement visent des besoins distincts, doit-on s’attendre à ce que chaque catégorie de SAE ait la même influence sur l’entreprise ? Cette question fait directement référence à la seconde étape de cette recherche, à savoir l’emploi de l’échelle dans un modèle conceptuel complexe, et renvoie au sous-bassement théorique des travaux empiriques sur la relation entre SAE et performance de l’entreprise accompagnée. Ces travaux sont généralement ancrés dans la théorie des ressources (Barney, 1991, 2007). Appliquée à l’accompagnement à l’exportation, cette approche suggère que les SAE permettent aux PME de pallier leur manque de ressources pour entrer et performer dans les marchés étrangers (Wilkinson, 2006 ; Francis et Collins-Dodd, 2004). Évaluer dans le même temps les effets des SAE sur les ressources de l’entreprise et sur sa performance semble plus logique que de mesurer uniquement l’effet direct sur la performance (Shamssuddoha, Yunus Ali et Oly Ndubisi, 2009b). La littérature suggère donc que les SAE influencent à la fois les ressources de l’entreprise et sa performance, et ce de manière différente. Les travaux distinguant SAE marketings et SAE financiers (Shamssuddoha, Yunus Ali et Oly Ndubisi, 2009a, 2009b ; Faroque et Takahashi, 2012), eu égard à leurs limites méthodologiques précédemment évoquées, l’illustrent. Les auteurs montrent que les SAE marketings augmentent les connaissances des marchés étrangers de l’entreprise tandis que les SAE financiers agissent directement sur la performance à l’exportation. Dans cette logique, mesurer l’efficacité des SAE marketings consiste à identifier un lien significatif entre SAE marketing et connaissances des marchés étrangers. Si le lien est positif, il est raisonnable de considérer que les SAE en question sont efficaces.

La figure 3 propose un exemple d’utilisation de l’échelle et une illustration de la complexité des relations entre l’accompagnement à l’exportation et les ressources et la performance de l’entreprise. L’outil permettrait de répondre au besoin de mesurer plus précisément l’impact de chaque type d’accompagnement à l’exportation (Shamssuddoha, Yunus Ali et Oly Ndubisi, 2009a, 2009b ; Faroque et Takahashi, 2012).

Figure 3

Exemple d’utilisation de l’échelle de l’accompagnement à l’exportation

Exemple d’utilisation de l’échelle de l’accompagnement à l’exportation

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En accord avec la littérature, nous proposons que les SAE de type « formation et information » influencent les connaissances informationnelles de l’entreprise (au sens de Johanson et Vahlne, 1977) tandis que les SAE « mise en réseaux » et « prospection » agissent plus spécifiquement sur les connaissances expérientielles (Singer et Czinkota, 1994 ; Shamssuddoha et Yunus Ali, 2006 ; Soussa et Bradley, 2009). Les SAE « mise en réseaux » et « prospection » influencent également les réseaux de l’entreprise en lui permettant d’établir de nombreux contacts avec des fournisseurs, transporteurs, partenaires potentiels, clients et structures d’accompagnement étrangères (Seringhaus, 1986 ; Demick et O’Reilly, 2000 ; Jordana et al., 2010 ; Eurofound, 2012). Enfin, l’utilisation de SAE de type « soutien financier » va influencer directement la performance à l’exportation de l’entreprise (Faroque et Takahashi, 2012), notamment la performance stratégique qui peut s’apprécier par le nombre de marchés étrangers dans lesquels l’entreprise est présente (Knight et Cavusgil, 2005). En conclusion, si l’objectif ultime des SAE est d’améliorer la performance à l’exportation de l’entreprise (Francis et Collins-Dodd, 2004), l’efficacité de chaque type de SAE peut s’apprécier par des indicateurs différents : (1) les connaissances informationnelles acquises pour apprécier l’efficacité des SAE « formation et information », (2) les connaissances expérientielles acquises, (3) le renforcement des réseaux de relations pour les SAE « mise en réseaux » et « prospection », et (4) le nombre de nouveaux marchés pour les SAE « soutien financier ». Une démarche empirique est désormais nécessaire pour mesurer un tel modèle conceptuel et vérifier l’efficacité des différents types de SAE.