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La Manufacture coopérative peut se définir comme une recherche-action visant, ainsi que son nom l’indique, à « fabriquer de la coopération », ou plus précisément à transformer des collectifs d’individus en coopératives. Pour cela, elle se fonde sur la méthodologie que les coopératives d’activité et d’emploi (CAE) ont développée à destination des candidats individuels à la pratique coopérative. La Manufacture a été initiée en 2010 par Oxalis et Coopaname, qui font aujourd’hui référence dans le monde des CAE. Quatre ans après sa création, ce petit ouvrage très collectif – pas moins de vingt et un auteurs-acteurs ont participé à sa rédaction – expose les questionnements qui président à sa démarche d’accompagnement.

A sa lecture, on comprend que la conception d’une coopérative n’est pas, pour les impétrants, qu’une affaire juridico-administrative. Elle est l’aboutissement d’un parcours initiatique où les compétences gestionnaires des individus importent moins que leur adhésion à un projet politique et à un référentiel de valeurs parmi lesquelles prime le sens du partage. La pédagogie de la Manufacture s’inscrit évidemment en rupture avec la formation managériale classique, fondée sur la gouvernance actionnariale ; elle n’en souligne pas moins les lacunes des formations académiques à la coopération ou celles qui sont proposées par les structures privilégiant le savoir technique. C’est donc essentiellement sur le terrain que s’acquiert la culture coopérative, par l’expérimentation et au contact des autres. L’objectif est d’initier un nouveau rapport au travail, fondé sur la confiance mutuelle et l’émancipation et s’incarnant dans la mise en oeuvre de la démocratie dans l’entreprise. Ces préalables étant posés, le processus de construction des coopératives de travail peut prendre des formes différentes, en fonction du contexte national, socioéconomique ou historique, ainsi que le montrent les éclairages intéressants présentés dans le premier chapitre sur les expériences menées en Argentine, en Grèce ou dans les pays d’Europe centrale et orientale (Peco).

D’un point de vue formel, l’ouvrage souffre de quelques faiblesses (redites d’un chapitre à l’autre, redondance de formules rebattues comme « faire sens »), probablement imputables à la difficulté de maîtriser une vingtaine d’apports dans un format aussi court. Sa lecture est cependant stimulante sur le plan de la réflexion didactique, bien que les auteurs réfutent la qualification de « manuel ». Leur engagement, perceptible dans toutes les pages, en fait sans conteste un manifeste pour la coopération.