Corps de l’article

1. Introduction et problématique

L’histoire de l’éducation des adultes au Québec demeure largement à écrire. Certes, il existe des travaux (Bélanger, 1977 ; Pénault et Senécal, 1982) produits au tournant des années 1980, mais ils souffrent d’une prise de distance par rapport aux orientations normatives et intellectuelles des politiques éducatives récentes. Plus récemment, Turgeon, Bourque et Thibeault (2007) ont cherché à la compléter en fournissant quelques repères, mais l’approche reste largement descriptive. Pour sa part, Bernier (2011) a aussi réalisé une synthèse mais, essentiellement, autour des formations associées au travail et à l’emploi, laissant ainsi de côté des pans entiers de l’éducation des adultes.

Cet article s’inscrit dans la volonté de mieux comprendre, sur le plan historique, le développement de l’éducation des adultes. Le propos reste circonscrit à un segment de l’éducation des adultes : la formation générale des adultes (FGA), un dispositif éducatif spécifique de l’enseignement secondaire qui a été créé dans la foulée de la Révolution tranquille afin de favoriser le retour aux études des adultes et de relever le niveau de qualification de base de la population adulte (Voyer, Brodeur et Meilleur, 2012).

Le point de départ, nous ne nous en cachons pas, est une impression produite par notre observation du développement récent de l’éducation des adultes au Québec. Cette impression conduit à penser que nous assisterions, au cours des dernières années, à une substitution de mission de la formation générale des adultes qui se consacrerait moins à l’éducation des adultes et davantage à la lutte contre le décrochage et à la diplomation des jeunes en difficulté dans les écoles secondaires dites classiques. L’indicateur principal de cette possible modification est le rajeunissement significatif des élèves inscrits en formation générale des adultes et le passage sans interruption du secondaire jeune vers les centres d’éducation des adultes. Cette substitution est maintenant considérée comme acquise, comme le souligne le nombre de recherches qui portent sur les jeunes en éducation des adultes, sans que leurs auteurs ne s’interrogent sur les distinctions de publics comme celle entre jeunes et adultes sur laquelle ces travaux sont implicitement fondés.

Au-delà des impressions, notre point de départ analytique tient dans l’hypothèse que cette substitution, si elle est bien présente, est le résultat d’une concurrence entre politiques éducatives. Depuis plus de 20 ans, les politiques éducatives ont connu des changements importants, modifiant les pratiques de tous les ordres d’enseignement : les politiques de lutte contre le décrochage (Plan Pagé de 1992), la réforme des cégeps en 1993 (réforme Robillard), L’École du succès en 1998 (ministère de l’Éducation du Québec, 1996 ; ministère de l’Éducation du Québec, 1998) et la mise en place du renouveau pédagogique, de la politique des universités, de la politique de l’éducation des adultes et de la formation continue en 2002 (ministère de l’Éducation du Québec – ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, 2002).

Parmi ces politiques, une attention particulière a été accordée à la lutte contre le décrochage. L’État québécois a mobilisé de nombreuses ressources éducatives existantes, dont les centres de formation générale des adultes qui se sont vu confier la mission d’accueillir les adolescents et les jeunes adultes en difficultés scolaires provenant des écoles secondaires du Québec. En d’autres mots, une situation de concurrence entre différentes politiques publiques pour l’accès aux ressources publiques octroyées à l’éducation a ainsi été créée. Dans le présent cas, il s’agit d’une tension entre, d’une part, les politiques de lutte contre le décrochage et, d’autre part, la politique de l’éducation des adultes. À cet égard, nous rappellerons quelques éléments historiques qui soulignent le retournement doctrinal présent dans les politiques éducatives du Québec ; force est de constater que la politique de lutte contre le décrochage retient davantage l’attention politique.

Notre analyse se veut complémentaire des travaux portant sur la même question, mais qui la traitent d’une toute autre manière, soit par le prisme des caractéristiques individuelles dont celui des motifs des 16-19 ans à désirer terminer leurs études en formation générale des adultes (Rousseau, Théberge, Bergevin, Samson, Dumont et Myre-Bisaillon, 2010). Le point de départ de ces travaux est d’examiner le volet demande d’éducation. Toutefois, les résultats soulignent aussi l’effet de l’offre : le régime éducatif (ensemble des modalités d’enseignement et d’apprentissage propre à un programme ou un ordre d’enseignement, ce qui est différent des régimes pédagogiques) de la formation générale des adultes attire les élèves en difficulté mal à l’aise dans les écoles secondaires classiques. Notre analyse vise à mieux cerner ce deuxième volet en ayant recours à une perspective sociohistorique.

2. Repères méthodologiques

Sur le plan formel ou méthodologique, notre analyse resitue le développement de la formation générale des adultes, considérée comme un dispositif éducatif particulier à multiples volets, dans le contexte politique général et dans les politiques éducatives mises en oeuvre au cours de la période étudiée. Cette articulation repose sur l’idée que la signification sociale de mesures particulières trouve ses sources, au moins en partie, dans les politiques générales et les référentiels cognitifs et normatifs (Jobert, 1992 ; Muller, 2000) qui en orientent le contenu et la mise en oeuvre. En d’autres mots, le contexte éclaire les dispositifs spécifiques. Par la suite, nous avons reconstitué l’évolution de la formation générale des adultes en utilisant une source particulière de données : les inscriptions aux différents volets. Le principe analytique mobilisé consiste à saisir, dans les fluctuations des inscriptions, des transformations des orientations prises dans la mise en oeuvre.

L’analyse est largement sociohistorique dans la mesure où le contexte social et politique fournit des clés interprétatives pour les politiques éducatives et pour les mesures qui en découlent. L’analyse est aussi statistique parce qu’elle examine, autant que faire se peut, l’évolution des mesures par le biais des inscriptions.

Soulignons aussi que nous nous trouvons de fait en situation d’analyse secondaire de données, car nous ne sommes pas les auteurs de ces données. Nous avons en effet utilisé les données administratives qui proviennent de deux sources : des rapports où sont colligées des statistiques de la population des étudiants adultes et, en particulier, celle de la formation générale des adultes. Ces rapports, réalisés dans les années 1970 et 1980, rendent compte du nombre d’inscriptions avec un degré plus ou moins grand de précision. Les données plus récentes nous ont été fournies par le secteur de la Formation professionnelle et technique et de la Formation continue du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport sous la forme de tableaux statistiques. Ces données sont, on s’en doute, établies en fonction des catégories de gestion du ministère, catégories qui ont évolué dans le temps.

Pour l’essentiel, nous avons repris les données sur les inscriptions en fonction de deux critères : l’âge et le service éducatif d’inscription. Le premier est un indicateur d’une caractéristique de la population étudiante qui nous permet de savoir à qui les services éducatifs sont fournis. Nous pouvons ainsi connaître les mutations dans le profil de clientèles desservies.

La formation des adultes est un monde pluriel et cela se constate dans les statistiques sur l’éducation des adultes dans les années 1970. Ces rapports embrassent l’ensemble de l’éducation des adultes au niveau secondaire et collégial. Nous pouvons, toutefois, dégager des informations concernant la formation générale des adultes afin d’esquisser une comparaison avec la situation plus récente. Les données récentes ne portent que sur la formation générale des adultes, donc sur un dispositif aux multiples volets (on en compte 10), tous situés institutionnellement dans l’enseignement secondaire. L’évolution des étudiants selon l’âge et selon les volets éducatifs où ils sont inscrits permet de saisir les changements d’orientation dans les politiques éducatives effectives.

3. La formation générale des adultes : fille de la Révolution tranquille

La prise du pouvoir par le Parti libéral du Québec en 1960 marque le mouvement de modernisation de l’État québécois et l’avènement d’un État providence. Un vaste mouvement de réforme des institutions publiques est alors lancé. Deux réformes symboliseront ce changement : la nationalisation des entreprises de production d’électricité qui assurera le contrôle collectif d’une richesse naturelle et la réforme de l’éducation, outil de mobilité culturelle et économique. Plus largement, il s’agit d’instituer un État providence inspiré par un référentiel sociodémocrate. En éducation, le maître-mot est la démocratisation de l’éducation afin d’augmenter le niveau de scolarité de la population. Cette démocratisation vise des objectifs sociaux et culturels, mais aussi économiques, dans la mesure où l’éducation permet d’accéder aux nouveaux emplois.

3.1 La réforme de l’éducation (1964-1982)

La publication du rapport de la Commission d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec (le rapport Parent) en 1963 et 1964 est souvent considérée comme le coup d’envoi de la réforme en éducation mais, en éducation des adultes, la réforme est amorcée plus tôt. Le rapport Ryan (Comité d’étude sur l’éducation des adultes, 1964), qui porte sur cette question spécifique, est publié en 1962. Les auteurs insistent sur le rôle de l’éducation des adultes comme une seconde chance, une voie de rechange à la suite d’une scolarisation initiale déficiente ou trop courte. Ils insistent sur le rôle de rattrapage scolaire que peut jouer l’éducation des adultes. De plus, Montréal a été l’hôtesse, en 1960, de la deuxième conférence internationale sur l’éducation des adultes sous l’égide de l’UNESCO et qui met de l’avant une nouvelle perspective éducative : l’éducation permanente. Celle-ci propose une vision globale de l’éducation ; la formation des adultes y détient un rôle décisif, tant par les objectifs de démocratisation de l’accès que par la diversification des pratiques éducatives. L’éducation permanente doit aussi inspirer la formation initiale par une réforme du curriculum qui doit tenir compte de la nécessité, toute la vie durant, d’investir en éducation. Cette perspective prend une forme plus achevée avec la publication, quelques années plus tard, du rapport Faure (Faure, Herrera, Razzak-Kaddoura, Lopes, Petrovski, Rahnema et Champion Ward, 1972). Le rapport Parent entérine les propositions du rapport Ryan et inscrit dans ses recommandations le décloisonnement de l’éducation par rapport aux différents âges de la vie (Parent, 1964, tome 2, p. 317-329).

Rapidement après la création du ministère de l’Éducation, la direction générale de l’éducation permanente (DGEP) est créée en 1966 afin de développer l’éducation des adultes. Son action porte sur trois secteurs : la formation générale, la formation professionnelle et l’éducation populaire associée aussi à l’action communautaire. Sur le plan local, le mandat est confié aux services d’éducation des adultes créés dans les 79 commissions scolaires, aux services d’éducation des adultes des 48 cégeps et aux 350 organismes volontaires d’éducation populaires (OVEP) reconnus par la direction.

C’est aussi à cette époque que trois projets éducatifs innovateurs sont lancés : l’opération DÉPART, qui consiste en une vaste enquête sur les besoins et les ressources en éducation des adultes ; l’opération SÉSAME, qui vise à inventer et à appliquer une pédagogie adaptée aux adultes (Pénault et Senécal, 1982, p. 114) et le projet TÉVEC, expérience de formation communautaire des adultes par la télévision au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Ce dernier projet sera le point de départ du programme multimédia qui sera mis en oeuvre jusqu’en 1978. Avec ces projets, une vaste consultation auprès des institutions scolaires et des acteurs de la société civile est réalisée pour orienter l’action gouvernementale et l’action des organismes communautaires. En parallèle, nous assistons à des expérimentations pédagogiques afin d’élaborer une approche andragogique et des modes de formation différents, comme l’utilisation de la télévision (différent des cours télévisés qui existaient depuis les années 1950). Cela a, entre autres, conduit à la mise en oeuvre, entre 1974 et 1977, des programmes par objectifs de comportement mesurables qui a facilité l’émergence du modèle d’enseignement qui a dominé la formation générale des adultes : l’enseignement individualisé (Direction générale de l’éducation des adultes, 1980).

Deux segments de l’éducation des adultes symbolisent son développement au cours de cette période : l’école du soir et l’éducation populaire, auxquelles se sont ajoutées la formation en entreprise et la formation des personnes sans emploi. Ces dernières ont fait l’objet de nombreuses interventions du gouvernement fédéral comme de celui du Québec. Ces actions visaient à définir notamment les modes de fixation de l’offre régionale de formation, et à fixer les règles d’accès pour les personnes sans emploi (Bélanger, Pâquet et Valois, 1973).

L’école du soir fait référence à l’ensemble des cours crédités conduisant à un diplôme et très souvent se déroulant le soir, même si dans les faits, ils pouvaient être offerts le jour comme les fins de semaine. Les cours avaient lieu dans les institutions d’enseignement secondaire (les centres d’éducation des adultes), dans les cégeps (les services d’éducation des adultes qui fournissaient les services éducatifs d’aide personnelle et d’animation communautaire) et dans les universités. Ainsi, la formation générale des adultes, du secondaire à temps plein ou à temps partiel, s’inscrit dans ce mouvement. Pour l’essentiel, il s’agit de permettre aux adultes de réaliser un rattrapage scolaire et d’obtenir le diplôme d’études secondaires. Il y a une volonté claire de démocratiser l’accès aux ressources éducatives formelles. Le développement de la formation professionnelle des adultes s’inscrit aussi dans ce mouvement avec, en plus, un souci de répondre aux besoins changeants du marché du travail.

Le second phare est l’éducation populaire que l’on retrouvait dans les groupes d’action communautaires comme dans les établissements scolaires. Les premiers se déclaraient de l’éducation populaire autonome définie comme l’ensemble des démarches d’apprentissage et de réflexion critique par lesquelles des citoyens mènent collectivement des actions qui amènent une prise de conscience individuelle et collective au sujet de leurs conditions de vie ou de travail et qui visent, à court, moyen ou à long terme, une transformation sociale, économique, culturelle et politique de leur milieu (Pénault et Senécal, 1982, p. 148). Souvent inspirés par l’approche de conscientisation de Paolo Freire, les groupes d’éducation populaire organisaient des activités différentes du modèle scolaire. La planification des activités devait se faire en étroite association avec les apprenants, les contenus devaient viser une prise de conscience des conditions de vie conduisant à des changements. Ce segment s’inscrivait dans une optique de démocratisation par la mise en oeuvre d’un modèle éducatif différent, proche de la population et mis en oeuvre par elle.

L’éducation populaire n’est pas le seul fait des organismes volontaires d’éducation populaire ou des groupes communautaires, mais aussi celui des institutions scolaires. On parle alors d’éducation ou de formation socioculturelle, de formation populaire ou d’animation communautaire. Les commissions scolaires, les cégeps et même les universités s’engagent dans cette voie, souvent en collaboration avec les groupes communautaires, par l’intermédiaire des services aux collectivités. Les ressources des institutions scolaires comme des groupes communautaires provenaient des budgets d’éducation des adultes du ministère de l’Éducation.

Cette période qui associe le développement de l’éducation des adultes au contexte politique de montée de l’État providence et au contexte de transformation de l’économie se termine paradoxalement au moment de la publication du rapport (en 1982) de la Commission d’étude sur la formation des adultes présidée par Michèle Jean. Ce rapport est la dernière manifestation de cette époque qui associe étroitement le développement de l’éducation des adultes à un référentiel politique sociodémocrate et, sur le plan éducatif, à la perspective de l’éducation permanente. Ce rapport a servi de référence pour justifier l’action gouvernementale, mais souvent les plans d’action proposaient des orientations ou des changements qui étaient absents du rapport Jean.

Les auteurs reprennent les grands objectifs de démocratisation de l’éducation en général et de l’éducation des adultes en particulier. Les commissaires feront même une intervention publique pour dénoncer les coupures qui s’amorcent. Dans leur rapport, ils proposent la mise en place d’une structure unifiée d’éducation des adultes indépendante des institutions scolaires existantes, et ils font une série de recommandations pour développer les pratiques d’éducation des adultes dans ses différents segments (cours crédités, formation en entreprise, formation à l’emploi, éducation socioculturelle ou populaire, etc.) et pour diverses catégories sociales (adultes en milieu carcéral, femmes, autochtones, chômeurs, classes populaires, salariés, etc.). En fait, le rapport restera lettre morte, même si certains dispositifs feront l’objet d’une promotion par divers acteurs du champ au cours des années subséquentes. C’est le cas, d’une part, de la formation en entreprise qui a fait l’objet d’une loi du gouvernement du Québec en 1995 afin d’obliger les entreprises à investir 1 % de leur masse salariale dans la formation de leurs employés et, d’autre part, de la reconnaissance des acquis. Son institutionnalisation a connu une accélération depuis le début des années 2000. De 1982 à 2001, nous entrons plutôt dans l’ère de la professionnalisation de l’éducation. Nous y reviendrons.

3.2 La formation générale des adultes : une variété de services éducatifs

Dès la création d’une direction ministérielle de l’éducation des adultes, celle-ci développe la formation générale parmi un ensemble de pratiques ou de volets, dont la formation professionnelle. Plusieurs pratiques ont connu une forte stabilité au cours des années. D’autres, au contraire, ont connu des changements importants. C’est le cas, par exemple, de la formation professionnelle des adultes qui, en 1986, a été fusionnée avec la formation professionnelle des jeunes et qui a connu de nombreuses modifications institutionnelles et curriculaires.

L’article 1 du régime pédagogique actuel de la formation générale des adultes stipule que les différentes activités ont pour objet : de permettre à l’adulte d’accroître son autonomie, de faciliter son insertion sociale et professionnelle ; de favoriser son accès et son maintien sur le marché du travail ; de lui permettre de contribuer au développement économique, social et culturel de son milieu ; de lui permettre d’acquérir une formation sanctionnée par le ministre (ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2012). En fait, ces objectifs généraux ont très peu changé dans le temps.

La formation générale des adultes désigne un ensemble de pratiques éducatives dispensées auprès d’un public adulte dans des centres d’éducation des commissions scolaires du Québec qui leur sont réservés. À l’époque, la grande majorité des activités était regroupée autour de ce qui aujourd’hui est appelé la formation de basecommune (alphabétisation, cours en présecondaire et cours du premier cycle du secondaire) et le second cycle secondaire. Il est intéressant de noter que dans les années 1970, la formation générale des adultes était l’une des activités dont la Direction générale de l’éducation permanente et, à partir de 1972 jusqu’au début des années 2000, la Direction générale de l’éducation des adultes avaient la responsabilité. À cet égard, la liste des types de formation du tableau 1 est un indicateur de la conception que l’on se faisait de l’éducation des adultes durant les années 1970. Mentionnons que deux moments sont aussi importants dans l’histoire de la formation générale des adultes. En 1988, la modification de la Loi sur l’instruction publique a reconnu légalement l’éducation des adultes. En 1994, le premier régime pédagogique propre aux adultes a été entériné.

Depuis les années 1990, les activités de la formation générale des adultes sont regroupées en service d’enseignement (voir tableau 3 pour la liste des services). Parmi ceux-ci, nous retrouvons des activités associées à l’enseignement présecondaire, au premier cycle du secondaire et au deuxième cycle du secondaire. Ces activités doivent permettre aux individus un rattrapage scolaire en matière de formation générale qui conduit ultimement à l’obtention du diplôme d’études secondaires (DES). Des activités d’intégration sociale et d’intégration socioprofessionnelle sont aussi proposées aux personnes ayant des handicaps physiques ou mentaux ou à des élèves qui ont de graves difficultés, scolaires ou strictement personnelles (voir hors-texte 1). Des activités sont aussi offertes en alphabétisation et en francisation (accueil des personnes immigrantes qui ne parlent ni le français ni l’anglais). Des adultes peuvent aussi suivre des formations créditées afin de compléter les prérequis nécessaires à l’inscription en formation professionnelle ou à l’admission au cégep (ou l’enseignement postsecondaire). Finalement, des pratiques de soutien pédagogique sont aussi offertes afin de faciliter le rattrapage scolaire ou de soutenir l’apprentissage du français (ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2012). On remarquera la disparition des activités financées d’éducation populaire ou de formation socioculturelle.

Le tableau 3 présente, pour l’année 2009-2010, la répartition des inscriptions, ce qui donne une idée de l’importance relative des différents services éducatifs proposés. Les pratiques de scolarisation au secondaire comptent pour 43 % des effectifs (près de 49 % si nous y incluons les services de soutien pédagogique), la préparation à la formation professionnelle et aux études postsecondaires, 21,3 % ; les formations dites d’intégration sociale 17,0 % ; la francisation, 8,5 % et l’alphabétisation, 4,5 %.

Traditionnellement, la spécificité pédagogique – andragogique, devrait-on dire – de la formation générale des adultes est l’enseignement individualisé des élèves, du moins dans la grande majorité des activités (à l’exception de l’alphabétisation et de la francisation). Les besoins éducatifs étant individualisés et les rythmes de progression aussi, une pédagogie individualisée a rapidement été implantée dans les centres d’éducation des adultes. Ajoutons aussi qu’en matière de sanction des études secondaires, le régime pédagogique de la formation générale des adultes est équivalent (et non pas identique) à celui des jeunes, car certaines dispositions lui sont spécifiques afin de tenir compte des caractéristiques des apprenants adultes.

3.3 Les pratiques dans les années 1970

Il aurait été intéressant de pouvoir analyser l’évolution des pratiques sur une très longue période, mais cela s’est avéré impossible, les données n’étant pas disponibles. Plusieurs raisons expliquent cette situation, dont les changements institutionnels et organisationnels dans les programmes et les pratiques qui rendent difficiles les comparaisons. Nous avons quand même quelques indications sur le développement des inscriptions ou des effectifs, surtout pour la période récente. Notre analyse s’intéressera à deux dimensions centrales : les pratiques éducatives elles-mêmes et l’âge des étudiants.

Dans les années 1970 et 1980, la Direction générale de l’éducation des adultes a publié annuellement un rapport sur les effectifs étudiants en éducation des adultes (tableau 1). La direction assurait alors la gestion de tous les programmes d’éducation des adultes du ministère de l’Éducation du Québec : la formation générale (à temps partiel ou à temps plein), la formation professionnelle (secondaire) et la formation technique (collégiale), à temps partiel et à temps plein, la formation socioculturelle, les cours de langue parlée, et même des cours de gestion pour les cadres et propriétaires de petites entreprises. Ainsi, les rapports statistiques reflètent cette situation, qui elle-même est fondée sur une représentation globale, inspirée par la perspective d’éducation permanente de l’éducation des adultes, composée de différents segments ou de pratiques de différentes natures.

Globalement, dès 1971, la Direction générale de l’éducation des adultes estimait à 393 085 le nombre d’inscriptions à des activités d’éducation des adultes, excluant les personnes inscrites dans des activités au sein des universités. Le contingent le plus important est celui de la formation générale avec 177 909 inscriptions en 1971-1972, ce qui inclut aussi les cours autofinancés. Ces formations, dont la majorité des participants est inscrite à temps partiel, regroupent des activités de formation préparatoire à la formation ou à l’emploi, des formations dites présecondaires, des activités visant à compléter le premier cycle du secondaire et des cours de second cycle du secondaire. Le second type de formation en importance est celui de la formation socioculturelle ou éducation populaire, c’est-à-dire d’activités non créditées dont l’objectif [est] de promouvoir le développement des individus et des collectivités en préparant les personnes à une participation consciente au devenir de leur communautés (Direction générale de l’éducation des adultes, 1981). En 1971, la direction estimait que 114 622 personnes avaient participé à ces activités ; ce chiffre passera à près de 305 000 en 1979. Le troisième type est la formation professionnelle, qui a offert des activités à plus de 98 000 personnes à temps plein ou à temps partiel.

Tableau 1

Inscriptions en formation des adultes au Québec de 1971 à 1979 par type de formation

Inscriptions en formation des adultes au Québec de 1971 à 1979 par type de formation
Sources : Direction générale de l’éducation des adultes du Québec, 1978 à 1981 ; Direction générale de l’éducation des adultes du Québec, inconnu

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Durant cette période, chaque type de formation a connu des évolutions différentes, certains connaissant des croissances, d’autres des diminutions, et d’autres finalement des fluctuations. Les rapports annuels consultés n’indiquent aucunement les raisons des fluctuations d’une année à l’autre. Les auteurs des rapports notent ces dernières, mais ne mentionnent nullement les motifs. Comme le financement d’une partie des activités se réalise par des enveloppes fermées, il est possible que les fluctuations tiennent à des changements de politiques relevant du gouvernement fédéral en ce qui concerne la formation des chômeurs ou du gouvernement provincial, ces deux gouvernements assurant la distribution des budgets.

Figure 1

Évolution des inscriptions par type de formation de 1971-1972 à 1978-1979

Évolution des inscriptions par type de formation de 1971-1972 à 1978-1979

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La formation générale des adultes est justement dans cette situation. En comparaison de 1971, les effectifs chutent l’année suivante de près de 37 000 élèves. Cette réduction tient essentiellement à la baisse des effectifs en formation générale à temps partiel. En parallèle, la formation professionnelle du secondaire connaît une croissance de 52 %. Un rééquilibrage est réalisé durant les années subséquentes : la formation générale connaît une croissance continue dès 1973-1974, alors que la formation professionnelle voit ses effectifs diminuer jusqu’en 1975-1976. Par la suite, il y a à nouveau croissance des effectifs en formation professionnelle. Les cours nonfinancés connaissent une diminution majeure en 1976-1977. Globalement, il reste que le nombre d’inscriptions en fin de période est plus faible qu’en début et qu’en 1976-1977, l’année où elles ont été les plus nombreuses.

L’organisation administrative de gestion de la formation professionnelle comme de la formation générale des adultes a changé au cours des années, et les statistiques disponibles reflètent cet état des choses. Ainsi, les statistiques récentes de l’éducation distinguent les informations sur la formation générale des adultes de celles sur la formation professionnelle.

Quelle était la part des différentes tranches d’âge dans les inscriptions en formation générale des adultes ? Encore une fois, nous n’avons eu accès qu’à des données fragmentaires. Pour décrire la situation dans les années 1970, les informations ne sont disponibles que pour quatre années (1975-1976 à 1978-1979). Même si des fluctuations sont présentes d’une année à l’autre (tableau 2), il reste que les élèves de 20 ans et moins représentaient au plus un élève sur cinq, quelle que soit l’année. En comparaison, les élèves de 25 ans à 49 ans regroupaient plus de la moitié des inscriptions (entre 53 % et 59 % selon les années).

Tableau 2

Répartition des inscriptions en formation générale (temps plein, temps partiel et cours autofinancés) par l`âge de 1975-1976 à 1978-1979

Répartition des inscriptions en formation générale (temps plein, temps partiel et cours autofinancés) par l`âge de 1975-1976 à 1978-1979
Sources : Direction générale de l’éducation des adultes du Québec, statistique de l’éducation des adultes du Québec de 1975-1976 à 1978-1979

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Retenons de l’analyse de cette première période les constats suivants :

  • L’éducation des adultes constitue un secteur spécifique de l’organisation et du système d’éducation mis en place depuis 1964 et qui possède sa propre direction. La présentation des rapports statistiques reproduit cette vision globale, la formation générale des adultes y est considérée comme une activité parmi d’autres.

  • Historiquement, il faut rappeler l’importance de la formation socioculturelle qui rejoignait plus de 100 000 inscriptions en 1971 et qui a connu une croissance, tout au cours de ces années, pour atteindre plus de 300 000 inscriptions en 1978.

  • Toujours au cours de cette période, nous assistons à des fluctuations annuelles d’inscriptions laissant penser l’importance des décisions politiques qui attribuent les ressources financières.

  • Des étudiants de moins de 20 ans participent aux activités. Leur inscription ne constitue alors que le cinquième de l’ensemble des activités en formation générale des adultes.

4. Les changements d’orientations des politiques éducatives (1982-2002)

La publication du rapport de la Commission d’études sur la formation des adultes (Jean, 1982) en 1982 était le dernier signe du développement de l’éducation des adultes sous le registre de l’État providence. D’ailleurs, comme nous l’avons noté plus haut, la commission avait dénoncé, en soutien à la Coalition nationale des organismes communautaires contre les coupures, des compressions budgétaires en formation générale et encore plus sévères en éducation populaire et action communautaire (Jean, 1982 : p. 673), un des emblèmes de l’éducation des adultes durant la période. Ces coupures s’inscrivaient dans une réorientation des budgets vers des activités professionnalisantes. En fait, le peu de retombées du rapport est significatif d’un changement de référentiel politique ou des orientations intellectuelles et normatives qui guident l’éducation des adultes : l’éducation participe aux efforts de relance économique, ce que Pierre Paquet avait appelé le virage main-d’oeuvre (Pâquet, 1992).

4.1 L’éducation des adultes en changement

Le début des années 1980 est en effet marqué par la pire crise de l’emploi que le monde ait connue ; le Québec n’échappe pas à la tourmente. Le taux de chômage augmente, en particulier chez les jeunes. En même temps, les statistiques soulignent que le taux de chômage des jeunes diminue avec le niveau de scolarisation, renforçant la conviction que les jeunes doivent au minimum terminer leur scolarité secondaire. En plus, nous assistons à une dévalorisation de la formation professionnelle dont la population décline très rapidement (Doray, 2010).

Cette crise est aussi associée à des transformations importantes de l’économie dues à la diffusion des technologies numériques dans les milieux de travail, usines et bureaux. C’est également à la fin des années 1980 que l’entente de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique est signée, laissant aussi présager des changements importants sur le plan économique. Dans le cadre de la mise en oeuvre de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), des études concluent que les politiques publiques de gestion de la main-d’oeuvre sont mal orientées : les mesures dites de filets de protection sont trop importantes par rapport aux mesures actives de soutien du marché du travail, dont la formation des chômeurs et des travailleurs. Enfin, on constate également que les entreprises canadiennes, et surtout québécoises, n’investissent pas assez dans la formation de leurs travailleurs.

Plusieurs actions sont entreprises pour mieux articuler l’éducation et la formation aux nécessités du jour. Des mesures de soutien à l’insertion professionnelle (appelées à l’époque les Opérations Déclic) sont rapidement mises de l’avant avec un soutien au retour aux études (rattrapage scolaire), des stages en entreprise et des travaux communautaires souvent réalisés dans des municipalités. Le rattrapage scolaire peut se faire autant en formation professionnelle qu’en formation générale des adultes. Cette dernière est ainsi mobilisée afin de favoriser l’accès au diplôme d’études secondaires pour les jeunes de 30 ans et moins inscrits à l’aide sociale. Les organismes communautaires sont aussi mobilisés afin de soutenir les jeunes en difficulté par des interventions psychosociales ou des actions de soutien à la recherche d’emploi. De ce fait, plusieurs organismes deviennent des services externes de main-d’oeuvre (SEMO).

En 1986, le gouvernement québécois rend public son plan d’action sur la formation professionnelle afin de moderniser les contenus des programmes par rapport aux nouvelles réalités du travail et de lutter contre le désintérêt des jeunes face à la formation professionnelle (Doray, 2010) en modifiant les modes d’accès aux différents programmes.

Toujours au même moment, les gouvernements mettent sur pied différentes stratégies de développement de la main-d’oeuvre, que celle-ci soit en emploi ou en chômage. Parmi les dispositifs adoptés, nous retrouvons des programmes de subventions et des crédits d’impôts pour fins de formation en entreprise. Au Québec, les stratégies incitatives n’ayant pas portés fruit, le gouvernement du Parti québécois fait adopter en 1995 la Loi sur la formation de la main-d’oeuvre obligeant les entreprises dont la masse salariale est de 250 000 $ ou plus à investir 1 % de leur masse salariale dans la formation de leur personnel.

Des institutions publiques ont aussi été mobilisées au cours de ces années. En 1984, dans son Plan d’action en éducation des adultes, le gouvernement québécois propose de relancer l’action des Commissions de formation professionnelle afin qu’elles deviennent de véritables lieux de planification des actions de formation pour la population active. Au début des années 1990, ces commissions deviennent le coeur de la Société québécoise de développement de la main-d’oeuvre (SQDM) dont l’existence sera brève avec la création, quelques années plus tard, d’Emploi-Québec et de la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT).

Ainsi, l’action gouvernementale a suivi quatre voies : elle a agi 1) sur le contenu des formations (actualisation des contenus en formation professionnelle et technique) ; 2) sur les structures institutionnelles de gestion publique des politiques de main-d’oeuvre ; 3) sur les dispositifs de formation dont les modalités d’accès pour les individus, ciblant en particulier les jeunes sans emploi de 30 ans et moins ; et 4) sur des mesures de développement de la formation en entreprise. Dans tous les cas, il s’agit de mobiliser les ressources éducatives au service de la croissance économique. C’est pourquoi nous parlons de professionnalisation de l’éducation et de la formation.

En 2002, le gouvernement présente sa politique d’éducation des adultes et de formation continue pensée sous l’égide de l’éducation tout au long de la vie. Cette politique marque un tournant par rapport à la période de professionnalisation, bien que l’articulation entre éducation et formation reste forte. Cette politique ouvre une nouvelle ère fondée sur des orientations intellectuelles et normatives quelque peu différentes de celles qui prévalaient au cours des vingt années précédentes. L’éducation tout au long de la vie (ETLV) est devenue une nécessité pour des raisons économiques mais aussi sociales. C’est une condition pour assurer une citoyenneté active. S’y ajoute aussi la question de la lutte aux inégalités sociales avec l’accès élargi à la formation de base et le soutien à la persévérance. L’éducation tout au long de la vie constitue un compromis entre un registre misant sur l’efficacité ou l’utilitarisme qui fait de l’éducation une variable d’ajustement de l’économie et un registre social avec la poursuite d’une égalité d’accès et de réussite. Un trait de ce projet éducatif est l’insistance mise sur l’expression de la demande éducative. Faisant le constat que les politiques éducatives centrées sur l’offre de formation ne suffisent pas à accroître la participation à l’éducation, il faut aussi agir sur l’expression de la demande individuelle et collective. La politique de 2002 s’inscrit dans ce cadre avec les orientations suivantes :

  • l’accès à la formation avec une insistance sur l’accès à la formation de base pour les personnes qui n’ont pas atteint ce niveau. La politique prévoit aussi la planification de formations réservées à certaines populations comme les immigrants, les handicapés, les agriculteurs et les jeunes adultes.

  • La politique reconnaît l’existence de différents segments de formation : système scolaire, entreprise, formateurs privés, mais marginalise l’éducation populaire, sauf pour l’alphabétisation dans les organismes populaires.

  • Elle insiste sur l’importance de la disponibilité des ressources pour assurer un financement répondant à l’augmentation de la demande (en tenant compte des différentes sources : privée-individuelle ; entreprise ; gouvernementale).

  • Le registre de l’efficacité se retrouve aussi dans l’insistance accordée à la qualité des services, dont les services d’accueil et de reconnaissance des acquis (expérientiels, professionnels et ceux des immigrants) ainsi que des services en aval des formations comme l’évaluation.

  • Il est aussi prévu une mise en réseau des différents lieux de formation, incluant les lieux d’expression de la demande qui ont aussi la responsabilité de mettre en oeuvre les dispositifs de reconnaissance des acquis.

  • L’absence d’action en matière de formation socioculturelle et d’éducation populaire.

  • La politique fait peu ou pas du tout mention de la formation dispensée dans les cégeps et les universités. Ces dernières sont mentionnées pour leur contribution à la formation de formateurs et à la recherche dans le domaine.

Un plan d’action accompagne la politique (ministère de l’Éducation du Québec, 2002). Il est prévu dans celui-ci d’accroître la capacité d’accueil de la formation générale des adultes pour faire place à une augmentation de 33 000 personnes, dont 5000 inscrites dans des activités d’alphabétisation dans les commissions scolaires ou dans les groupes populaires autonomes en alphabétisation. On exige que les centres d’éducation des adultes fassent état dans leur plan de réussite (1) de l’augmentation des effectifs en formation de base et dans les services d’alphabétisation ; (2) des objectifs, qualifiés d’ambitieux, d’obtention de diplôme pour les 16-24 ans ; et (3) de la progression et de la persévérance dans les études des jeunes adultes et des adultes plus âgés. Il est aussi prévu la mise sur pied de services de formation et d’accompagnement adaptés à la situation des décrocheurs scolaires ou faiblement scolarisés âgés de 16 à 24 ans. Cela se fera en collaboration entre les commissions scolaires, les centres locaux d’emploi, les ressources externes ayant une responsabilité dans la formation des jeunes adultes comme les Centres jeunesse et les Centres locaux de santé et de services sociaux (CLSC).

Le plan d’action fait donc place aux jeunes adultes et aux décrocheurs. Sont visées les personnes dont la formation de base est déficiente et les décrocheurs, c’est-à-dire les personnes qui ont quitté l’école et qui désirent amorcer un nouveau parcours de formation. Il s’agit d’une catégorie sociale vulnérable dont il faut hausser le niveau de la formation de base.

4.1 La lutte contre le décrochage

L’étroite corrélation constatée entre niveau d’éducation et chômage conduit aussi à agir afin d’accroître la réussite scolaire par des mesures de lutte contre le décrochage (Doray et al., 2011). Dès les années 1980, les discours publics soulignent l’importance de la réussite, c’est-à-dire l’obtention du diplôme d’études secondaires comme norme scolaire minimale. Le référentiel qui fonde les politiques reprend le compromis indiqué plus haut entre un registre d’efficacité – les décrocheurs étant considérés comme un signe d’inefficacité du système – et un registre social de lutte aux inégalités par l’accent mis sur l’accès à la formation de base des catégories sociales les plus défavorisées sur ce plan. Un changement de définition est introduit : la lutte contre les inégalités d’accès ne suffit plus, il faut aussi lutter contre les inégalités de réussite.

Dans la foulée de cette nouvelle politique, plusieurs commissions scolaires ont, dans les années 1980, créé des écoles spécialisées dans le raccrochage. Par exemple, à la Commission des écoles catholiques de Montréal (maintenant la Commission scolaire de Montréal) a fait, en 1984, de l’École Marie-Anne une des cinq écoles spécialisées dans l’accueil des décrocheurs et des décrocheuses. Aujourd’hui, il faut avoir 16 ans au début de l’année scolaire et être en reprise de cours en secondaire 3, 4 ou 5 pour y être admis. L’école Marie-Anne accueille tout élève qui ne peut terminer ses études secondaires dans son école actuelle (secteur des jeunes), songe à abandonner l’école et recherche un nouveau cadre d’études, a abandonné l’école et désire reprendre ses études secondaires, a suivi des cours au secteur de l’éducation des adultes et préfère un enseignement de groupe de type régulier.

Une autre mesure est prise en 1989 avec la modification de la notion administrative d’adulte et surtout des conditions d’accès en formation générale des adultes. Ainsi, dans les années 1970, un adulte était, en vertu de la loi sur la formation professionnelle des adultes, défini comme une personne dont l’âge dépasse d’au moins une année l’âge normal de fin de scolarité au Québec (Direction générale de l’éducation des adultes, 1978, p. 10). Il était aussi indiqué qu’un adulte est aussi « une personne qui se consacre à l’entretien de son foyer, qu’elle ait ou non appartenu à la main-d’oeuvre » (Direction générale de l’éducation des adultes, 1978, p. 10). Cette dernière précision vise en particulier les femmes qui n’étaient pas intégrées à la main-d’oeuvre active et qui désiraient s’y intégrer. Une autre disposition ministérielle ajoute qu’un adulte ne peut accéder à la formation générale des adultes que si, après avoir atteint l’âge normal de fin de scolarité, il n’a pas fréquenté une école pendant une période d’au moins 12 mois. Or, la nouvelle mesure de la Loi de l’instruction publique de 1989 élimine l’obligation d’interruption des études pendant 12 mois pour avoir accès à l’éducation des adultes. Cette disposition a été introduite afin de faciliter le passage entre le secondaire régulier et la formation professionnelle à la suite de l’intégration de la formation professionnelle des jeunes et la formation professionnelle des adultes. Cependant, cette modification ouvre aussi la voie à un accès plus facile (passage direct) des jeunes à la formation générale des adultes.

En 1992, le ministre Michel Pagé publie un plan d’action pour la réussite éducative, Chacun ses devoirs ; ce plan constitue la première formulation d’une politique favorisant la réussite scolaire et de lutte contre le décrochage. Reconnaissant que l’obtention du diplôme d’études secondaires est devenu un impératif, il convient donc d’accroître la proportion de diplômés du secondaire. Un objectif est aussi fixé : le ministère de l’Éducation se donne cinq ans pour que 80 % des élèves du secondaire obtiennent une qualification. La stratégie gouvernementale suit trois lignes de force : 1) accompagner les enfants dans leur démarche éducative ; 2) moduler la pédagogie pour tenir compte de la diversité des rythmes et des modes d’apprentissage et 3) dynamiser la vie scolaire dans l’école. Le plan prévoit aussi que la communauté s’engage dans cette lutte. Chaque milieu doit élaborer un plan d’action à la suite d’une analyse qui porte sur la situation du milieu en matière de pauvreté et de décrochage. À cet égard, la mobilisation des différentes régions a été variable ; il reste que, quelques années plus tard, il existe des organismes de lutte contre le décrochage dans toutes les régions du Québec. En 1995, sont institués les États généraux sur l’éducation qui font de la lutte contre le décrochage un des chantiers prioritaires. La réforme de l’éducation, Prendre le virage du Succès, va dans le même sens. Le ministère a aussi mis de l’avant une instrumentation organisationnelle et statistique afin que chaque école et chaque milieu puissent établir son diagnostic et ainsi préparer son plan de réussite. Depuis, cette lutte est au coeur des plans d’action ministérielle. En 2003, le ministre Sylvain Simard propose une école secondaire transformée (ministère de l’Éducation du Québec, 2003) qui vise la réussite des élèves du Québec. Le rapport Gervais, publié en 2005, identifie aussi le décrochage scolaire comme un défi majeur de l’action éducative du gouvernement (Gervais, 2005).

Les organismes régionaux de lutte contre le décrochage se sont regroupés et ont formé le Groupe d’action sur la persévérance et la réussite scolaire au Québec. Le président en est Jacques Ménard, de la Banque de Montréal. Ce groupe publie, en 2009, un rapport qui fait grand bruit. C’est le premier document d’action publique sur cet enjeu qui provient de la société civile. Sa publication et sa réception publique obligent le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport à présenter un nouveau plan d’action, L’école j’y tiens (ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2009), qui reprend l’objectif quantitatif de 1992 : un taux de diplomation et de qualification de 80 % avant 2020. Il propose aussi 13 voies d’action. Les centres d’éducation des adultes des commissions scolaires y sont directement interpellés :

  • Ils devront intensifier leurs efforts pour rejoindre les jeunes décrocheurs afin qu’ils reviennent aux études.

  • Les services d’accueil, de référence, de conseil et d’accompagnement (SARCA), en lien avec les Carrefours jeunesse-emploi et dans le cadre du programme IDEO 16-17, proposeront des mesures aux jeunes décrocheurs qui désirent revenir aux études.

  • Les commissions scolaires devront assurer la continuité des services pédagogiques et complémentaires pour les élèves qui changent de secteur de formation, c’est-à-dire qui passent du secteur jeune (les écoles secondaires régulières) à celui de la formation générale des adultes ou de la formation professionnelle.

Ainsi, le plan d’action de 2009 interpelle directement les centres d’éducation des adultes dans les efforts de lutte contre le décrochage et pour le raccrochage scolaire des jeunes de moins de 20 ans. Il les interpelle aussi dans le cas des changements de secteurs. Ce faisant, il fait de la formation générale des adultes une autre voie de formation pour les jeunes en difficulté scolaire dans le secteur jeune ou, pour le dire de manière plus prosaïque, dans les écoles secondaires régulières.

4.2 Les pratiques récentes en formation générale des adultes

Sur la base des données disponibles, il est possible de suivre la croissance des effectifs entre 1997-1998 et 2009-2010 (tableaux 3 et 4), sur une période de 13 ans. Au cours de cette période, les statistiques sont présentées selon les différents services d’enseignement. Alors que, durant la période précédente, l’éducation des adultes était considérée comme un tout dont la formation générale des adultes n’était qu’un segment, l’actuelle présentation des statistiques ne permet plus d’avoir un regard global sur l’éducation des adultes. Des données sont produites pour la formation professionnelle, d’autres pour la formation générale des adultes. Ce mode de présentation est symptomatique du changement de référentiel intellectuel pour penser l’éducation des adultes marquée par la professionnalisation des pratiques.

Constatons d’abord que les changements apportés en 1989 aux règles d’accessibilité à la formation des adultes ont rapidement eu des effets. Une étude de la Direction de la recherche du ministère de l’Éducation du Québec indique qu’entre les années 1988-1989 et 1990-1991, pendant que la population globale des élèves inscrits au présecondaire et au secondaire à l’éducation des adultespassait de 74 553 à 91 288, augmentant de 26,6 % en trois ans, celle des élèves de moins de 20 ans passait de 19 183 à 32 212, augmentant de 69,9 (Beauchesne, 1992, p. 3). La proportion des jeunes de moins de 20 ans est passée en trois ans de 25,7 % à 34,2 %. En somme, même si les changements institutionnels visaient d’abord la formation des adultes, les retombées sont plus larges.

Cette croissance des inscriptions se poursuit : les inscriptions ont, de 1997 à 2010, encore augmenté de 64 %, passant de 164 398 à 269 122. Cette augmentation est toutefois variable selon les services d’enseignement. Nous assistons à une décroissance dans trois services : alphabétisation (-7,2 %), enseignement présecondaire (-10,8 %) et premier cycle du secondaire (-43,2 %). En revanche, la préparation à la formation professionnelle a connu une augmentation de 289 %, l’intégration sociale de 355,1 %, la formation au second cycle de 118,7 %, les cours de francisation de 130,1 % et leur soutien pédagogique de 310,2 %.

La répartition des inscriptions selon les services d’enseignement indique que 40,6 % de l’augmentation est uniquement imputable à la formation au second cycle du secondaire. Par rapport à 1997-1998, c’est près de 42 500 inscriptions de plus dans un cursus dont la finalité du cheminement est de terminer les études secondaires et d’obtenir le diplôme d’études secondaires. Pour sa part, l’intégration sociale représente 24 % de la croissance (soit 24 945 inscriptions de plus) et la préparation à la formation professionnelle, 25 % (soit 25 986 inscriptions de plus).

Nous avons globalement assisté au cours de la période à une concentration des activités autour de l’obtention du diplôme d’études secondaires ou de la préparation à la formation professionnelle. Ces deux services représentent 75 % de la croissance des inscriptions et même 86 % de ces dernières si nous incluons aussi le soutien pédagogique dont la finalité est d’accorder un encadrement particulier à des étudiants. Les activités de deuxième cycle du secondaire ont connu un bond en 2008 avec une augmentation de 20 632 inscriptions en 2008-2009, au moment même où le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport produisait et diffusait son plan d’action en faveur de l’augmentation de la réussite scolaire, l’École j’y tiens. La formation au second cycle du secondaire et la préparation à la formation professionnelle regroupaient en 1997-1998, 27,3 % des inscriptions ; treize ans plus tard, ces deux services rassemblent 42,1 % des inscriptions.

Tableau 3

Évolution des inscriptions en formation générale des adultes selon le service d’enseignement de 1997-1998 à 2009-2010

Évolution des inscriptions en formation générale des adultes selon le service d’enseignement de 1997-1998 à 2009-2010
Sources : ministère de l’Éducation du Québec et ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec, Statistiques de l’éducation, édition de 2003 à 2008 et données gracieusement fournies par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec

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Tableau 4

Croissance des inscriptions de formation générale des adultes selon les différents services, (tous les réseaux d’enseignement, tous financement), de 1997-1998 à 2009-2010

Croissance des inscriptions de formation générale des adultes selon les différents services, (tous les réseaux d’enseignement, tous financement), de 1997-1998 à 2009-2010

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Pour le ministère, trois services regroupent les activités de formation de base commune : alphabétisation, services de formation présecondaire et services de formation du premier cycle du secondaire (Direction de la formation générale des adultes, 2007). Or, ces trois services, regroupés sous l’appellation Formation de base commune, (http://www.mels.gouv.qc.ca/sections /formationbase/) ont connu une diminution de 21,3 % des inscriptions. Cette décroissance de leur poids se fait surtout sentir dans les formations au premier cycle du secondaire. L’alphabétisation a connu une décroissance des inscriptions jusqu’à 2000. Par la suite, il y a eu augmentation pendant quelques années (de 2000 à 2005), ce qui correspond à la publication de la politique de l’éducation des adultes et au début de sa mise en oeuvre. Mais, depuis 2006, les inscriptions baissent de nouveau. Il reste que, tout au cours de la période, ce service n’a représenté que 8 % ou moins des inscriptions en formation générale des adultes. La formation présecondaire a connu une période de décroissance entre 1997 et 2005 et de stabilisation au cours des trois années suivantes. Mais, depuis 2008, le nombre d’inscriptions a plus que doublé pour retrouver le niveau du début de période. Cette croissance se manifeste au moment de l’utilisation intensive des centres d’éducation des adultes dans la lutte contre le décrochage scolaire. Les inscriptions aux activités associées au premier cycle du secondaire ont aussi été réduites au cours des années, de telle sorte qu’en fin de période, il y avait 20 000 inscriptions de moins qu’en début de période. Globalement, les trois services qui constituent les activités de formation de base commune ont connu une baisse, au moment même où la politique de l’éducation des adultes annonçait une volonté d’amélioration des services pour les personnes peu scolarisées par un accès élargi à la formation générale des adultes.

Toujours parmi les activités scolaires, la préparation aux études postsecondaires a connu une croissance nettement plus faible que d’autres services avec une augmentation de 22,7 %. Mais, dans l’ensemble, le nombre d’inscriptions à ce service regroupe en fin de période moins de 10 % des inscriptions. Contrairement à ce service, un autre a connu une forte augmentation : la préparation à la formation professionnelle. Il représentait en fin de période 13,0 % des inscriptions. Il a connu une progression de 288 % qui a débuté en 2000-2001.

Le dernier service qui regroupe, en fin de période, 12 % des inscriptions est l’intégration sociale. Il s’agit du service qui a connu la plus forte croissance, 355 % au cours de la période. Les inscriptions sont passées de 7025 à 31 970 en fin de période. Cette croissance s’est fait particulièrement sentir depuis 2001-2002. Ce service rassemble toutes les activités offertes à des personnes qui ont des difficultés d’adaptation personnelle ou sociale dans la vie quotidienne. Souvent, en collaboration avec des organismes communautaires, ces élèves peuvent être des adultes de tous les âges avec des problèmes de déficience légère ou moyenne, d’anciens élèves du secteur jeune dit HDAA (élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage), de personnes ayant des handicaps ; ces publics ont 21 ans ou plus et ne relèvent plus de la juridiction administrative du secteur jeune ; ils incluent également des jeunes de la rue à qui les commissions scolaires offrent des activités d’apprentissage en français et en mathématiques en plus du suivi psychosocial offert par des groupes communautaires, de jeunes immigrants âgés de 17 ou 18 ans qui suivent des activités de francisation et d’alphabétisation parce qu’ils ont été sous-scolarisés dans leur pays d’origine et de femmes isolées appartenant à des communautés ethnoculturelles. Les acteurs éducatifs utilisent souvent ce service pour développer des projets et des activités qui sont à la frontière du secteur jeune et du secteur adulte ou pour des catégories sociales connaissant des difficultés d’insertion pour diverses raisons : intégration culturelle, problèmes de santé, personnes en exclusion sociale, etc. L’utilisation de ce service peut donc varier d’une commission scolaire à l’autre.

Quant à l’intégration socioprofessionnelle, dont certaines activités peuvent conduire à l’obtention d’un certificat de métier semi-spécialisé, elle a connu une progression de 64,4 % et regroupe en fin de période 5,3 % des inscriptions. Ce service sert aussi à financer des ressources éducatives qui oeuvrent, par exemple, dans les entreprises en insertion.

Pour sa part, le service de francisation n’a jamais dépassé 9 % des inscriptions. La croissance des inscriptions est à mettre en relation avec la croissance de l’immigration, qui est une priorité gouvernementale pour lutter contre le déclin démographique et la baisse de la population active.

L’analyse de la situation entre 2001-2002 et 2009-2010 selon l’âge permet de dégager une première constatation : la stabilité de la part que représente les inscriptions des élèves de 19 ans et moins en formation générale des adultes : elles constituent toujours le tiers des inscriptions en début comme en fin de période d’observation. En même temps, une croissance importante du nombre d’inscriptions se fait sentir au cours de ces huit ans. Au total, elles ont augmenté de 48,5 %, avec des variations importantes selon les cohortes. Chez les élèves les plus jeunes, elle a été de 46,1 % avec une augmentation de 28 136 inscriptions sur un total de 87 865. En nombre absolu, cette croissance est la plus importante, bien qu’en termes relatifs, la croissance des élèves de 50 ans et plus est plus importante. Soulignons aussi que ces élèves constituent 12 % des inscriptions en 2009-2010. Mais il reste que cette croissance représente à elle seule le tiers (32,0 %) de l’ensemble de l’augmentation observée au cours de cette période, alors que celle des élèves les plus âgés (50 ans et plus) est de 22 %.

Une autre caractéristique de la présence des jeunes en formation générale des adultes est le fait que la proportion de ceux qui passent directement aux adultes (graphique 2) augmente. En effet, la part des élèves, filles comme garçons, d’une génération d’âge scolaire, qui poursuivent leurs études en formation générale des adultes sans interruption ne fait que croître depuis 1992-1993, alors que la proportion des élèves qui ont connu une interruption d’études et dont la présence en formation générale des adultes constitue un retour aux études ou un raccrochage scolaire connaît des oscillations faibles depuis 1989-1990. En d’autres mots, la formation générale des adultes recrute davantage des élèves jeunes sortant directement des écoles secondaires que des décrocheurs ayant déjà quitté l’école depuis un an et plus.

Tableau 5

Répartition des inscriptions selon l’âge des élèves en formation générale des adultes, tous services d’enseignement et croissance des inscriptions entre 2001-2002 et 2009-2010

Répartition des inscriptions selon l’âge des élèves en formation générale des adultes, tous services d’enseignement et croissance des inscriptions entre 2001-2002 et 2009-2010
Source : ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec, Portail informationnel, Inscriptions effectif formation générale des adultes, en date du 27 janvier 2012, système Charlemagne

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Figure 2

Taux d’accès au secteur des adultes en formation générale des adultes avant l’âge de 20 ans sans avoir obtenu de diplôme du secondaire selon le sexe

Taux d’accès au secteur des adultes en formation générale des adultes avant l’âge de 20 ans sans avoir obtenu de diplôme du secondaire selon le sexe
Sources : les indicateurs de l’éducation, ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec

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Les deux tableaux suivants (6 et 7) décrivent la répartition des inscriptions en fonction simultanément de l’âge et du service d’enseignement pour deux années : 2001-2002 et 2009-2010, ce qui permet de mieux comprendre l’évolution des choses au cours des dernières années. Si nous ne retenons que les grands traits, il ressort que :

  • La formation générale des adultes a connu une croissance importante.

  • En fin de période, le service d’enseignement le plus important est de loin les formations du second cycle du secondaire avec 78 305 inscriptions dont la moitié est âgée de 19 ans et moins. Il y a, au cours des années, concentration des activités autour de ce service.

  • Les inscriptions en formation de base commune ont globalement diminué sauf pour les tranches d’âge les plus jeunes. Les pratiques d’alphabétisation ont connu une baisse des inscriptions sauf pour les élèves de 24 ans et moins. Les pratiques de formation présecondaire ont augmenté pour toutes les tranches d’âge. Les formations du premier cycle du secondaire ont diminué, sauf pour les personnes de 50 ans et plus.

  • L’intégration sociale a aussi connu une très importante croissance, bien que le nombre d’inscriptions reste plus faible qu’au second cycle du secondaire. Cette croissance est particulièrement forte chez les personnes de 50 ans et plus.

Tableau 6

a

Distribution des inscriptions des élèves en formation générale des adultes selon les services d’enseignement et l’âge pour 2001-2002

Distribution des inscriptions des élèves en formation générale des adultes selon les services d’enseignement et l’âge pour 2001-2002
Source : ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec, Portail informationnel, Inscriptions effectif formation générale des adultes, en date du 27 janvier 2012, système Charlemagne

b

Distribution des inscriptions des élèves en formation générale des adultes selon les services d’enseignement et l’âge pour 2009-2010

Distribution des inscriptions des élèves en formation générale des adultes selon les services d’enseignement et l’âge pour 2009-2010
Source : ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec, Portail informationnel, Inscriptions effectif formation générale des adultes, en date du 27 janvier 2012, système Charlemagne

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Tableau 7

Inscriptions des élèves de 19 ans ou moins en formation générale des adultes selon les services d’enseignement pour 2001-2002 et 2009-2010

Inscriptions des élèves de 19 ans ou moins en formation générale des adultes selon les services d’enseignement pour 2001-2002 et 2009-2010
Source : ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec, Portail informationnel, Inscriptions effectif Formation générale des adultes, en date du 27 janvier 2012, selon le système d’information Charlemagne

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5. Discussion

Revenons à notre impression de départ qu’il nous faut quelque peu pondérer. Les élèves de moins de 20 ans, que l’on appelle jeunes ou jeunes adultes, ont toujours été présents en formation générale des adultes. Dans les années 1970, ils représentaient un cinquième des inscriptions, mais cette proportion a augmenté à un tiers dans les années 1990 et 2000. Nous avons donc assisté, au cours des années, à une croissance de cette population, avec une concentration dans les activités du second cycle du secondaire et, dans une moindre mesure, en préparation à la formation professionnelle. Le nombre important d’inscriptions des jeunes de moins de 20 ans – rappelons qu’en quelques années, elles ont augmenté de 28 136, alors que les centres n’ont pas connu une augmentation de leur public – ainsi que leur concentration dans un service en particulier, les formations de deuxième cycle du secondaire, contribuent à produire de fait un déplacement des missions. La diminution concomitante des activités de formation de base contribue aussi à produire une concentration des activités. Finalement, il faut aussi souligner que la part des élèves de moins de 20 ans qui accède à la formation générale des adultes sans interruption d’études n’a fait qu’augmenter depuis le début des années 1990, laissant penser que la formation générale des adultes, et spécialement la formation au deuxième cycle du secondaire, s’inscrit de plus en plus dans la suite directe de l’enseignement secondaire du secteur jeune.

Si la part des élèves de 19 ans et moins n’a pas connu une augmentation globale, c’est que, en parallèle à la croissance des formations au second cycle du secondaire, l’intégration sociale, qui s’adresse majoritairement aux personnes de 50 ans et plus, a aussi connu une croissance importante, même si son poids dans les inscriptions totales en formation générale des adultes est plus faible que les formations créditées. La francisation a connu une croissance des effectifs, ce qui s’explique par l’accent mis sur les enjeux de l’immigration et des politiques d’intégration des immigrants dont le premier pas est l’apprentissage du français. En général, il y a une concentration des âges selon les services d’enseignement.

Au cours des années, la formation générale des adultes a été mobilisée par différentes politiques éducatives québécoises. L’action publique a eu recours à ces ressources adultes dans les efforts de soutien à l’insertion professionnelle des jeunes au moment de la crise de l’emploi des années 1980. Par la suite, la politique de lutte contre le décrochage scolaire a aussi fait appel à ses ressources, surtout au cours des dernières années. C’est ainsi qu’elle a connu une intégration plus étroite avec la scolarité du secondaire dispensée dans le secteur ; les jeunes en difficultés scolaires dans les écoles secondaires peuvent intégrer les centres de formation des adultes pour espérer terminer leurs études secondaires ou compléter les prérequis nécessaires pour amorcer un programme de formation professionnelle sans avoir interrompu leurs études. La croissance de l’intégration socioprofessionnelle se comprend aussi par la lutte contre le décrochage et la recherche d’une augmentation des jeunes qui obtiennent une première qualification avant l’âge de 20 ans. L’augmentation des inscriptions en préparation à la formation professionnelle s’inscrit dans cette même logique. En plus, elle participe aussi de la valorisation de la formation professionnelle qui a connu un déclin chez les jeunes de 20 ans et moins.

En même temps, la politique de l’éducation des adultes a aussi prévu de faire place aux élèves de moins de 20 ans par un accès élargi à la formation de base afin que toutes les personnes qui n’ont pas ce bagage puissent l’obtenir. Or, même chez les 19 ans et moins, la part des services associés à la formation de base a diminué, passant de 33,5 % des inscriptions à 24,9 %. Si la part relative des différentes classes d’âge a peu bougé dans le temps, c’est que les pratiques associées à l’intégration sociale ont aussi connu une croissance, en particulier chez les personnes de 50 ans et plus.

En regard de ces deux appels, il faut reconnaître que la politique de lutte contre le décrochage a accaparé une plus grande part des ressources avec une croissance des inscriptions dans les formations au second cycle du secondaire, dont la moitié est le fait des jeunes de 19 ans ou moins entre 2001 et 2010. En comparaison, les inscriptions à la formation de base commune ont globalement diminué, sauf chez les 19 ans et moins. En d’autres mots, les centres d’éducation des adultes sont de plus en plus intégrés à l’enseignement régulier du secondaire et nous pouvons nous demander s’ils ne risquent pas de devenir des annexes des écoles secondaires.

Cette situation n’est pas sans conséquence sur le développement de l’éducation des adultes et du système éducatif. Une première tient dans la lutte pour le relèvement des qualifications de base de la population adulte. Les travaux récents sur la littératie soulignent que près de la moitié de la population québécoise possède une maîtrise trop limitée des compétences essentielles requises (correspond aux niveaux 1 et 2 de littératie) pour participer à une société devenue à haute intensité d’informations écrites et numériques et pour être en mesure de piloter les multiples transitions professionnelles qui les attendent (Bernèche, 2006). Or, cette proportion croît avec l’âge. Elle est déjà surprenante pour la cohorte des 16-24 ans après les investissements réalisés dans le système éducatif depuis 50 ans, alors que plus du tiers des personnes n’atteignent pas le niveau 3. Toutefois, elle est encore plus élevée chez les cohortes plus âgées (graphique 3).

Figure 3

Niveaux de compétence en compréhension de textes suivis selon le groupe d’âge, population de 16 ans et plus, Québec, 2003

Niveaux de compétence en compréhension de textes suivis selon le groupe d’âge, population de 16 ans et plus, Québec, 2003
Sources : Bernèche, 2006, p. 61 et Institut de la statistique du Québec, 2005

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Ces résultats auraient pu conduire à accroître les efforts d’abord en alphabétisation, au cycle présecondaire et même au premier cycle secondaire pour toutes les cohortes de la population québécoise. Or, de 1997-1998 à 2009-2010, ces trois secteurs sont en baisse (tableau 4). De 2001 et 2009, nous assistons à une réduction des inscriptions en alphabétisation pour les personnes de 25 ans et plus, alors qu’elles ont augmenté pour les deux cohortes plus jeunes (16 à 24 ans) (tableau 6).

Une autre conséquence possible est l’absence de réflexion et d’un débat sur l’école secondaire publique actuelle et sur la diversification du curriculum pour répondre aux besoins de jeunes qui n’y sont pas à leur place. En faisant des centres d’éducation des adultes des annexes (ou des déversoirs faciles) des jeunes en difficulté dans les écoles secondaires, on s’empêche de réfléchir sur le mode d’action de ces dernières, sur les curriculums qui y sont mis en oeuvre et sur les pédagogies déployées qui, manifestement, ne conviennent pas à l’ensemble des jeunes. En effet, selon les règles actuelles, il est facile pour les acteurs scolaires de proposer aux jeunes en difficulté de changer d’école et de poursuivre leurs études dans un centre d’éducation des adultes. Ipso facto, la position de l’école dans les palmarès des écoles secondaires pourraient ainsi s’en trouver améliorée, les élèves plus faibles ne comptant plus dans les effectifs. Dans un contexte de forte concurrence entre le privé et le public, mais aussi entre les écoles publiques, cette conséquence indirecte n’est pas négligeable, bien qu’il soit actuellement difficile de savoir si cette considération est présente, explicitement ou implicitement, dans la décision des acteurs éducatifs de proposer aux jeunes de poursuivre leurs études dans un centre d’éducation des adultes. Certes, pour de nombreux jeunes, la formation générale des adultes est attrayante par son régime éducatif qui leur assure plus d’autonomie afin de réaliser les différents apprentissages (Leroux, 2003). Mais, pour plusieurs d’entre eux, ce régime peut aussi être la corde avec laquelle ils se pendent, n’étant pas en mesure d’assumer, sur le plan des apprentissages, l’autonomie d’un tel régime.

Il y a plus. Les adultes en besoin objectif de formation générale ne cogneront à la porte des centres d’éducation des adultes que s’ils en perçoivent, subjectivement, la nécessité en rapport avec leur emploi, à leur responsabilité sociale et familiale ou à leur qualité de vie. Il leur faut surmonter les appréhensions d’un tel retour en formation. Or, cette demande qui pourrait augmenter ne trouvera réponse que si les services de formation générale des adultes peuvent mettre en place les mesures et dispositifs pour rejoindre ce public et canaliser leur intérêt. Les Services d’accueil, de référence, de conseil et d’accompagnement (SARCA) sont fort pertinents, mais pour ceux et celles qui précisément ont réussi à franchir la porte d’entrée des centres. Il reste tous ceux et celles qui n’ont pas encore franchi le pas. Or, dans la situation actuelle, le poids de la présence des jeunes suffit à combler les places disponibles dans les centres. Et cela, d’autant plus que, malgré les énoncés de la politique de 2002, les budgets d’expression de la demande, sauf celui de la Semaine des adultes en formation, sont en baisse, sans compter les effets de la loi 100 qui impose aux commissions scolaires des compressions budgétaires significatives dans les dépenses en publicité.

En plus, on ne peut davantage ignorer l’impact que le recrutement de ce nouveau public jeune aura sur l’image des centres, ce qui modifiera leur recrutement. Déjà certains centres ressemblent davantage à une école secondaire qu’à un centre réservé à l’éducation et la formation des adultes, ce qui peut devenir un frein à la présence des adultes plus âgés.

Certes, pour certains jeunes, la voie formation générale des adultes est une solution de rechange intéressante, mais alors faudra-t-il que le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, pour ne pas pénaliser les publics prioritaires de la formation générale des adultes, débloque l’enveloppe financière nationale pour permettre de répondre à la demande croissante des adultes de 20 ans et plus.

6. Conclusion

Deux voies d’interprétation sont possibles pour caractériser la situation que nous venons de décrire. La première consiste à confronter cette situation en regard des principes et des objectifs même du projet d’éducation et de formation tout au long de la vie. La lecture de la situation ouvre alors sur des résultats pour le moins mitigés. La seconde permet de se dégager de ce cadre intellectuel et normatif pour revenir sur la signification de ces changements en regard des politiques éducatives récentes.

Il apparaît tout à fait légitime, dans le cadre de politiques éducatives qui s’inspirent de l’éducation et de la formation tout au long de la vie, de favoriser la réussite scolaire des jeunes et des jeunes adultes, ne serait-ce parce que le principal déterminant de la participation à l’éducation des adultes en général est la scolarité antérieure et la formation initiale. À moyen et à long terme, un objectif de croissance de la formation des adultes doit jouer aujourd’hui sur la réalisation de parcours éducatifs positifs. Nous pourrions aussi évoquer d’autres raisons comme la croissance d’une économie et d’une société du savoir, mais ce propos est déjà si fortement prégnant dans le discours public que nous n’y reviendrons pas. Un autre point positif est certainement la croissance de l’insertion sociale, quoiqu’il soit difficile de dégager un sens à cette dernière. Tant que la croissance de ce service éducatif est associée à une plus forte intégration sociale et à la lutte contre l’exclusion sociale, il faut reconnaître un lien direct avec les objectifs de l’éducation tout au long de la vie.

Par ailleurs, la diminution des inscriptions au premier cycle secondaire et en formation de base commune, spécialement chez les élèves de plus de 25 ans, s’inscrit en contradiction avec les objectifs d’une éducation tout au long de la vie en général et de la politique québécoise de 2002. Cette formation est considérée comme le socle culturel commun qui permet à un individu de vivre pleinement dans nos sociétés fortement alphabétisées. La confrontation entre l’évolution des inscriptions en alphabétisation et les résultats des enquêtes sur la littératie des adultes est particulièrement éloquente. La politique de 2002 met aussi l’accent sur le développement des pratiques d’expression de la demande. Or, le contexte actuel n’est pas favorable au développement de ces pratiques par le blocage des budgets doublé de la montée des publics jeunes, produisant ainsi un manque de ressources pour faire exprimer la demande et un manque de place dans les centres. Le transfert d’élèves en difficulté des écoles secondaires suffit à combler les places disponibles, de telle sorte qu’une demande plus grande des adultes pour certains services éducatifs ne pourrait recevoir un accueil positif. Par exemple, aurait-on les ressources pour accueillir des adultes de 30 et 40 ans qui voudraient s’inscrire, pour le soir et la fin de semaine ou pour le jour à la suite d’un arrangement avec leur employeur, à des activités associées aux cycles du secondaire ?

Toujours d’un point de vue d’une politique de l’éducation tout au long de la vie, la question du développement des différents segments est aussi importante. L’éducation des adultes sous l’État providence mettait de l’avant deux segments : l’école du soir et l’éducation populaire. Or, sous le régime ultérieur de professionnalisation de l’éducation des adultes, l’éducation populaire a connu un processus de désinstitutionalisation avec l’abolition des programmes de financement et l’obligation, pour de nombreux groupes communautaires, de se transformer en service externe de main-d’oeuvre dans le cadre de la mise en place des politiques actives de main-d’oeuvre. Or, la participation à des activités d’éducation populaire a été pour de nombreux adultes une voie privilégiée pour exercer leur droit à l’éducation et un moyen de renouer avec un rapport positif à l’éducation et l’apprentissage. En ce sens, l’absence de ces préoccupations dans une politique d’éducation des adultes bloque la demande de formation non reliée au travail (santé, rôle parental, formation informatique, langue seconde, etc.) et joue négativement sur l’expression de la demande des adultes en formation générale et professionnelle.

Un regard plus distancé, fondé sur l’évolution des politiques éducatives, ouvre une première réflexion sur les articulations institutionnelles entre les différentes composantes du système éducatif et sur l’égalité d’accès aux ressources éducatives d’une société.

Largement sous l’impulsion de la lutte contre le décrochage, l’action gouvernementale a transformé les relations institutionnelles entre les différentes filières éducatives. Les centres d’éducation des adultes ont connu une intégration plus étroite avec la formation initiale des jeunes à la suite de la modification des règles d’accès au secteur adulte de l’enseignement secondaire. Ce processus a débuté au début des années 1990 et il s’est intensifié à mesure que la lutte contre le décrochage elle-même s’intensifiait. Autrement dit, des ressources importantes, classiquement consacrée à l’éducation des adultes et gelées budgétairement, sont désormais dédiées à la formation initiale des jeunes. Il y a, de ce fait, substitution de mission éducative. La formation générale des adultes participe à une diversification du curriculum de l’école secondaire. Le fait que 4 jeunes de moins de 20 ans sur 5 qui sont inscrits en formation générale des adultes, le sont sans interruption d’études, est un indicateur plus qu’éloquent de cette intégration institutionnelle, sans compter que la part des jeunes qui y accèdent sans interruption d’études a augmenté au cours des années, alors que celle des élèves qui ont connu une interruption est restée stable. Par cet usage des ressources, nous nous retrouvons devant un déplacement ou une substitution de mission. Tout se passe comme si, deux politiques publiques formelles, la politique d’éducation des adultes et la lutte contre le décrochage, se retrouvaient en concurrence et que, dans le quotidien, la seconde était priorisée. La lutte contre le décrochage a joué un rôle plus important en tant que politique constitutive du champ éducatif, au sens où elle a mis en place des règles structurantes du fonctionnement socio-politique du champ éducatif. Sur un plan théorique, notre analyse rappelle aussi l’importance d’étudier les formes concrètes d’intervention des pouvoirs publics et non seulement les programmes d’action.

Toujours sur le plan de la mise en oeuvre des politiques et des orientations de l’action publique, nous constatons que l’action publique reproduit la situation de marginalité de l’éducation des adultes au sein du champ éducatif. Traditionnellement, cette marginalité trouvait ses sources dans les mécanismes de financement : l’octroi des budgets se réalise sur la base d’enveloppes fermées, sauf pour les cours crédités à temps complet dans les cégeps et universités ; l’obligation d’autofinancement exigée dans de nombreuses activités (services aux entreprises, par exemple ; les règles de fonctionnement balisant l’offre de formation (par exemple : les règles d’Emploi-Québec sur l’ouverture des cours), la position institutionnelle de l’éducation des adultes au sein des établissements scolaires (statut des enseignants, représentation dans les instances décisionnelles). Notre analyse ajoute un indicateur, la fragilité institutionnelle, car les ressources éducatives et les surplus annuels peuvent être facilement affectés à d’autres objectifs.

Nous terminerons sur une note réflexive qui appelle à des recherches ultérieures. Au cours de la rédaction de ce texte, un informateur-clé nous a dit C’est intéressant que vous vous intéressiez à la formation générale des adultes, personne ne le fait. Ce cri du coeur exprime le sentiment qu’éprouvent de nombreux acteurs en éducation des adultes à oeuvrer à la frontière des organisations dans une marginalité certaine, bien que leur travail soit une importante source de financement pour leur établissement. Faire une histoire de leur travail, s’intéresser sociologiquement à ce dernier, chercher à comprendre la mise en oeuvre des politiques éducatives contribuent, un tant soit peu, à éclairer leur contribution. Notre analyse est un jalon, tout comme le travail de Voyer et al., (2012), mais nous sommes conscients de ses limites qui sont autant de chantiers de travail. Nous n’avons pu aborder la question des frontières entre les âges de la vie et celui du passage entre la jeunesse et l’âge adulte, bien qu’elle soit présente dans la situation étudiée avec, par exemple, les définitions institutionnelles de ce qu’est un jeune et de ce qu’est un adulte.