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Introduction 

Durant ces dernières décennies, en matière d'hygiène, de soins et de conditions de vie sociale, les avancées médicales et sociales ont permis aux personnes avec déficience intellectuelle de bénéficier d’une longévité, à condition de vie égalée, similaire à l'espérance de vie des citoyens ordinaires. Combiné au vieillissement des parents et au manque de structure d’accueil pour les personnes déficientes intellectuelles, ce phénomène posera d’importants problèmes sociaux et humains dans les années à venir (Facon, 2002).

En France, il faut attribuer à René Lenoir la première prise de conscience de la nouvelle longévité des personnes handicapées, lui qui, dès 1976, indiquait de manière prémonitoire : « Les débiles profonds mouraient presque tous à l’adolescence. Ils atteignent maintenant l’âge mûr et nous aurons dans dix ou quinze ans, de grands handicapés du troisième âge ». Les colloques organisés par les CREAI en Rhône-Alpes (1986), et à La Baule (1988) constituent les premiers actes de cette prise de conscience collective. Dans la même année (1988), Claudel publie une étude très documentée sur l’évolution de la mortalité des personnes handicapées mentales en Alsace et le CREAI Languedoc-Roussillon donne la parole à des personnes handicapées vieillissantes. Le début des années quatre-vingt-dix marque un point de convergence avec la parution de deux ouvrages de synthèse de Zribi et Sarfaty (1990) et de Breitenbach et Roussel (1990). Depuis lors, les travaux se sont multipliés à différentes échelles territoriales et sur de nombreuses thématiques essentiellement sociales. Parmi les plus récents, citons le Conseil national consultatif des personnes handicapées qui a consacré deux colloques à ce thème; le rapport Cayet (1998) pour le Conseil économique et social et l’avis du Haut Conseil de la population et de la famille (2002) qui posent tous deux clairement sur la scène publique les contours de cette problématique. Enfin, l’enquête Handicaps Incapacités Dépendances (HID) a permis de mieux cerner des typologies de problématique des besoins et des volumes de population concernée (Michaudon, 2002; Mormiche, 1999, 2001, 2003; Mormiche et Sanchez, 2000). Nous possédons, en France, sur les espérances de vie et de santé des personnes avec déficience intellectuelle, que de données fragmentaires, dispersées, de valeurs scientifiques inégales. Cependant, nous disposons des statistiques sur les personnes dépendantes. Selon le rapport Marini paru en 2010 dans le journal de presse Le Figaro, le nombre de bénéficiaires de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) est de 1,13 million de personnes en 2009. 60 % de ces personnes vivent à domicile et 40 % vivent dans les établissements spécialisés. Ce même rapport prévoit que ce chiffre va augmenter à 1, 23 millions de bénéficiaires en 2012 et 1,6 million en 2040.

Concernant leur durée de vie : une étude réalisée en Australie, estimait l’espérance de vie des hommes avec déficience intellectuelle à 66.7 ans et celle des femmes 71.5 ans (Bittles, Petterson, Sullivan, Hussain, Glasson et Montgomery, 2002). Cette espérance de vie est très significativement corrélée au niveau intellectuel : respectivement 74 ans; 67,6 ans et 58,6 ans pour les niveaux de déficience légère, modérée et sévère. De plus, la trisomie 21 connaît des gains d’espérance de vie moindres par rapport aux autres étiologies de déficience intellectuelle, en raison d’inhibition ou l’atténuation de sécrétion des protéines nocives au niveau du gène 21 dû au vieillissement (Dubois, 2008). En 1929, l’espérance de vie d’une personne trisomique à la naissance n’était que de neuf ans, elle passe en 1990 à 55 ans, aujourd’hui on peut estimer que 70 % des personnes trisomiques 21 vivront au-delà de 50 ans (Carter et Jancar, 1983).

Une littérature abondante en neuropsychologie est consacrée au vieillissement cognitif normal et pathologique. Cependant, peu d’études se sont consacrées sur le thème du vieillissement cognitif des personnes avec déficience intellectuelle. Parmi ces études, nous trouvons Thase et al (1984), qui se sont focalisés sur le déficit neuropsychologique lié à l’âge des personnes attentes trisomies 21; l’étude de Janicki et Dalton (1999, 2000) montre à leur tour que certaines personnes atteintes de trisomie 21 développent plus précocement les symptômes de la maladie d’Alzheimer (Das, Divis, Alexander, Parrila et Naglieri, 1995) sur l’évaluation de la démence chez des individus retardés mentaux (McDaniel, Foster, Compton et Courtney, 1998; McDaniel et McLaughlin, 2000) sur les stratégies de mémorisation chez des individus avec un retard mental et sur l’utilisation du test la MATTIS (DRS : Dementia Rating Scole) pour l’évaluation de la démence chez des personnes atteintes de déficience intellectuelle; Van der Linden, George et Thewis (2001) ont élaboré une batterie d’évaluation des fonctions cognitives de sujets âgés atteintes de trisomie 21[1]. Facon (2002) a travaillé sur le vieillissement cognitif et le retard mental. Enfin, Barisnikov, Beciani, Detraux, Van der Linden et Vetro (2011) ont travaillé sur le dépistage précoce des signes de déstructuration liés au vieillissement de personnes atteintes de trisomie 21, en élaborant une batterie d’évaluation spécifiquement conçue pour le suivi longitudinal des personnes âgées atteintes de trisomie 21. Cette batterie, d’évaluation neuropsychologique, regroupe divers domaines cognitifs susceptibles d’être touchés dans le domaine de vieillissement (l’attention, la planification, l’inhibition, la mémoire et le langage).

Partant de ces constats nous voulons explorer ce champ de recherche. A contrario de l’étude de Thompson (1951), nous voulons démontrer comme l’ont fait les études de Zigman, Schupf, Zigman et Silverman (1993) et de Cotter et Burgio (1998) que les personnes avec déficiences intellectuelles légères ne présentent pas de vieillissement cognitif précoce, à l’aide d’outils neuropsychologiques évaluant le déclin cognitif. Notre choix de la population déficiente intellectuelle légère se justifie par deux aspects techniques, d’une part, les outils d’évaluation existants ne sont pas adaptés à des personnes avec déficience intellectuelle légère, moyenne et sévère, et nous avons opté pour la population avec déficience intellectuelle légère, car les capacités de compréhension et de manipulation d’information des tests (MMSE, MATTIS) nous semblent moins déficitaires, et d’autre part, le lieu d’expérience accueille plus de personnes avec déficience intellectuelle légère. De plus, la prévalence de la déficience intellectuelle légère est plus élevée que les autres types de déficience intellectuelle, par exemple, elle est de 80 % des déficiences intellectuelles au Québec (Juhel, 1997).

Hypothèse

Notre hypothèse (H0) est la suivante : il n’y aura pas d’effet d’âge sur les capacités cognitives des personnes avec déficience intellectuelle légère. (C’est-à-dire qu’il n’y aura pas de différence entre les moyennes des scores obtenus aux tests MMSE, MATTIS et WAIS III [QIT, QIP et QIV] pour G1, G2, G3 et G4.). Cependant, H1 c’est la négation de H0, c’est-à-dire, il y a un effet d’âge sur les capacités cognitives des personnes avec déficience intellectuelle légère.

Méthode

Participants

Cinquante-trois personnes avec déficience intellectuelle légère, selon les critères de DSM IV[2], ont été recrutées pour cette étude. Nous avons retenu uniquement quarante personnes selon les critères d’inclusions et d’exclusions afin de valider notre étude. Le recrutement a été dans l’Établissement et Service d’Aide par le Travail (ESAT) de différents sites de Hautmont, Maubeuge et Aulnoye-Aymeries dans la région Nord-Pas-de-Calais. L’ESAT est une structure qui propose un travail à raison de 28 heures par semaine, sans impératif de rendement, encadré par des moniteurs professionnels et une infirmière chargée du suivi médico-social. (Levaux, Offerlin-Meyer, Van der Linden, Laroi et Danion, 2009).

Les critères d’inclusions, les 40 sujets retenus présentent une autonomie au quotidien. Ils sont évalués par le questionnaire DANEL. Leur QI total varie donc, entre 50 et 70. Ils ont été évalués par la WAIS III.

Les critères d’exclusions, les sujets ont été sélectionnés de façon à ce qu’ils ne présentent aucun handicap sensoriel sévère, ni de troubles psychiatriques avec prise ou non de psychotrope (Guthrie, Clark et McCowan, 2010), ni de troubles épileptiques ou addictifs à une substance. Les personnes présentant une trisomie 21 ont été exclues de notre échantillon d’étude.

Ces participants sont regroupés en quatre groupes, dont chacun se compose de 10 personnes. Les groupes sont regroupés en fonction de leur classe d’âge (G1, G2, G3 et G4), elles sont respectivement 21-30 ans, 31-40 ans, 41-50 ans, 51-60 ans.

Instruments de mesure

Le MMSE (Mini-Mental State Examination)

C’est un outil de dépistage simple et relativement rapide (sa passation dure environ quinze minutes). Il ne peut être utilisé seul comme test diagnostic. Il évalue globalement les fonctions cognitives et la sévérité de la démence.

Le MMSE comprend 30 questions qui évaluent l’orientation spatio-temporelle, l’apprentissage, le calcul, la mémoire, le langage oral et écrit ainsi que les apraxies visuo-constructives. Le score est sur un total de 30 points (on attribue un point par item réussi). Une démence légère pour un score total du MMS compris entre 20 et 26; une démence modérée entre 16 et 20; une démence sévère entre 3 et 9; une démence très sévère à un score total au MMS<3. Les seuils pathologiques dépendent du niveau socioculturel. Il est important de tenir compte de l’âge et du Niveau socioculturel du patient lors de l’interprétation du résultat. (Derouesné, Poitreneau, Hugonot, Kalafat, Dubois et Laurent, 1999).

L’Échelle D.R.S de MATTIS (Mattis Dementia Rating Scale ; MATTIS, 1988)

Elle permet une évaluation rapide (sa passation dure entre 30 et 40 minutes) de différents domaines cognitifs dont l’altération peut contribuer à l’apparition d’une démence. Les capacités évaluées sont l’attention, l’initiation (verbale et motrice), les praxies visuo-constructives, les capacités de conceptualisation et la mémoire (orientation, rappel, reconnaissance visuelle et verbale). Ce sont des domaines cognitifs susceptibles d’être touchés dans le domaine de vieillissement (l’attention, la planification, l’inhibition, la mémoire et le langage), selon la classification du DSM IV-TR (2003).

Le score est sur un total de 144 points. Il existe des normes établies selon l’âge et le niveau d’études du sujet. L’écart-type est de 7. Le seuil pathologique se situe à 123/144 (Jurion, 2005).

WAIS III

Le test de Wechsler est l’un des tests les plus utilisés avec les adultes. Il conçoit l’intelligence comme comprenant plusieurs habiletés cognitives, chacune évaluée par un sous-test. Il comprend deux grandes échelles : verbal et performance. Les épreuves verbales, qui ont un objectif d’évaluer l’intelligence verbale et les connaissances générales (Information, compréhension, vocabulaire, similitudes, arithmétique, mémoire des chiffres). Les épreuves de performance mettent l’accent sur le traitement du matériel non verbal et la capacité de trouver des solutions nouvelles à un problème (Codes, Assemblage d’objets, arrangement d’images, complètement d’image, épreuve des cubes). Il y a 11 sous-tests. Les notes brutes sont transformées en notes standard. La Moyenne est à 100 et l’écart-type est de 15 (Wechsler, 1989).

DANEL : Données sur l’Autonomie nouvelle et le Lieu de vie de la personne cérébrolésée

C’est un questionnaire en cours de validation élaboré pour les personnes atteintes de traumatismes crâniens pour évaluer l’autonomie de ces personnes. Il prend en compte 22 activités réparties selon quatre domaines particuliers : social, domestique, cognitif et hygiène de vie. Ces 22 activités ont été choisies parce qu’elles étaient représentatives de l’autonomie de vie quotidienne d’une personne adulte s’insérant dans la vie active. 16 activités élaborées + 6 activités élémentaires. Pour chacune des activités, 5 situations sont proposées et sont toujours rédigées de la même façon.

Notre objectif à travers l’utilisation de ce questionnaire est de nous assurer que la population est autonome. Les données, qui représentent les moyennes et les écarts-types pour chaque score, sont représentées dans les tableaux en annexe.

Procédure

Les passations se sont déroulées individuellement, dans une pièce calme et isolée. Les consignes sont claires et simples, dans le respect des normes des tests (MMSE, MATTIS et WAIS-III) pour faciliter la compréhension aux personnes testées (e. g. « Je vais vous dire trois mots; je voudrais que vous me les répétiez et que vous essayiez de les retenir. »)

Statistique

Nous avons utilisé l’ANOVA, analyse de variance à un facteur pour échantillons indépendant. K= 4 (groupes indépendants), le facteur = 1 (l’effet de l’âge), n =10 pour chaque Groupe, N = 40 (nombre total de sujets) avec α= 0.05. L’analyse statistique a été réalisée à l’aide de logiciel STATISTICA.

Résultats

L’analyse statistique montre qu’il n’existe pas de différences entre les différentes moyennes obtenues en MMSE (F [3; 36] = 0,0878 et p = 0,966) en fonction de l’âge (G1, G2, G3 et G4) (voir Figure 2).

De plus, après analyse des sous-tests (Orientation, Apprentissage, Attention et Calcul, Rappel, Langage, Praxie), nous constatons qu’il n’y a pas de différences entre les différentes classes d’âge et les moyennes des scores obtenus pour chaque sous-test. Nous trouvons les mêmes résultats concernant le test MATTIS (F [3; 36] = 1,882 et p = 0,166) (voir Figure 2). C’est-à-dire qu’il n’y a pas de différence entre les différentes moyennes des scores obtenues en MATTIS en fonction de l’âge (G1, G2, G3 et G4).

Figure1

Moyennes des scores du MMSE en fonction des classes d’âge pour les personnes avec déficience intellectuelle légère

Moyennes des scores du MMSE en fonction des classes d’âge pour les personnes avec déficience intellectuelle légère

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Figure 2

Moyennes des scores de la MATTIS en fonction des classes d’âge pour les personnes avec déficience intellectuelle légère

Moyennes des scores de la MATTIS en fonction des classes d’âge pour les personnes avec déficience intellectuelle légère

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De plus, comme le MMSE, après analyse des sous-tests (Attention, Initiation, Construction, Conceptualisation, Mémoire) nous constatons qu’il n’y a pas de différence entre les différentes classes d’âge et les moyennes des scores obtenus pour chaque sous-test. Cependant, les résultats obtenus au test WAIS-III, nous constatons qu’il y a une différence entre les différentes moyennes des scores obtenus en QIT en fonction de l’âge (G1, G2, G3 et G4). Il y a un effet de l’âge sur les scores obtenus en QIT (F [3; 36] = 3,0311 et p = 0,04), avec une corrélation significative R= 0,32 (p < 0,05). [Voir figure 3]. Également, nous constatons une différence entre les différentes moyennes des scores obtenus en QIP (F [3; 36] = 3,9859 et p = 0,015.) en fonction de l’âge (G1, G2, G3 et G4). Toutefois cette différence constatée pour les scores des moyennes du QIT et QIP, n’existe pas entre les différentes moyennes des scores obtenus en QIV (F [3; 36] = 2,06 et p = 0,12.) en fonction de l’âge (G1, G2, G3 et G4).

Figure 3

Moyennes des QIT, QIV et QIP en fonction des classes d’âge pour les personnes avec déficience intellectuelle légère

Moyennes des QIT, QIV et QIP en fonction des classes d’âge pour les personnes avec déficience intellectuelle légère

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Discussion

Les résultats des tests MMSE et MATTIS nous montrent que les scores obtenus chez des personnes avec déficience intellectuelle légère sont inférieurs à la population non déficiente. À ce sujet, aucune étude n’a été réalisée pour comparer les scores obtenus à ces deux tests chez les déficients et les sujets du groupe contrôle. De plus, les moyennes du MMSE et MATTIS varient respectivement entre 24,4 et 23,3; 119,1 et 114. Selon les critères de ces deux tests, cette population est considérée démente. Les personnes déficientes intellectuelles légères sont-elles réellement démentes? Dans ce cas, la démence commence-t-elle à l’âge de 21 ans chez cette population? Les tests sont-ils normés pour cette population? S’agit-il d’un ralentissement cognitif généralisé? En s’appuyant sur la position piagétienne et la théorie de ralentissement cognitif, ce ralentissement pourrait être expliqué par le fait que les déficients intellectuels ont une diminution (ou une baisse) de la vitesse de traitement de l’information et par conséquent que cette baisse contribue au ralentissement des performances dans les nombreux domaines de la cognition. Cependant, le ralentissement des capacités cognitives ne serait pas lié à l’âge pour les déficients intellectuels légers, contrairement au vieillissement normal qui entraîne un déclin des performances dans tous les domaines (Salthous, 1996).

Les résultats de cette étude montrent également qu’il n’y a pas de vieillissement cognitif précoce pour cette population, car il n’y a pas de différences des capacités cognitives entre les jeunes (G1) et ceux qui sont à l’âge de la retraite (G4). S’il y a une diminution des capacités cognitives, il pourrait s’agir d’une désadaptation d’une personne déficiente intellectuelle légère à l’égard de son environnement et à d’autres facteurs qui sont en lien avec l’étiologie de sa déficience.

Tableau 1

Représentation des moyennes des scores au test de la MATTIS, avec des sous-tests en fonction des différentes classes d’âge pour des personnes avec déficience intellectuelle légère

Représentation des moyennes des scores au test de la MATTIS, avec des sous-tests en fonction des différentes classes d’âge pour des personnes avec déficience intellectuelle légère

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Autrement dit, chez les personnes déficientes intellectuelles légères, les modes de vie pourraient contribuer à leur longévité et leur accélération du vieillissement cognitif pourrait être aggravée par la prise au long cours des neuroleptiques (dans le cas où la déficience est associée à des troubles mentaux), aux chutes consécutives aux crises d’épilepsie, aux mauvaises conditions de travail en ESAT, à une alimentation mal équilibrée (sédentarité, obésité, etc.) et à l’isolement social et affectif (rupture du cadre affectif et émotionnel).

Tableau 2

Représentation des moyennes des scores obtenus au test MMSE, avec des sous-tests en fonction des différentes classes d’âge pour des personnes avec déficience intellectuelle légère

Représentation des moyennes des scores obtenus au test MMSE, avec des sous-tests en fonction des différentes classes d’âge pour des personnes avec déficience intellectuelle légère

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Les résultats révèlent également que le quotient intellectuel total (QIT) augmente en fonction de l’âge (R = 0, 32; p < 0,05), contrairement à la population non déficiente où il existe un déclin de l’intelligence générale avec l’âge : plus on avance en âge, plus les scores diminuent (Lemaire et Beurre, 2007). Cette augmentation de QIT pourrait être expliquée par l’apprentissage et la qualité de vie des personnes déficientes intellectuelles légères.

Les différences d’habilités intellectuelles cernées par divers sous-tests des épreuves d’intelligence ne sont pas toutes touchées de la même manière. Plus particulièrement, les habilités non verbales (QIP) sont différentes (p = 0, 015) en fonction de l’âge, sans avoir une corrélation significative. Toutefois, nous ne pouvons pas affirmer qu’il y a une augmentation de QIP avec l’âge, car cette différence est incohérente. Cependant, les habilités verbales (QIV) ne sont pas différentes entre les différents groupes d’âge. Contrairement à la population non déficiente, ces habilités non verbales se déclinent après la vingtaine, tandis que les habilités verbales se maintiennent à leur niveau maximal à l’âge avancé (Vézina, Cappeliez et Landerville, 1994; Lemaire et Bherer, 2007).

Ainsi nous pouvons nous interroger sur les facteurs qui empêchent les personnes déficientes intellectuelles légères à augmenter leur habilité verbale. Ces facteurs sont-ils environnementaux? Sont-ils en lien avec leur étiologie? Approfondir notre étude serait intéressant pour élucider les facteurs qui empêchent les personnes déficientes intellectuelles légères de ne pas augmenter leur habilité verbale.

Ceci dit, il serait important d’élargir cette étude pour les populations déficientes intellectuelles moyennes et profondes. En outre, il faudrait étendre cette recherche aux effets des autres facteurs par exemple celui des lieux de vie ou de travail (site) et le sexe de l’individu, ainsi que leur interaction entre les différents facteurs. Ces résultats nécessitent d’être approfondis et d’être mieux exploités.

Tableau 3

Représentation des moyennes des scores du test QIT, QIV et QIP en fonction des différentes classes d’âge pour des personnes avec déficience intellectuelle légère

Représentation des moyennes des scores du test QIT, QIV et QIP en fonction des différentes classes d’âge pour des personnes avec déficience intellectuelle légère

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Conclusion

La présente étude a montré que l’adulte déficient intellectuel léger ne présente pas un déclin cognitif spécifique en fonction de l’âge. De plus, les habilités d’intelligence globale (QIT) augmentent en âge et les habilités non verbales sont différentes, mais elles ne sont pas significatives et enfin les habilités verbales restent stables avec l’âge. Cependant, cette étude ne prend pas en compte les variables contextuelles de la personne dans les évaluations; elle ne peut pas être généralisable à tous les groupes étiologiques; elle a été réalisée avec un petit groupe de participants; elle ne tient pas compte des personnes âgées de plus de 60 ans; les épreuves ne sont pas toujours adaptées à la population (durée de passation et sensibilité). De plus, il serait intéressant de compléter cette étude par une comparaison avec une population non déficiente.

Dans le champ de la neuropsychologie du vieillissement, nombreuses sont les théories et les tests qui n’intègrent pas de données relatives aux sujets déficients, ni même d’ailleurs aux sujets doués, comme si leur étude ne pouvait contribuer à une meilleure compréhension des processus du vieillissement. Il nous semble qu’il est important que la neuropsychologie s’intéresse à cette population, pour mettre en place des batteries de tests qui peuvent évaluer les capacités cognitives de cette population et par conséquent développer des techniques de prise en charge spécifiques à cette population.