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Plusieurs auteurs (Ionescu, 2003; Radouco-Thomas, Brisson, Bolduc, Brassard, Lamothe, Trépanier et Ripoel, sous-presse; Reiss, 1990) notent que la présence des troubles mentaux est plus élevée chez la population ayant une déficience intellectuelle (DI)[1]. Nous reconnaissons alors que l’évaluation diagnostique en général — non seulement des troubles mentaux — est complexe chez les personnes ayant une déficience intellectuelle (DI) en raison de l’absence d’outils diagnostiques formels, ce qui mène fréquemment à sous ou surdiagnostiquer certains troubles mentaux. Par conséquent, les études démontrent une grande variabilité de la prévalence des troubles mentaux chez les personnes ayant une DI, soit entre 20-35 % (Nézu, Nézu et Gil-Weiss, 1992). De façon générale, Fletcher, Loschen, Stavrakaki et First (2007) estiment la présence de troubles psychiatriques en DI entre deux à quatre fois plus importante que dans la population générale.

Des éléments viennent complexifier l’évaluation des troubles mentaux en DI : (a) le chevauchement des pathologies[2] (Lussier et Flessas, 2009), (b) les déficits en compréhension verbale (langage expressif et réceptif) généralement rencontrés chez cette population (Sovner et Lowry, 1990) et, (c) la présence d’ombrage diagnostique, « diagnostic overshadowing » (Reiss, 1990). Ce dernier élément permet d’illustrer que le fait d’avoir un diagnostic de DI peut cacher la présence de symptômes s’apparentant à de la maladie psychiatrique (Fletcher et al., 2007; Reiss, 1990).

Récemment, Fletcher et al. (2007) ont publié une adaptation des critères diagnostiques du DSM-IV pour la population DI — le Diagnostic Manual - Intellectual Disability : A Clinical Guide for Diagnosis of Mental Disorders in Persons with Intellectual Disability, DM-ID — afin d’augmenter la fidélité des diagnostics psychiatriques, et par conséquent, améliorer les résultats découlant d’un traitement plus approprié. De plus, cet outil permet de faire un état de situation sur les connaissances en lien avec les symptomatologies psychiatriques telles que rencontrées en DI. Carr, O’Reilly, Walsh, Noonan et McEvoy (2007) et Stavrakaki (2002) proposent un exercice similaire à celui de Fletcher et al. (2007) sur l’évaluation de l’état mental d’une personne ayant une DI à partir des critères diagnostiques de certains troubles mentaux.

Il est également reconnu que la présence de troubles psychiatriques puisse contribuer à altérer le fonctionnement cognitif des individus adultes ayant une DI (Griffiths, Stavrakaki et Summers, 2002). Summers, Stavrakaki, Griffiths et Cheetam (2002) exposent la pertinence de procéder à une évaluation psychologique des personnes avec une DI, notamment avec les tableaux cliniques complexes ou devant la nécessité d’avoir de l’information objective et valide. Les auteurs présentent également les propos de Hurley (1989) qui suggèrent que les tests d’intelligence tiennent une place importante dans l’évaluation psychiatrique. Toutefois, ce sujet est à ce jour peu documenté en regard des méthodes d’évaluation cognitive. À cet effet, nous ne connaissons aucun ouvrage de référence qui traite des conduites d’évaluation des déficits cognitifs acquis et surajoutés à la DI et/ou balises d’interprétation.

L’Association on Intellectual and Developmental Disabilities (AAIDD, antérieurement American Association on Mental Retardation, AAMR) propose depuis 1992 un modèle explicatif multidimensionnel. Les avantages à comprendre la nature multidimensionnelle de la DI sont, entre autres, d’offrir une conception solide pour différencier les personnes avec une DI de celles avec un retard de développement et de reconnaître que les manifestations de la DI évoluent de façon dynamique et réciproque entre les habiletés intellectuelles, le comportement adaptatif, la santé, le contexte et le soutien individualisé (Schalock et al., 2010, 2011; Carr et al., 2007). Selon l’AmericanPsychiatric Association (APA, 2000), le taux de prévalence de la DI est estimé aux environs de 1 % de la population générale, avec des variations dépendamment des définitions, des méthodes d’évaluation utilisées et des populations étudiées. Carr et al. (2007) présentent une prévalence totale de 3 à 4 % de la population générale.

Les principaux facteurs prédisposants sont : l’hérédité (environ 5 %), des altérations précoces du développement embryonnaire (environ 30 %, p. ex. les atteintes prénatales d’origine toxique), des influences environnementales, des problèmes au cours de la grossesse et problèmes périnataux, et des maladies somatiques générales contractées dans la première ou la deuxième enfance (DSM-IV-TR, APA, 2000). Selon l’APA (2000), aucune étiologie précise ne peut être retrouvée dans environ 30 à 40 %. Tel que nous l’avons déjà évoqué, la  prévalence de troubles mentaux en comorbidité semble de trois à quatre fois plus élevée chez les personnes ayant une déficience intellectuelle que dans la population générale (APA, 2000).

Schalock et al. (2010, 2011) définissent la déficience intellectuelle comme une limitation significative du fonctionnement intellectuel concomitante à une limitation significative du fonctionnement adaptatif observée dans les habiletés conceptuelles, pratiques et sociales. Ces limitations doivent être survenues avant l’âge de 18 ans. Comme stipulé dans la nouvelle version du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-5, APA, 2013), la déficience intellectuelle est un trouble neurodéveloppemental[3], les déficits doivent donc apparaître à l’intérieur de cette période développementale. Le Tableau 1 présente les critères diagnostiques de la DI en fonction des différents ouvrages diagnostiques reconnus.

Si dans ces définitions nous pouvons retrouver des indications sur le quotient intellectuel (QI) relativement similaires (c’est-à-dire approximativement à deux écarts-types sous la moyenne[4]), le critère de limitation du fonctionnement adaptatif — présent dans les ouvrages de référence de l’APA (1994, 2000, 20133) et de Schalock et al. (2010/2011) — ne se mesure plus sur les mêmes regroupements de variables[5]. Mentionnons que les critères du DSM-IV-TR (2000) avaient été développés en concordance avec la définition de l’AAMR 9e (Luckasson, Coulter, Polloway, Reiss, Schalock, Snell et al., 1992). Actuellement, les travaux de révision de l’APA pour le DSM-5 indiquent que le deuxième critère sera conforme à celui de Schalock et al. (2010/2011), par souci de consistance (APA, 2013).

Tableau 1

Synopsis des définitions actuelles de la déficience intellectuelle

Synopsis des définitions actuelles de la déficience intellectuelle

Note : Les déficits des fonctionnements intellectuel et adaptatif doivent être présents de façon concomitante.

a

Le niveau de quotient intellectuel (QI) est de 70 ou au-dessous,

b

Le QI est approximativement à deux écarts-types sous la moyenne, et considère l’erreur de mesure,

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Bien que les critères diagnostiques de la déficience intellectuelle soient maintenant plus clairs, des zones d’ombres demeurent. Les définitions de la déficience intellectuelle de l’AAIDD et du DSM suggèrent toujours de se baser sur le quotient intellectuel (QI) global pour s’assurer de satisfaire le premier critère : « fonctionnement intellectuel général significativement inférieur à la moyenne » (APA, 2013, p.37). Cependant, nous observons actuellement que l’interprétation du fonctionnement intellectuel se fait davantage sur le QI global, avec fréquemment une présentation des QI verbaux et de performance – lorsqu’ils sont disponibles dans le test utilisé. L’Échelle d’intelligence de Wechsler pour adultestm, quatrième édition, Version pour francophones du Canada (WAIS-IV CDN-F, 2010) propose maintenant un score global et un score aux quatre échelles (compréhension verbale, raisonnement perceptif, mémoire de travail et vitesse de traitement de l’information) pour se coller davantage sur les théories actuelles de l’intelligence – l’intelligence est à la fois globale, mais également spécifique puisqu’elle est composée d’éléments ou d’habiletés distinctes les unes des autres – et supportées par la recherche clinique (WAIS-IV, Wechsler, 2008, pp.2-8). De cette manière, l’interprétation faite offre une lecture plus juste du fonctionnement intellectuel, notamment en présence de disparité[6] et de variabilité[7] statistiquement significatives à l’intérieur du profil cognitif (c’est-à-dire l’étude des comparaisons des divergences). La présence, au profil cognitif, de tels éléments pourraient s’apparenter à de l’hétérochronie[8], ce qui ne questionnerait pas la possibilité d’un autre trouble (psychiatrique ou autre) couplé à une déficience intellectuelle. Selon Jourdan-Ionescu et Ionescu (1997), la notion d’hétérochronie dénonce concrètement la valeur absolue et mythique du QI. Également, cette notion rejoint une des cinq suppositions de la définition actuelle de la DI selon Schalock et al. (2010, 2011) qui stipule que chez une même personne ayant une DI peuvent cohabiter à la fois des forces et des faiblesses dans des sphères différentes du développement. Finalement, le DSM-IV-TR (APA, 2000) nous met en garde sur le fait que le calcul du QI global peut être trompeur pour le diagnostic de DI lorsqu’il existe une nette divergence entre le score verbal et le score de performance.

Selon notre expérience, nous croyons que, chez un adulte avec une DI préalablement objectivée[9], la présence d’une configuration présentant de la disparité ou de la variabilité entre les résultats pourrait indiquer davantage la présence d’un trouble surajouté — soit psychiatrique ou cognitif — qu’une réelle condition concomitante (Brisson, Bolduc et Jourdan-Ionescu, 2012), à moins que l’évaluation retienne davantage l’hypothèse d’hétérochronie. L’évaluateur compétent dans l’évaluation diagnostique de la déficience intellectuelle se doit donc de bien reconnaître les troubles pouvant suggérer un profil cognitif s’apparentant à ce trouble ou bien reconnaître un patron pouvant laisser croire à un trouble psychiatrique ou cognitif surajouté. Dans ce contexte, un facteur majeur demeure, le jugement clinique, c’est-à-dire cette capacité qu’a l’évaluateur de bien connaître la population et le comportement des tests qu’il utilise afin d’éclaircir toutes les zones d’ombre autour des difficultés cognitives et adaptatives rencontrées par la personne. Le jugement clinique est basé sur un grand niveau d’expertise clinique et d’expérience. En effet, il est directement en lien avec plusieurs données cliniques et se bâtit sur des apprentissages, de l’expérience et des connaissances spécifiques de la personne (Schalock et al., 2010, 2011).

Le trouble déficit d’attention/hyperactivité (TDA/H)[10] concomitant à la DI est fréquemment rencontré en DI (Carr et al., 2007; Stavrakaki, 2002); le TDA/H est par conséquent fréquemment questionné en clinique spécialisée (Brisson et al., 2012). Le TDA/H peut également être un trouble comorbide et un diagnostic différentiel de la DI (APA, 2000; Brisson et al., 2012; Carr et al., 2007). À titre d’exemple, la prévalence du TDA/H en comorbidité avec la DI se retrouve — selon les ouvrages — de trois à cinq fois plus élevée que dans la population générale adulte (Carr et al., 2007) et s’observerait par la présence de « bougeotte » physique, « bougeotte » des idées, distractivité/inattention et irritabilité/impulsivité sans que cela ne soit diagnostiqué (Jou, Handen et Hardan, 2004). La coexistence de ce trouble avec une DI soulève la possibilité de déficits neurologiques majeurs (Griffiths et al., 2002).

Récemment, Ramsay et Rostain (2011) reprennent la définition de l’APA (1994) selon laquelle le TDA/H est un trouble neurodéveloppemental qui se caractérise comme un trouble habituellement diagnostiqué pendant la petite enfance, l’enfance et l’adolescence. Plusieurs enfants (50 %)[11] voient ce trouble se poursuivre à l’adolescence et à l’âge adulte, sans présenter l’ensemble des symptômes ou se manifestant dans des domaines différents de ceux identifiés pendant l’enfance. Toujours selon Ramsay et Rostain (2011), le TDA/H adulte — présent chez près de 4 %[12] de la population — s’explique actuellement à partir des travaux de Barkley. Le TDA/H est décrit comme un trouble qui affecte les fonctions exécutives[13], s’exprimant ainsi comme un hypofonctionnement de l’autorégulation (Ramsay et Rostain, 2011).

Cohen de Lara et Guinard (2006) ont, quant à eux, réalisé une étude mariant les approches psychodynamique et neuropsychologique. Ils retiennent, chez les enfants diagnostiqués TDA/H, une dysharmonie entre les quotients verbaux et de performance, mais aussi une grande fragilité du fonctionnement psychique, notamment du sentiment de l’identité et des représentations internes.

En général, presque tous les auteurs, même endossant différentes approches, s’entendent sur le fait que les principaux symptômes du TDA/H sont d’ordre neuropsychologique, entre autres, une atteinte des fonctions exécutives (Barkley, 1998) ou un hypofonctionnement frontal (Cohen de Lara et Guinard, 2006). Le Tableau 2 présente une synthèse des cinq conclusions des grandes méta-analyses disponibles à l’heure actuelle sur le fonctionnement cognitif des adultes ayant un TDA/H.

À la lecture du Tableau 2, nous pouvons observer que ces méta-analyses s’intéressent principalement au fonctionnement cognitif des personnes atteintes. De cette synthèse, il nous semble important de retenir qu’il n’existerait pas de consensus sur l’élaboration d’un modèle précis des déficits neuropsychologiques des adultes ayant un TDA/H (Hervey, Epstein et Curry, 2004). Bridgett et Walker en 2006 ont remarqué davantage une variabilité des caractéristiques avec une différence minime TDA/H sans signification dans le fonctionnement intellectuel général des sujets TDA/H adultes, même si les résultats sont moindres pour les participants avec TDA/H. De plus, Boonstra, Oosterlaan, Sergeant et Buitelaar (2005) soulèvent un doute quant à l’accent mis sur le fonctionnement exécutif; les difficultés des adultes avec un TDA/H pouvant être en lien avec d’autres habiletés cognitives. Malgré cela, la majorité des auteurs relève que les performances aux tâches d’attention simple (impliquant les habiletés psychomotrices) seraient moins altérées que celles des tâches d’attention complexe (Bálint, Czobor, Komlósi, Mészáros, Simon et Bitter, 2009; Hervey, Epstein et Curry, 2004; Schoechlin et Engel, 2005). Plus récente, la recherche sur les déficits de participants TDA/H adultes ayant une DI de Rose, Bramham, Young, Paliokostas et Xenitidis (2009) montre que les déficits sur le plan de l’attention sélective, divisée et soutenue ainsi que sur la flexibilité mentale et l’inhibition des automatismes seraient plus marqués, tout comme dans la population TDA/H sans DI. Cependant, la présence de tels déficits pourrait également être inhérents à la DI elle-même (Rose et al., 2009).

Pour nos travaux, nous avons expérimenté une méthode d’évaluation à l’aide de tests neuropsychologiques classiques basée sur l’interprétation d’un profil cognitif obtenu dans des contextes de tableaux cliniques comorbides et confondants de la déficience intellectuelle (Brisson, Bolduc et Jourdan-Ionescu, 2012). Notre méthode évaluative est donc appliquée afin de clarifier les diagnostics de personnes issues d’une population psychiatrique adulte de troisième ligne avec DI présentant une problématique complexe (possibles comorbidités psychiatriques pouvant être greffées à une déficience intellectuelle). Carr et al. (2007) soutiennent que les tests neuropsychologiques peuvent être utilisés et reconduits dans l’investigation d’une DI et de ses troubles confondants. Cette méthode distingue d’abord : a) l’évaluation intellectuelle, telle que recommandée par Schalock et al. (2010, 2011) puis, b) l’évaluation de dix domaines cognitifs, telle que suggérée dans la méta-analyse de Schoechlin et Engel (2005). Les dix domaines cognitifs retenus par Schoechlin et Engel (2005) sont : a) l’intelligence verbale, b) les fonctions exécutives, c) la fluidité verbale, d) la résolution de problèmes visuo-figuraux, e) la résolution de problèmes abstraits nécessitant la mémoire de travail, f) l’attention simple, g) l’attention soutenue, h) l’attention sélective, i) la mémoire verbale et j) la mémoire visuelle. Ce type d’évaluation cognitive devrait permettre de relever chez certains participants ayant déjà des difficultés une performance encore plus déficitaire.

Tableau 2

Synopsis des méta-analyses sur le TDA/H adulte

Synopsis des méta-analyses sur le TDA/H adulte

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Le but général de nos travaux est d’explorer préliminairement l’apport de l’évaluation cognitive à l’aide de tests neuropsychologiques telle que faite auprès d’une population générale pour une population psychiatrique adulte de troisième ligne ayant une déficience intellectuelle et d’en démontrer la pertinence dans un contexte de comorbidité psychiatrique. Notre méthode recommande donc l’utilisation des tests neuropsychologiques classiques, même si leur administration en DI est peu documentée et peu répandue, notamment parce qu’ils sont construits et normalisés à partir d’échantillons tirés de la population générale[14] (Palmer, 2006). L’objectif de la présente étude exploratoire et descriptive est de vérifier de façon préliminaire si les déficits cognitifs majeurs soulevés dans les domaines résolution de problèmes nécessitant la mémoire de travail, attention soutenue, attention sélective et la mémoire verbale (Schoechlin et Engel, 2005) retrouvés dans une population TDA/H adulte sont observés chez nos deux participants TDA/H et DI adultes issus d’une population psychiatrique de troisième ligne.

Méthode

Les treize participants[15] francophones (9 hommes et 4 femmes) avec une moyenne d’âge de 39,46 ans et un QI global moyen de 63,62 sont suivis au programme de déficience intellectuelle avec troubles mentaux de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec (anciennement le Centre hospitalier Robert-Giffard), un centre hospitalier psychiatrique de troisième ligne. Parmi eux, deux ont, en comorbidité, une déficience intellectuelle et un trouble déficit de l’attention/hyperactivité (TDA/H), sans traitement à l’aide de psychostimulant au moment de l’évaluation. Les diagnostics de DI et TDA/H sont établis à partir des critères du DSM-IV — et de l’AAIDD pour le diagnostic de DI — par un médecin psychiatre compétent. De plus, les participants pouvaient présenter, en comorbidité, les troubles et syndromes suivants : troubles psychotiques, troubles de l’humeur, troubles anxieux, X-fragile et d’alcoolisation foetale et être traités avec des neuroleptiques, des antidépresseurs, des régulateurs de l’humeur, des anxiolytiques et des hypnotiques. Parmi nos participants sans TDA/H, un est connu pour avoir un trouble anxieux, deux sont connus pour avoir un trouble de l’humeur, trois pour avoir un trouble psychotique et cinq pour n’avoir aucun diagnostic psychiatrique actuel de l’axe 1. La présence de comorbidités, la prise de psychotropes, ou les deux sont également retrouvées dans plusieurs études recensées dans les méta-analyses sur le TDA/H adulte (Boonstra et al., 2005; Rose et al., 2009; Schoechlin et Engel, 2005). Malgré la présence d’un trouble psychiatrique à l’histoire, tous les participants avaient un état mental stable, sans symptôme manifeste invalidant (à l’exception des symptômes liés au TDA/H pour nos deux participants présentant ce trouble) ni modification récente à leur médication au moment du recrutement, tel que démontré par une évaluation psychiatrique. Les participants avec une histoire de dépendance aux drogues et à l’alcool, de maladie dégénérative, de traumatisme cranio-cérébral avec perte de conscience et prenant des psychostimulants ont été exclus de l’étude.

Le Tableau 3 présente la distribution des participants ainsi qu’un sommaire des données démographiques les concernant.

Les participants sont soumis à une évaluation psychométrique individuelle selon les normes et les règles d’administration standardisées recommandées dans les manuels de chacun des tests. Les évaluations ont été réalisées par une psychologue/neuropsychologue clinicienne spécialisée dans l’évaluation diagnostique auprès de cette population. De cette manière, des vérifications sont faites préalablement pour s’assurer que les participants comprenaient bien les consignes des tests. Les tests sélectionnés sont jugés applicables auprès de cette clientèle, sans quoi une substitution était faite. À titre d’exemple (Tableau 4), pour le domaine de la mémoire visuelle, le test classique le plus utilisé est sans aucun doute le Test de la Figure complexe de Rey (RCFT, Complexe Rey Figure Test, Meyers et Meyers, 1995a, 1995b). Ici, le Test bref de mémoire visuelle, version révisée(BVMT-R,Brief Visual Memory Test Revised, Benedict, 1997a et 1997b a été privilégié considérant que les stimuli visuels sont plus simples, unidimensionnels et exempts de stratégies d’encodage verbal.

Tableau 3

Données démographiques des participants avec DI (N = 13)

Données démographiques des participants avec DI (N = 13)

Note : DI : Déficience intellectuelle, TDA/H : Trouble déficit de l’attention/hyperactivité, QI : Quotient intellectuel.

*

Tous les participants DI ont fait leur scolarité en classe spéciale (sans niveau formel).

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Procédure

Le Tableau 4 présente les variables retenues pour chacun des dix domaines cognitifs[16]. Les variables de notre étude sont choisies pour être les plus conformes à la recension de Schoechlin et Engel (2005). Parfois, les tailles d’effets présentés dans la méta-analyse d’Hervey et al. (2004) ont guidé le choix définitif. Il faut mentionner qu’il n’existe pas de consensus en neuropsychologie quant à l’utilisation clinique de certaines variables ni d’approche standardisée de l’évaluation du TDA/H (Frazier, Demaree et Youngstrom, 2004; Haavik, Halmøy, Lundervold et Fasmer, 2010).

Premièrement, tous les participants sont évalués à l’aide de la WAIS III (la WAIS-IV — version pour francophones n’était pas disponible au moment de l’évaluation des participants et la WAIS-III — version pour francophones du Canada offrait des normes pour les 16-29 ans seulement) pour tous les participants de l’étude afin d’objectiver le premier critère diagnostique de la déficience intellectuelle (un fonctionnement intellectuel à deux écarts-types sous la moyenne, Schalock et al. 2010, 2011).

Deuxièmement, tous les participants sont soumis à l’examen des dix domaines cognitifs. Les variables suivantes sont extraites de six instruments classiques (a) L’Échelle d’intelligence pour adultes de Wechsler, Wechsler Adult Intelligence Scale, 3e Éd., Weschler, 1997, (b) La tour de Londres, Tower of London Drexel University 2nd ÉditionTOL DX, Culbertson et Zillmer, 2005a, (c) Le Système d’évaluation des fonctions d’exécution de Delis et Kaplan, D-Kefs,Delis Kaplan Executive Functions System, Delis, Kaplan et Kramer, 2001a, (d) Le Test d’attention soutenue de Conner’s II, CPT II,Conner’s Continuous Performance Test II, Conners, 2000a, (e) LeTest d’apprentissage et de mémoire verbale, CVLT-II,California Verbal Learning Test II, Delis, Kaplan, Kramer et Ober, 2000a, (f) Le Test bref de la mémoire visuelle — révisé, BVMT-R,Brief Visual Memory Test Revised, Benedict et Ralph, 1997a et réparties selon les dix domaines cognitifs de Schoechlin et Engel en 2005 (l’intelligence verbale, les fonctions exécutives, la fluidité verbale, la résolution de problèmes visuospatiaux, la résolution de problèmes abstraits nécessitant la mémoire de travail, l’attention simple, l’attention soutenue, l’attention sélective, la mémoire verbale et la mémoire visuelle).

Tableau 4

Variables dépendantes retenues pour chacun des dix domaines cognitifs

Variables dépendantes retenues pour chacun des dix domaines cognitifs

Note : WAIS III : Weschler Adult Intelligence Scale-3e éd.; ICV : Indice de Compréhension Verbale, IOP : Indice d’Organisation Perceptive, AR : Arithmétique, CD : Code; TOL : Tour de Londres; D-KEFS FAS : Fluidité verbale lexicale; CPT : Conner’s Performance Test; CVLT : California Verbal Learning Test; BVMT-R : Brief Visual Memory Scale, revised.

a

Frazier, Demaree et Youngstrom, 2004; WAIS III, Administration and scoring manual, Wechsler, 1997, p. 12-13.

b

Tower of London Drexel University 2nd Edition ─ TOL DX, Technical manual, Culbertson et Zillmer, 2005b, p. 27.

c

D-Kefs, Delis Kaplan Executive Functions System, Delis, Kaplan et Kramer, Examiner’s manual, 2001b, p. 74; Frazier et al., 2004.

d

Frazier et al., 2004; WAIS III, Administration and scoring manual, Wechsler, 1997b, p. 15-17.

e

Frazier et al., 2004; WAIS III CDN-F, Manuel technique et d’interprétation, Wechsler, 2005, p. 22.

f

CPT II, Conner’s Continuous Performance Test II, Technical Guide and Software Manual, Conners, p. 29, 2000b; Frazier et al., 2004.

g

CPT II, Conner’s Continuous Performance Test II, Technical Guide and Software Manual, Conners, p.31, 2000b.

h

Frazier et al., 2004; WAIS III CDN-F, Manuel technique et d’interprétation, Wechsler, 2005 p. 25.

i

CVLT-II Manual, Delis, Kaplan, Kramer et Ober, 2000b, p. 29.

j

BVMT-R, Brief Visual Memory Test Revised, Benedict, Professional manual, 1997b, p. 22.

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Résultats

Des statistiques descriptives de l’échantillon pour l’ensemble des dix domaines ainsi qu’une étude de rangs sur les quatre domaines cognitifs à l’étude (la résolution de problèmes nécessitant la mémoire de travail, l’attention soutenue, l’attention sélective et la mémoire verbale) sont réalisées. Toutes les statistiques sont obtenues à partir des scores Z. La moyenne et l’écart-type de chacun des domaines cognitifs des participants sans TDA/H (n =11) et avec TDA/H (Participant 1 et Participant 2) pour les dix domaines cognitifs sont présentés au Tableau 5. Ces données démontrent que les résultats des participants DI (avec et sans TDA/H) aux différents tests sont, en grande partie, déficitaires.

Ceci est tout à fait cohérent avec le fonctionnement intellectuel global de la population étudiée. Rappelons qu’un score Z plus élevé signifie une meilleure performance, à l’exception de la variable d’attention simple (Hit-RT du test Conner’s Performance Test) qui présente une logique différente puisque le résultat obtenu peut indiquer à la fois une valeur positive et négative[17]. La grande majorité des résultats présentés au Tableau 5 se situe au niveau limite (borderline, de -1.3 jusqu’à -2.0) ou plusieurs se classent au niveau significativement déficitaire (retarded, ≤ à -2.0).

Cette table d’interprétation qualitative de Wechsler présentée dans Lezak, Howieson et Loring (2004, p. 146) est privilégiée à d’autres nomenclatures afin d’endosser une approche conservatrice et conventionnelle. Lorsque nous observons les résultats intra-sujets et inter-sujets, nous notons une variabilité entre les résultats aux différents sous-tests, c’est-à-dire que nous relevons des résultats allant de résultats plancher à des résultats dans la norme.

De plus, à la lecture des données, les difficultés majeures relevées chez les participants DI avec TDA/H dans quatre des dix domaines cognitifs évalués, soient la résolution de problèmes nécessitant la mémoire de travail, l’attention soutenue, l’attention sélective et la mémoire verbale ne sont pas rencontrés en totalité. Sur les quatre résultats retrouvés à l’ensemble de ces quatre domaines, trois domaines  (la résolution de problèmes nécessitant la mémoire de travail, l’attention sélective et la mémoire verbale) affichent un déficit pour le participant 1 alors que le participant 2 — qui présente un profil avec plus de disparités — ne compte que deux domaines déficitaires (la résolution de problèmes nécessitant la mémoire de travail, l’attention sélective). Ainsi, la présence de déficits n’est pas plus marquée pour les quatre domaines retenus par Schoechlin et Engel (2005) que pour l’ensemble des dix domaines. De même, les difficultés majeures relevées chez les participants avec TDA/H à quatre des dix domaines cognitifs évalués ne sont pas retrouvées spécifiquement chez nos participants adultes ayant une DI.

Tableau 5

Statistiques descriptives des participants DI sans TDA/H (n =11) et des deux participants DI avec TDA/H pour les dix domaines cognitifs selon Schoechlin et Engel (2005)

Statistiques descriptives des participants DI sans TDA/H (n =11) et des deux participants DI avec TDA/H pour les dix domaines cognitifs selon Schoechlin et Engel (2005)

Note : En gras, domaines avec difficultés marquées chez les participants avec TDA/H. Les moyennes et les écarts-types sont calculés à partir des scores Z.

n = 11 pour la portion de l’échantillon sans TDA/H, sauf pour les domaines Fonctions exécutives, Attention simple, Attention soutenue, Mémoire verbale et Mémoire visuelle, n = 10.

Scores Z de -1.3 jusqu’à -2.0 = limite, Scores Z supérieur ou égal à -2.0 = déficit (Lesak, Howieson et Loring, 2004, p.146).

En gris, scores déficitaires.

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Des déficits sont également notés à d’autres domaines chez nos deux participants DI avec TDA/H, l’intelligence verbale et la fluidité verbale. Ceci questionne également le fait que les déficits retrouvés en attention complexe et en mémoire de travail puissent être entièrement liés à la présence d’un TDA/H comorbide à la DI. Les statistiques descriptives obtenues à l’aide de rangs[18] sont présentées au Tableau 6.

Le participant 1 avec TDA/H ne présente pas plus de difficultés à ces quatre domaines que les autres participants DI, les rangs obtenus tendent même à se situer autour de la médiane, voire au-dessus pour le domaine attention soutenue. Une configuration différente est observée chez notre participant 2 avec TDA/H. Il se classe au rang le plus élevé pour la mémoire verbale alors que ses capacités d’attention sélective le placent dans les rangs inférieurs. Il n’est donc pas possible sur les deux participants DI avec TDA/H de constater la présence de déficits marqués. Par contre, une variabilité inter et intra-sujets est remarquée, allant de rang inférieur au rang supérieur.

Tableau 6

Rangs des deux participants TDA/H avec DI aux quatre domaines cognitifs de Schoechlin et Engel (2005)

Rangs des deux participants TDA/H avec DI aux quatre domaines cognitifs de Schoechlin et Engel (2005)

Note : Ces rangs sont calculés parmi tous les sujets ayant une DI (n = 13). Le rang médian est de 6,5. Un rang faible indique une faible valeur (rangs inférieurs).

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Discussion

Les résultats témoignent de déficits chez les participants DI adultes avec ou sans TDA/H de cette étude, ce qui est cohérent avec le niveau de fonctionnement intellectuel global de la population étudiée[19]. En outre, une variabilité est notée lorsque nous observons les écarts entre les résultats intra-sujets et inter-sujets. Cette variabilité ne permet pas de démontrer que les déficits sont davantage marqués dans certains domaines cognitifs (la résolution de problèmes nécessitant la mémoire de travail, l’attention soutenue, l’attention sélective et la mémoire verbale [Schoechlin et Engel, 2005]) chez les participants avec DI et TDA/H. Certes la présence de déficits en attention complexe et en mémoire de travail peut laisser croire que nos participants avec TDA/H présentent partiellement un profil cognitif similaire à ceux décrits dans certaines méta-analyses (Bálint et al., 2009; Hervey et al., 2004; Schoechlin et Engel, 2005) et dans l’étude de Rose et al. (2009). Toutefois, des déficits sont également relevés aux domaines intelligence verbale et fluidité verbale chez nos deux participants, ceci jette de l’ombre et remet en question le fait que les déficits trouvés peuvent être inhérents à la présence d’une DI (rappelons-le, préalablement objectivée). Ceci rejoint également la conclusion de Rose et al. (2009) et de Stravakaki (2002). De plus, les personnes avec des difficultés d’apprentissage et de faibles habiletés intellectuelles démontrent plus de déficits en lien avec les habiletés verbales puisqu’elles ont un niveau limité de vocabulaire (pauvre lexique), des habiletés réduites liées à l’épellation, un rythme lent, une panne dans la production du langage et un déficit de l’attention de base (Carr et al., 2007; Delis et al., 2001; Frazier et al., 2004; Gierski et Ergie, 2004; Lezak et al., 2004).

De cette manière, il demeure prudent de soutenir que la présence de déficits n’est pas plus marquée pour les quatre domaines retenus par Schoechlin et Engel (2005) que pour l’ensemble des dix domaines. Ces derniers éléments indiquent la présence de variabilité intra-sujets et inter-sujets qui peut être expliquée par divers facteurs :

  1. La présence de profils cognitifs différents, ce qui apparaît aussi en conclusion d’une méta-analyse portant sur le TDA/H à l’âge adulte de Bridgett et Walker en 2006.

  2. L’usage, chez une population DI, de tests neuropsychologiques classiques employés communément auprès d’une population normale et non étalonnés pour eux.

  3. La notion d’hétérochronie (Zazzo, 1973) qui suggère que le développement cognitif des personnes ayant une DI puisse afficher des niveaux différents, si l’on compare les habiletés cognitives les unes avec les autres ou, encore, la cohabitation de forces et de faiblesses chez une personne DI selon la définition de Schalock et al. (2010, 2011).

Sur le plan clinique, les résultats de cette étude ne permettent pas de valider la présence de déficits cognitifs précis observés chez les adultes ayant un TDA/H, chez les adultes ayant une DI et un TDA/H. Les résultats de cette étude tendent à promouvoir davantage une bonne connaissance de l’interprétation d’un profil cognitif à l’aide d’un test d’intelligence générale telle que la WAIS III, ainsi que de reconnaître qu’il existe une variabilité notée aux profils cognitifs des adultes avec une DI. En somme, l’évaluateur compétent devrait retenir que la variabilité rencontrée au profil cognitif d’une personne ayant une DI peut soutenir la notion d’hétérochronie, mais peut aussi évoquer la possibilité d’un autre trouble cognitif, psychiatrique ou neurologique. L’usage de tests neuropsychologiques est suggéré, et devrait, à tout le moins, favoriser un meilleur diagnostic dont émergera un meilleur traitement (Carr et al., 2007; Fletcher et al., 2007).

Cette étude originale et exploratoire comporte plusieurs limites. Rappelons d’abord que l’échantillon est tiré d’une cohorte de patients provenant dans un centre hospitalier psychiatrique de troisième ligne. L’analyse révèle conséquemment la présence d’hétérogénéité dans les diagnostics psychiatriques et dans le traitement pharmacologique. De plus, la taille de l’échantillon obtenu malgré plusieurs efforts, notamment des modifications aux critères d’inclusion et d’exclusion, est demeurée petite. Ceci illustre tout de même bien les difficultés rencontrées dans la réalisation de projets de recherche auprès de cette population (un petit bassin, les difficultés de compréhension, le consentement, la disponibilité, l’état mental et la prise de psychostimulants ne pouvant être cessée durant l’évaluation), ces difficultés peuvent contribuer au fait que peu de recherches sont effectuées auprès de cette population. Malheureusement, la petite taille de l’échantillon limite la généralisation de nos résultats, sur le plan purement scientifique. Il ne demeure pas moins que nous devrions tendre vers une plus grande rigueur et souhaiter pouvoir faire de telles études.

Par contre, des études existantes ont les mêmes limites. Rose et al. (2009), qui ont réalisé leur étude sur une population similaire à la nôtre, soulèvent également la possibilité de tableaux cliniques confondants, ce qui pourrait faire ombrage. De plus, plusieurs études incluaient, comme la nôtre, des participants présentant soit une comorbidité psychiatrique, soit la prise de psychotropes et pour certains, ces deux conditions (Boonstra et al., 2005; Rose et al., 2009; Schoechlin et Engel, 2005).

Afin de mieux contrôler ces incontournables, une évaluation psychiatrique faite lors du recrutement des participants assurait que tous avaient un état mental stable, sans modification récente de la médication, au moment de l’évaluation. De plus, nous ne connaissons pas d’étude, à l’heure actuelle, qui présente des participants chez lesquels la DI était préalablement évaluée conformément aux bonnes pratiques (AAIDD et DSM)[20]. Mentionnons également que nous avons eu accès avec autorisation aux dossiers médicaux des participants de cette étude.

Finalement, cette étude est réalisée sans subvention ni appui d’un groupe scientifique de recherche. Elle s’inscrit dans le cadre d’études doctorales. En dépit de limites qui entravent la portée des résultats, des études de cas et des études descriptives comme celle présentée serviront de premiers pas et contribueront à améliorer les services offerts à cette population trop souvent mise à l’écart en raison des défis qu’elle suscite (Fletcher et al, 2007).

Conclusion

Carr et al. (2007) font le constat dans leur dernier ouvrage de référence qu’il est essentiel de développer des méthodes d’évaluation des comorbidités psychiatriques chez les personnes ayant une DI. Cette étude exploratoire et originale avait pour objectif d’informer les cliniciens sur l’apport de l’évaluation cognitive à l’aide de tests neuropsychologiques chez les personnes ayant un trouble psychiatrique comorbide à leur DI. En résumé, l’évaluation cognitive auprès d’une population ayant une DI s’avère pertinente sur une base qualitative puisqu’elle vient préciser le profil cognitif pour une personne en identifiant ces forces et ses limites (Lussier et Flessas, 2009). Souvent, ce profil est cohérent avec l’évaluation intellectuelle. De plus, nos conclusions soutiennent également les courants sur le TDA/H adulte, sans DI, à l’effet qu’il ne semble pas y avoir de patron précis des déficits cognitifs chez les personnes atteintes de TDA/H. Une analyse plus approfondie des écarts intra-sujets pourrait permettre de questionner la présence de troubles surajoutés à une DI.

Cette tâche n’est pas simple pour les cliniciens, car nous constatons que plusieurs déficits sont attribuables à la DI et que la sévérité de ces déficits rend difficile le diagnostic différentiel à l’aide de tests neuropsychologiques classiques employés communément auprès d’une population normale. Nous croyons que les futures études devraient coupler l’évaluation cognitive à l’évaluation des symptômes cliniques, comme dans l’étude de La Malfa, Lassi, Bertelli, Pallanti et Albertini (2007)[21]. De telles études auraient peut-être pu mieux illustrer la prévalence et les manifestations de ce trouble chez les personnes ayant une DI. L’utilisation d’épreuves projectives pourrait également renseigner sur le fonctionnement mental interne (Fletcher et al., 2007) et il serait intéressant de proposer une étude comme celle de Cohen de Lara et Guinard (2006), mariant les approches psychodynamique et neuropsychologique. Dans ce contexte, des professionnels suffisamment expérimentés seront nécessaires pour bien délimiter ce qui appartient à la déficience intellectuelle, de ce qui appartient aux troubles mentaux, ici le TDA/H. De plus, des études effectuées auprès d’une population provenant principalement d’organismes communautaires et de centres de réadaptation pourraient être réalisées afin de recruter un échantillon plus grand et incluant des participants ayant moins de troubles en comorbidité.

Somme toute, nous croyons qu’il est du ressort de l’expertise auprès d’une population ayant en comorbidité une DI et des troubles psychiatriques de mener à bien une évaluation de la DI nécessitant, de façon concourante, la prise en compte des comorbidités psychiatriques. L’expérience clinique couplée à des connaissances solides en évaluation de la DI et à un travail multidisciplinaire permettrait de mieux départager les tableaux cliniques chez les participants obtenant des résultats extrêmes aux tests et de privilégier le jugement clinique face aux interprétations classiques.