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L’ouvrage se présente comme un manuel didactique de formation d’enseignants. Son introduction en donne quelques clés de lecture. L’auteur y adopte la posture du praticien réflexif, qui, partant chaque fois du récit d’un moment pédagogique vécu à propos de l’apprentissage d’élèves, en extrait les implicites par l’analyse, pour les théoriser, et aboutir à des questions qui élargissent la problématisation de la situation rapportée. L’auteur espère ainsi faire oeuvre de formation à partir d’autoanalyses de sa pratique professionnelle, visant par là à une certaine universalité dans l’approche de la complexité de la profession. Il propose au lecteur plusieurs points d’entrée, brisant de la sorte la linéarité habituelle d’ouvrages de ce type.

Cet ouvrage est écrit par un humaniste rousseauiste qui prend le parti de l’enfant, du jeune, en développement, sans éviter les dilemmes induits par les contraintes du système scolaire et la complexité des situations de travail du professionnel de l’éducation. L’auteur n’hésite pas à prendre en compte la spécificité d’un élève comme analyseur de la complexité du réel vécu par un enseignant et par le groupe classe, avec les perplexités, les interrogations que tout enseignant peut vivre dans des situations semblables. Chaque récit rapporté est ainsi présenté comme prototypique, d’une exemplarité centrale propice à une réflexion, à une réflexivité personnelle qui pourrait être partagée. Il parcourt des thèmes universels comme l’engagement de l’élève dans l’apprentissage, la coopération, l’intégration d’un élève étranger, la confiance en soi, l’approche par compétences. Cet ouvrage n’est donc pas seulement un manuel didactique au sens technique du terme, car il propose au futur enseignant des attitudes, des valeurs, du sens au métier de l’humain qui est de faire apprendre.

D’un point de vue épistémologique, l’auteur reconnaît à l’enseignant, et valorise, cette fonction de cré-action, puisqu’il crée du savoir dans ses actions et qu’il s’agit, dès lors, de révéler ces théories implicites que ce cré-acteur peut générer et de les mettre en relation avec les théories standardisées.

Dans la perspective formatrice adoptée, la question qui reste en suspens, et le saut épistémologique au second degré qu’elle interpelle, concerne l’apprentissage de la réflexivité comme outil de pensée chez l’enseignant lui-même : la réflexivité sur soi, la réflexivité à propos de ses situations de travail, et la réflexivité partagée avec d’autres. Même si cette question est quelque peu évoquée dans les conclusions et l’annexe 2. Mais suffit-il d’entendre le potier réfléchir sur son métier pour apprendre à fabriquer ses propres pots et pouvoir en faire l’analyse critique ? Sans doute l’auteur a-t-il songé, implicitement, à passer le relais au formateur responsable des enseignants, futurs ou expérimentés, mais alors comment ce dernier est-il préparé à sa fonction de compagnonnage réflexif ?