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Introduction

Les subéraies représentent une richesse inestimable du point de vue écologique, économique, scientifique et culturel pour les pays du bassin méditerranéen. En Algérie, elles subissent une importante dégradation dont les causes sont multiples (Zamoum 2002). Du point de vue entomologique, au sein du complexe des lépidoptères défoliateurs des chênes, Lymantria dispar (Linnaeus, 1758) (Lepidoptera, Lymantriidae) est considéré comme étant l’un des ravageurs les plus dangereux. D’autres espèces défoliatrices provoquent aussi, quoique plus occasionnellement, des dégâts (Chambon et al. 1992; Chakali et al. 2002). Les plus communes sont Tortrix viridana (Linnaeus, 1758) (Lep., Tortricidae), Euproctis chrysorrhorea (Linnaeus, 1758), Orgyia trigotephras (Boisduval, 1828) (Lep., Lymantriidae), Ephesia nymphaea (Esper, 1787) et Ephesia nymphagoga (Esper, 1787) (Lep., Noctuidae).

Les pullulations périodiques de L. dispar ont fait l’objet d’un suivi en Algérie depuis 1923, date de la première description d’une infestation (Delassus 1925). À l’époque, on mentionnait déjà l’étendu et l’intensité des défoliations, l’importance des désagréments subis par les riverains (notamment face aux invasions des chenilles dans les habitations) ainsi que les enjeux reliés à l’état sanitaire des chênes, à la récolte de liège et aux dommages causés aux plantations forestières et fruitières. La polyphagie des chenilles, les possibilités de déplacement et le potentiel de multiplication de l’espèce rendent en effet les explosions démographiques de L. dispar particulièrement spectaculaires.

Depuis plus d’une décennie, un réseau d’avertissement a été installé en Algérie avec le concours des chercheurs et des gestionnaires forestiers. À ce jour, il n’existe pas d’études sur les possibilités d’utilisation des biopesticides par pulvérisation aérienne contre les chenilles de L. dispar dans les conditions écologiques des subéraies algériennes.

Pour répondre à cette préoccupation, un essai de traitement à l’aide de deux biopesticides homologués à base de Bacillus thuringiensis var. kurstaki (Btk) a été entrepris dans les conditions particulières des subéraies en montagne.

Matériel et méthodes

Estimation des superficies infestées

Dans le cadre du réseau national d’avertissement (RNA), les superficies infestées par L. dispar ont été estimées depuis 1968 dans toutes les subéraies afin de suivre les rythmes de gradation de cet insecte. Ce recensement des populations est effectué particulièrement dans les forêts de chêne-liège de Tizi Ouzou (N = 6), Jijel (N = 11), Sétif (N = 3), Skikda (N = 1) et Annaba (N = 1). Dans chacune des forêts, des stations couvrant environ 100 hectares (ha) ont été choisies en fonction de leurs caractéristiques environnementales dont l’altitude, l’exposition et la topographie du site ainsi que la structure du peuplement.

La méthode utilisée consiste premièrement à dénombrer toutes les pontes de 30 arbres-échantillons par station d’observation afin d’estimer le nombre moyen de pontes par arbre et par station. Par la suite, elle consiste à mesurer la longueur d’au moins 60 pontes et classifier les taux de défoliation selon les seuils suivants : 0 % (absence de défoliation), entre 1 et 10 % (défoliation faible), entre 10 et 25 % (défoliation légère), entre 25 et 50 % (défoliation moyenne), entre 50 et 75 % (défoliation forte) et entre 75 et 100 % (défoliation totale).

Installation des placettes expérimentales et relevés biologiques pour l’essai avec Btk

Trois foyers d’infestation de L. dispar ont été retenus pour les essais à Mascaro (Blida), Tifrit (Tizi Ouzou) et Oued Agrioun (Béjaïa), et ce, après des observations de la présence de pontes de l’insecte en quantité suffisante pour occasionner des dégâts aux arbres infestés. Une parcelle a été tracée dans chaque foyer en tenant compte des paramètres géostationnels et de la superficie du biotope. Il s’agissait de diviser la zone en parcelles de 50 ha en fonction de la configuration du relief (haut, mi et bas versant) et de l’exposition, puis de délimiter dans chacune d’elles une placette d’observation d’environ 10 ha. Dans chacune des placettes, 30 arbres ont été choisis au hasard en suivant un ou plusieurs transects le long desquels un arbre sur cinq a été retenu au centre de la placette. Une parcelle témoin non traitée (T), située loin des possibilités de dérive de l’insecticide, a également été choisie dans chacun des foyers.

Au centre de chaque forêt, 10 arbres ont été choisis en suivant un transect linéaire perpendiculaire au trajet du vol de l’hélicoptère lors des pulvérisations. Pour chaque arbre échantillonné, quatre rameaux d’environ 1 m de longueur ont été prélevés selon les quatre points cardinaux à la date d’intervention (I) puis à I + 10 j et à I + 20 j. Au cours du premier prélèvement, la composition larvaire dans les stations a été établie (pourcentage des stades L1, L2 et L3; tableau 2). Pour les deux autres prélèvements (I + 10 j et I + 20 j), le taux de défoliation a été estimé par le biais d’un indice de défoliation (ID). Cet indice est défini visuellement en se basant sur le pourcentage approximatif (entre 0 et 100 %) de pertes de feuilles par rapport à la biomasse foliaire totale de l’arbre échantillonné.

Essai de traitement au Btk

Deux formulations à base de Btk ont été testées dans des conditions météorologiques favorables (absence de pluie, vent de moins de 5 m/s et température avoisinant 20° C) : le Dipel 8L fourni par la société Atlas Agro et le Bio T Plus fourni par Cogenal. La pulvérisation des deux biopesticides a été faite tôt le matin (à partir de 6h00 T.U.) entre le 6 et le 8 mai 2006 en utilisant la technique « ultra bas volume » à l’aide d’un hélicoptère équipé de micronairs (AU 7000 à hélice) selon les modalités reportées dans le tableau 1. Ces formulations ont été utilisées, car elles comportent de nombreux avantages du fait que le Btk a un spectre d’action limité aux lépidoptères et qu’il atteint principalement les chenilles de L. dispar par une action larvicide rapide (Kwang-Bo et Côté 2000).

Tableau 1

Modalités de traitement retenues dans chacune des trois stations traitées.

Modalités de traitement retenues dans chacune des trois stations traitées.

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Élevage des chenilles et des chrysalides

Des échantillons de chrysalides et de chenilles du dernier stade larvaire de L. dispar qui ont survécu au traitement avec Btk ont été prélevés au hasard dans les parcelles traitées, puis mis en élevage au laboratoire le 16 mai 2006 à Oued Agrioun (N = 220), le 17 mai à Tifrit (N = 275) et le 18 mai à Mascaro (N = 217). La population témoin (N = 300) a été prélevée le 18 mai dans la subéraie de Chréa qui est le prolongement de la forêt de Mascaro se trouvant en versant nord du Parc national de Chréa (Blida).

Les chenilles du dernier stade ont été nourries à l’aide de feuilles de chêne-liège prélevées à proximité du laboratoire. Toutes les chrysalides ont été placées sur un lit de sciure dans des boîtes de plastique transparent mesurant 30 cm x 20 cm x 10 cm. L’émergence des adultes de L. dispar et de ses parasitoïdes a été notée chaque jour.

Analyses statistiques

Dans les trois forêts traitées, l’effet du Btk a été estimé par la régression des effectifs moyens de chenilles à la date d’intervention (I), puis à 10 j (I + 10) et 20 j (I + 20) après le traitement pour chacune des placettes. Les taux de mortalité parcellaire ont été calculés à I + 10 j et I + 20 j par rapport à l’effectif moyen de chenilles avant le traitement. Les taux moyens de défoliation dans chacune des parcelles ont été calculés sur la base des données obtenues à partir des arbres échantillonnés. Les moyennes des pontes recensées ainsi que de leurs longueurs ont été comparées avec le test t de Student entre chacune des forêts. Le test de x2 à deux entrées multiples a été utilisé pour comparer les taux de survie et de mortalité obtenus à partir des populations ayant survécues au Btk dans les forêts traitées et dans celles non traitées.

Résultats

Fluctuations des superficies infestées

Comme cette étude le montre, les résultats du RNA ont donné un aperçu annuel de l’évolution des gradations de L. dispar et ont permis la détection des foyers d’infestation d’autres défoliateurs potentiels. En 2006, les principaux foyers de pullulation de L. dispar étaient signalés à Tizi Ouzou, Blida et Béjaïa. On a également recensé des infestations de Catocala nymphagoga à Tissemssilt et Aïn Defla sur Quercus ilex (Linnaeus 1753), ainsi que des infestations d’E. chrysorrhoea dans l’Akfadou sur le chêne afarès (Quercus afares) et le chêne zeen (Q. canariensis).

Les surfaces défoliées enregistrées au cours des quatre dernières décennies (1968-2013) montrent que les gradations de L. dispar en Algérie se succèdent approximativement tous les 10 ans. L’étendue de la défoliation dans une région et pour une année donnée peut aller de quelques hectares à plus de 20 000 ha (maximum observé : 23 530 ha à Jijel en 1987) (Figure 1). Les défoliations dues aux autres espèces de défoliateurs sont de moindre importance et se manifestent de façon sporadique comme l’ont déjà constaté Ckakali et al. (2002).

Il semble que les périodes de culmination dans les cas de Tizi Ouzou et Jijel présentent des périodes de gradation différentes. En effet, la périodicité des culminations observées est de 4 à 8 ans à Tizi Ouzou et de 9 à 10 ans à Jijel. Il semble également qu’en général, durant les années 1986, 1987, 1988, 1992, 1996, 2001 et 2006, l’augmentation des superficies infestées s’est manifestée à l’échelle des régions est et centre de l’Algérie.

Par ailleurs, les résultats des recensements de pontes réalisés dans toutes les subéraies ont permis d’identifier trois foyers d’infestation de L.dispar à Mascaro (Blida), Tifrit (Tizi Ouzou) et Oued Agrioun (Béjaïa). Dans le tableau 3, les relevés de chacune des stations montrent, selon le test t de Student, une différence significative pour les effectifs moyens de pontes sur les 30 arbres qui ont dépassé 50 mm à Mascaro et ceux compris entre 14,7 et 47 mm à Tifrit, puis ceux entre 8,9 et 33,2 mm à Oued Agrioun. Il existe également une différence significative pour les longueurs moyennes des pontes entre les trois foyers à l’exception de Tifrit et Oued Agrioun.

Figure 1

Variations annuelles des superficies défoliées par L. dispar entre 1968 et 2013 dans les principales subéraies du centre et de l’est algérien.

Variations annuelles des superficies défoliées par L. dispar entre 1968 et 2013 dans les principales subéraies du centre et de l’est algérien.

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Tableau 2

Abondance relative (%) des stades larvaires L1, L2, L3 et L4 de L. dispar juste avant le traitement dans les trois stations expérimentales.

Abondance relative (%) des stades larvaires L1, L2, L3 et L4 de L. dispar juste avant le traitement dans les trois stations expérimentales.

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Tableau 3

Nombre moyen de pontes de L. dispar (N) et leurs longueurs moyennes en mm dans les trois foyers d’infestation.

Nombre moyen de pontes de L. dispar (N) et leurs longueurs moyennes en mm dans les trois foyers d’infestation.

* Différence significative entre les foyers d’infestation (Test t de Student, P < 0,05).

** Différence significative entre les foyers d’infestation (Test t de Student, P < 0,05), sauf entre Tifrit et Oued Agrioun (P > 0,05).

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Tableau 4

Taux moyen de défoliation (ID) et estimation des taux de mortalité parcellaire comparés obtenus avec le Btk à partir des effectifs moyens de chenilles de L. dispar (N) dénombrés dans les placettes traitées et témoins (T) dans chacune des localités.

Taux moyen de défoliation (ID) et estimation des taux de mortalité parcellaire comparés obtenus avec le Btk à partir des effectifs moyens de chenilles de L. dispar (N) dénombrés dans les placettes traitées et témoins (T) dans chacune des localités.

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Tableau 5

Incidence relative des ennemis naturels et devenir des individus ayant survécu dans les trois stations traitées (Mascaro (N = 217), Tifrit (N = 275) et Béjaïa (N = 220)) et dans la station non traitée (Chréa (N = 300)).

Incidence relative des ennemis naturels et devenir des individus ayant survécu dans les trois stations traitées (Mascaro (N = 217), Tifrit (N = 275) et Béjaïa (N = 220)) et dans la station non traitée (Chréa (N = 300)).

* Parasitoïdes non identifiés

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Incidence des insecticides à base de Btk

Le jour du traitement, les chenilles des stades L1 et L2 dominaient dans les populations des sites sélectionnés. Elles représentaient dans l’ensemble plus de 65 % des chenilles récoltées et atteignaient 86,4 % à Oued Agrioun (Tableau 2).

Les biopesticides à base de Btk ont provoqué dans l’ensemble plus de 90 % de mortalité des chenilles dans toutes les placettes, à l’exception des placettes 1 et 3 de la forêt d’Ouled Agrioun (Tableau 4). Les dénombrements effectués après le traitement ont montré que les chenilles non touchées par le traitement étaient de stade L3 et du début de stade L4 et que les défoliations n’ont pas dépassé les 25 %.

Facteurs de mortalité des chenilles et des chrysalides

Dans le tableau 5, la proportion d’adultes obtenus à partir des chenilles âgées et de chrysalides provenant des sites traités (entre 61,2 et 84,0 %) apparaît comme étant très significativement supérieure à celle des individus récoltés la même semaine dans la forêt non traitée de Chréa (31 %) (x2 = 182,0; dl = 24; p < 0,05). Les taux cumulés de parasitisme ont atteint 66,7 % à Chréa alors qu’ils étaient compris entre 12,0 et 23,2 % dans les placettes traitées.

Parmi les parasitoïdes obtenus dans nos élevages[1], nous avons observé deux espèces de diptères, dont la tachinaire Exorista segregata (Rondani, 1859) (Dipt., Tachinidae) qui pond sur les chenilles et qui émerge au stade prénymphal ou nymphal. De plus, parmi les hyménoptères parasitoïdes de chrysalides obtenus, nous avons identifié les Ichneunonidae Pimpla turionellae (Linnaeus, 1758) et Pimpla rufipes (Miller, 1759) (= instigator F. 1793) ainsi que le Chalcididae Brachymeria tibialis intermedia (Nees, 1834).

Il apparaît que l’action du virus de la polyédrose nucléaire (VPN) chez les chrysalides issues de chenilles traitées se situe entre 2,9 et 9,8 % dans le cas des maladies (chrysalides avec altération des cellules et une odeur nauséabonde) alors qu’elle est de 14,7 % pour l’entomomycose à Beauveria bassiana ([Bals-Criv.] Vuillemin, 1912). Chez les chenilles non traitées, les chrysalides présentant des symptômes de « maladie » sont absentes. Par contre, les mycoses sont présentes avec un faible taux de 2,4 %.

Discussion

La récapitulation des données relatives aux superficies infestées par L. dispar montre qu’à l’exception des subéraies de Tizi Ouzou et Jijel, il est nécessaire de considérer qu’il n’est pas certain que toutes les défoliations d’une région donnée aient été recensées, surtout si elles étaient de très petite taille. Ces lacunes ont des causes diverses, mais la plus importante est liée à la difficulté de détecter les foyers primaires lorsqu’ils ne dépassent pas quelques hectares ou qu’ils sont situés dans des secteurs peu accessibles, contrainte que l’on retrouve dans la majorité des subéraies. À Tizi Ouzou, il est probable que les petits pics de culmination observés à quelques années de différence soient des parties d’une même gradation générale. Cet écart est probablement dû à une différence entre les subéraies de plaines et les subéraies d’altitude. En plaine, la défoliation s’étend sur plusieurs années et sur de très grandes surfaces, tandis qu’en montagne, les forêts d’altitude sont défoliées les unes après les autres sur une période assez longue.

Les culminations observées à tous les 10 ans à Jijel, avec des invasions sur de vastes superficies, ont également été notées dans le cas de la subéraie marocaine par Villemant et Fraval (1999). Ces explosions démographiques peuvent être expliquées par divers facteurs déclencheurs, dont ceux en relation avec l’aptitude des ennemis naturels à réguler les effectifs de L. dispar (Hamra Kroua 1986; Khous 1993) et ceux en rapport avec le climat (Martinat 1987). Par contre, en Kabylie, la fréquence élevée des attaques de cet insecte ravageur pourrait être facilitée par les déséquilibres de la structure des subéraies de cette région qui sont touchées par les incendies et plusieurs délits anthropiques (surpâturage, ébranchage, coupe de bois et exploitation anarchique du liège).

Les résultats obtenus confirment la performance du Btk, un biopesticide d’ingestion très sélectif ayant une bonne incidence sur le contrôle des effectifs de populations de L. dispar. Son efficacité a été démontrée dans d’autres conditions écologiques à travers l’aire de répartition de L. dispar au Maroc (Fraval et al. 1977), au sud de l’Europe (Luciano et al. 2003; Martin et al. 2002) et en Amérique du Nord (Andreadis et al. 1982; Jobin et Caron 1982; Yendol et al. 1973).

Par ailleurs, l’étude comparée des populations de L. dispar ayant survécu au traitement et des populations non traitées a permis d’évaluer l’incidence des différents facteurs de régulation pouvant intervenir après la pulvérisation de Btk. En effet, il semble que la mortalité due aux ennemis naturels se maintienne dans une certaine mesure chez les populations traitées, plus particulièrement celle causée par les mycoses et par le VPN déjà identifié sur ce ravageur par Khous et al. (1991). Ce virus a déjà été observé chez d’autres espèces de lépidoptères comme Thaumetopoea pityocampa (Denis et Schiffermüller 1775; Zamoum et al. 2005) et E. chrysorrhoea (Ruelle et al. 1977).

Les taux de parasitisme obtenus pour P. instigator à Chréa (3,6 %) sont plus élevés que ceux observés à Tikjda (entre 0,2 et 0,3 %) par Khous (1993), probablement en raison de la collecte d’une population de L. dispar au stade de chrysalide à Chréa sur lequel P. instigator est actif. L’absence du Pimplinae dans les sites traités est peut-être due aux problèmes liés à la coïncidence temporelle entre le parasitoïde et son hôte. En effet, le ralentissement du développement larvaire chez les chenilles traitées au Btk a été démontré en laboratoire (Cerboneschi 2002). De plus, la présence élevée de chrysalides « malades » chez les populations traitées limite l’activité parasitaire de l’ichneumonidae (Carton 1975, cité par Khous 1993).

En ce qui concerne B. intermedia, l’un des parasitoïdes nymphaux les plus efficaces, il semble que les taux de parasitisme obtenus dans les foyers traités sont non négligeables (entre 8,9 et 12 %). Dans la subéraie de Annaba, l’incidence de cette espèce n’a été que de 1,05 % en phase de latence (Hamra Kroua 1986); à Tikjda, elle a été entre 6,9 et 34,2 % (Khous 1993) en phase de culmination. À Chréa, le taux a dépassé 36,9 %. Il a été démontré que l’activité de ce parasitoïde est plus importante lors des défoliations et de l’ouverture du peuplement (Barbosa et al. 1978). En protégeant le feuillage par le biais des arrosages au Btk, il est probable que l’aptitude parasitaire de cette espèce soit limitée après le traitement.

Comme dans le cas des autres parasitoïdes polyphages, la tachinaire E. segregata semble avoir une action variable qui est très vraisemblablement en relation avec la richesse de la biodiversité qui permet la présence d’hôtes de transition. L’incidence de 8,4 % d’E. segregata dans les foyers traités semble être plus importante à Mascaro par rapport aux autres forêts. Néanmoins, sa faible incidence par rapport à Chréa (13,1 %) pourrait être induite par la présence de chenilles infectées par le Btk à la suite du traitement et des microorganismes pathogènes (Luciano et Prota 1986). Il apparaît aussi que l’incidence des ennemis naturels semble contribuer à une mortalité différée chez les populations ayant survécu au traitement; elle peut aller de 16 à 38,8 %.

À l’issue de ce bio-essai, il a été possible de démontrer qu’il existe une alternative pour contrôler les chenilles de L. dispar dans les conditions écologiques des subéraies algériennes. Par contre, les interventions au Btk ne peuvent être intéressantes que dans les situations où l’on observe des niveaux élevés de population de L. dispar, lesquels peuvent provoquer une défoliation sévère et engendrer un affaiblissement des peuplements et ainsi occasionner leur dépérissement. Cette défoliation peut (1) être accompagnée d’un incident climatique majeur, comme une période de sécheresse prolongée; (2) survenir à l’occasion de programmes d’exploitation de liège; (3) avoir cours dans de jeunes plantations de chênes en période de vulnérabilité; ou (4) survenir dans des conditions urbaines ou récréatives où l’aspect esthétique peut être affecté. Par ailleurs, les interventions au Btk peuvent être préconisées, de façon préventive, dans des foyers primaires d’infestation afin d’éviter ou de ralentir la propagation de L. dispar et pour favoriser un renforcement du complexe des ennemis naturels lors d’un désynchronisme avec leur hôte.