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Cet ouvrage est un plaidoyer en faveur de l’accueil des nouveaux citoyens et de leurs différences culturelles et religieuses. Se situant explicitement dans le contexte des débats entourant le projet de « charte des valeurs » promu par le gouvernement du Parti québécois, l’auteur exhorte à aborder les questions d’une manière radicalement différente, centrée sur le projet d’indépendance nationale et sur ses impératifs d’inclusion sociale. Il s’agit d’« un essai destiné à un large public » (p. 15), que l’auteur présente d’emblée comme un « ouvrage critique » (p. 13) à l’endroit des positions actuelles de sa famille politique.

La première partie, la plus longue, est consacrée à la « question musulmane ». L’auteur s’y attaque au projet de charte, dont « la vraie cible » serait « le foulard des musulmanes » (p. 28). Témoignages à l’appui, il s’y emploie à déboulonner les préjugés et les « clichés abusifs » (p. 158) dont la communauté musulmane serait la victime. Il s’en prend aux attitudes de repli qui seraient contre-productives pour le projet indépendantiste et fortement négatives pour la réputation internationale du Québec – une « erreur stratégique aux conséquences désastreuses » (p. 30), alors que la communauté musulmane magrébine devrait constituer un atout majeur pour l’avenir du français au Québec, voire « une clientèle naturelle » (p. 80) pour le mouvement nationaliste.

La deuxième partie est « à la recherche de modèles » (p. 83) – de modèles à ne pas suivre, en fait –, essentiellement celui de la France, que l’auteur associe à la mentalité catholique, dont il oppose les étroitesses à la tolérance de la tradition protestante britannique. Il se demande même si le projet de Charte ne pourrait pas devenir « notre Serment du Test à nous » (p. 102).

La troisième partie s’emploie à décrire le type de laïcité que le Québec devrait pratiquer : une laïcité « sans intégrisme » (p. 111), « tolérante » (p. 113), accueillante pour les symboles dans l’espace public, y compris pour le crucifix de l’Assemblée nationale (p. 114). La laïcité ouverte vaudrait mieux que la laïcité « pure » (p. 125). Quant au port des signes religieux dans la fonction publique, il serait intolérant de l’interdire : après tout, « l’habit ne fait pas le moine » (p. 123), et « une société québécoise laïque à 95 % comme maintenant, c’est très bien. À 100 %, ce serait trop » (p. 124).

La quatrième partie traite d’immigration. Chiffres à l’appui, l’auteur s’emploie à démontrer la nécessité de recevoir au Québec une importante immigration. Il entend ainsi réfuter les thèses présentées par Dubreuil et Marois (2011). Le Québec serait bien avisé de suivre l’exemple de l’Allemagne, qui fait actuellement la promotion d’une « charte de la diversité » plutôt que d’une « charte des valeurs allemandes » (p. 152).

Dans la cinquième partie, l’auteur s’inquiète des menaces qui pèsent sur l’avenir du français au Québec. Il y aurait là, selon lui, un motif suffisant pour accueillir l’immigration musulmane francophone, pour peu qu’on renonce à entreprendre une « guerre de religions […] contre le port de symboles religieux au nom de la Sainte Inquisition laïque ou des ’valeurs québécoises’ » (p. 158). Il faudrait renoncer à cultiver la « hantise identitaire » (p. 158) et chercher plutôt à « concilier identité nationale et sous-identités » (p. 159).

La conclusion coule de source : « le réflexe conservateur, le réflexe de repli sur soi et d’exclusion […] peut […] être fatal » (p. 167). Les « vieux démons de l’exclusion » (p. 167) doivent être chassés.

Enraciné dans l’expérience personnelle de l’auteur, cet ouvrage est un véritable cri du coeur en faveur d’une politique d’inclusion qui seule pourrait permettre de construire ici une nation francophone viable. Certains lui reprocheront sans doute l’allure parfois pamphlétaire de l’argumentation, peut-être aussi un certain penchant pour l’auto-flagellation collective, mais on verrait mal comment tout ignorer de cet appel inquiet.