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La politique a toujours été l’apanage des hommes. À preuve, en 2013, on ne retrouve que 20,9 % de femmes actives dans les parlements dans le monde et celles-ci atteignent le seuil de représentation critique de 30 % dans seulement 30 pays (Union interparlementaire, 2013). Dépassé non seulement par les pays scandinaves, mais aussi par plusieurs pays en voie de développement, le Canada se retrouve au 45e rang du classement quant au taux de participation des femmes en politique (ibid.). Au Canada, leur proportion est de 24,7 % à la Chambre des communes (Élections Canada, 2011), et de 32,8 % à l’Assemblée nationale du Québec (2012). Du côté de la politique municipale, la plus proche des citoyens, le Québec compte relativement peu d’élues, villes de toutes tailles confondues. La proportion de conseillères municipales est de 29 %, celle des mairesses, 16 % (Rinfret et Lortie-Lussier, 2012). Bien que leur représentation en nombre ait progressé depuis le milieu des années 1980, où elles représentaient 9,6 % des élus à la Chambre des communes (Bibliothèque du Parlement, 2011), 14,8 % à l’Assemblée nationale (Collectif féminisme et démocratie, 2004), 10,9 % des conseillers municipaux et 2,9 % des maires (Bhérer et al., 2008), elles sont toujours minoritaires à tous les paliers de gouvernement. Les chercheurs ont identifié des facteurs structurels, culturels, systémiques, sociaux et personnels pour expliquer cet état de fait (voir Tremblay, 2007, pour une recension de la documentation). Dans la présente étude, nous focalisons notre propos sur les perceptions, les croyances et les attitudes des femmes par rapport à ces facteurs. Dans ce qui suit, nous faisons une recension des études qui ont évalué le point de vue des femmes quant aux facteurs qui favorisent ou découragent leur entrée en politique. Nous avons répertorié des études quantitatives menées auprès de femmes qui n’oeuvrent pas en politique et des travaux de nature qualitative réalisés auprès de politiciennes. À partir de cette intégration des deux types d’études, nous avons été en mesure d’identifier des facteurs permettant de tracer le profil des femmes qui s’impliquent, ou non, en politique, ce qui nous a amenées à formuler des hypothèses novatrices qui sont présentées à la fin de cette introduction.

L’identification des facteurs qui incitent les femmes à faire carrière en politique, ou les découragent, a fait l’objet de nombreux travaux de recherche (Atkeson, 2003 ; Elder, 2004 ; Fox et Lawless, 2004 ; 2005 ; Campbell et Wolbrecht, 2006 ; Paxton et al., 2007 ; Wolbrecht et Campbell, 2007). Il a ainsi été démontré que la socialisation aux rôles féminins et masculins a un impact important sur les intentions des femmes de se lancer, ou non, en politique (Elder, 2004 ; Fox et Lawless, 2004 ; 2005). C’est en quelque sorte comme si les femmes qui ont intériorisé les rôles traditionnels féminins ne percevaient pas la politique comme un lieu propice à leur épanouissement professionnel (Paxton et al., 2007 ; Lawless, 2009). De plus, le milieu politique continue à être spontanément associé aux hommes, ce qui mène à l’intériorisation de l’idée que le milieu politique est fondamentalement masculin (Derville et Pionchon, 2005).

Bien que l’intériorisation des rôles sexuels constitue un facteur central dans les intentions de se porter candidate à une élection, un autre élément de poids s’est dégagé d’un sondage effectué par Laurel Elder (2004) auprès d’un échantillon composé de 88 étudiants du primaire et 81 du secondaire, 141 de niveau universitaire, ainsi que de 455 membres de la population générale. Selon cette étude, l’auto-évaluation de compétences en politique influe de façon significative sur la décision de s’engager en politique. Si les femmes interrogées se sentent à l’aise de s’investir au niveau communautaire, il en va autrement pour la politique. Elles n’ont pas l’impression d’avoir les compétences nécessaires pour mener à bien une campagne électorale. D’autres chercheurs ont fait le même constat, cette fois auprès de gens qui ont étudié dans des domaines desquels proviennent le plus souvent les politiciens, soit les sciences politiques, le droit et l’administration (Fox et Lawless, 2004 ; 2005). Il semble que, contrairement à leurs collègues masculins, les femmes dans ces domaines soient moins enclines à croire qu’elles ont les aptitudes et les compétences requises pour poser leur candidature à une élection, et ces résultats persistent dans le temps. En effet, les chercheurs ont sondé les mêmes participantes quelques années plus tard et leur auto-évaluation de compétences continue d’être un enjeu important dans leur intention de se lancer ou non dans une campagne électorale (Lawless, 2010). Aussi, Jennifer L. Lawless et Richard L. Fox (2010) concluent-ils que l’auto-évaluation de compétences représente le facteur d’influence le plus important dans la prédiction des intentions de faire de la politique active. Selon ces auteurs, la probabilité qu’une femme présente sa candidature augmente de 53 % lorsqu’elle se considère « très qualifiée ». De plus, les femmes et les hommes qui se considèrent très qualifiés ont presque la même probabilité de poser leur candidature. Malheureusement, très peu de femmes considèrent avoir les qualifications requises pour faire une carrière en politique, ce qui pourrait expliquer pourquoi elles sont si peu nombreuses.

L’importance de l’auto-évaluation de compétences peut s’expliquer par le fait que les femmes se sentent menacées en politique (Commission du renouveau du Parti libéral du Canada, 2006). À preuve, les études démontrent que les femmes se soucient de leur rendement dans les milieux où les stéréotypes féminins traditionnels font partie des barèmes d’appréciation de leurs compétences (Beaton et al., 2007) et où elles font face aux idées préconçues concernant leur rôle et leurs capacités dans ce domaine (Goodyear-Grant, 2004). Pour illustrer ce phénomène, Matthew S. McGlone et ses collaborateurs (2006) ont examiné le rendement des femmes à une épreuve évaluant leurs connaissances en politique. Leurs résultats révèlent que les femmes placées dans la condition dans laquelle les chercheurs évoquaient les stéréotypes féminins négatifs face aux connaissances en politique ont moins bien réussi que celles placées dans la condition neutre, c’est-à-dire la condition dans laquelle les stéréotypes féminins n’étaient pas invoqués.

Les études empiriques présentées plus haut ont le mérite d’avoir testé, auprès d’échantillons appréciables, la pertinence d’hypothèses relatives à certains facteurs de prédiction des perceptions, des attitudes et des comportements des femmes vis-à-vis de la politique. En revanche, ces échantillons étaient constitués de femmes n’oeuvrant pas en politique, d’où l’importance de considérer des études qualitatives, des récits-témoignages de femmes politiques, afin de vérifier si les facteurs confirmés dans les études qualitatives et empiriques vont dans le même sens. Cette incursion permet également de documenter d’autres éléments facilitateurs et inhibiteurs de l’implication des femmes en politique.

Signalons tout d’abord les résultats d’une étude menée par Yvonne Galligan et Sara Clavero (2008) auprès de politiciennes de l’Europe de l’Est et portant exclusivement sur les facteurs qui restreignent la participation des femmes à la politique. Les facteurs de première importance identifiés sont le manque de confiance en soi, les responsabilités familiales et la stigmatisation des femmes. Pour sa part, Madeleine M. Kunin (2008), ex-politicienne américaine, a documenté, à partir de son expérience et de celle de certaines de ses collègues, les obstacles, les motivations et les facteurs qui favorisent ou freinent la participation des femmes à la politique. Son analyse confirme les facteurs contraignants identifiés par Galligan et Clavero. Concernant les facteurs incitatifs, Kunin identifie, notamment, la socialisation non traditionnelle aux rôles sexuels. Par ailleurs, des groupes de discussion menés auprès de politiciennes québécoises et néo-brunswickoises ont permis d’évaluer la pertinence des facteurs recensés plus haut, tels que la confiance en soi, les responsabilités familiales, la stigmatisation des femmes et la socialisation non traditionnelle aux rôles sexuels, à l’échelle canadienne (Beaton et al., 2011). Les résultats de ces analyses qualitatives ont permis de conclure que les rôles féminins traditionnels ne sont pas compatibles avec la politique (Rinfret et al., en préparation). Si les propos des politiciennes québécoises et néo-brunswickoises concernant la socialisation des femmes vont dans le sens des études antérieures (Fox et Lawless, 2003), ils permettent également d’identifier d’autres facteurs reliés aux stéréotypes de sexe qui nuisent à leur accès en politique. En premier lieu, les politiciennes remarquent que les pratiques politiques reflètent les valeurs, les croyances et les modes d’action typiquement masculins (Rinfret et al., en préparation). Les hommes, occupant en majorité l’espace politique, ont développé un modèle politique dans lequel les femmes ne se sentent pas à l’aise (ce modèle fait référence à la guerre, à la bataille, au combat, où il y a des gagnants et des perdants que l’on cherche à écraser), sans oublier que les hommes leur font sentir qu’elles ne sont pas les bienvenues en les maintenant hors des sphères de pouvoir (Trimble et Arscott, 2003 ; Newman et White, 2006) par différentes stratégies, dont l’attribution de circonscriptions difficiles à remporter (Ryan et al., 2010). Ces stratégies ressemblent à d’autres, utilisées ailleurs dans le monde dans le but de tenir les femmes à l’écart de la politique. Par exemple, à la suite de l’étude qu’elle a menée en France, Mariette Sineau (2002) rapporte que 43 % des députées affirment avoir été victimes de discrimination en politique, et ce, plus souvent lorsqu’elles cherchaient à obtenir un mandat électif.

Un deuxième facteur relié aux stéréotypes de sexe identifiés par les politiciennes concerne la stigmatisation des femmes en politique. On parle ainsi de deux poids, deux mesures. Conformément aux résultats documentés (Carroll et Fox, 2010 ; Lawless et Fox, 2010), les politiciennes québécoises et néo-brunswickoises affirment qu’elles ne sont pas traitées de façon égalitaire dans ce milieu. Le traitement différentiel dont elles sont la cible constitue un obstacle de taille. Elles doivent faire plus que les hommes pour répondre aux attentes et elles sont jugées plus sévèrement par leurs collègues, la population et les médias (Beaman et al., 2009 ; Baider, 2010). Plus précisément, les participantes ont été invitées à décrire les difficultés qu’elles ont rencontrées pour briguer un poste électif. Une participante avoue : « Obtenir la confiance des hommes ce n’est pas évident. On doit continuellement prouver notre compétence. » Une autre s’est fait dire qu’elle « enlevait le job à un homme ». Bref, la politique conjuguée au féminin comporte un lot supplémentaire de défis. Ce constat ressort de différentes études qualitatives réalisées chez des politiciennes d’Europe de l’Est (Galligan et Clavero, 2008), des États-Unis (Kunin, 2008) ou du Québec et du Nouveau-Brunswick (Beaton et al., 2011 ; Rinfret et al., en préparation). À titre d’exemple, les participantes québécoises expliquent qu’elles n’ont pas leur place dans le monde politique : les valeurs patriarcales, le modèle politique masculin, le boy’s club, les réunions à huis clos ou encore siéger la nuit constituent des obstacles qui limitent leur accès. Pour illustrer, selon Diane :

Certains propos des députés sur l’apparence physique, la coupe de cheveux, la tenue vestimentaire, la façon familière avec laquelle ils vont s’adresser à une femme politicienne, comme si elle était leur conjointe, sont des propos sexistes encore aujourd’hui. Je pense que ça peut empêcher certaines femmes, pas empêcher, mais enlever le goût, ou réduire le goût de s’impliquer. Je trouve ça déplorable.

Le rôle de première importance de l’auto-évaluation de compétences dans la participation des femmes en politique a aussi été confirmé dans les groupes de discussion (Sineau, 2002), les récits-témoignages de politiciennes (Ballington, 2008 ; Kunin, 2008) et la recherche (Lawless et Fox, 2010). À part l’évaluation générale des compétences, les politiciennes réunies en groupes de discussion ont mis l’accent sur la confiance en leurs capacités et l’estime de soi comme facteurs décisifs de leur participation en politique (Beaton et al., 2011). Le témoignage de Thérèse va dans ce sens :

Quant à évaluer leurs compétences, malgré le fait qu’aujourd’hui la plupart des femmes ont fait des études universitaires ou ont des emplois qui comblent une grande partie de leurs aspirations […] quand on leur dit : « on aimerait ça t’avoir dans notre équipe », elles répondent : « Je ne suis pas capable de faire ça moi, voyons, est-ce que j’ai les compétences pour faire ça ? »

Signalons enfin que les politiciennes considèrent la résilience comme un atout pour survivre dans ce milieu. La résilience professionnelle correspond à la capacité de s’adapter à des circonstances de travail précaires, décourageantes ou bouleversantes (London, 1983). Savoir rebondir après des revers est une qualité essentielle pour les femmes qui évoluent dans des professions historiquement dévolues aux hommes (Beaton et McKay, 2007). Pour faire carrière en politique, il faut avoir des ressources intérieures qui permettent de se sortir de situations difficiles et parfois dégradantes. En effet, certains vont même jusqu’à évoquer l’orientation sexuelle de femmes politiques. À preuve le témoignage de Mathilde : « Il était frustré car il était certain de gagner et il m’a dit, de toute façon, t’es lesbienne. Il disait ça à tout le monde. Il voulait se venger. J’étais célibataire, alors il a conclu… ». Pour Sophie, qui a une longue expérience d’élue à différents paliers de gouvernement dans lesquels elle a occupé des postes influents de pouvoir, « [c]’est impossible de vivre la vie politique sans traverser d’épreuves. C’est la manière avec laquelle tu réussis à passer à travers qui va te permettre de continuer. » (Beaton et al., 2011)

Nous postulons ainsi que les femmes qui s’engagent sur la voie de la politique ont le profil suivant : elles ont davantage été socialisées aux rôles non traditionnels et ont intégré plus de caractéristiques « masculines » et moins de descripteurs « féminins » que les autres. Ensuite, et contrairement à leurs collègues moins impliquées, ces femmes perçoivent les pratiques politiques actuelles plus positivement et les effets de la stigmatisation en fonction du sexe comme moins importants. Finalement, les femmes qui s’investissent en politique s’évaluent plus positivement, ont une estime de soi et un niveau de résilience plus élevés que leurs consoeurs moins actives. Du fait qu’elle soit empirique et effectuée auprès de femmes ayant démontré leur intérêt à faire de la politique, cette étude se distingue des précédentes. Les résultats permettront ainsi de faire la lumière sur l’importance des facteurs recensés jusqu’ici pour expliquer l’engagement des femmes en politique.

Méthode

Participantes

Un questionnaire a été acheminé à 244 femmes ayant participé à l’École Femmes et Démocratie (entre 2004 et 2009). Cette école est destinée aux femmes de tous les âges, de tous les horizons politiques, de tous les milieux et de toutes les régions du Québec, engagées politiquement et/ou impliquées dans leur communauté ou encore manifestant le désir d’occuper un poste d’élue à différents paliers de gouvernement. Elle vise le développement des compétences, des connaissances et des habiletés des participantes en vue d’assurer leur leadership et de consolider leur entrée en politique[1].

Un total de 89 femmes ont rempli le questionnaire, ce qui constitue un taux de réponse de 36,5 %. La majorité des femmes sont âgées entre 36 et 55 ans (61,8 %), sont mariées ou ont un conjoint de fait (65,2 %) et ont en moyenne 1,77 enfant. Sur le plan de leur formation scolaire, la majorité a fait des études postsecondaires (82 %). Les 89 participantes ont en moyenne 25,4 années d’ancienneté sur le marché du travail (minimum = 2 ans ; maximum = 50 ans). Finalement, lorsqu’on les interroge sur leurs intentions de se porter candidate à des élections à différents paliers de gouvernement, les scores moyens sont de 1,71 au niveau scolaire, 3,58 au niveau municipal, 2,49 au niveau provincial et 2,00 au niveau fédéral (où 1 correspond à « pas du tout » et 5 à « tout à fait »).

Questionnaire

Le questionnaire regroupait, dans une première section, des énoncés mesurant des facteurs de prédiction de l’engagement des femmes en politique que les chercheurs avaient identifiés, mais pas nécessairement testés empiriquement auprès d’échantillons concernés. La deuxième section du questionnaire a permis de recueillir des données sociodémographiques. Nous présentons, dans les sections subséquentes, les énoncés ayant servi à mesurer les concepts d’intérêt.

Les paragraphes qui suivent expliquent les échelles utilisées pour évaluer les facteurs reliés aux stéréotypes de sexe qui ont été identifiés comme étant importants dans la prédiction de l’engagement des femmes en politique.

Socialisation aux rôles de genre non traditionnels

Quatre énoncés, s’inspirant d’études antérieures sur le sujet (Kunin, 2008 ; Rinfret et al., en préparation), ont été développés afin d’évaluer dans quelle mesure les participantes ont été exposées à des rôles féminins et masculins non traditionnels dans leur cadre familial. À l’aide d’une échelle en cinq points, où 1 correspond à « pas du tout d’accord » et 5 à « tout à fait d’accord », les femmes devaient indiquer leur niveau d’accord avec les énoncés suivants :

  • J’ai eu de bons modèles de rôles féminins non traditionnels dans ma famille.

  • Dans ma famille, j’ai été incitée à foncer.

  • Dans ma famille, j’ai été incitée à m’engager socialement.

  • Dans ma famille, j’ai été incitée à m’engager politiquement.

Un score composite a été calculé à partir de la moyenne des scores à ces quatre énoncés et un score élevé indique une forte socialisation à des rôles non traditionnels. La cohérence interne de cette échelle est adéquate (alpha de Cronbach = 0,74).

Caractéristiques « masculines » et « féminines »

Un total de 17 énoncés, tirés du BEM Sex Role Inventory (Bem, 1974), a permis de mesurer à quel point les femmes se décrivent à l’aide de caractéristiques traditionnellement « masculines » et « féminines ». C’est ainsi que les participantes ont indiqué, sur une échelle en cinq points (s’étalant de 1 « pas du tout » à 5 « tout à fait »), dans quelle mesure les caractéristiques suivantes les décrivaient personnellement : huit énoncés traitaient des caractéristiques « masculines » identifiées par Bem (Leader, Analytique, Personnalité forte, Indépendante, Dominante, Décidée, Compétitive et Ambitieuse) et neuf autres se rapportaient aux caractéristiques « féminines » de Bem (Chaleureuse, Polie, Optimiste, Douce, Sympathique, Compréhensive, Sensible aux autres, Attentionnée et S’exprime doucement). Deux scores composites ont été calculés, soit l’un représentant le score moyen aux énoncés ciblant les caractéristiques « masculines » et l’autre, le score moyen des caractéristiques « féminines ». Plus ces scores sont élevés, plus les femmes se décrivent suivant des caractéristiques « masculines » et « féminines », respectivement. La cohérence interne de ces sous-échelles est de 0,69 et 0,82. Quoique l’alpha de Cronbach soit légèrement bas pour les caractéristiques « masculines », la moyenne des corrélations inter-énoncés (0,21) se situe entre 0,20 et 0,40, indiquant ainsi, tel que soutenu par Stephen R. Briggs et Jonathan M. Cheek (1986), un niveau adéquat d’homogénéité et d’unidimensionnalité des énoncés de l’échelle.

Modèle politique masculin

Une échelle de sept énoncés a été développée à partir d’études antérieures (Kunin 2008 ; Navarro, 2010 ; Beaton et al., 2011). Les participantes ont indiqué dans quelle mesure chacun des énoncés constituait un obstacle à leur implication en politique, sur une échelle de 1 « pas du tout » à 5 « beaucoup » :

  • Le modèle politique actuel est un jeu de bataille et de guerre.

  • Le modèle du « politicien » est masculin. 

  • Le modèle politique au féminin est en construction.

  • Le modèle politique est négatif à l’heure actuelle. 

  • Le modèle politique actuel exige une disponibilité 24/7. 

  • Les médias ont un rôle important sur la réputation des personnes en politique.

  • Le modèle politique est associé à certains profils de carrière tels que notaire, avocat, etc.

La moyenne des sept énoncés a été calculée : un score élevé indique que la participante perçoit le modèle politique actuel comme étant masculin. L’alpha de Cronbach s’élève à 0,81.

Conscience de la stigmatisation

Une échelle de dix énoncés, tirée de l’étude d’Elisabeth C. Pinel (1999), a permis d’évaluer dans quelle mesure les femmes se sentent stigmatisées en politique. Les participantes devaient indiquer leur degré d’accord avec les énoncés suivants (sur une échelle de 1 « pas du tout d’accord » à 5 « tout à fait d’accord ») :

  • Les stéréotypes à l’endroit des femmes ne m’ont pas affectée personnellement*[2].

  • Que mon comportement soit perçu comme typiquement féminin ne m’inquiète pas*.

  • Lorsque j’interagis avec mes collègues, je sens qu’ils interprètent tous mes comportements en fonction du fait que je suis une femme. 

  • La plupart de mes collègues ne jugent pas les femmes différemment des hommes*.

  • Le fait que je suis une femme n’influence pas la façon dont mes collègues me traitent*.

  • Je ne pense presque jamais au fait que je suis une femme lorsque j’interagis avec mes collègues*.

  • Le fait que je suis une femme n’influence pas la façon dont mes collègues agissent avec moi*.

  • La plupart de mes collègues ont des pensées plus sexistes qu’ils n’osent l’exprimer ouvertement.

  • Je crois que mes collègues sont injustement traités de sexistes*.

  • La plupart de mes collègues ont de la difficulté à percevoir les femmes comme étant égales aux hommes*.

Plus le score moyen aux dix énoncés est élevé, plus la participante reconnaît la pertinence et l’ampleur de l’image stéréotypée des femmes dans son milieu. L’alpha de Cronbach de 0,79 témoigne de la bonne cohérence interne de cette échelle.

Privation relative collective

Une échelle de six énoncés a été développée afin de mesurer à quel point les participantes estiment que les femmes en politique sont désavantagées par rapport aux hommes. Ces énoncés ont été inspirés des travaux de Francine Tougas et ses collaboratrices (2005) et adaptés afin de refléter la situation des femmes dans le milieu politique (Rinfret et al., en préparation). Les participantes ont indiqué leur niveau d’accord, variant de 1 « pas du tout d’accord » à 5 « tout à fait d’accord », avec chacun des énoncés. Les cinq premiers ont permis de mesurer la composante cognitive de la privation relative, c’est-à-dire la perception d’une situation désavantageuse par rapport aux hommes :

  • Dans notre société, on attribue moins de pouvoir aux femmes qu’aux hommes politiques.

  • Les femmes en politique doivent faire plus que leurs collègues masculins pour répondre aux attentes de la population. 

  • Les citoyens sont plus sévères envers les femmes qu’envers les hommes en politique. 

  • Les médias sont plus sévères envers les femmes qu’envers les hommes. 

  • Les réseaux de femmes en politique ont moins d’influence que ceux des hommes. 

  • La composante affective, soit l’insatisfaction résultant de la comparaison désavantageuse, a été mesurée à l’aide de l’énoncé suivant :

  • À quel point êtes-vous satisfaite de la situation globale des femmes en politique* ?

Les énoncés ont été regroupés pour former un score composite (en calculant la moyenne des scores aux six énoncés). Un score élevé correspond à un niveau élevé de privation relative par rapport aux hommes. La cohérence interne pour cette échelle est tout à fait acceptable (α = 0,84).

Auto-évaluation des compétences

Les participantes ont été invitées à s’auto-évaluer en indiquant, sur une échelle de 1 « pas du tout » à 5 « beaucoup », leur niveau de maîtrise de certaines compétences intellectuelles, personnelles, relationnelles et politiques (Rinfret et Leclère, 1999). Les paragraphes qui suivent se réfèrent aux échelles mesurant l’auto-évaluation des compétences. Pour chaque type de compétence, un score composite a été formé en calculant la moyenne des énoncés correspondants : plus le score composite est élevé, plus la participante s’auto-évalue positivement.

Compétences intellectuelles

Les participantes ont indiqué leur niveau de maîtrise des compétences intellectuelles suivantes :

  • Jugement et objectivité : faire preuve de jugement et de bon sens dans l’appréciation de la réalité.

  • Rigueur intellectuelle : posséder une capacité d’analyse et de synthèse.

  • Expériences et compétences diversifiées : privilégier une approche généraliste des situations plutôt qu’une approche de spécialiste.

La cohérence interne (α = 0,54) est inférieure au seuil recommandé, ce qui n’est pas surprenant si l’on considère le nombre peu élevé d’énoncés composant la sous-échelle. Toutefois, la moyenne des corrélations inter-énoncés (0,28) se situe dans l’écart recommandé (Briggs et Cheek, 1986).

Compétences personnelles

De la même façon, les participantes ont indiqué leur niveau de maîtrise des compétences personnelles suivantes :

  • Confiance en soi : faire la distinction entre ses actions et sa personne, et tolérer l’imperfection et les échecs.

  • Engagement, énergie et ténacité : être motivée, dynamique, fonceuse, déterminée, stimulée par les défis, organisée, efficace, travailleuse acharnée.

Quoique l’alpha de Cronbach soit légèrement bas (α = 0,63), la corrélation entre les scores à ces deux énoncés (r = 0,48) indique qu’ils mesurent des aspects similaires des compétences.

Compétences relationnelles

Similairement, trois énoncés ont tenu compte des compétences relationnelles. Les participantes ont indiqué leur niveau de maîtrise par rapport aux compétences suivantes :

  • Leadership et travail en équipe : susciter l’adhésion à un projet et influencer ses interlocuteurs.

  • Écoute et sensibilité à autrui : aimer le contact humain, être disponible aux autres, avoir le souci du bien commun.

  • Communication : écrite, orale et avec les médias.

Encore une fois, le nombre peu élevé d’énoncés a contribué à un alpha de Cronbach sous le seuil recommandé (α = 0,55) (Briggs et Cheek, 1986), toutefois, la moyenne des corrélations inter-énoncés (0,29) est optimale.

Compétences politiques

Les compétences politiques ont été auto-évaluées suivant une série de quatre énoncés :

  • Conciliation des espaces privé et public : garder le contrôle sur son temps privé.

  • Réseau, alliances : chercher les appuis, choisir ses alliés, décoder le réseau des relations formelles et informelles et apprendre les règles du jeu politique et les utiliser.

  • Planification, décision et action : décider et engager les actions sans contrôler la totalité du processus ; aptitude à anticiper les impacts et les implications des décisions ; négocier des solutions intermédiaires ; tirer parti de chaque marge de manoeuvre.

  • Vie publique et médias : apprendre à utiliser les médias.

Dans ce cas-ci, la cohérence interne s’élève à 0,67 et la moyenne des corrélations inter-énoncés à 0,34.

Estime de soi

Le niveau d’estime de soi des participantes a été mesuré à l’aide d’une adaptation de la version française de la Rosenberg Self-esteem Scale (Vallières et Vallerand, 1990). Les participantes ont répondu, sur une échelle de 1 « pas du tout » à 5 « tout à fait », à dix énoncés tels que :

  • J’ai l’impression d’être une personne de valeur, à tout le moins de valeur égale aux autres.

  • Je crois que je possède un certain nombre de bonnes qualités. 

  • À certains moments, je pense que je ne vaux rien*.

Une moyenne élevée pour les dix énoncés indique que la participante a une estime de soi élevée et s’évalue généralement de façon positive. Dans ce cas-ci, l’alpha de Cronbach s’élève à 0,85.

Résilience

Une série de sept énoncés, tirée des travaux de James T. Neill et Katica L. Dias (2001), a permis de tenir compte du niveau de résilience des participantes. Ces dernières ont été appelées à indiquer leur niveau d’accord (sur une échelle de 1 « pas du tout d’accord » à 5 « tout à fait d’accord ») avec les énoncés suivants :

  • Je suis fière de mes réalisations.

  • Je suis déterminée ;  Je suis disciplinée. 

  • Je peux habituellement trouver quelque chose qui me fait rire.

  • Quand je me trouve dans une situation difficile, je peux habituellement trouver une façon de m’en sortir.

  • J’ai assez d’énergie pour faire ce que je dois faire.

  • Lorsque je fais des plans, je les concrétise. 

La cohérence interne de cette échelle est acceptable (α = 0,80).

Analyses

Une analyse discriminante directe a été effectuée à l’aide du logiciel PASW Statistics 18.0 afin de comparer les réponses des participantes selon leur niveau d’engagement. Les participantes ont été classées comme ayant un niveau d’engagement soit « élevé », soit « moindre ». Étant donné que les participantes à l’École Femmes et Démocratie ont l’intention de briguer un poste électif à court ou moyen terme, il nous était impossible de les distinguer selon leur engagement politique actuel. Nous les avons plutôt classées dans l’un ou l’autre des groupes selon leur réponse à la question « À quel point vous êtes-vous engagée socialement dans les dernières années ? », à la suite de Laurel Elder (2004) qui a identifié cette variable comme un déterminant de l’engagement politique. Ainsi, les participantes ayant choisi la réponse « beaucoup » à cette question ont été classées dans le groupe « engagement élevé » ; les participantes ayant répondu « assez », « moyennement », « peu » ou « pas du tout » ont été classées dans le groupe « engagement moindre ». De plus, afin de justifier leur choix de réponse, nous leur demandions de préciser les types d’engagement qu’elles avaient privilégiés au cours des dernières années. Ceux-ci pouvaient prendre la forme de participation à quelques ou plusieurs comités, partis politiques, associations étudiantes, professionnelles, syndicales, conseils d’administration, activités bénévoles, etc.

Au total, 12 variables servent à prédire le niveau d’engagement des participantes (élevé ou moindre) : la socialisation aux rôles de genre non traditionnels, les caractéristiques « masculines » et « féminines » (du BEM Sex Role Inventory), le modèle politique, la conscience de la stigmatisation, la privation relative collective, l’auto-évaluation des compétences intellectuelles, personnelles, relationnelles et politiques, l’estime de soi, de même que la résilience.

Résultats

Des 89 participantes ayant répondu au questionnaire, 9 ont dû être exclues de l’analyse discriminante en raison de données manquantes. Puisqu’aucun score extrême n’a été observé au sein de l’échantillon, ce sont donc les 80 participantes restantes (51 ayant un niveau d’engagement élevé et 29 ayant un niveau d’engagement moindre) qui ont servi pour l’analyse.

L’analyse a fait ressortir une fonction discriminante significative (p < 0,01) permettant de différencier les participantes engagées de celles qui le sont moins (racine latente = 0,47 ; corrélation canonique = 0,57 ; lambda de Wilks = 0,68).

Tableau 1

Moyennes, écarts-type et résultats des analyses de la variance (ANOVA)

Moyennes, écarts-type et résultats des analyses de la variance (ANOVA)

†p = 0,08 ; *p < 0,05 ; **p < 0,01 ; ***p < 0,001

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Tableau 2

Matrice de structure de l’analyse discriminante

Matrice de structure de l’analyse discriminante

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Le tableau 1 affiche les moyennes, les écarts-types et les résultats des analyses de la variance (ANOVA) pour chacun des prédicteurs. La matrice de structure (présentée au tableau 2) contient les coefficients de corrélation entre chaque prédicteur et la fonction discriminante. Comme le suggèrent Barbara G. Tabachnick et Linda S. Fidell (2007), nous n’interprétons que les prédicteurs affichant une corrélation d’au moins 0,33 (correspondant à 10 % de la variance). L’analyse discriminante révèle que l’auto-évaluation des compétences relationnelles, la résilience, les caractéristiques « masculines », l’auto-évaluation des compétences politiques, la conscience de la stigmatisation et l’auto-évaluation des compétences personnelles contribuent de façon importante à la différenciation entre les deux groupes. Tel que nous l’avions postulé au départ, les femmes ayant un niveau d’engagement élevé évaluent leurs compétences relationnelles, politiques et personnelles de façon plus positive que les participantes moins engagées ; elles sont également plus résilientes, se décrivent davantage par le biais de caractéristiques « masculines » et rapportent être moins conscientes de la stigmatisation que leurs collègues moins engagées.

L’évaluation des différences entre les groupes présentée au tableau 1 révèle également que les participantes se distinguent marginalement selon deux autres variables. En effet, les participantes ayant un niveau d’engagement élevé, comparativement aux autres, ont une estime de soi et une socialisation aux rôles de genre non traditionnels marginalement plus élevées. Ces tendances vont dans la direction de nos hypothèses.

L’analyse de classement, en utilisant les proportions a priori, révèle que la fonction discriminante permet de classer correctement 78,8 % des participantes. Cependant, la fonction discriminante classe les participantes engagées avec plus d’exactitude que les moins engagées (88,2 % comparativement à 62,1 %, respectivement).

Discussion

Cette étude a permis d’évaluer des facteurs expliquant l’engagement des femmes en politique. C’est à partir d’une recension d’études quantitatives et qualitatives que les principaux facteurs de prédiction de leur engagement ont été identifiés, retenus et mis à l’épreuve. La recension a fait ressortir deux grandes catégories de facteurs, ceux liés aux stéréotypes féminins et ceux se rapportant à l’auto-évaluation des compétences. Nous allons maintenant traiter des résultats obtenus en les comparant aux études antérieures menées par d’autres chercheurs. Nous mettrons par ailleurs en lumière la contribution de cette étude. De plus, notre réflexion portera sur les orientations à prendre pour faire avancer les connaissances et, ce faisant, faciliter la participation des femmes à la vie politique. L’exclusion partielle de la moitié de la population est incompatible avec le concept de démocratie.

Nous avions émis le postulat que les femmes qui ont un niveau d’engagement élevé comparativement aux autres ont davantage été socialisées aux rôles non traditionnels et ont intégré plus de caractéristiques « masculines » que « féminines ». Nos résultats révèlent que le niveau d’engagement des participantes est associé aux caractéristiques « masculines ». Plus précisément, et comme certaines études l’avaient démontré (Elder, 2004 ; Fox et Lawless, 2005 ; Paxton et al., 2007 ; Lawless, 2010), les femmes rapportant un niveau d’engagement élevé plutôt que moindre se décrivent conformément aux caractéristiques typiquement associées aux hommes (par ex. : leadership, analytique, personnalité forte). Ce résultat est conforme à la recension des écrits scientifiques qui indique qu’une candidature à un poste nécessitant du leadership sera évaluée plus favorablement si la candidate manifeste des caractéristiques « masculines » (voir Heilman et Haynes, 2008) et que les femmes qui démontrent des valeurs considérées comme non traditionnelles sont plus susceptibles de se présenter à un poste politique (Fox et Lawless, 2010). Ainsi, l’adhésion aux caractéristiques « masculines » pourrait favoriser l’inclusion des femmes dans la sphère politique (Trimble et Arscott, 2003 ; Newman et White, 2006 ; Ryan et al., 2010). Nos résultats montrent également que les femmes politiquement engagées minimisent la stigmatisation de leur sexe, vraisemblablement pour favoriser leur intégration.

En revanche, et contrairement à nos postulats de départ, les participantes engagées ne se distinguent pas des autres sur l’ensemble des caractéristiques « féminines ». On peut penser que ces caractéristiques ne leur nuisent pas, mais ne les aident pas non plus. Ainsi, la démonstration de caractéristiques « masculines » constituerait un facteur favorisant l’engagement en politique des femmes, mais les caractéristiques « féminines » ne les freineraient pas. Il ne faudrait pas conclure que la femme en politique est une sorte d’androgyne ou de clone masculin, qui ne présente aucune caractéristique « féminine ». À l’instar de Pascale Navarro (2010), nos résultats illustrent plutôt que les règles tacites et explicites du modèle politique actuel gagneraient à être modifiées pour permettre à la moitié de la population que constituent les femmes de prendre part à la vie politique en tenant compte de leurs caractéristiques propres, tant « féminines » que « masculines ».

Aussi, à l’inverse des hypothèses émises à partir de la recension, les femmes ayant participé à notre étude ne ressentent pas de sentiment de privation relative collective (Tougas et al., 2005) et ne perçoivent pas le modèle politique actuel comme exclusivement masculin (Kunin, 2008 ; Navarro, 2010 ; Beaton et al., 2011). Les femmes qui s’engagent en politique projettent le discours suivant : j’ai ce qu’il faut pour connaître le succès (caractéristiques « masculines ») et ce n’est pas mon sexe qui détermine l’évaluation et le traitement que je reçois (conscience de la stigmatisation). Cette divergence par rapport à certaines études recensées (Galligan et Clavero, 2008 ; Carroll et Fox, 2010 ; Lawless et Fox, 2010) pourrait s’expliquer par le fait que les participantes ont été exposées à des modèles féminins positifs puisqu’elles ont choisi de s’inscrire à une école offrant une formation en politique consacrée aux femmes.

Il serait également faux de conclure rapidement que les femmes qui s’engagent en politique se plient nécessairement aux exigences d’un système patriarcal. Comme nos résultats le démontrent, certaines dimensions de l’image féminine font partie de ce qui distingue les femmes qui s’engagent de celles qui ne le font pas. En effet, notre étude démontre que les participantes qui s’engagent évaluent plus positivement leurs compétences relationnelles (c’est-à-dire l’écoute, la sensibilité à autrui, etc.) que les autres.

Enfin, comme certaines femmes l’avaient exprimé lors de groupes de discussion (Beaton et al., 2011), nos résultats ont montré que les femmes qui s’engagent en politique, comparativement aux autres, se distinguent par rapport à la façon dont elles font face à l’adversité. En effet, celles qui cheminent dans la sphère politique démontrent des caractéristiques de résilience, ont une image positive d’elles-mêmes et de leurs compétences personnelles (par exemple la confiance en soi et la ténacité), ce qui confirme les résultats de Donata Francescato et ses collègues (2008), qui ont montré que les politiciennes qui font face à la discrimination puisent dans leur sentiment d’auto-efficacité pour arriver à surmonter des situations dégradantes. Notons que cette résilience et ces compétences personnelles sont des atouts qui peuvent à court terme permettre aux femmes de cheminer dans la sphère politique. Cependant, à long terme, cette course d’endurance peut les amener à se désengager, voire se détourner de la politique. Dans cet ordre d’idées, soulignons que les femmes sont plus enclines à se retirer tôt de la politique que les hommes (Lawless et Theriault, 2011). Pour illustrer, une participante mentionne qu’elle a démissionné après quelques mois car elle se sentait isolée dans son équipe, ajoutant avoir manqué de reconnaissance. Ce phénomène a des conséquences importantes du fait que les femmes quittent avant d’obtenir un poste de pouvoir au sein des partis politiques et des différents paliers de gouvernement. Tout compte fait, si la résilience est essentielle, elle ne pallie pas l’épuisement d’une lutte sans relâche dans un milieu hostile où les comportements stéréotypés et le traitement différentiel sur la base du sexe font loi.

L’implication politique est un choix personnel et individuel. Toutefois, dans l’état actuel des choses, ce choix est limité par des pratiques d’exclusion et de dénigrement des femmes. Cette étude donne des pistes à explorer pour que ce choix puisse s’exercer dans un contexte équitable. Cela implique des modifications dans les structures politiques, notamment dans les règles internes des partis politiques, afin d’augmenter la députation féminine (Tremblay, 2010) et aussi dans les règles qui régissent leur fonctionnement (Bird, 2005). Selon les résultats des études menées par Lori Beaman et ses collaborateurs (2009), en favorisant l’accès des femmes à des postes politiques, les partis contribuent à transformer la perception à l’égard des femmes en politique, à faire tomber les stéréotypes et à renforcer leur image de leaders. Ainsi, il serait intéressant d’examiner l’impact de la féminisation relative de la politique sur les perceptions et les croyances à l’endroit des politiciennes. L’augmentation de leur nombre finira-t-elle par les légitimer ?