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À l’orée

La soif ranime à l’avant

L’intense présence, tient à distance

Les amas rejetés par l’élan de la vie.

S’éveillent les prunelles

Semblables à des feux de forge.

L’espérance retrouve son appui

Sur les lumières qui descendent des astres,

Qui s’élèvent des mots, des herbes,

Des arcs sonores de tant d’oiseaux.

Rien alors de ce que le désir porte en soi

Ne se retire dans l’oubli.

Trop de fortes images irradient

À l’orée du coeur,

À l’ombre des piliers

Étroitement reliés à l’être.

Ancrages

Sans une ardeur immodérée,

Le langage ne se transfigure en lumières

Du lointain là-bas.

Le désir s’amollit, les mots dépérissent

L’imprévu ténébreux s’impose

Faute d’ancrages dans l’immémorial,

Dans l’espace de l’espérance.

Le chant de l’être s’insurge

Dès qu’il perd de vue, de son,

L’émerveillement de la floraison

Mouvante qui traverse un temps

Insaisissable.

Apothéose

Après les intervalles d’aveuglement,

Le pressentiment d’une alliance

À venir, plus tard après le temps du passage.

À lumière invisible,

Déjà le verbe, dégagé des plaintes,

S’expose en parcourant l’illisible

Immensément ceint d’une aube montante.

Et travaillent les mots,

Pavoisent ce qui en hauteur

Émane de déchiffrable,

Lorsque le soleil et les oiseaux

Ont traversé l’azur. Survivant

Tout signe peut présager l’apothéose

D’une vie qui atteint à sa plénitude.

Château

Distiller le bleu, l’or

Qui parfois tombent à verse sur l’âme,

Avant que bientôt, dans une année peut-être,

Je n’aie plus de corps,

Ni de château à souvenirs,

Que je sois inapte à ciseler

Des mots, à éloigner le chant

De sa déchéance.

La mort est bien vaste

Qui veille sur l’esprit, le soupèse,

Mesure son degré de maîtrise

Des angoisses, de l’espoir.

Contour

Des choeurs de lumières

Scandent le paysage.

Le matin demeure intact.

Une autre fois, un autre jour,

Porte midi à la cime.

Marche dès lors s’il le faut

Parmi les orties,

Même sans jubilation, avec des gestes

Qui entaillent tes heures.

Garde ta vision à la hauteur du désir.

Bientôt tu seras léger, si loin,

En empruntant le contour de l’horizon,

Avec des mots pleins d’oiseaux perchés,

De corolles chantantes.

Dehors

L’étrange issu

Du fabuleux silence,

Sans noeuds, sans torsions,

Allant sur le sol cahoteux,

S’agrandissant,

De l’écriture qui émerge,

Proportionnée au désir,

Au dehors qui se laisse capter.

Les lieux se mettent à scintiller.

Les oiseaux déferlent par tribus

Sur les faîtes des feuillages.

Les passages s’ouvrent

En repoussant le noir, débouchant

Sur le magnifique revers

Des vocables.

Éclats

Prends le relais des ondes lumineuses

Du commencement des étoiles,

Des mouvements de la terre,

En dépit de l’éphémère, de l’ennui

Qui survivent en perdant

Le chant puissant de la durée,

Et de l’étrange effroi de l’âme

Contournée par la mort.

Garde l’esprit plein des bruissements

Qui montent des arbres,

Laisse la lenteur de la mer

Te traverser le souffle.

Ainsi, les éclats de l’azur

Renouvellent leurs noces

Avec le regard qui provient

Du coeur émerveillé.

Étape

Le diseur s’en fut

Avec l’intuition de pierres, de lumières

Imprononçables, par les mots mêmes

Les mieux ouvragés.

Il avait dû suivre des sentiers de glace

Que seules les étoiles savaient déceler.

Mais la langue ne parvenait à briser la mort

En rompant des glaçons purs.

L’horizon noir déroulait son infini…

Or pourtant le voyageur jamais

Ne chantait à vide.

L’étape de l’insondable était pressentie

À chaque pas, à chaque son

Des mots qui s’envolaient.

L’extrême

Parfois tinte mon ombre,

Solitaire à l’arrière,

Harcelée par les âges.

Tout le désir pourtant se tient à vif,

Toujours prêt à traverser

Le plein du soleil,

À effleurer comme l’oiseau

Le bord sans fin du bleu.

L’extrême à chaque jour

Demeure insondable.

Je n’ai plus assez de temps

Pour l’apprivoiser.

Le commencement de la mort s’impose

Sur l’épaule avec des mouvements lourds,

Même si je rassemble mes voix, mes appels,

Pour mieux relayer ma louange.

Lignée

Je te ravirai à nouveau

En haut où le soleil

Se propose dans sa plénitude.

L’obscurité au creux du vallon

N’est guère favorable

À l’émerveillement,

Au renversement.

Les états d’amour

Ont leur lignée pure,

Jusqu’à ce que le coeur

Sombre dans l’angoisse,

Ou bien que le chant décline

De pesanteur,

Ou que le souffle se reconcentre

Dans l’azur.

Par les cols

Une solitude corrosive,

Loin du domaine entrevu,

Au fond d’une crevasse,

Sans ailes.

La vraie traversée par les cols

Paraît interminable,

Brouillée de bas bavardages,

Dans l’étroitesse.

L’absolu s’estompe.

Et pourtant Il sera bien présent

Au sommet vif d’une montagne

Encore inaperçue,

Non dévoilée par le chant,

Ni saisie par le désir.

Pétrarque

Poésie, poésie

Que rien n’entrave,

Grand oiseau survivant

Au-dessus des eaux, des continents,

Volant, planant sur les méridiens,

Bleu cortège traçant son avancée

Le long du levant. Vers l’Être.

Ainsi Pétrarque dense de mots mûris,

Secouant ses siècles,

Se redressant étincelant dans le présent

Par la bouche d’un Mandelstam

Si près de la poussière.

Pression

Repère les étreintes du soleil

Pour mieux distinguer, mesurer

Les lieux enluminés

Vers lesquels à nouveau tu dois tendre.

Chaque jour l’illimité rétrécit,

Risque de se fermer à l’âme.

Ou de se dévider comme un matin

Qui perd le souffle

Sous la pression des morts à venir.

La défaillance du coeur

Succède à l’emballement.

Le regard n’invente plus de merveilles

Tant désirées depuis ta naissance.

Un ciel de pierre, trop souvent,

Recouvre les heures.

Quête

Sous la voûte de l’attente,

Le poète, à l’abri de l’extase,

Quadrille les lieux

Jusqu’au fond de leur ombre, toujours

En quête de poèmes imprégnés d’azur,

Ou du silence, de la grâce

Qui a illuminé le tombeau.

À l’écart de la disgrâce,

L’errant fait chemin avec des mots

Qui longuement ont baigné

Dans le matin déclos,

Et s’enivre de sa seule lumière.

Ainsi s’élèvent les psaumes

Loin depuis les cimes.

Revers

Sans répit, l’effort dans les hauteurs

Des ailes qui échappent à la dérive,

L’étrangeté du ciel

Au seuil de l’impénétrable.

Ici-bas, le sacrifice des roses,

L’exacerbation de ce qui cède à l’étroitesse,

Se perd dans les plis des choses,

Et les tremblements du coeur frôlant le désastre,

Et l’afflux des images ténébreuses

Qui malmènent l’envol de l’âme,

Alors que les instants, à ras de sol,

Suscitent des mouvements maléfiques.

Se perpétue, mais si lointain,

Le travail de l’oiseau sous la tonnelle

Sans cesse réinventée,

Le revers de la parole

Qui forme le poème, se protège

Des rafales, des babillages.

Septembre

Venir de septembre,

Neuf, entier, vagissant,

Émergeant des abysses, au moment

Princier des érables à la hauteur

De couleurs mûrissantes.

Il n’y avait aucun rempart

Contre l’azur, ni de contrainte

Pour les sons des lumières.

Le devenir demeurait insondable,

Secrètes les semences germant dans les jours.

Le chant né des naissances viendrait

Plus tard, après avoir surmonté

La dureté des pierres déposées dans le matin,

Après le travail de l’amour, des cauchemars

Rythmant la nuit, composant des roses noires.