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Cet ouvrage collectif est coordonné par le mouvement inter-régional des associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap), qui développent des circuits de commercialisation directe entre producteurs agricoles et consommateurs (autour de 1 600 groupes, soit 50 000 familles en 2012). Il présente (ce n’est pas explicite) un ensemble de contributions dans le cadre du projet « Des financements solidaires pour une agriculture alternative ». Même si d’aucuns trouveront certaines d’entre elles utopiques, jugeront le style trop onirique, s’irriteront de la lecture parfois trop unilatérale de la « domination par le crédit » ou regretteront l’insuffisance de données techniques ou financières sur certains sujets, ce livre vaut le détour pour qui s’intéresse aux questions de financement alternatif, en particulier agricole et rural. Du point de vue éditorial, on regrettera la répétition entre textes et encadrés.

L’ouvrage permet d’appréhender une réalité largement méconnue et s’ouvre aux témoignages d’un ensemble d’acteurs et d’expériences trop souvent marginalisés des espaces de réflexion institutionnelle autour de ces questions.

Exclusion financière

Le fil rouge est développé autour de l’accès au financement des projets agricoles et ruraux non reconnus et encadrés par la profession agricole et leurs partenaires publics. Comme le rappelle André Neveu (p. 45), chaque année les pouvoirs publics accordent des aides à 5 000 exploitations agricoles jugées rentables, alors que 10 000 autres ne reçoivent aucune aide. Cette situation d’exclusion financière, qui devrait interpeller les responsables institutionnels, renforce la tendance à une « agriculture considérée comme compétitive, mais à faible valeur ajoutée, destructrice d’emplois et bien peu respectueuse de l’environnement ». En outre, certains modes de production semblent systématiquement marginalisés, comme le rappelle l’expérience de la Nef à propos de l’agriculture biologique (Victor Grange, p. 138).

Les contributions sont organisées en trois parties. La première présente des éléments de contexte (articulation entre politique d’aides et politique agricole, historique des évolutions du financement agricole bancaire, situation du surendettement au niveau des agriculteurs – à partir de l’action remarquable, mais méconnue de Solidarité paysans –, le « concept » de la finance solidaire). La deuxième esquisse différents aspects du diagnostic (l’intérêt de l’accompagnement, les besoins de financement au niveau d’une ferme – notamment de l’installation –, le rôle des collectivités territoriales et des acteurs de la finance solidaire comme la Nef, l’investissement agricole et les garanties solidaires). La troisième rend compte d’innovations et d’expérimentations en cours (la finance participative, ou crowfunding, même si l’ambiguïté entre prêts et dons demeure, l’acquisition de foncier par Terre de Liens, l’expérience des Cigales et des cagnottes solidaires). Elle est complétée par un ensemble de témoignages directs d’expériences ou de porteurs de projet.

Une nécessaire approche globale

Sans revenir sur le débat ouvert et nécessaire concernant le futur de notre agriculture, l’ensemble présenté rend bien compte du « double échec » du financement agricole et rural constaté par ailleurs. Face aux rigidités des formes administrées « par le haut », les mécanismes basés uniquement sur l’offre de marché induisent de nouveaux déséquilibres, entre surendettement d’un côté et exclusion bancaire de l’autre. Une approche globale se révèle incontournable et doit prendre en compte la pluralité des modes de production. En matière d’organisation des circuits financiers, elle doit combiner l’approche locale proposée par Léo Coutellec (p. 156) à d’autres niveaux (qu’il s’agisse du cadre d’exercice de la finance solidaire ou des politiques de soutien agricole à l’échelle nationale et européenne).

Quelques idées et autres exemples à relever : le « financement de l’installation progressive » (Anne Hugues, p. 36) et la combinaison de différentes sources de financement (Joseph Le Blanc, coopérative de Terra-coopa, et Maxime Pichage, Adear, p. 59), que l’on retrouve également dans le cas présenté par Astrid Bouchalor sur le problème de garantie (p. 151).