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1. Introduction et problématique

La qualité des services d’accueil et d’éducation des jeunes enfants constitue une des problématiques grandissantes sur la scène internationale. Cette notion de qualité, qui a d’abord envahi dans les années 1930 le domaine de l’industrie, s’est étendue aujourd’hui à travers le monde dans le secteur des services. Présente dans la recherche en sciences de l’éducation et en psychologie du développement depuis les années 1980, la qualité éducative des structures d’accueil de la petite enfance constitue un enjeu majeur sur le plan social et économique (Organisation de coopération et de développement économique, 2006). Cette notion de qualité est le centre d’intérêt d’institutions internationales telles que l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), mais également des politiques gouvernementales d’États qui encouragent la recherche sur ce sujet. On constate l’intérêt pour la qualité au travers d’études de grande envergure comme Grandir en qualité (Drouin, Bigras, Fournier, Desrosiers et Bernard, 2004) et La qualité, ça compte ! (Japel, Tremblay et Côté, 2005), ou encore par la mise en oeuvre de programmes tels que Head start et le High/Scope Perry school project, basés sur la promotion et l’investissement dans la qualité éducative dès la toute petite enfance (Lalonde-Graton, 2010). La volonté actuelle des gouvernements est de promouvoir la qualité très précocement dans le but de diminuer les inégalités sociales car, on le sait, elle a un impact sur le développement de l’enfant.

1.1 Les enjeux de la qualité de l’accueil pour le développement de l’enfant

L’hypothèse d’une influence de la qualité sur le développement de l’enfant est apparue au travers des recherches sur les conséquences d’un mode de garde non parental. L’idée qui a émergé de ces recherches est que l’enfant répond différemment en fonction de la qualité des soins reçus (Phillips, McCartney et Scarr, 1987 ; Vandell, Henderson et Wilson, 1988). En effet, les études portant sur l’impact de la qualité du mode de garde ont mis en évidence l’influence des caractéristiques de l’accueil sur le développement de l’enfant (Bigras, Pomerleau et Malcuit, 2008 ; Japel et al., 2005). La qualité de l’accueil a une influence sur le développement socioémotionnel (Love, Harrison, Sagi, van IJzendoorn et Ross, 2003 ; Phillips, McCartney, et Scarr, 1987. Elle a aussi une influence sur le développement cognitif de l’enfant (Aboud, 2006 ; Anderson, Shinn, Fullilove, Scrimshaw, Fielding, Normand et Carande-Kuli, 2003 ; Burchinal, Peisner-Feinberg, Bryant et Clifford, 2000 ; Burchinal, Roberts, Riggins, Zeisel, Neebe et Bryant, 2000 ; Scarr et Eisenberg, 1993 ; Vandell, Henderson et Wilson, 1988). La qualité de l’accueil est généralement associée à moins de problèmes de comportement, de meilleures performances langagières et une meilleure préparation à l’école (National institute of child health and human development, 1994). En fait, la qualité est fortement corrélée avec les caractéristiques des stimulations cognitives et la sensibilité du caregiving (National institute of child health and human development, 2006). Plus précisément, elle aurait un effet différencié sur le développement, notamment en ce qui concerne la dimension des interactions professionnel-enfant. La qualité de ces interactions dans son aspect relationnel aurait un impact exclusivement sur le développement socioémotionnel de l’enfant tandis que l’aspect éducatif influencerait principalement son développement cognitif (Mashburn, Pianta, Hamre, Downer, Barbarin, Bryant et Howes, 2008 ; Peisner-Feinberg, Burchinal, Clifford, Culkin, Howes, Kagan et Yazejian, 2001). Cette influence est d’autant plus importante à considérer qu’elle aurait des conséquences à long terme sur les compétences de l’enfant, pouvant perdurer jusqu’aux premières années scolaires (Peisner-Feinberg et al., 2001).

Au vu des influences de la qualité de l’accueil extrafamilial des très jeunes enfants sur leur développement, nous constatons l’importance de se pencher plus spécifiquement sur la notion de qualité.

1.2 La promotion de la qualité : l’élaboration d’une définition

La promotion de la qualité de l’accueil apparaît sans conteste comme un enjeu considérable pour la société. Au travers de ses influences sur le développement des enfants accueillis en milieu extrafamilial, son impact pour les sociétés est pluriel et concerne à la fois le domaine social et économique. Sa promotion passe par une définition claire et précise de ce qui constitue la qualité éducative. L’utilisation de ce terme, aujourd’hui courant à l’échelle mondiale et accepté dans le secteur des services aux personnes, rend sa définition indispensable pour s’assurer que l’ensemble des dimensions qui constituent la qualité de l’accueil soit clairement établi pour tous. Pour cela, il semble nécessaire de questionner la nature même du concept de qualité (Sheridan, 2009).

L’objectif poursuivi ici est, d’une part, d’exposer les spécificités du concept de qualité au regard des éléments de la littérature et, d’autre part, de rendre compte de certaines précautions à prendre lors de l’étude de la qualité des services d’accueil de la petite enfance concernant notamment la généralisation possible des résultats. Pour cela, nous proposons, premièrement, de mettre en lumière les différentes conceptions sous-tendant la définition de la qualité ; deuxièmement, l’analyse de l’évolution historique des spécificités du contexte culturel, socio-économique et politique français, mise en évidence par l’étude documentaire, permet de discuter la pertinence d’envisager une conception de la qualité comme un concept contextuel et évolutif, incluant des dimensions universelles.

2. Contexte théorique

Il existe à l’échelle internationale de nombreuses études portant sur la qualité de l’accueil dans les services de la petite enfance (pour une recension des études sur la qualité de l’accueil, voir Bigras et Lemay, 2012) dont l’analyse met en évidence les propriétés du concept de qualité.

2.1 La qualité de l’accueil : un concept multifactoriel et dynamique

Dans le cadre théorique de l’enquête Grandir en qualité (Drouin et al., 2004), les auteurs passent en revue les principaux travaux menés sur la qualité de l’accueil de la petite enfance. Ces auteurs mettent en lumière la possibilité de regrouper les études portant sur la qualité selon les types de facteurs considérés pour la définir. On constate alors que la qualité est envisagée soit de façon globale soit de façon spécifique, c’est-à-dire par l’étude de facteurs dits structuraux et d’autres, dits dynamiques (Zaouche Gaudron, 2010).

2.1.1 Une approche de la qualité de façon globale

Ce type d’étude vise à déterminer le lien entre le niveau de qualité des structures d’accueil et le développement des enfants. Les auteurs utilisent des outils tels que la Early childhood environment rating scale (Harms et Clifford, 1980) et la Infant toddler environment rating scale (Harms, Cryer et Clifford, 1990) pour évaluer la qualité globale des structures d’accueil (Mashburn et al., 2008 ; Peisner-Feinberg et al., 2001 ; Phillips et al., 1987). Ces échelles d’évaluation prennent en considération des dimensions telles que : le mobilier et l’aménagement, les soins, l’utilisation du langage, les activités, les interactions, la structure du service et la relation parents-professionnels. Toutefois, la Early childhood environment rating scale etl’Infant toddler environment rating scale ne constituent pas les seules échelles d’observation de la qualité de l’accueil en service de la petite enfance : la High/Scope program quality assessment et les outils développés dans le cadre de l’étude Grandir enQualité constituent d’autres échelles de mesure. La diversité des outils d’évaluation nous permet de constater un manque de consensus dans la conception des dimensions de la qualité de l’accueil lorsque celle-ci est évaluée de façon globale. Cela traduit une difficulté à circonscrire la qualité, notamment en raison du caractère multifactoriel de ce concept et de la diversité des objectifs visés par la promotion de la qualité des services de garde préscolaires.

2.1.2 Une approche de la qualité par des indicateurs spécifiques

Lorsqu’elle est appréhendée de manière spécifique, l’étude de l’impact de la qualité sur le développement de l’enfant peut être réalisée en considérant des critères structuraux. Ces critères correspondent notamment à la formation des professionnels (Arnett, 1989 ; Burchinal, Cryer, Clifford et Howes, C. 2002), au ratio (Harms et al., 1990 ; National institute of child health and human development, 2000 ; Phillips et al., 1987), à la taille des groupes (Scarr, Eisenberg et Deater-Deckard, 1994) ou encore à la stabilité dans l’emploi des professionnels (Palacio-Quintin et Coderre, 1999). Les critères dynamiques, également appelés qualité de processus (Tremblay, 2002), concernent davantage la relation qui s’établit entre l’accueillant et l’enfant. Ils déterminent la qualité du vécu de l’enfant en structure d’accueil et influencent, par conséquent, plus directement son développement. La disponibilité et la sensibilité du professionnel ainsi que sa capacité à créer un environnement stimulant sont des indicateurs de cette qualité de processus.

Ce sont finalement les critères dynamiques de la qualité qui paraissent avoir le plus d’impact sur le développement de l’enfant (Japel et Manningham, 2007). Cependant, la définition de la qualité ne peut être réduite à ces seuls critères et doit intégrer les facteurs qui déterminent la qualité des processus. En effet, nous constatons que la qualité est un concept multifactoriel dont les facteurs structuraux influencent les facteurs relationnels (Drouin et al., 2004 ; National institute of child health and human development, 2000). Par exemple, plusieurs études ont mis en évidence que, plus le niveau de formation spécialisée du professionnel est élevé, meilleure est la qualité de la relation entre le professionnel et l’enfant (Arnett, 1989 ; Burchinal et al., 2002 ; Phillipsen, Burchinal, Howes et Cryer, 1997). Or, il est possible de s’interroger sur la validité de ce constat dans tous les contextes. En effet, peut-on considérer que, quelles que soient les sociétés, les formations des professionnels de la petite enfance promeuvent de façon similaire la qualité ? Nous supposons que le concept de qualité de l’accueil ne se définit pas uniquement par l’interaction entre critères dynamiques et structuraux, mais qu’ils doivent être replacés dans leur contexte historique et politico-socio-économique.

2.2. La qualité de l’accueil : des conceptions multiples

La grande majorité des études dans le domaine de l’accueil préscolaire est nord-américaine. Celles-ci se basent sur une conception normative de la qualité reposant sur l’idée de pratiques appropriées au développement (Copple et Bredekamp, 2009), déterminées au regard des théories de la psychologie développementale. Dans ce contexte, certaines définitions données à la qualité sont établies en référence à la National association for the education of young children, la plus vaste association de professionnels qui travaillent, entre autres, sur des questions d’éducation préscolaire. Depuis 1985, cette association propose une accréditation aux structures d’accueil de la petite enfance dont les programmes éducatifs remplissent un certain nombre de critères considérés comme des dimensions de la qualité. Cette accréditation a été élaborée dans le but de fixer des normes aux professionnels de la petite enfance et de permettre aux familles d’avoir des informations relatives à la qualité de l’accueil des services de garde. Ces critères sont répartis en dix propositions (National association for the education of young children, 2008) qui couvrent l’ensemble des dimensions de l’accueil, depuis les caractéristiques d’hygiène à la relation avec les familles. Comme il a été mentionné précédemment, de nombreuses études nord-américaines utilisent des outils tels que la Early childhood environment rating scale (Harms et Clifford, 1980) et la Infant toddler environment rating scale (Harms et al., 1990) pour évaluer la qualité des structures d’accueil. Ces outils évaluent en réalité les critères de qualité définis par la National association for the education of young children (2008). Il devient dès lors nécessaire de se questionner sur la validité universelle de cette définition de la qualité de l’accueil et, par conséquent, de l’utilisation de tels outils dans d’autres contextes culturels et socio-économiques que le contexte nord-américain.

À la différence de l’approche normative, la vision de la qualité comme étant un concept subjectif repose sur l’idée selon laquelle la définition de la qualité résulte d’une co-construction au sein de chaque structure (Dahlberg, Moss et Pence, 2012), incluant tous les acteurs de l’accueil, à savoir les professionnels, les parents, les dirigeants, voire même les enfants. Ainsi, selon cette conception, il existerait des définitions multiples de la qualité, chacune devant être ajustée aux spécificités contextuelles de chaque établissement d’accueil. Dans une telle approche, les critères ne sont pas établis par des instances extérieures et imposées aux acteurs de l’accueil, mais les points de vue de ces derniers sont intégrés à la définition des critères de qualité, sans toutefois que l’on s’assure réellement du bénéfice des critères déterminés pour le bien-être des enfants.

Au-delà de l’opposition entre approche normative et subjective de la qualité, il est possible d’envisager ce concept selon une perspective écosystémique permettant de prendre en considération des spécificités contextuelles ainsi que leur influence sur des dimensions plus proximales de la qualité, touchant plus directement le bien-être des enfants accueillis. Le modèle écosystémique de la qualité des services de garde développé par Bigras et Japel (2007) repose sur l’idée que la qualité est pensée à l’image du modèle écosystémique de Bronfenbrenner (1979). Les valeurs de la société concernant l’éducation de l’enfant, ainsi que le rôle de la communauté et de la famille constituent le macrosystème, soit le sous-système le plus éloigné de l’enfant. Ce sous-système influence l’ensemble de l’écosystème dans lequel le sujet se développe. Le second sous-système, l’exosystème, est alors directement influencé par les valeurs culturelles. Il comprend notamment les politiques publiques adoptées en matière d’accueil et d’éducation de la toute petite enfance qui déterminent, par exemple, la formation des professionnels et la réglementation. Les sous-systèmes suivants sont les microsystèmes (les milieux dans lesquels évolue l’enfant tel que la famille et le milieu d’accueil) et le mésosystème (qui correspond à l’interaction entre microsystèmes). Conformément à Bigras et Lemay (2012a), nous ajouterons au modèle écosystémique développé par Bigras et Japel (2007), en référence aux travaux de Bronfenbrenner (1986), le niveau chronosystémique, puisqu’il souligne le caractère évolutif de la définition de la qualité selon les transformations de l’ensemble du système, depuis l’enfant jusqu’aux changements idéologiques.

Ce modèle permet premièrement d’organiser et de représenter les relations dynamiques existant entre les éléments présentés précédemment. En effet, les critères dynamiques, soit l’interaction de l’enfant avec son microsystème d’accueil, constituent les critères les plus influents pour le développement de l’enfant. Ils sont les plus proches de l’enfant dans la représentation écosystémique de la qualité de l’accueil. Deuxièmement, ces critères sont influencés par les critères structuraux qui, toujours dans une représentation écosystémique, se trouvent être plus éloignés de l’enfant. Troisièmement, ce modèle intègre l’influence du contexte culturel, politique et socio-économique ainsi que celle que des représentations de la qualité des différents acteurs de l’accueil, sur la définition de la qualité.

L’acceptation du modèle écosystémique implique une définition plurielle de la qualité, puisqu’elle dépend de facteurs idéologiques et contextuels. Au vu des éléments théoriques présentés précédemment, nous supposons qu’il semble nécessaire, pour l’étude de la qualité de l’accueil, d’adopter une définition comprenant à la fois des critères universels et des critères spécifiques selon les particularités du contexte étudié. Il existerait non pas une seule définition, mais des définitions de la qualité, dont le socle commun serait constitué des dimensions universelles (critères dynamiques) auxquelles viendraient s’ajouter des dimensions variables en fonction des propriétés de l’environnement considéré. Nous souhaitons illustrer ici l’implication d’une telle conception de la qualité sur la définition qui peut en être faite dans le contexte français, afin d’en tirer des conclusions utiles à la recherche.

3. Approche théorique

L’objectif poursuivi ici est de mettre en évidence l’influence des valeurs culturelles et de l’évolution du contexte économico-socio-politique sur la définition donnée à la qualité de l’accueil et, par conséquent, de nous interroger sur la pertinence de considérer le modèle écosystémique de la qualité comme support théorique à l’élaboration de la définition des critères de qualité. Pour cela, nous basons ce travail sur l’analyse documentaire d’ouvrages et de textes officiels relatant l’évolution historique des structures d’accueil en France (niveau chronosystémique et macrosystémique), la politique familiale et éducative actuelle ainsi que la réglementation concernant les lieux d’accueil (niveau exosystémique). Nous supposons qu’une approche historique des caractéristiques idéologiques et réglementaires des établissements d’accueil peut permettre de mettre à jour l’évolution des différentes définitions données à la qualité de l’accueil extrafamilial soulignant ainsi l’influence des spécificités contextuelles.

Pour réaliser l’analyse documentaire, nous avons premièrement effectué une sélection de trois principaux ouvrages dont il est fréquemment fait référence (Bouve, Moisset et Rayna, 2009 ; Neyrand, 2003 ; Plaisance et Rayna, 1997) lors de la prise en considération de l’évolution historique des établissements d’accueil français. Afin de nous assurer de la validité du contenu des documents et de contrôler l’existence d’un biais lié au point de vue de l’auteur (Cellard, 1997), les documents retenus ont été rédigés par des spécialistes en histoire (Contrepois, 2006), en sociologie (Mozère, 1992) et en sciences de l’éducation (Bouve, 2001, 2010). L’analyse a permis d’extraire les étapes clés de l’évolution (par recoupement entre plusieurs ouvrages) marquant les transformations idéologiques majeures des établissements d’accueil préscolaires dans la société française. Deuxièmement, afin d’étudier l’évolution de la politique familiale, l’analyse documentaire a porté sur une sélection de documents officiels tels que les documents ministériels (les deux principaux documents mis à disposition par le gouvernement présentant les modalités de création et d’organisation des établissements d’accueil), un document de la Caisse d’allocations familiales (le dossier d’étude présentant les spécificités de la formation des professionnels) et les trois principaux décrets régissant les structures d’accueil, garantissant ainsi la validité du contenu (Cellard, 1997). L’étude documentaire a visé l’identification des spécificités de l’organisation de la politique familiale, de la conception gouvernementale des lieux d’accueil et de la formation des professionnels de la petite enfance. La synthèse de l’ensemble de ces éléments a permis, en considérant les spécificités françaises, de déterminer la part de variabilité donnée dans la définition de la qualité et de proposer, par extension, un certain nombre de recommandations concernant l’étude de la qualité à l’échelle internationale.

4. Développement théorique

4.1 Le niveau chrono et macrosystémique : Un héritage historique fortement marqué par la dimension sanitaire

Le développement des crèches (terme initialement utilisé pour désigner les services de garde) en France est une conséquence de l’industrialisation. Pour Marbeau (1798-1875), fondateur des premières crèches françaises à Paris et membre du catholicisme social (Bouve, 2001), les crèches ont pour objectif la conciliation famille et travail ainsi que la moralisation des familles de la classe ouvrière (Contrepois, 2006). Les premiers établissements d’accueil des jeunes enfants sont fortement marqués par la religion. Au début du XXe siècle, la société française devient laïque. La laïcisation des crèches a pour objectif l’éducation des mères et de leurs enfants dans le but de former de futurs citoyens (Contrepois, 2006). À cette époque, avec la montée de l’hygiénisme, les préoccupations des accueillants sont essentiellement portées sur la propreté des lieux et des enfants (qui sont déshabillés dès leur arrivée et vêtus des vêtements de la crèche).

À la suite de la Seconde Guerre mondiale, les travaux en psychologie de Spitz (1965) sur le syndrome d’hospitalisme, et de Bowlby (1978,1984) sur la théorie de l’attachement ont un impact sur la manière dont on considère l’enfant, et plus spécifiquement ses besoins affectifs. Ces travaux, issus de la psychanalyse et qui mettent en avant l’importance de la relation précoce s’établissant entre l’enfant et sa mère, ont des conséquences variables selon les pays. Les conclusions faites par ces auteurs entraînent aux États-Unis et en Angleterre le vote d’une loi interdisant la prise en charge des nourrissons au sein d’institutions et entraînant par conséquent la fermeture d’établissements (Lebovici et Weil-Halpern, 1989). La position psychanalytique est corroborée par les résultats de Belsky et Rovine (1988) qui mettent en évidence un effet délétère de la prise en charge extrafamiliale de l’enfant sur la qualité de la relation entre l’enfant et sa mère. Toutefois, ces conclusions ne font pas l’unanimité et plusieurs auteurs (Clarke-Stewart, 1989 ; Scarr, Phillips et McCartney, 1990) considèrent l’existence de facteurs explicatifs tels que l’influence de la qualité ou encore le manque de sensibilité des outils utilisés pour évaluer la qualité de l’attachement. En France, l’impact de ces travaux est moindre et est revendiqué par le courant néo-spitzien qui prône les bénéfices, pour l’enfant, de rester avec sa mère, même s’il s’agit de la meilleure institution d’accueil (Bouve, 2001). La psychanalyse fera son entrée plus tard dans les crèches françaises, notamment avec les travaux de Dolto (1985, 1987).

Les évènements de mai 1968, correspondant à un mouvement de révolte des étudiants et des ouvriers dirigés contre la société traditionnelle et capitaliste, sont porteurs d’une vague de changements dans les structures d’accueil. À cette époque, avec la naissance des crèches sauvages de la Sorbonne (à savoir, des établissements constituant une option autre que les services de garde traditionnels), on assiste à une transformation idéologique au sujet de l’enfant et de son éducation. Les principes éducatifs sont libertaires et l’enfant est conçu comme un être qui ne se résume pas à ses seuls apprentissages (Mozère, 1992). On constate une volonté de modifier la nature des relations qui existent entre les professionnels et l’enfant. Dans ce contexte de transformations, les crèches s’ouvrent au public et les parents entrent dans les établissements. Cela a pour conséquence la confrontation des professionnels aux questionnements des parents et, dès lors, les relations à la famille se modifient progressivement (Mozère, 1992). La diffusion à un large public des idées de Dolto (par des émissions de radio dès 1967) modifie les pratiques en crèche et en milieu familial, notamment par la mise en avant de l’importance de parler aux bébés. La création des Maisons vertes montre la volonté, émergente à cette époque, de créer un espace de rencontre entre l’enfant, son parent et un accueillant. Ces Maisons vertes sont pensées comme des espaces d’accueil et d’écoute des jeunes enfants accompagnés de leurs parents et visent à offrir aux familles des temps conviviaux d’échanges sociaux qui apportent un soutien à la relation parent-enfant. Cette période est également marquée par l’image du bébé compétent (Contrepois, 2006). Les recherches sur les compétences précoces du nourrisson se multiplient et se répandent rapidement dans toute la population par le biais des magazines de vulgarisation, entraînant des transformations dans les pratiques d’accueil. Depuis les années 1980, les structures axent leurs projets sur des thématiques telles que l’autonomisation de l’enfant, le jeu et le respect de son rythme ou encore l’intégration d’enfants porteurs de handicap(s). La place de la famille reste également un point important, comme l’atteste la circulaire de 1983 : La participation accrue des parents à la vie quotidienne des établissements d’accueil des jeunes enfants (…) a pour objectif d’améliorer la qualité de l’accueil de l’enfant (citée par Contrepois, 2006, p. 111).

Nous constatons avec cette courte synthèse historique que les établissements d’accueil des jeunes enfants en France ont été le reflet des enjeux politiques et sociaux propres à chaque époque (Bouve, 2010). L’histoire française des structures d’accueil est à prendre en compte dans l’analyse de la culture professionnelle des accueillants, pour la compréhension de leur relation avec les parents et les enfants, ainsi que pour saisir la façon dont la qualité de l’accueil est envisagée.

4.2 Le niveau exosystémique : Les orientations de la politique familiale

En cohérence avec une conception écosystémique, la dimension politique de l’organisation de l’accueil préscolaire d’un pays est liée à sa culture et à son évolution historique (Brougère, 2000). Le système politique français peut être qualifié de divisé (Plaisance et Rayna, 1997). En effet, la période de la petite enfance est divisée en deux temps (0-3 ans et 3-6 ans) et dépend de deux ministères distincts. L’accueil des 0-3 ans dépend du ministère des Affaires sociales et de la Santé, tandis qu’il s’agit du ministère de l’Éducation nationale pour les 3-6 ans. Il est toutefois possible, pour l’enfant, d’entrer à l’école maternelle dès 2 ans, ce qui est le cas de 11,9 % des enfants entre 2 et 3 ans. L’école maternelle n’est pas obligatoire ; cependant, la quasi-totalité des enfants de 3 ans y est accueillie. Alors que dans le langage commun, le terme préscolaire désigne la période de 0-6 ans, nous constatons que dans le contexte français, ce terme ne sied pas à la tranche d’âge 3-6 ans, puisque ces enfants sont pour la plupart accueillis à l’école maternelle. La France ne fait pas exception, puisque, selon les pays, l’âge d’entrée à l’école varie entre 5 ans (Royaume-Uni) et 7 ans (Pays-Bas, Suède). Il ne s’agit pas seulement de pointer là une incohérence dans le vocabulaire, mais de mettre en lumière la nécessité de prendre en considération que la période préscolaire considérée dans les études sur la qualité de l’accueil n’est pas une période homogène, pour les enfants français notamment. En effet, le fonctionnement et les missions attribuées aux structures d’accueil de la toute petite enfance et à l’école maternelle sont différents. Les missions des structures d’accueil françaises telles qu’elles sont définies par la réglementation officielle sont de veiller à la santé, à la sécurité, au bien-être et au développement des enfants qui leur sont confiés, dans le respect de l’autorité parentale, ils contribuent à leur éducation (Décret no 2010-613 du 7 juin 2010). Quant à l’école maternelle, elle est conçue uniquement comme un lieu d’apprentissage, où l’enfant devient élève et s’approprie des connaissances concernant l’écrit, l’oral ou encore la culture.

Nous le constatons, il existe en France une place particulière de la dimension éducative dans les structures d’accueil. Premièrement, celles-ci ne relèvent pas de la même instance politique que celle qui gère le système éducatif. Dans un document intitulé Accueil de la petite enfance : guide pratique (ministère de la Santé et de la Solidarité, 2007) s’adressant à l’ensemble des acteurs de l’accueil, le gouvernement ne mentionne aucune directive précise concernant la dimension éducative. Deuxièmement, alors que l’on n’a constaté quasiment aucun changement dans la formation des professionnels de crèches, la contribution de ces derniers à l’éducation des enfants (décret mentionné précédemment) apparaît comme une nouvelle mission, puisqu’elle n’était pas mentionnée dans un précédent, mais récent, décret (Décret no 2007-230 du 20 février 2007).

L’histoire des crèches a également laissé sa marque sur la formation des professionnels de la toute petite enfance. La plupart des professionnels ont une formation dans le domaine sanitaire. En effet, les équipes sont, dans la majorité des cas, encadrées par une infirmière puéricultrice. Elles sont principalement constituées d’auxiliaires de puériculture (formation d’un an) disposant d’une formation essentiellement portée sur l’hygiène et les soins physiques et, dans une très faible proportion, d’éducateurs de jeunes enfants (formation de trois ans après le baccalauréat, c’est-à-dire après la fin des études secondaires, à 18 ans) dont la formation est axée sur le développement de l’enfant et son éducation. Par ailleurs, depuis 2010 (Décret no 2010-613 du 7 juin 2010), l’équipe d’accueillants peut être composée jusqu’à 60 % d’agents ne disposant pas d’un diplôme qui atteste d’une spécialisation dans la petite enfance (Odena, Daune-Richard et Petrella, 2009). L’organisation du système de la politique familiale ainsi que les spécificités des formations professionnelles dans le champ de la petite enfance en France mettent en évidence que les institutions d’accueil sont principalement envisagées comme des établissements à visée sanitaire et, dans une moindre mesure, éducative.

Les orientations et les choix d’un état en matière de politique familiale dépendent à la fois de facteurs culturels et historiques, comme nous venons de le voir, mais également de facteurs contextuels. En effet, l’évolution et les modifications d’un pays en matières démographique, économique et sociale influencent les politiques publiques dans le domaine de la petite enfance. Les transformations de la structure familiale, comme la proportion de plus en plus importante de familles monoparentales, la place des femmes sur le marché du travail et les contraintes organisationnelles des familles (tels que des horaires de travail atypiques) sont des éléments déterminants. La France affiche depuis les années 1970 sa volonté de favoriser la conciliation famille-travail par la création d’une large diversité de lieux d’accueil. L’examen attentif des réformes de la réglementation des lieux d’accueil met en évidence l’assouplissement des cadres réglementaires visant l’augmentation du nombre de lieux d’accueil et leur diversification. Il existe actuellement en France des lieux d’accueil occasionnels (haltes-garderies), réguliers (crèches collectives), mixtes (multi-accueils), non collectifs (crèches familiales), à gestion associative, municipale ou parentale, de petite taille (microcrèche) et de grande taille, ou encore accueillant uniquement les enfants âgés d’au moins deux ans (jardins d’enfants). Cette diversité a pour objectif de répondre aux besoins des familles dont les contraintes économiques accentuent les besoins de garde, alors que l’offre ne satisfait actuellement pas la demande.

Les choix politiques en matière d’accueil de la toute petite enfance tels que la diversification des modes de garde ou encore la formation des professionnels ont un impact sur la conception de la qualité de l’accueil. Il semble donc nécessaire de considérer les spécificités contextuelles, notamment socio-économiques et politiques et d’envisager une conception de la qualité intégrant l’impact de ces dimensions sur la qualité des interactions entre les enfants et leurs accueillants.

5. Discussion des résultats

La synthèse ci-dessus révèle que les structures d’accueil françaises actuelles résultent des influences successives de la religion, de la médecine, de la psychanalyse, de la recherche en psychologie du développement et en éducation. Ces influences ont marqué les idéologies propres à chaque époque. L’idéologie actuelle et, par conséquent, la définition faite de la qualité de l’accueil sont le résultat de ces transformations historiques. Cela met en évidence que la qualité est un concept dynamique et en constante évolution. Une telle conception de la qualité a des répercussions sur la façon dont elle peut être étudiée et, par conséquent, sur la manière de l’évaluer. Ces constatations montrent l’importance de nous interroger sur la validité actuelle des outils d’évaluation de la qualité. Par exemple la Early childhood environment rating scale, initialement élaborée en 1980, a été révisée en 1998 (Harms, Clifford et Cryer, 1998) ; il est nécessaire de questionner dans quelle mesure sa révision a inclus les possibles transformations sociétales et idéologiques.

Plus spécifiquement, nous constatons l’influence des valeurs culturelles et des idéologies éducatives, en leur temps, sur la conception du fonctionnement et des besoins des très jeunes enfants. Nous constatons que les valeurs culturelles associées à la conception de l’enfant ont fortement été influencées par la diffusion des recherches réalisées en psychologie. À travers l’histoire, l’enfant aura été envisagé comme une tabula rasa, puis comme un être doué de compétences précoces, impliquant des pratiques d’accueil différentes. En effet, nous pouvons supposer qu’à une période où l’enfant est identifié comme un être compétent, la quantité et la nature des stimulations précoces peuvent être un important critère de qualité, ce qui n’était probablement pas le cas lorsque ce dernier était considéré comme un moyen de moraliser les parents. Les préoccupations concernant les besoins essentiels des enfants ont également évolué et, avec eux, la définition des critères de qualité de l’accueil. Au cours de la période hygiéniste, la qualité était déterminée essentiellement par le degré de propreté et la nature des soins physiques apportés à l’enfant. Depuis cette époque, les progrès dans le domaine médical (dépistage précoce, vaccins) et la place systématique d’un médecin pédiatre dans les structures d’accueil ont permis d’institutionnaliser les pratiques visant la sécurité physique de l’enfant. Avec l’évolution de la société sur le plan technologique et idéologique, les valeurs françaises associées à la qualité ont migré de la santé et de la sécurité physique des enfants à des considérations plus existentielles du bien-être psychique de l’enfant et de sa famille. Ces valeurs et leur évolution doivent être prises en compte dans le processus de définition de la qualité de l’accueil. En effet, elles déterminent la conception des pratiques professionnelles favorisant le bien-être des enfants, qui est l’objectif actuellement poursuivi par les structures d’accueil.

L’analyse historique révèle par ailleurs que les valeurs de la société déterminent la manière dont sont perçus les rôles des structures d’accueil ainsi que leur place dans la société, envisagées comme des lieux de socialisation, d’éveil ou encore d’accompagnement à la parentalité. Actuellement, nous constatons que l’orientation majeure de la politique familiale française est de faciliter l’accès des familles aux structures d’accueil par la multiplication et par l’assouplissement de la réglementation de ces lieux. Les réformes des établissements d’accueil préscolaire traduisent une conception de la qualité plus portée sur les besoins des familles que sur ceux des très jeunes enfants. En effet, les réformes visant la diminution de la proportion des professionnels diplômés et l’augmentation du nombre d’enfants par structure, justifié par d’importantes contraintes économiques, mettent en évidence une volonté d’augmenter le nombre de places au détriment de la qualité des soins et de l’accompagnement éducatif des enfants.

Par ailleurs, les valeurs culturelles et, plus spécifiquement, la culture professionnelle des accueillants est à mettre en lien avec les spécificités de leur formation, elles-mêmes déterminées par les pouvoirs publics. Nous avons, en France, une surreprésentation des professionnels du sanitaire dans l’accueil des jeunes enfants, tandis que les professionnels de l’éducation sont minoritairement présents. Cela est la conséquence directe du mouvement hygiéniste des crèches qui a, dès le départ, placé l’institution d’accueil comme un lieu à visée sanitaire et sociale et non pas éducative. Au vu de ces constatations, dans quelle mesure pouvons-nous parler de qualité éducative en référence à la qualité des structures d’accueil de la toute petite enfance en France ?

La politique familiale française, fortement marquée par son histoire, a une influence non négligeable sur la définition de la qualité de l’accueil (terme que nous préférerons à celui de qualité éducative, puisqu’il semble moins approprié au contexte français). La dimension éducative semble être présente dans l’accueil, sans y être clairement établie. Au vu de ces éléments, nous pouvons encore une fois nous interroger sur la pertinence d’utiliser une définition de la qualité élaborée dans un autre contexte. Prenons par exemple l’outil d’évaluation de la qualité développé dans le cadre de l’étude Grandir en Qualité. L’évaluation de la dimension éducative par cet outil repose sur une pédagogie basée sur l’apprentissage actif, comme l’atteste cet item extrait de l’échelle observant les activités : Les activités proposées par l’éducatrice favorisent l’apprentissage actif des enfants de son groupe (Bourgon et Lavallée, 2004). Dans quelle mesure la pédagogie évaluée par cet outil est-elle en adéquation avec la philosophie éducative française et la formation des professionnels ?

Non seulement les valeurs culturelles et leurs influences historiques sur les orientations de la politique familiale sont à considérer dans le processus de définition de la qualité, mais le contexte même du lieu d’accueil doit être pris en compte. En effet, la diversité des lieux d’accueil et des familles accueillies (avec leurs spécificités culturelles et socio-économiques) ont un impact sur la qualité de l’accueil. Chaque type de structure a ses spécificités organisationnelles, règlementaires, et a été conçue dans l’objectif de répondre à un besoin particulier des familles. La distinction entre structures collectives et familiales est déjà bien établie, comme l’atteste l’existence de différents outils d’évaluation de la qualité tels que la Early childhood environment rating scale et le Family day care rating scale (Harms et Clifford, 1980), ou encore les échelles d’observation de la qualité éducative en milieu familial et en installation de l’étude Grandir en Qualité. Toutefois, au vu de la multiplicité des structures existant en France, est-il opportun de parler des conséquences des structures d’accueil sur le développement de l’enfant sans faire de distinction entre chaque type d’accueil ? Autrement dit, nous devons, par exemple, nous demander dans quelle mesure les critères de qualité lorsque l’accueil est occasionnel et réalisé dans une structure de 60 places sont identiques à ceux d’un accueil régulier dans une structure de 15 places. Tout comme les spécificités propres à la structure d’accueil, le contexte familial (comme le niveau socio-économique, l’existence d’une vulnérabilité psychologique ou physique) doit également être considéré.

Ces éléments mettent en évidence qu’il existe un ensemble de facteurs idéologiques et contextuels qui viennent déterminer la définition donnée à la qualité de l’accueil. Toutefois, lors du processus de définition, nous ne devons pas perdre de vue l’objet central de la qualité de l’accueil : promouvoir le développement de l’enfant. Sa définition doit inclure les dimensions dont on sait qu’elles favorisent, de façon universelle, le bien-être de l’enfant. Ainsi, nous pouvons supposer que la sensibilité du professionnel est nécessaire pour créer et consolider le sentiment de sécurité de l’enfant et qu’elle constitue une dimension déterminante pour la qualité de sa relation avec l’enfant (Goossens et van IJzendoorn, 1990), quel que soit le contexte. Plus spécifiquement, la capacité de l’accueil à identifier les besoins de l’enfant et du groupe d’enfants (Ahnert, Pinquart et Lamb, 2006) permettrait d’assurer leur sentiment de sécurité dans la structure d’accueil, nécessaire à l’exploration de l’enfant (Bowlby, 1978). Cela implique des compétences pour interpréter justement le signal émis – exprimé de façon externalisé par l’agitation, les pleurs ou les cris ou internalisée par le retrait ou l’inactivité – et à y répondre rapidement et de façon appropriée (Ainsworth, Bell et Stayton, 1971).

Or, l’engagement du professionnel dans sa relation à l’enfant par l’attention qu’il va lui porter, son soutien et sa disponibilité sont soumis aux spécificités contextuelles tels que la charge de travail des professionnels ou encore le ratio appliqué (De Schipper, Riksen-Walraven, Geurts et De Weerth, 2009). Ainsi, la dimension affective de la relation du professionnel et de l’enfant constituerait un élément fondamental et universel de la qualité de l’accueil, dont la qualité serait influencée par les caractéristiques de l’ensemble des niveaux écosystémiques, incluant la culture et le contexte socio-économique et politique.

6. Conclusion

Nous nous sommes interrogées sur la nature du concept même de qualité des services d’accueil et d’éducation des jeunes enfants. Deux principales approches de la qualité émergent de la recension des écrits de recherche. Une approche normative de la qualité s’opposant à une vision subjective de ce concept (Sheridan, 2009). Nous avons fait l’hypothèse, dans cet article, de la nécessité de dépasser cette vision dichotomique de la qualité pour envisager une approche de la qualité intégrant à la fois des dimensions spécifiques au contexte et des dimensions universelles. La réflexion menée dans ce travail soutient la nécessité de prendre en considération l’existence d’une part de variabilité dans la définition de la qualité. En nous appuyant sur le modèle écosystémique de la qualité (Bigras et Japel, 2007 ; Bigras et Lemay, 2012a), cette part de variabilité apparaît tributaire des valeurs de la société et de son contexte politique et socio-économique. À cette part variable de la définition de la qualité viendrait se greffer une part universelle : la compétence du professionnel à assurer le sentiment de sécurité de l’enfant.

Le modèle écosystémique paraît effectivement constituer un support théorique pertinent à la construction de la définition de la qualité et ne devrait être utilisé uniquement comme un moyen d’expliciter les résultats d’étude dont les outils d’évaluation de la qualité ne reposent pas sur la même conception idéologique du concept lui-même. Cette approche de la définition de la qualité, comme étant la combinaison de dimensions universelles et de dimensions contextuelles, implique un certain nombre de préconisations. En effet, l’étude de l’impact de la qualité de l’accueil sur le développement de l’enfant doit bien dissocier la part d’influence des dimensions universelles de celle des dimensions spécifiques. Il semble nécessaire, lors de recherches ultérieures, d’investiguer les dimensions spécifiques à chaque contexte, c’est-à-dire d’explorer les niveaux macrosystémique et exosystémique, afin de pouvoir proposer une définition de la qualité adaptée. Pour cela, les valeurs culturelles et personnelles associées à la qualité ainsi que sa conception au niveau gouvernemental doivent être explorées. La conception de la qualité abordée ici implique également un ajustement interculturel et intercontextuel des outils utilisés dans l’étude de l’impact de la qualité, tout comme l’importance de leur réévaluation. Par ailleurs, il semble que l’élaboration d’un outil d’étude de la qualité comprenant à la fois un ensemble de critères fixes (dimensions universelles) et d’autres, amovibles, puisque dépendants du contexte d’étude (dimensions spécifiques), peut être pertinente. La création d’un tel outil pourrait permettre de perfectionner notre compréhension des enjeux de la qualité pour le développement de l’enfant ainsi que de l’effet des interactions entre les différentes dimensions de la qualité, et ce, dans des contextes culturels et sociaux différents. La conception de la qualité présentée dans cette étude pose finalement la question de la généralisation possible des résultats actuels et met en évidence la nécessité d’en préciser les particularités contextuelles, afin de minimiser le risque d’ethnocentrisme et de pouvoir promouvoir la qualité de l’accueil pour tous.