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Le but recherché par les éditeurs de l’ouvrage Regulatory Failure and the Global Financial Crisis était d’apporter une perspective différente et multidimensionnelle à la dernière crise financière. Dans l’idée de faire un pronostic de cette crise, ils ont choisi de rassembler les écrits d’auteurs de diverses professions ayant présenté leurs idées et analyses lors d’un symposium à Sydney en 2010. De là découle le principal défaut de l’ouvrage, soit d’avoir déjà perdu de sa pertinence, puisque les données les plus récentes remontent à 2009, qu’elles manquent de recul tout en ne reflétant plus vraiment l’état actuel des choses.

L’ouvrage compte 13 chapitres en excluant le chapitre introductif. Il a été divisé en quatre parties couvrant les origines de la crise, les impacts de cette dernière, la gouvernance et le cadre réglementaire ainsi que les leçons à en tirer. D’entrée de jeu, il faut spécifier que, malgré un sous-titre laissant présager une place prépondérante de l’Australie dans les analyses, seulement deux chapitres y sont véritablement consacrés, de sorte que le terme ne figure pas dans l’index à la fin de l’ouvrage.

La première partie portant sur les origines de la crise et son impact sur les secteurs bancaires et financiers se distingue et offre effectivement une perspective différente des autres écrits sur le sujet. En effet, les deuxième et troisième chapitres de l’ouvrage tentent de déconstruire deux mythes abondamment évoqués pendant la crise : d’une part, que les fameux prêts hypothécaires subprimes sont véritablement à l’origine de la crise et, d’autre part, qu’à court terme il ne serait pas profitable que la Chine cède aux demandes constantes d’apprécier la valeur de sa monnaie.

L’origine immédiate de la crise est certes liée à l’effondrement du marché immobilier, mais les prêts hypothécaires subprimes n’auraient représenté qu’une faible portion des saisies effectuées et, malgré une hausse de 400 %, seulement la moitié de l’ensemble des prêts subprimes ont été saisis. Pour Ariff, la véritable origine de la crise est plutôt liée à trois facteurs : de bas taux d’intérêt, un environnement réglementaire faible et un appétit pour les innovations financières à haut risque.

Pour sa part, Ronald MacKinnon ne nie pas qu’à long terme la Chine devrait encourager une internationalisation de sa monnaie. Toutefois, selon lui, l’épargne domestique est relativement insensible au taux de change, même si l’investissement dans un monde industriel et financier globalisé y est sensible. Si la Chine appréciait trop brusquement la valeur de sa monnaie, certains investisseurs préféreraient certes investir aux États-Unis. Or, cela aurait pour effet de faire diminuer les investissements en Chine, qui représentent environ 45 % de son PIB, ce qui ferait contracter l’économie et du même coup possiblement faire diminuer les importations chinoises.

La seconde partie de l’ouvrage est consacrée aux impacts de la crise sur l’économie et sur les emplois. En faisant état de l’impact de la crise sur les pays développés, mais aussi sur les pays émergents, Ahmed Khalid affirme que la crise aurait plus sévèrement touché les pays développés. Cependant, les pays émergents, ceux dont l’économie dépend largement de leurs exportations, ont subi les contrecoups de l’impact de la crise sur les pays développés. Melisa Bond et Noel Gaston offrent quant à eux une analyse comparative de 29 pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (ocde) en cherchant à savoir ce qui a permis à certains de mieux performer que les autres eu égard au chômage. Ils en viennent à la conclusion que l’intégration économique semble être associée à des taux de chômage plus élevés en période d’après-crise.

La troisième partie porte sur la gouvernance et sur le cadre réglementaire. Cependant, les textes qui la composent n’apportent rien de plus que les nombreux écrits déjà existants sur ce que devraient être un cadre réglementaire idéal et une bonne gouvernance. Quant à la quatrième et dernière partie de l’ouvrage, elle est consacrée aux leçons à tirer de cette crise. Le chapitre le plus intéressant à notre sens est celui de Ross P. Buckley décriant les pratiques inchangées du fmi malgré les critiques formulées à son égard au fil de diverses crises économiques depuis 1982.

L’ouvrage dirigé par Ariff, Farrar et Khalid souffre grandement d’un manque de cohésion entre les chapitres et entre les différentes parties, de sorte qu’il est difficile d’en dégager un fil conducteur. À titre d’exemple, alors qu’au deuxième chapitre on minimise l’impact des subprimes sur la crise, ces derniers deviennent pratiquement des éléments centraux au septième chapitre. De plus, alors que certains chapitres adoptent un format plus universitaire combinant données et analyses sur environ vingt pages, on retrouve également dans l’ouvrage des chapitres de seulement six pages, à caractère plus éditorial et nous apparaissant plutôt superflus.

Bien que l’ouvrage se veuille multidisciplinaire par la diversité des collaborateurs, il ne saurait remplacer ni le chercheur ni le praticien. De plus, non seulement le livre semble avoir perdu de sa valeur entre le moment du symposium à Sydney en 2010 et la date de son édition actuelle, mais il nous laisse grandement sur notre faim par des propos qui semblent parfois dépassés. À cet égard, Jeffrey Carmichael a l’honnêteté de signaler sous forme de note de fin de document qu’il n’a pas actualisé le texte de son chapitre depuis le symposium, que plusieurs des propositions réglementaires qu’il y formule ont été modifiées au fil des années et que certaines nouvelles propositions ont même répondu à des questionnements qui étaient soulevés dans son chapitre.