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Cet ouvrage analyse les investissements directs étrangers (ide) en Chine et leurs conséquences sur l’économie. Il pose comme postulat que les ide sont des moteurs de la mondialisation et qu’ils sont devenus une stratégie concurrentielle importante pour l’accès aux marchés, à la technologie et aux ressources. Les auteurs présentent des études théoriques sur les ide, ils étudient leurs déterminants et examinent la relation entre les ide et les variables macroéconomiques, l’investissement interne et la croissance économique. Enfin, ils analysent leurs impacts sur les inégalités et sur la répartition des revenus ainsi que la relation entre les ide et le tourisme comme facteur de croissance économique.

Parmi les enseignements de cet ouvrage figurent les externalités positives et négatives que les ide produisent dans le pays de destination, la démonstration de la manière dont les avantages spécifiques de sa situation ont conduit la Chine à être l’un des pays à forte valeur ajoutée en matière de production manufacturière et, enfin, l’analyse de la façon dont elle a atteint le stade de développement des ide le plus avancé. Les auteurs soulignent que le coût du travail a été un important facteur d’attractivité pour les ide et qu’il a eu de lourdes répercussions sur les inégalités de revenus, avec des retombées sur les modes de consommation ainsi qu’une influence sur le développement du secteur touristique.

Les auteurs montrent également que les ide sont un facteur controversé quand on considère leur rôle dans le développement économique des pays peu industrialisés. Pour aborder ce problème, ils présentent un cadre théorique cernant les conséquences des ide sur le développement économique du pays d’accueil. À cet égard, les théories et recherches sont divisées quant à l’impact des ide sur les inégalités de revenus.

Dans la théorie de la dépendance, on soutient que le comportement prédateur des multinationales génère une économie néocoloniale par l’intermédiaire des ide. Cela implique que plus il y a d’ide dans un pays, plus le contrôle étranger est grand et, par conséquent, plus le niveau d’inégalité de revenus et le taux de chômage dans les secteurs traditionnels sont élevés. Dans la théorie de la modernisation, les ide sont décrits comme le mécanisme idéal pour la diffusion du capital, du marché et des connaissances et comme un élément qui stimule la croissance économique, dont les avantages s’étendent à toute l’économie. Ainsi, on peut parvenir à une répartition plus équitable des revenus à long terme.

Certains détracteurs des ide affirment que ces derniers déplacent l’investissement interne, ce qui nuit à la croissance économique. En particulier, la théorie de l’organisation industrielle soutient que l’ide est une stratégie globale agressive des multinationales pour augmenter leur pouvoir de monopole sur les entreprises locales. Ces conclusions fournissent un appui théorique à l’idée que les ide ont des effets complémentaires sur l’investissement interne et que la croissance économique à long terme leur est liée. Alors que certains chercheurs soutiennent que les ide réduisent globalement les inégalités de revenus dans les pays en développement, d’autres soutiennent que les ide favorisent l’augmentation de ces inégalités. C’est pourquoi les auteurs notent qu’il est nécessaire de réaliser une analyse visant à identifier les principales forces générées par les ide, comme les inégalités régionales de revenus en Chine, non seulement parce que ce pays est le plus grand récepteur d’ide au monde, mais aussi parce qu’il doit nourrir un quart de la population mondiale. Par conséquent, une augmentation des inégalités de revenus peut non seulement nuire à la stabilité sociale, mais aussi briser la stabilité politique, ce qui détruirait le fondement de la Chine comme puissance économique mondiale et, par conséquent, la croissance économique soutenue dont bénéficie le pays aujourd’hui.

La contribution de l’ouvrage à la construction et à l’enrichissement d’un cadre théorique pour l’analyse des ide est énorme. Tout d’abord, la clarté et la simplicité des méthodes ainsi que la diversité des sources d’information permettent de voir la Chine à la fois comme nation singulière et comme exemple pour tout autre pays en développement ayant des similitudes sociogéographiques. De plus, les niveaux d’analyse horizontaux et verticaux évitent que les conclusions ne s’épuisent dans des directives ou des stratégies devant être prises par les politiques publiques. Au contraire, ces conclusions sont généralisables et permettent aux décideurs de projeter des scénarios de politiques commerciales mêlant l’investissement local et certains investissements étrangers.

La richesse théorique du texte tout comme la quantité de sources et de données consultées confèrent de l’élasticité à tous les paradigmes utilisés pour chaque secteur ou type d’ide, de sorte que toutes les hypothèses sont susceptibles d’être empiriquement prouvées ou réfutées.

La vision millénaire de l’histoire de la Chine empêche que manquent dans l’analyse des éléments aujourd’hui vus comme modernes ou actuels, et donc contingents, tels que l’environnement, les réformes bancaires ou financières, les modes de consommation, les migrations et les inégalités structurelles régionales et sociales, sans pour autant ignorer la forte stratification sociale de la nation chinoise.

Bien que l’ouvrage présente des recherches et des données jusqu’en 2005, l’analyse et les conclusions demeurent pleinement applicables aujourd’hui. Parmi ses enseignements les plus importants, relevons des indications sur le développement et les dilemmes de la Chine pour l’avenir, ses leçons et expériences étant également applicables à d’autres pays en développement. Malgré quelques recommandations politiques excessives (comme la proposition de politiques d’expropriation des terres), ce travail est une référence essentielle pour les recherches touchant les pays d’Asie du Sud-Est, en particulier celles axées sur les facteurs de croissance économique des pays en développement face à la tentation de l’investissement étranger.