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Des chercheurs universitaires italiens s’attellent à la problématique de la traduction interlangue et intralangue des savoirs : les enjeux sont à la fois linguistiques, culturels et traductologiques. Les quatre parties du volume explorent une problématique interculturelle de traductibilité, de vulgarisation et de jurilinguistique. La médiation culturelle est dans la mire. Le lecteur est amené à comprendre comment la communication interculturelle et interdisciplinaire contribue au transfert des savoirs.

Les essais, souvent traduits de l’italien, présentent des bibliographies innovatrices pour le public francophone ; le lecteur découvre de nouvelles perspectives actuellement méconnues en francophonie. Il s’agit d’une ouverture toute bienvenue.

On réfléchit à la fois au rôle de la vulgarisation et de la traduction intralangue, une réflexion d’autant plus importante que ces auteurs se soucient des moyens de partager leur savoir, leur savoir-être et leur savoir-faire. C’est le propre du travail des traductologues oeuvrant dans des contextes de communication interculturelle.

La quatrième partie, Traduire le droit, illustre le mieux tous les aspects interreliés de la problématique centrale. Face à la dénationalisation, à l’internationalisation et à la supranationalisation du droit, les auteurs retracent les racines de la traduction juridique et son influence sur la vie des peuples, depuis l’Empire romain jusqu’à l’élargissement de l’Europe et la mise en application du nouveau droit à la traduction. Le défi sempiternel consiste à assurer la compréhension entre les instances judiciaires et les justiciables, quelle que soit leur langue. Jacqueline Visconti (Università di Genova) résume l’enjeu : La traduction juridique est véritablement une traduction des « savoirs » (p. 328).

En résumé, les principaux avantages du volume sont l’ouverture sur la recherche des universitaires italophones, la valorisation de l’acte de traduction, au sens très large du terme, dans la construction des savoirs et la sensibilisation des lecteurs aux enjeux sociolinguistiques du transfert des connaissances et des savoirs entre cultures et même au sein d’une seule culture.

Malgré les atouts indéniables de ce volume, le lecteur peut s’étonner de quelques lacunes. Un index aurait facilité la consultation de ces essais qui contiennent une grande variété de prises de position et d’arguments nonobstant leur complémentarité. Certaines références à des ouvrages clefs dans le domaine manquent. On décèle Umberto Eco dans les coulisses, mais il n’apparaît qu’au chapitre de Paolo Spada (Università La Sapienza di Roma), La traduction : le regard d’un juriste (p. 271-277), où l’auteur renvoie à la traduction française de Dire quasi la stessa cosa (Bompiani) publié en français chez Grasset en 2007. Par ailleurs, l’un des thèmes omniprésents du volume est la sémantique cognitive, dans la mesure où cette discipline éclaire davantage le transfert des savoirs entre sociétés et cultures différentes en raison de la systématisation culturelle des connaissances. Sont absentes de cette conversation deux visions incontournables : celle de la textualité d’Albrecht Neubert et celle du labyrinthe cognitif d’Umberto Eco qu’il déploie dans son ouvrage Dall’Albero al Labirinto (Bompiani, 2007).

Mais, somme toute, voici une lecture édifiante qui rend honneur à la francophilie des chercheurs italiens.