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Les discussions entourant la diffusion numérique de Documentation et bibliothèques ne datent pas d’hier. Déjà, en 1997, au moment où l’ASTED se dotait de son site Web, France Bouthillier, directrice de la revue, faisait remarquer que les périodiques électroniques étaient de plus en plus nombreux et qu’il était impossible de rester indifférent face à un tel foisonnement (Bouthillier 1997), particulièrement, voudrions-nous ajouter, pour une revue qui évolue dans le champ des sciences de l’information. Il existe inévitablement des dangers lorsqu’on se situe à l’avant-garde de telles transformations, mais les risques ne sont-ils pas tout aussi grands d’être à leur remorque ? Si, en 1997, DB se posait la question de sa présence sur le Web, en 2013, la question ne se pose plus ; c’est devenu un incontournable pour une revue qui cherche à augmenter sa visibilité auprès des communautés scientifiques et professionnelles de la francophonie.

Tout au long des 15 dernières années, les discussions se sont donc poursuivies, sans que des actions concrètes soient véritablement posées en ce sens. C’est Michèle Hudon, secondée par le comité de rédaction, qui a relancé la réflexion en 2011, en sondant les lecteurs de DB quant à un éventuel passage de la revue en format numérique. Le conseil d’administration de l’ASTED a rapidement appuyé la démarche. Ainsi est-ce favorablement que les lecteurs ont accueilli la possibilité de cet important tournant, alors que 91,5 % d’entre eux se sont déclarés intéressés par la publication de la revue en version numérique, parallèlement à sa parution en version papier (Hudon 2011). La table était mise pour la recherche d’une plateforme de diffusion francophone qui réponde aux attentes des lecteurs de DB.

La direction de la revue a alors mandaté un expert en ingénierie des connaissances, Dany Bouchard, pour répertorier et évaluer différents modèles de diffusion. Un rapport a été déposé en octobre 2012 au comité de rédaction, et un sous-comité a été formé afin d’en examiner les conclusions. Différents facteurs ont été pris en considération au moment d’évaluer les options, dont les coûts de production, le processus d’édition et de diffusion, la facilité d’accès et de repérage, le rayonnement de la plateforme à l’échelle nationale et internationale, ainsi que les attentes exprimées par les lecteurs. Rapidement, la plateforme Érudit (<www.erudit.org>) nous est apparue comme une solution souhaitable. Des pourparlers se sont ensuivis avec la direction du consortium en vue d’intégrer DB à son importante collection de revues francophones.

La présence de DB sur Érudit n’était pas assurée dès le départ, même si le consortium s’est très tôt montré intéressé à l’héberger. DB étant une revue qui publie tant des articles professionnels et scientifiques que des chroniques, celle-ci ne cadrait pas entièrement avec les politiques éditoriales d’Érudit, qui diffuse principalement des revues savantes munies d’un processus d’évaluation par les pairs ainsi que des revues culturelles. Si le contenu scientifique occupe aujourd’hui une place de choix dans DB, et si la revue s’est dotée depuis plusieurs années d’un solide comité de lecture et d’un processus de révision rigoureux, la partie n’était pas gagnée d’avance. Comme toutes les revues qui désirent intégrer la plateforme, DB a dû soumettre un dossier de candidature au comité éditorial d’Érudit, et c’est avec grand plaisir que nous avons appris, en avril 2013, que sa candidature était retenue.

L’intégration de DB à la plateforme Érudit constitue un moment charnière dans l’histoire de la revue. Cette étape marque en quelque sorte la reconnaissance du travail accompli au cours des dernières années afin d’augmenter la place réservée à la recherche au sein de la revue, même si les articles professionnels continueront à trouver leur place en ses pages dans les années à venir. Cette étape marque aussi la reconnaissance de la viabilité d’un modèle hybride où les articles professionnels et les articles scientifiques répondent aux mêmes exigences de qualité et sont soumis au même processus d’évaluation. On ne lit pas un article professionnel pour les mêmes raisons qu’on lit un article scientifique ; chacun possède ses propres finalités, tout en partageant le même lectorat. L’article scientifique n’est pas étranger au professionnel qui y trouvera des données probantes et de nouvelles avenues pouvant informer sa pratique. De même, l’article professionnel est souvent nécessaire au chercheur afin de documenter une problématique trouvant racine en milieu de travail. DB témoigne de cette cohabitation fructueuse.

Les modèles de diffusion proposés par Érudit ont joué un rôle important dans notre décision d’intégrer la plateforme, offrant différentes formules d’accès libre, dont le libre accès différé qui consiste, pour DB, en une barrière mobile de deux ans. Les articles publiés au cours des deux dernières années seront ainsi disponibles sur abonnement (individuel ou institutionnel) alors que le contenu rétrospectif, lui, sera en libre accès. C’est la formule privilégiée par la majorité des revues présentes sur Érudit. Certains ne seront peut-être pas en accord avec ce compromis, souhaitant que tous les articles publiés dans DB soient librement et immédiatement accessibles. Dans un monde idéal, DB serait en effet disponible en accès libre complet. Or, la publication d’une revue en format électronique engendre forcément des coûts, comme c’est le cas pour la version papier. La formule proposée par Érudit permet ainsi de conjuguer deux préoccupations : la libre circulation des idées ainsi que la viabilité et la pérennité de la revue. Voilà, nous semble-t-il, un scénario enviable.

Cela étant dit, Érudit, c’est plus qu’une simple présence sur le Web. C’est la production de métadonnées de qualité, un service de référencement auprès d’agrégateurs généralistes tels Primo Central, Summon, WorldCat ou encore EBSCO. C’est également un service de commercialisation auprès d’une clientèle institutionnelle canadienne et internationale, ainsi que l’assurance de la pérennité des liens et des collections. C’est encore la possibilité d’ajouter du contenu enrichi à la version numérique des articles publiés. Sous peu, les auteurs pourront s’approprier les nouvelles possibilités offertes par le numérique ; les lecteurs pourront quant à eux visionner des vidéos, écouter des extraits d’entrevues, regarder des illustrations et des photographies en haute résolution, rendant ainsi possible la vision annonciatrice de Gilles Deschâtelets, anciennement directeur de la revue :

Assez rapidement, auteurs et lecteurs apprécieront l’immense potentiel de valeur ajoutée de la version numérique, plus spécialement l’hypernavigation et le multimédia. À ce moment, la version numérique ne sera plus une simple version ou transposition de la version imprimée, mais elle deviendra quelque chose de très différent, d’authentiquement numérique.

2004, 5

Le passage de DB au numérique marque, incidemment, le 40e anniversaire de la revue. Rappelons qu’elle a été publiée pour la première fois sous ce nom en 1973, faisant suite au Bulletin de l’ACBLF dans une volonté d’élargir ses horizons rédactionnels, en étant non plus le reflet des positions de l’Association canadienne des bibliothécaires de langue française (ACBLF), mais bien celui des réalités et des problèmes rencontrés dans les milieux bibliothéconomiques (Brault & Lajeunesse 1998). Depuis, la revue n’a cessé d’accroître son rayonnement, sous l’influence de la dizaine de directeurs et de directrices qui se sont succédé à la tête du comité de rédaction, et le contenu n’a cessé de s’enrichir. Cette étape importante dans l’histoire de la revue marque également le départ de Michèle Hudon en tant que directrice, après plus de cinq années de loyaux services. C’est sous son impulsion que DB s’est véritablement engagée dans la voie de la numérisation, tout en solidifiant son fonctionnement. Nous l’en remercions grandement et lui souhaitons, à notre tour, bon vent !

La réputation de DB n’est plus à faire, même si elle ne saurait jamais être acquise, particulièrement au moment où la revue, par sa présence sur Érudit, s’ouvre plus que jamais aux communautés scientifiques et professionnelles internationales. Aussi est-ce le mandat que nous nous donnons au cours des prochaines années : celui de promouvoir davantage le dialogue avec nos homologues francophones, tout en offrant un contenu riche et diversifié, à la fois témoin et acteur de l’évolution des milieux documentaires.