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Avec ses sources épuisables, polluantes et géographiquement concentrées, l’énergie est devenue l’une des plus grandes préoccupations de notre siècle, revendiquant ainsi une place importante chez les chercheurs. En effet, les défis énergétiques sont multidimensionnels, impliquant une multitude d’acteurs et nécessitant des efforts considérables afin d’apporter des solutions durables. Adoptant un cadre normatif du développement durable, le présent ouvrage examine la relation entre l’émergence d’un ordre mondial multipolaire et les énormes défis de la gouvernance mondiale de l’énergie. Il se penche sur des questions fondamentales, notamment la façon dont les principales puissances mondiales et les puissances émergentes peuvent relever les défis liés à l’énergie.

L’ouvrage se compose de trois parties précédées par un chapitre introductif. Dès les premières pages, les auteurs annoncent que l’énergie est un bon exemple de ce qui peut être décrit comme un problème majeur exigeant une réponse politique intégrée verticalement (coopération de plusieurs acteurs à tous les niveaux) et horizontalement (diverses mesures politiques dans plusieurs domaines). Le concept de la « gouvernance mondiale » est compris comme l’action entreprise au niveau de la politique mondiale, qui de son côté comprend les pratiques diplomatiques entre les différents acteurs. L’hypothèse de base stipule que les forums internationaux, par leur leadership, peuvent créer des conditions réellement propices à la gouvernance mondiale de l’énergie.

La première partie traite de la gouvernance mondiale actuelle de l’énergie. Pour les auteurs, la gouvernance mondiale de l’énergie existante est fragmentée et sous-développée. Aucune des institutions internationales traitant de l’énergie n’a une mission véritablement universelle et chaque forum semble devoir faire face au même dilemme : établir des normes politiques communes ou combler le fossé existant entre les pays producteurs et consommateurs d’énergie. Le monde doit donc faire face à une double menace, liée à la sécurité énergétique et au changement climatique, et les défis à relever à cet égard sont à la fois extrêmement complexes (multitude des acteurs et des niveaux politiques concernés) et très urgents (les risques et les dommages écologiques, socio- économiques, etc.).

La seconde partie de l’ouvrage porte sur les relations entre la multipolarité et la gouvernance énergétique mondiale. Les auteurs élaborent le concept de « leadership politique global » et présentent les principaux acteurs du « jeu multipolaire de l’énergie » ainsi que leurs politiques et leurs interactions à travers des pratiques entreprises dans le cadre du g8. Les auteurs soulignent que sur le plan politico- idéologique l’Occident ne domine plus le monde et que ce dernier devient de plus en plus pluraliste, avec une plus grande hétérogénéité des systèmes politiques où les puissances émergentes ont acquis l’autonomie nécessaire pour suivre leur propre voie. La gouvernance de l’énergie et des politiques climatiques, avancent les auteurs, est possible grâce au leadership des puissances majeures et la coopération volontaire des puissances émergentes.

La troisième partie présente une évaluation de la performance du g8 en ce qui a trait à son leadership dans la gouvernance mondiale de l’énergie et se penche sur les conditions de la coopération énergétique dans un monde multipolaire. Pour les auteurs, le g8 a pris des décisions importantes et mis en place plusieurs processus de coopération, notamment dans le domaine de l’efficacité énergétique et des technologies propres. Les auteurs constatent toutefois que les résultats globaux sont plutôt décevants. Le g8 n’est pas parvenu à des percées majeures ni à des réalisations révolutionnaires. Il n’existe aucune organisation universelle qui établit et veille sur un ensemble de règles communes. En somme, les auteurs concluent que ce sont les puissances majeures qui doivent prendre l’initiative et opter pour une vision énergétique plus durable où « le pouvoir et la responsabilité » doivent être considérés comme les deux faces d’une même médaille. Les économies émergentes doivent également suivre cette voie et sauter l’étape de développement le plus polluant qu’ont connu la plupart des pays occidentaux. Ainsi, la gouvernance mondiale de l’énergie peut être atteinte seulement par l’intensification des efforts internationaux de lutte contre la pauvreté énergétique et l’accélération de la transition vers des technologies à faible émission de carbone.

En somme, les auteurs montrent de manière éloquente comment les grands « clubs » d’énergie ont été en mesure de trouver des solutions pour lutter contre le changement climatique, mais n’ont pas été capables de faire des avancées majeures en termes de leadership ou de développement durable. Le rôle de leadership à jouer par le g8 + 5 dans la mise en place d’une véritable gouvernance mondiale de l’énergie est l’un des aspects les plus intéressants de ce livre. Toutefois, demeure ambiguë la façon dont le « concert » des puissances majeures, présenté comme la seule force réellement capable d’exercer un leadership dans la gouvernance mondiale d’énergie, peut assumer ce rôle dans un monde fortement interdépendant, mais aussi divergent, où ces mêmes puissances ont des ambitions différentes. Cela influence la conception de leur sécurité (énergétique ou autre) et en conséquence leur croissance économique, la stabilité sociale, les politiques de défense ou l’interaction avec le monde extérieur, que ce soit à court, à moyen ou à long terme. Dans l’ensemble, l’ouvrage se révèle très instructif et représente un progrès remarquable dans la littérature sur la gouvernance mondiale de l’énergie, ouvrant des pistes pour de nouvelles réflexions. Il est donc fortement recommandé aux chercheurs qui s’intéressent à la gouvernance mondiale de l’énergie et au rôle que les organisations internationales et divers forums peuvent jouer dedans.