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Les anniversaires sont l’occasion de faire le point pour se donner l’élan et les moyens nécessaires pour continuer la route. Pour sa 50e livraison, la rédaction de L’Annuaire théâtral souhaitait souligner l’événement de diverses façons.

Dans un premier temps, la revue que vous tenez entre les mains a subi une métamorphose graphique majeure. C’était là un désir que nous avions depuis quelque temps qui se concrétise aujourd’hui pour marquer une série de changements importants touchant à la fois la direction de la revue, son lieu de production et, plus récemment, son mode de fonctionnement interne. Ces changements vont se poursuivre dans les prochaines années, mais il importait qu’ils soient inscrits à l’enseigne d’un renouveau que vient dès lors confirmer un graphisme plus convivial, plus aéré, mis au service, nous l’espérons, de la lisibilité des textes et qui procurera un plaisir accru à nos lecteurs.

Mais ce changement cosmétique cherche aussi à indiquer une volonté de faire doublement peau neuve. Dans la foulée de la réorganisation de l’équipe de direction nous affichons dès maintenant nos couleurs au regard d’une évolution récente de la recherche théâtrale en faisant une place plus grande et plus officielle à ce qu’il est convenu d’appeler la « recherche création ». Placée sous la responsabilité de notre collègue Jean-Paul Quiennec et sous le parrainage de la Chaire de recherche du Canada en dramaturgie sonore, cette initiative veut à la fois affirmer la nécessité de promouvoir ce domaine de recherche et contribuer à instaurer un dialogue fécond entre chercheurs de toutes obédiences autour des enjeux cruciaux de la création théâtrale contemporaine.

Ajoutons que la mise en valeur de travaux en « recherche création » dans notre revue apparaît comme une occasion de repenser les modes de diffusion et de présentation de la recherche savante. La publication d’un premier dossier dans le numéro 53 sera, à n’en pas douter, une raison supplémentaire pour revoir l’articulation, au sein de nos pages, entre l’image et le texte, mais plus encore entre la version imprimée et la version électronique de la revue. Nous vous invitons à lire là-dessous le texte de notre collègue en page 205 où sont par ailleurs exposés le programme et les défis de cette nouvelle section.

Autre signe de changement, le dossier présenté dans ce numéro double signale, pour les rédacteurs de L’Annuaire théâtral, une volonté de replacer la question du théâtre québécois dans une perspective qui tienne compte davantage de ses développements récents et du contexte international dans lequel ceux-ci se manifestent. La posture est ici clairement affirmée. L’ensemble des articles qui composent ce dossier, sous la responsabilité de Gilbert David, invitent à une lecture faite sous le signe de la « francophonie (américaine) » pour tenter de comprendre une activité (dramaturgique) qui résiste de plus en plus au modèle national d’interprétation esthétique et historique.

La discussion ouverte par ce dossier ne manquera pas de susciter des réactions et des questionnements comme elle inspira sans doute d’autres initiatives. On notera à cet égard que les contributions à ce dossier proviennent de différents horizons et qu’elles montrent la diversité des approches pratiquées sur le corpus dramaturgique francophone. Mais en dépit de l’éclectisme des discours, il y a là l’évidence d’un domaine d’étude spécifique qui prend forme et qui, peu à peu, pose les bases d’un questionnement nouveau auquel notre revue veut prendre part.

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L’année 2012 aura été marquée par un triste événement, la disparation du professeur Shawn Huffman, le 4 août dernier. Celui-ci a été un collaborateur fidèle de la revue, en plus d’avoir occupé les fonctions de rédacteur en chef et de directeur entre 2006 et 2008. Shawn Huffman enseignait les théories littéraires et les dramaturgies québécoises et contemporaines au département d’études littéraires de l’UQÀM. Brillant chercheur, doté d’un sens aigu de l’analyse, il laisse derrière lui une oeuvre critique qui témoigne d’un esprit sensible et d’une curiosité sans faille pour toutes les formes d’écriture. Dès son arrivée au Québec, après des études doctorales à Toronto, il en étonnera plus d’un parmi ses jeunes collègues en études théâtrales par sa maîtrise de la langue française, sa langue d’adoption. Rapidement, il se taille une place de choix au sein de la communauté académique par ses contributions à des colloques, des ouvrages collectifs et des revues. Son approche singulière des questions théoriques, sa manière personnelle d’appréhender le phénomène théâtral et d’en restituer l’étrangeté, traçaient déjà les contours du territoire qu’il va creuser durant la quinzaine d’années qui vont suivre. Le parcours de Shawn Huffman s’est interrompu abruptement alors qu’il n’avait que 45 ans.