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L’ouvrage résume les grandes notions littéraires (l’auteur, le lecteur, le genre, le personnage et la fiction) et part d’un tableau de Nicolas Poussin, L’inspiration du poète (1630). Loehr cite les grands moments qui ont marqué l’histoire, mentionne les auteurs qui ont affiché leur filiation avec l’Antiquité (La Fontaine envers Ésope) ou qui se sont démarqués de cette tradition, en lui substituant un merveilleux hérité d’une tradition nationale. C’est dans cette perspective que le lecteur apparaît comme le pendant nécessaire de l’auteur, puisque l’acte littéraire est un acte d’énonciation dirigé vers un autre, le récepteur, l’indispensable collaborateur de l’écrivain. Pour appuyer ses dires, Loehr retrace la place de l’auteur dans l’Histoire, de l’Antiquité jusqu’à sa disparition au milieu des années 1950 et 1960.

Loehr établit ce qui unit l’auteur au lecteur, par le truchement du texte. Les Allemands Jauss et Iser ont montré que le texte reste lettre morte tant qu’un acte de lecture ne lui donne pas du sens. Si l’auteur s’invente un lecteur virtuel, l’inscription de ce lecteur idéal constitue une manoeuvre, une stratégie de l’auteur pour diriger, orienter l’acte de lecture. Après avoir examiné trois problèmes associés au lecteur virtuel, Loehr s’attarde à la lecture dirigée marquée par le péritexte et examine la préface, le titre, le cadre générique, les voix et les perspectives narratives. Il aborde la question de la place occupée par le lecteur réel, selon que le texte comprend des vides et interroge leur nature. Le lecteur réel va compenser les silences dans la trame d’un texte par son imagination, par ses connaissances du monde réel, par la coproduction du texte si l’auteur du récit laisse des points de suspension, et par les connaissances d’autres textes du même genre, soit l’intertextualité. Les relations et les interactions nouvelles, les oeuvres les entretiennent dans ce que Malraux appelle le Musée imaginaire.

Le personnage n’est pas seulement une entité construite par un auteur, mais son existence fictionnelle est l’effet de l’activité et de la créativité du lecteur. Sa construction se fait par l’onomastique et par ce qu’il fait, pense et dit. Des années 1950 aux années 1970, il y a eu la déconstruction du personnage romanesque, sa désidéalisation, sa déstabilisation et sa désindividualisation pour rompre avec l’idéologie du personnage conçu comme un caractère ou un type humain. Depuis, on a assisté à la renaissance du personnage.

Pour la fiction, l’auteur réfère à la mimèsis présente dans La Poétique d’Aristote. Les personnages fictionnels entretiennent l’illusion référentielle par la présence d’un narrateur – omniscient ou non – qui donne ainsi accès à la conscience d’autrui.

Cet ouvrage concis est accompagné de nombreux exemples qui illustrent et appuient les propos de l’auteur. Assurément, la présentation des concepts et leur définition sont de nature à favoriser l’appropriation des notions littéraires et leur ancrage. Chaque chapitre comprend une bibliographie constituée de textes théoriques qui enrichissent les notions présentées. Il serait souhaitable 1) que les exemples sortent à l’occasion du domaine franco-français, d’autant plus que cet ouvrage est destiné largement à la Francophonie, et 2) d’enrichir le corpus littéraire d’oeuvres inscrites dans le patrimoine francophone ou mondial et non uniquement hexagonal.