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L’avant-propos de cet ouvrage, repris en quatrième de couverture, porte un dur jugement sur les sociétés d’aujourd’hui – sociétés du vide et de l’ennui, dans lesquelles une nouvelle ignorance aurait engendré des réformes irréfléchies – et sur la culture déclarée en voie de désintégration. Pourtant, les abondantes citations de textes d’auteurs contemporains, tout au long du livre, donnent à penser qu’il n’y a pas, dans la culture d’aujourd’hui, que vide et destruction. Et si les réformes irréfléchies, dans le contexte, semblent renvoyer au renouveau pédagogique des dernières années au Québec, souvent évoqué sous l’appellation la réforme, on constatera qu’il n’en est nullement question par la suite.

Les six ou sept premières leçons – le livre en compte treize, incluant celles de l’introduction et de la conclusion – sont de facture résolument scolaire. Les rappels de l’importance de l’affectivité, de la sagesse du corps, de la musique et de l’art dans le développement de l’enfant et donc pour l’éducation, assurément pertinents, sont à ce point émaillés de citations qu’on est tenté de reprendre, à l’endroit de Thomas De Koninck, les propos qu’il cite de Marcel Proust parlant de Schopenhauer : [il] n’avance jamais une opinion sans l’appuyer aussitôt sur plusieurs citations, mais on sent que les textes cités ne sont pour lui que des exemples […] où il aime à retrouver quelques traits de sa propre pensée (p. 94). Travers d’enseignant, sans doute, mais quelque peu irritant, à la longue, pour le lecteur. Les cinq dernières leçons – les cinq derniers chapitres –, dans le genre de l’essai, m’ont paru exposer les fruits d’une réflexion personnelle plus rigoureusement articulée.

Au coeur du livre, la leçon ou le chapitre 8 sur la crise de la connaissance et de la culture présente des propos qui ont été pour moi très stimulants, même s’ils m’ont laissé sur ma faim, comme on dit ; ou peut-être parce qu’ils ont ouvert un champ de questionnement. Reprenant et adaptant les propos de publications antérieures sur la nouvelle ignorance et le problème de la culture (Paris, Presses universitaires de France, 2000/2001) et au sujet de la dignité humaine (Presses universitaires de France, 2002), l’auteur aborde ici et dans les chapitres qui suivent des questions centrales pour l’enseignement qui ont trait au rapport au savoir – rapport au savoir de l’enseignant pour lui-même, également rapport au savoir dont il favorise le développement chez l’apprenant, le plus souvent inconsciemment et donc sans le vouloir. Ce rapport inclut ou pas ou guère l’interrogation relançant sans cesse la recherche scientifique (chapitre 9) et, plus fondamentalement, ce qu’on peut appeler la quête ; il fait place ou pas ou guère à la responsabilité intrinsèquement liée au savoir, ce qui fait l’objet des discussions des derniers chapitres sur l’éthique (chapitre 10, où il est souvent fait référence aux exigences du respect de la dignité humaine), dans ses liens avec l’économie et la politique (chapitre 11), et sur la responsabilité (chapitre 12).

Un livre à la fois riche et quelque peu décevant parfois, ouvrant néanmoins des pistes pour un renouvellement de ce qu’on appelle, dans les programmes de formation des maîtres, la philosophie de l’éducation.