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Si vous évoluez dans le champ de l’entrepreneuriat ou des PME, vous avez sans doute été confrontés, à plusieurs reprises, à une divergence de compréhension des concepts ou des définitions y étant liés. À eux seuls, ceux d’entrepreneuriat et d’entrepreneur sont au centre des discussions depuis qu’on s’y intéresse (Hansen, Shrader et Monllor, 2011 ; Howorth, Tempest et Coupland, 2005 ; Kobia et Sikalieh, 2010). Il importe de plus de souligner l’émergence d’un nouveau vocabulaire, selon les champs d’intérêts des différents chercheurs en entrepreneuriat et en PME. Pensons, par exemple, à Deschamps et Paturel (2009) qui ont initié le concept de repreneuriat ou à D’Andria et Richomme-Huet (2012) qui reprennent celui de mampreneuriat pour parler des mères entrepreneures. À ce sujet, Gartner publiait, en 2011, un article sur le vocabulaire créatif de Bengt Johannisson qui utilise les mots otherpreneur, interactment, senseability, narraction et clevoyance dans ses écrits ou ses conférences.

Au reste, comme l’observe si bien les auteurs de l’ouvrage Vocabulaire de la création d’entreprise par essaimage, force est de constater que « la langue anglaise exerce une grande influence sur les terminologies techniques et scientifiques en français » et cela ne fait pas exception dans les communautés scientifique et professionnelle oeuvrant en entrepreneuriat et en PME. Conscients de cette problématique, les terminologues de l’Office québécois de la langue française travaillent depuis 1974 à l’alimentation du Grand dictionnaire terminologique, un outil conçu et développé en vue de favoriser la généralisation du français dans les grands domaines de l’activité humaine, dont celui des affaires (http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/). Par exemple, parmi les sujets abordés, se trouve celui du mentorat qui, à lui seul, fait l’objet de 30 articles terminologiques, dont le mentor, le mentoré, ou la relation mentorale, incluant, dans la foulée, la terminologie associée à l’accompagnement (http://www.oqlf.gouv.qc.ca/ressources/bibliotheque/dictionnaires/terminologie_mentorat/lex_mentorat.html).

C’est dans cet esprit que l’ouvrage Vocabulaire de la création d’entreprise par essaimage propose 130 articles terminologiques, dont 96 sur la création d’entreprise par essaimage et 34 sur la restructuration par scission. Pour ce faire, les auteurs ont analysé et dépouillé des documents bilingues portant sur les deux thèmes, dont 12 dictionnaires terminologiques, 14 glossaires et lexiques, et 107 ouvrages de toutes formes spécialisés en entrepreneuriat et en PME, notamment. Cela explique que, hormis les termes consacrés à l’essaimage ou à la restructuration par scission, on y retrouve, entre autres, ceux de coeur de métier, de connexité, de culture organisationnelle, d’employé, d’esprit d’entreprise, de porteur de projet, de proximité ou de réseautage d’affaires. Concrètement, dès les premières pages de l’ouvrage, le lecteur est informé de la démarche méthodologique de même que du mode d’emploi du vocabulaire qui est présenté dans les sections y étant consacrées. À la fin de celles-ci, « un index des termes français et anglais reprend l’ensemble des termes principaux et des sous-entrées dans le corps du vocabulaire, suivis du numéro de l’article terminologique auquel ils renvoient. Dans chaque index, les termes français sont en caractère gras tandis que les termes anglais sont en italique » (p. 24), ce qui le rend facile et simple d’utilisation. Ce lexique est, par ailleurs, complet et précis. À titre d’exemple, à lui seul, le terme spin-off reporte le lecteur à quatre articles terminologiques, soit l’article 26, intitulé dispositif de soutien à l’essaimage ; à l’article 3, intitulé charte de création d’entreprise par essaimage ; à l’article 24 sur le départ pour création d’entreprise ; et à l’article 29 sur l’engagement, qui, dans ce dernier cas, renvoie à une « promesse explicite faite aux salariés-essaimeurs quant au niveau du soutien assuré et à la qualité des prestations offertes par leur organisation-employeur dans leurs projets de création d’entreprise » (p. 41).

Comme les auteurs, je crois que cet ouvrage deviendra un excellent outil de référence pour toutes les personnes qui étudient les processus de création d’entreprise, de création d’entreprise par essaimage, la restructuration par scission ou qui travaillent à ces processus. Mais, malheureusement, je pense qu’il sera un peu moins utile à celles qui s’intéressent aux autres domaines liés à l’entrepreneuriat et aux PME, notamment s’ils sont en émergence. Ce qui, de mon point de vue, limite le réel impact qu’aurait pu avoir un tel ouvrage puisque, après plus de 40 ans de recherche en entrepreneuriat et en PME, le temps est venu de réfléchir à l’utilisation d’un vocabulaire commun chez les chercheurs francophones qui trop souvent encore choisissent d’employer des termes ou des mots de langue anglaise dans leurs travaux.