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Introduction

La pratique réflexive forme actuellement une compétence-clef de la formation initiale des enseignants. Pour certains auteurs (Paquay, 1994 ; Perrenoud, 2003 ; Zeichner, 1983), elle représente le paradigme dominant en éducation. En témoignent l’apparition de programmes de formation dits « réflexifs » (Desjardins, 2000) et leur multiplication durant les deux dernières décennies : « many teacher education programs include as a major goal the preparation of reflective teachers » (Richardson, 1990, p. 3). Nous rejoignons ici Desjardins (2000), laquelle constate que « les attentes liées à cette nouvelle orientation sont vastes » (p. 10), ce qui semble contraster avec son manque d’assises théoriques. En effet, la pratique réflexive forme un concept peu clair, ce qui est régulièrement relevé dans la littérature du domaine (Beauchamp, 2006). En un sens, elle semble avoir envahi le champ de la formation initiale d’enseignants avant même qu’on puisse en apprécier l’efficacité exacte, risquant par là même de devenir un simple slogan de réforme éducative (Fendler, 2003 ; Hawkes & Romiszowski, 2001 ; Richardson, 1990 ; Zeichner & Liston, 1996). L’enjeu des recherches empiriques actuelles consiste donc en grande partie à savoir comment rendre effectif et efficace leur potentiel présumé.

Souhaitant contribuer à cette réflexion, cette étude a pour objectif de mieux comprendre la variation de la pratique réflexive des enseignants stagiaires suivant les contextes académique et pratique. Cet objectif a émergé au cours d’une recherche exploratoire précédente (voir Collin, 2010), dont nous reprenons certaines des analyses à la lumière des interrogations qu’elle a suscitées. Un devis méthodologique qualitatif (entrevues individuelles et de groupe) auprès de trois groupes d’enseignants stagiaires et de leurs superviseurs nous permet de relever des variations contextuelles de la pratique réflexive à trois plans distincts : la motivation et la finalité ; les acteurs soutenant la pratique réflexive ; enfin, les modalités d’interaction.

1. Problématique

En premier lieu, nous commençons par rappeler comment la pratique réflexive a été progressivement incluse dans les programmes de formation initiale d’enseignants au Québec, afin de mieux situer la place du stage d’enseignement à son égard.

1.1 Inclusion de la pratique réflexive dans la formation initiale des enseignants au Québec

En une vingtaine d’années, la pratique réflexive est devenue un concept-clef de la formation initiale d’enseignants (Richardson, 1990). Son inclusion en formation initiale d’enseignants s’inscrit dans un mouvement international des années 80 et 90 dont l’objectif est de faire de l’éducation un objet de réforme prioritaire pour en accroître la qualité. En 1983, l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) adopte une nouvelle orientation consistant à accorder la priorité à un relèvement de la qualité de l’enseignement par « des améliorations moins tangibles, qui seront sans doute plus difficiles à réaliser que celle de nature quantitative » (OCDE, 1983 cité par OCDE, 1989, p. 7). Elle poursuit dans cette voie en publiant en 1989 un rapport international intitulé Les écoles et la qualité (OCDE, 1989), dont l’objectif est là encore de souligner le besoin d’améliorer la qualité de l’enseignement.

Au Québec, la réponse au déficit qualitatif de l’éducation est amorcée en 1991 par le Conseil supérieur de l’éducation (CSE), qui propose une redéfinition majeure de l’enseignement par « la reconnaissance du caractère professionnel de l’acte d’enseigner » (CSE, 1991, p. 9). Ce dernier y est décrit comme un acte à la fois professionnel, interactif, complexe et réflexif. La pratique réflexive devient à cette occasion un des constituants principaux de l’acte d’enseigner. Elle est présentée en réaction à « la pure exécution mécanique d’une tâche » (CSE, 1991, p. 21), ce que Schön (1983) appelle le modèle de « Technical Rationality – the view of professional knowledge which has most powerfully shaped both our thinking about the professions and the instutitional relations of research, education, and practice » (p. 21).

En 1992, le Ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) donne suite au rapport du CSE (1991) en lançant une réforme complète du système éducatif. La formation initiale devient à cette occasion une voie royale pour renouveler et valoriser la profession (MEQ, 1992), l’idée étant d’instaurer une pratique réflexive chez les enseignants par une formation à la pratique réflexive chez les futurs enseignants : « [l’acte d’enseigner] étant précisément construit autour d’une médiation profondément interactive et réflexive […], il requiert une préparation elle-même interactive et réflexive » (CSE, 1991, p. 43). En 2001, le MEQ finit de formaliser la place de la pratique réflexive dans la formation des enseignants en l’inscrivant comme un élément de la compétence 11 : « s’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel » (MEQ, 2001, p. 125-129). Plus précisément, la pratique réflexive représente une composante de la compétence 11, dans laquelle l’enseignant en formation doit apprendre à « réfléchir sur sa pratique (analyse réflexive) et réinvestir les résultats de sa réflexion dans l’action » (MEQ, 2001, p. 127).

Parce que la pratique réflexive est fondamentalement construite en rapport avec l’action professionnelle (Schön, 1983), il est possible de penser qu’elle est particulièrement susceptible de se développer lors des stages d’enseignement. À ce titre, les programmes officiels prévoient que la pratique réflexive des enseignants stagiaires soit guidée par les différents acteurs du stage, notamment :

  • le formateur universitaire, qui relève de l’institut de formation ;

  • l’enseignant associé, qui a explicitement pour responsabilité de « s’inscri[re] avec la ou le stagiaire dans une démarche d’analyse réflexive » (MEQ, 1994, p. 11).

Outre l’accompagnement humain des stagiaires, les séminaires qui ponctuent les stages, les outils de communication par Internet, la tenue d’un portfolio ou encore l’analyse des pratiques constituent des modalités d’accompagnement susceptibles de soutenir la pratique réflexive des enseignants stagiaires (Mansvelder-Longayroux, Beijaard & Verloop, 2007). En somme, le stage d’enseignement semble être une période particulièrement favorable au développement de la pratique réflexive des enseignants stagiaires, notamment au moyen d’une pluralité d’acteurs et d’outils, lesquels apparaissent comme autant de soutiens potentiels à la pratique réflexive. Ils sont toutefois sujets à certaines disparités, comme nous pouvons le voir maintenant.

1.2 Disparités des dispositifs de soutien à la pratique réflexive en formation initiale d’enseignants

Les dispositifs de soutien à la pratique réflexive font état de disparités profondes d’un institut de formation à un autre, ce qui peut être en partie attribué au manque de clarté du concept de pratique réflexive : « because of unclear understandings of what reflective practice actually is, there is a corresponding lack of understanding about how to teach it » (Beauchamp, 2006, p. 12). Plusieurs études (entre autres, Calderhead, 1989 ; Clift, Houston & Pugach et Johnson, 1990 ; Desjardins, 2000 ; Jay & Johnson, 2002 ; Korthagen, 2001 ; Ross, 1989 ; Tom, 1985 ; Valli, 1997 ; Zeichner, 1987) ont fait ressortir des divergences liées aux objets de réflexion, au processus réflexif, à la structuration des programmes de formation initiale, ou encore à la place des stages d’enseignement.

Dans le cadre de cette étude, ce dernier point retient tout particulièrement notre attention dans la mesure où il met en opposition le contexte académique et le contexte pratique en termes de soutien à la pratique réflexive des enseignants stagiaires. En effet, parce qu’il prône le « coaching » de la pratique réflexive en formation initiale, Schön (1987) valorise une « immersion » accompagnée de l’enseignant-stagiaire dans sa pratique professionnelle. Le stage d’enseignement prend alors une dimension importante au sein du dispositif de formation puisqu’il est le lieu par excellence de développement de la pratique réflexive des enseignants stagiaires. Au contraire, du point de vue des tenants de la pratique réflexive dans sa dimension critique, sociale et politique, « exposure to the craft knowledge of the teacher is viewed in terms of its conservative effects, initiating the student teacher into taken-for-granted routines » (Calderhead, 1989, p. 45). L’enseignant en formation doit donc dans un premier temps développer sa réflexion critique avant d’aborder l’acte d’enseigner. Le stage d’enseignement tient alors une place de second rang dans la formation initiale.

Cette divergence renvoie à la problématique de l’alternance comme dispositif de formation et pose la question de l’interaction entre ses deux contextes : le contexte académique et le contexte pratique. À ce sujet, il est intéressant de noter que peu de recherches, à notre connaissance, semblent s’être attachées à étudier la variation éventuelle de la pratique réflexive suivant ses contextes de production. En effet, l’étude empirique des variations de la pratique réflexive a principalement porté sur les niveaux de pratique réflexive démontrés par les enseignants stagiaires (ex. : Calderhead, 1989 ; Hawkes & Romiszowski, 2001 ; Mansvelder-Longayroux et al., 2007 ; Ross, 1989) et les outils et dispositifs de soutien à la pratique réflexive des enseignants stagiaires (ex. : Guiller, Durndell & Ross, 2008 ; Joiner et Jones, 2003 ; Makinster, Barab, Harwood & Andersen, 2006 ; Paulus & Phipps, 2008). Il est pourtant possible de penser que la pratique réflexive n’est pas exempte de variation suivant les contextes où elle prend place. En effet, si l’on conçoit la pratique réflexive comme un processus en interaction avec la situation professionnelle spécifique dans laquelle elle prend place (Schön, 1983), les contextes académique et pratique sont susceptibles d’influer sur la pratique réflexive des enseignants stagiaires. C’est précisément ce qui nous intéresse dans le cadre de cet article.

1.3 Objectif

En lien avec la variation contextuelle de la pratique réflexive, cette étude a pour objectif de mieux comprendre la variation de la pratique réflexive des enseignants stagiaires suivant les contextes académique et pratique. Il est important de préciser que cet objectif a été suscité durant une recherche exploratoire précédente (voir Collin, 2010). Il n’a donc pas fait l’objet d’un devis méthodologique spécifique, mais il a émergé en filigrane et de manière transversale dans nos résultats de recherche. Cet objectif pose une question qui s’est avérée centrale pour l’étude précédente. Nous estimons donc qu’il est opportun de l’aborder avec les analyses dont nous disposons, pour éventuellement l’approfondir dans de futures recherches.

2. Cadre conceptuel

Le cadre conceptuel qui suit vise à mettre en lumière l’importance que peut revêtir le contexte pour la pratique réflexive des enseignants stagiaires. Pour ce faire, nous présentons deux traits caractéristiques de la pratique réflexive qui nous semblent particulièrement éclairants pour expliquer ses variations contextuelles possibles : un trait ancré dans l’action ; un trait interactionnel. Ces traits caractéristiques ne suffisent pas à définir la pratique réflexive dans son ensemble. Ils permettent toutefois d’indiquer au lecteur comment la variation de la pratique réflexive est appréhendée dans cette étude.

2.1 Trait ancré dans l’action

Le trait ancré de la pratique réflexive renvoie à la proximité que la réflexion et l’action entretiennent, selon Schön (1983). Dans cette perspective, la réflexion est perçue comme étant modelée par une situation spécifique, d’où elle émerge et dans laquelle est elle est réinvestie, au moyen d’actions professionnelles, dans le but d’y répondre. La pratique réflexive ainsi définie se veut donc pragmatique et centrée sur la réalité vécue par les enseignants stagiaires. Il importe toutefois d’amener une nuance. Que la pratique réflexive, soit pragmatique, et centrée sur la réalité des enseignants stagiaires n’implique pas que ces derniers limitent leur réflexion à leur situation immédiate. En revanche, leur réflexion, qu’elle soit d’ordre technique, pratique, éthique, moral, politique ou social, est suscitée par un besoin issu de leur situation immédiate et elle a pour finalité un réinvestissement dans cette même situation au moyen d’un ajustement de leurs pratiques, à court, moyen ou long terme. Dite autrement, la pratique réflexive des enseignants stagiaires pourrait porter sur des objets réflexifs concrets ou abstraits, tant que ces derniers émergent de la pratique. Nous rejoignons ici les considérations de Zeichner (1994) :

My position has been that the critical is right there in front of student teachers in their classrooms […] and that the way to draw their attention to it is to start with student teachers’ own définitions of their experience and facilitate an examination of different aspects of that experience, including how it is connected to issues of social continuity and change.

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Le trait caractéristique ancré de la pratique réflexive suppose donc que la réflexion pourrait être abstraite ou concrète, mais en aucun cas désincarnée et indépendante de son contexte de production.

2.2 Trait interactionnel

Le second trait caractéristique tient de la dimension interactionnelle que revêt la pratique réflexive. L’interaction dont il est question ici peut prendre différentes formes. Schön (1983) évoque par exemple la pratique réflexive comme une interaction entre le professionnel et sa pratique. Pour d’autres auteurs, l’interaction renvoie davantage à l’échange verbal entre les enseignants stagiaires et les autres acteurs du stage d’enseignement au sujet de leur pratique. À ce propos, Desjardins (2000) note une ambiguïté qu’elle impute à une imprécision terminologique :

L’adjectif « réflexif » a une signification ambiguë dans les discours ; alors que cet adjectif est censé désigner un retour de la pensée sur elle-même, dans la plupart des textes, l’analyse réflexive d’un sujet peut porter sur sa propre pratique, mais elle peut aussi porter sur la pratique d’un autre individu.

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L’association de la pratique réflexive et de l’interaction verbale est positivement perçue lorsqu’elle est évoquée dans la littérature. Par exemple, pour Richert (1992), « talking with others is a key structural component in each of the programs of reflective teacher education [described in Valli, 1992] » (p. 192). De même, Jay & Johnson (2002) notent que « the use of dialogue within the seminars brings multiple perspectives and hidden points of view into the conversation as central features of the reflective process » (p. 80). Shoffner (2008) va dans le même sens en affirmant que les interactions collectives sont nécessaires pour la pratique réflexive dans la mesure où elles permettent aux enseignants en formation de développer une compréhension plus approfondie de leur pratique. Osterman et Kottkamp (2004) soutiennent que « as learners ask questions, challenge ideas, and process learning verbally, they clarify their thinking and deepen understanding » (p. 20). Dans le même ordre d’idée, la littérature sur la pratique réflexive fait parfois état du terme « reflective conversation » (Ashraf & Rarieya, 2008 ; Crow et Smyth, 2005 ; Goodfellow, 2000 ; Smyth & Cherry, 2005). L’idée est alors que la conversation permet « the deconstruction of those experiences and the reconstruction of a shared meaning in a way that transforms understandings and changes practice » (Crow & Smith, 2005, p. 491).

Les deux traits caractéristiques de la pratique réflexive que nous mettons de l’avant permettent d’éclairer les variations contextuelles possibles de la pratique réflexive des enseignants stagiaires. Ainsi, si nous admettons que la pratique réflexive est ancrée dans son contexte d’apparition, il est possible de penser qu’elle peut différer suivant si elle a lieu dans le contexte académique ou dans le contexte pratique. De la même manière, si nous considérons que la pratique réflexive contient une dimension interactionnelle, cette dernière est susceptible de modifier la pratique réflexive suivant les interlocuteurs et les situations en présence. Dans le prolongement de ces deux traits caractéristiques, il est possible d’avancer que la pratique réflexive en contexte académique et en contexte de pratique, parce qu’elle fait intervenir des contextes et des acteurs différents (superviseur universitaire, et parfois pairs pour le contexte académique ; enseignant associé et équipe-école pour le contexte pratique), peut elle-même être sujette à variation.

3. Méthodologie

Nous présentons maintenant la méthodologie exploratoire qualitative que nous avons adoptée pour répondre à notre objectif de recherche en mentionnant d’abord les participants à l’étude puis la collecte et l’analyse des données.

3.1 Participants

Les participants sont des enseignants stagiaires en quatrième année de formation initiale d’enseignement au secondaire d’une université québécoise. Ces derniers sont répartis par groupe d’environ 12 enseignants stagiaires accompagnés d’un superviseur universitaire. Nous avons suivi trois de ces groupes (un groupe de 9 enseignants stagiaires ; un groupe de 12 enseignants stagiaires ; un groupe de 13 enseignants stagiaires) et leurs superviseurs respectifs sur toute la durée du stage de quatrième année (45 jours d’enseignement). Dans une visée de développement de leur pratique réflexive, les enseignants stagiaires de chaque groupe ainsi que leurs superviseurs sont automatiquement inscrits à une liste de diffusion bidirectionnelle[1]. Ils ont pour consigne d’utiliser la liste de diffusion pour partager leur pratique d’enseignement (surprise, problème, frustration, etc.) durant leur stage. Leur participation aux interactions en ligne par la liste de diffusion est obligatoire et leurs réflexions sont à remettre à des dates précises. Au contraire, bien qu’ils soient membres de la liste de diffusion, les superviseurs universitaires ont comme politique d’intervenir le moins possible pour ne pas freiner l’interaction entre les enseignants stagiaires. Complémentairement à l’interaction en ligne, cinq séminaires de stage jalonnent la durée du stage de 4e année et se déroulent en présentiel à l’université. Ils donnent l’occasion à chaque groupe de faire un retour sur les réflexions échangées par la liste de diffusion. En ce sens, les interactions en ligne et les interactions en face à face durant les séminaires ont pour but d’alimenter et de prolonger une réflexion commune des enseignants stagiaires au sein de leurs groupes respectifs. Parallèlement à ce dispositif académique de soutien à la pratique réflexive, les enseignants stagiaires effectuent leur stage dans des écoles différentes. C’est sur la base de cette alternance des contextes académique et pratique que nous étudions les variations de la pratique réflexive de l’un à l’autre.

3.2 Collecte et analyse des données

La collecte de données a fait intervenir des entrevues individuelles et de groupe. Quatre entrevues de groupe et quatre entrevues individuelles ont été passées à la fin du stage d’enseignement auprès des trois groupes d’étudiants et des superviseurs. Le thème des entrevues était centré sur le dispositif de soutien à la pratique réflexive mis en oeuvre par l’institut de formation pour accompagner les enseignants stagiaires durant leur stage, notamment vis-à-vis d’autres soutiens externes à l’institut de formation, tels que les enseignants associés.

Les entrevues individuelles et de groupe ont d’abord été transcrites puis codées avec le logiciel d’analyse qualitative QDA Miner suivant une grille de codage semi-ouverte basée sur les thèmes présents dans le protocole d’entrevue. Le contrecodage a donné lieu à un taux d’accord interjuges de 76,3 %. L’analyse thématique (L’Écuyer, 1990 ; Van der Maren, 1996) a permis de répondre aux objectifs initiaux de l’étude et a été retravaillée pour répondre spécifiquement à l’objectif du présent article, lequel a émergé en filigrane et de manière transversale dans nos résultats de recherche. La partie suivante présente les résultats, tels qu’ils apparaissent à la lumière des analyses que nous avons revisitées.

4. Variations de la pratique réflexive entre les contextes académique et pratique

Nous présentons maintenant les variations de la pratique réflexive que nous avons relevées sur le plan: de la motivation et de la finalité ; des acteurs soutenant la pratique réflexive  et des modalités d’interaction.

4.1 Variation de la pratique réflexive en termes de motivation et de finalité

La première variation entre les contextes académique et pratique concerne les motivations et les finalités de la pratique réflexive.

4.1.1 Motivations et finalités de la pratique réflexive en contexte académique

Le dispositif de soutien à la pratique réflexive animé par les superviseurs universitaires (contexte académique), à savoir, les séminaires de discussion et la participation à la liste de diffusion, est nettement perçu par les enseignants stagiaires comme une obligation.

Je me suis sentie un peu obligée. Si je n’avais pas eu à le faire, je ne sais pas si je l’aurais fait.

ES2/EI[2]

C’est toujours vu comme un devoir, finalement.

S3/EG

J’ai plus l’impression qu’on le faisait en se forçant que par utilité. 

ES1/EG1

Cette obligation est bien réelle dans la mesure où la participation à ce dispositif est évaluée. À ce titre, certains étudiants voient une contradiction entre une réflexion authentique et le fait de l’évaluer, ce dont les superviseurs ont également conscience :

On ne peut pas placer une personne dans une situation où on te demande de réfléchir sur ta pratique, mais, en même temps, il faut que tu passes ton stage. C’est un non-sens.

ES20/EG2

Comme on dit souvent, l’évaluation, c’est ce qui garrote souvent l’accompagnement 

S2/EG

Cette contradiction amènerait certains enseignants stagiaires à considérer le dispositif de soutien à la pratique réflexive comme un travail essentiellement académique, ce qui se ferait au détriment d’un « réel » besoin de réflexion :

J’ai trouvé que c’était peut-être un petit peu biaisé par le fait que […] le superviseur a le droit de voir les réflexions donc les gens essayent toujours de bien paraître dans leurs réflexions.

ES1/EG2

Des fois, je pense qu’on cherchait trop quelque chose à "réfléchir".

ES22/EG1

Quand tu sais que tu vas avoir à être évalué par la personne qui te conseille, tu lui dis ce qu’elle veut entendre.

S2/EG

Ainsi, l’obligation et l’évaluation liées au dispositif académique de soutien à la pratique réflexive des enseignants stagiaires semblent perçues par certains enseignants stagiaires comme un « impératif à réfléchir » déconnecté de leur expérience pratique de stage.

4.1.2 Motivations et finalités de la pratique réflexive en contexte pratique

À l’inverse, la pratique réflexive en contexte pratique (c.-à-d. sur le lieu de stage) semble très souvent sollicitée, voire omniprésente, chez les enseignants stagiaires :

On ne fait que ça, réfléchir à notre pratique en enseignant. Moi, j’ai trois groupes puis même si j’enseigne pendant la première, deuxième, troisième période, d’un cours à l’autre, je vais modifier un petit quelque chose. On réfléchit constamment à notre pratique.

ES63/EG3

Mais le questionnement, on l’a tous les jours. Après chaque cours, on est obligé, on rentre… Moi, je conduis ma voiture quand je sors du collège, je me pose des questions déjà, quand je planifie pour la prochaine leçon, je me pose encore des questions. Donc, est-ce qu’on se pose des questions à la fin du stage? Oui en va s’en poser.

ES62/EG3

Elle permettrait alors aux enseignants stagiaires d’adapter en continu leurs pratiques de classe en vue de l’améliorer.

Je pense que la réflexion en tant que telle fait en sorte que tu t’adaptes, parce que continuellement on s’adapte. Il y a un problème avec un élève, que tu fasses une réflexion sur la liste ou que tu n’en fasses pas, je pense que la réflexion est enclenchée.

ES4/EI

Mais, en permanence, on est en réflexion, admettons qu’on enseigne quatre cours dans la journée : quatre périodes de 75 minutes. La première, on va donner le cours, on va le donner d’une certaine façon. On va remarquer tout ce qui s’est moins bien passé, on va arriver dans le deuxième cours, puis parce qu›on connaît nos élèves, bien ce qui s’est moins bien passé on va l’adapter, ce qui s›est bien passé on va le garder comme ça ou on va l’adapter parce qu›on sait à quelle clientèle on va s’adresser. Puis la même chose dans le troisième cours, puis dans le quatrième cours […] et je pense que c›est normal aussi en tant qu›enseignant de toujours faire cette pratique-là, de dire : “Bon, qu’est-ce que je peux améliorer ? Qu’est-ce qui a moins bien fonctionné ? Comment puis-je aller chercher un peu plus de mes élèves, ainsi de suite.” Donc, je pense que c’est une pratique qui est courante.

ES3/EI

Ces propos consensuels chez les enseignants stagiaires participants peuvent sembler en contradiction avec l’obligation à réfléchir mentionnée ci-dessus. En effet, d’un côté, la pratique réflexive est vécue comme un impératif peu lié à l’expérience de stage, de l’autre, elle semble constituer un élément inhérent à l’acte d’enseigner en vue de répondre à la multitude de besoins que les enseignants stagiaires rencontrent. Cette contradiction apparente semble toutefois trouver une certaine logique lorsqu’elle est envisagée en termes de contexte. Il est en effet possible de penser que le dispositif académique de soutien à la pratique réflexive, notamment parce qu’il est obligatoire et évalué, donnerait lieu à un travail académique, se différenciant par là même de la pratique réflexive que les enseignants stagiaires exercent en contexte pratique, laquelle est motivée par un « réel » besoin de répondre à la situation d’enseignement-apprentissage. Dans cette perspective, la pratique réflexive en contexte académique aurait pour motivation une obligation et comme finalité, une évaluation, les deux étant de nature académique. Au contraire, la pratique réflexive en contexte pratique aurait comme motivation un besoin pédagogique et comme finalité, une amélioration de la pratique. Les résultats suivants permettent de préciser cette variation initiale entre contextes pratique et académique.

4.2 Variation de la pratique réflexive en termes d’acteurs du stage d’enseignement

La variation de la pratique réflexive entre les contextes académique et pratique peut être précisée davantage lorsqu’elle est appliquée aux acteurs du stage d’enseignement. En contexte académique, il s’agit essentiellement du superviseur universitaire et des pairs, alors qu’il s’agit davantage de l’enseignant associé et de l’équipe-école dans le contexte pratique. Il est vrai que le superviseur universitaire intervient également dans le contexte pratique puisqu’il fait des observations dans la salle de classe des enseignants stagiaires. À la lumière des résultats présentés ci-dessus, il est toutefois possible de penser que les enseignants stagiaires l’associent davantage au contexte académique dans la mesure où il est chargé de leur accompagnement académique durant le stage.

4.2.1 Acteurs soutenant la pratique réflexive en contexte académique

Pour ce qui est des acteurs académiques, il est bon de rappeler que le superviseur universitaire semble fortement perçu dans sa fonction d’évaluation, ce que certains enseignants stagiaires estiment incompatible avec le soutien de leur pratique réflexive (voir section Variation de la pratique réflexive en termes de motivation et de finalité).

Le dispositif académique de soutien à la pratique réflexive observé dans cette étude prévoit également une participation active des pairs et mise sur une coconstruction de la pratique réflexive au sein des groupes d’enseignants stagiaires. Pourtant, les pairs ne sont pas toujours perçus comme des acteurs adéquats pour soutenir la pratique réflexive, notamment parce qu’ils n’ont pas une base expérientielle suffisamment grande pour accompagner avec efficacité la réflexion de chacun.

Des fois, les questions [des autres enseignants stagiaires] étaient très précises. Qu’est-ce que tu peux dire sinon : “Je suis désolé, je ne peux pas te répondre”. Je ne sais pas, donc je ne réponds pas.

ES47/EG2

Les gens [du groupe d’enseignants stagiaires] ont de toute façon la même expérience que nous. Souvent, ce qu’on veut, c’est un plus. 

ES48/EG3

Un autre écueil des pairs en tant qu’acteurs soutenant efficacement la pratique réflexive tient de leur non-connaissance du milieu éducatif spécifique dans lequel chaque enseignant-stagiaire fait son stage. En effet, parce que les enseignants stagiaires sont répartis dans différents lieux de stage, leur pratique réflexive porte sur des milieux distincts et spécifiques, donc non partagés par le groupe d’enseignants stagiaires.

C’est sûr qu’on est tous enseignants. Mais en même temps, qu’est-ce que j’ai en commun avec quelqu’un qui enseigne les mathématiques ? 

ES27/EG2

On est tous dans des domaines différents. Alors je ne peux pas nécessairement, au niveau pédagogique, aider [nom d’un enseignant-stagiaire] qui est en français.

ES10/EG3

Être au public et être au privé, c’est deux choses différentes. Donc, je ne comprends pas nécessairement moi ce qu’eux vivent.

ES2/EI

Moi, à [nom d’une ville], je ne vis pas la même chose que les gens à Montréal.

ES4/EI

Dans cette perspective, avant même que la pratique réflexive puisse être coconstruite par le groupe d’enseignants stagiaires, elle nécessite un effort descriptif permettant de poser le contexte dans lequel elle a été exercée. Le partage préalable du contexte de la pratique réflexive devient alors une condition à sa coconstruction, ce qui peut s’avérer fastidieux pour les enseignants stagiaires.

Il faut plus mettre en contexte, puis même à ça, ça ne veut pas dire qu’ils vont comprendre ce que je vis.

ES2/EI

Juste élaborer la situation avant même de parler du problème, il faut dire le contexte, tout ça. - La mise en situation. - La mise en situation.

ES16-17/EG2

En somme, les superviseurs universitaires et les pairs des enseignants stagiaires apparaissent tous deux limités dans leur soutien à la pratique réflexive des enseignants stagiaires, mais pour des raisons différentes : les premiers, parce qu’ils revêtent une fonction évaluative parfois difficilement compatible avec une réflexion authentique ; les seconds, parce qu’ils disposent de peu d’expérience susceptible d’orienter avec efficacité la réflexion des enseignants stagiaires et qu’ils externent au contexte pratique de chaque enseignant stagiaire.

4.2.2 Acteurs soutenant la pratique réflexive en contexte pratique

Pour les raisons mentionnées ci-dessus, les acteurs soutenant la pratique réflexive en contexte académique sont perçus par les enseignants stagiaires comme moins adéquats que les acteurs issus du contexte pratique, notamment les enseignants-associés. Outre le fait que ces derniers ont plus d’expérience que les pairs et sont moins associés à la fonction évaluative que les superviseurs universitaires, ils représentent surtout l’avantage d’être internes au milieu d’enseignement-apprentissage des enseignants stagiaires qu’ils accueillent.

On est pendant deux mois et demi avec la même personne, avec ses élèves. On a ses élèves, alors c’est sûr que si on parle de tel élève, l’enseignant va nous comprendre plus rapidement.

ES52/EG2

Elle [mon enseignante associée] le savait, elle me voyait puis souvent c’était elle qui me faisait réfléchir sur ma pratique, donc c’était différent.

ES20/EG2

Je dirais que c’est [la réflexion] plus contextualisé. Il les connaît, il sait aussi les ressources qu’on a et celles qu’on n’a pas.

ES3/EI

C’est [la réflexion] plus en contexte avec mon maître associé.

ES2/EI

Il en va de même pour l’équipe-école, notamment les collègues des enseignants-associés.

Si j’avais des réflexions, j’en parlais pendant mon stage, avec des enseignants de l’école, plus qu’avec vous.

ES8/EG2

Souvent, quand on rencontre un problème avec un groupe, quand on parle aux professeurs des autres matières qui ont ce groupe là, c’est facile de régler le problème.

ES16/EG2

J’étais dans un local, un bureau avec des gens de sciences dont une autre professeure de sciences qui enseignait au même groupe que moi – moi c’était chimie, elle c’était physique – donc on pouvait beaucoup discuter des cas d’élèves.

ES53/EG2

Les enseignants associés et l’équipe-école, parce qu’ils sont internes au milieu de pratique des enseignants stagiaires, permettraient donc de réduire une limite importante de la pratique réflexive lorsqu’elle se déroule en contexte académique : sa mise en contexte. Il apparaît donc que le contexte, suivant s’il implique des acteurs « académiques » ou « pratiques », est susceptible de faire varier la pratique réflexive des enseignants stagiaires, ces derniers jugeant apparemment les acteurs du contexte pratique plus à même de soutenir leur réflexion.

4.3 Variation de la pratique réflexive en termes de modalités d’interaction

Dans le prolongement des variations liées aux acteurs (voir section Variation en termes d’acteurs du stage d’enseignement), celles liées à leurs interactions permettent de nouveau de faire émerger une différence entre les contextes académiques et pratiques.

4.3.1 Modalités d’interaction de la pratique réflexive en contexte académique

Au même titre que les acteurs académiques, les modalités d’interaction qu’ils entretiennent avec les enseignants stagiaires se caractérisent par le fait qu’ils ne partagent pas le même cadre spatio-temporel. Il en résulte des interactions différées dans le temps, qui peuvent prendre place soit durant les séminaires qui ont lieu à l’université et qui ponctuent le stage, soit au moyen de la liste de diffusion, sans savoir alors si et quand une réponse arrivera.

Encore là si t’as une réponse dans un mois… […] Si j’en ai besoin pour dans deux jours, j’en ai besoin pour telle activité.

ES2/EI

Disons que moi j›ai vraiment un problème : j’ai besoin d›aide. J’écris sur le forum. Personne n’y va. Je ne vais pas en recevoir d’aide.

ES28/EG1

La réponse [à ma réflexion] peut venir beaucoup plus tard et certains problèmes requièrent une correction instantanée presque. Donc le groupe que tu as et avec qui tu as eu un problème, tu peux l’avoir le lendemain, donc la solution tu en as besoin presque maintenant.

ES50/EG2

L’interaction en différé avec les acteurs académiques du stage a une conséquence importante sur la pratique réflexive : comme elle ne peut pas assurer de réponses immédiates, la réflexion qui en émerge tant à être davantage rétrospective. Autrement dit, à défaut de pouvoir échanger sur un objet réflexif actuel, les enseignants stagiaires tendent vers une interaction autour d’objets réflexifs passés et terminés, sans lien avec les préoccupations du moment.

Puis des commentaires sur quelque chose qui était déjà passé. Ai-je bien fait ? Oui, c’est intéressant de voir que : “Non, je n’aurais pas fait ça comme ça.” Mais c’est déjà passé.

ES2/EI

C’est que souvent, c’était des choses au passé. On disait est-ce que j’ai bien réagi. Mais là… Est-ce que je fais bien pour la prochaine fois, mais souvent c›était déjà passé donc…

ES30/EG3

Puis, souvent, le problème était déjà réglé, je pense.

ES4/EI

Ainsi, la pratique réflexive en contexte académique, parce qu’elle est partagée en différé, tendrait à être rétrospective, au contraire de la pratique réflexive en contexte pratique, comme nous pouvons le voir maintenant.

4.3.2 Modalités d’interaction de la pratique réflexive en contexte pratique

Parce que les acteurs du contexte pratique partagent le même cadre spatio-temporel, les interactions sont synchrones. Par conséquent, la pratique réflexive échangée entre un enseignant-stagiaire et son enseignant associé se démarque de celle du contexte académique par sa spontanéité et son immédiateté.

J’avais un feed-back tout de suite et c’était vraiment quotidiennement. Je ne pense pas que quelqu’un d’autre aurait pu m’apporter un tel appui. 

ES53/EG3

Donc, aussitôt qu’on a un problème, je pense que c’est lui [l’enseignant associé] le moyen le plus rapide qu’on a.

ES4/EI

Si on va chercher de l’aide on va chercher l’aide la plus proche.

ES14/EG2

Moi, justement, je suis quelqu’un de très spontané, donc si je vivais quelque chose, sur le coup justement, je vais en parler soit à ma maître associée, soit aux autres enseignants de mon école, donc…

ES19/EG1

Au contraire du contexte académique, les interactions spontanées, quotidiennes et immédiates des enseignants stagiaires avec leurs enseignants-associés ouvrent la possibilité d’une pratique réflexive très proche de l’action, capable de la modifier lors de son déroulement.

Lorsqu’on a un problème dans l’immédiat, c›est notre enseignante associée, c’est un collègue.

E47/EG3

De toute façon, c’est des situations qui arrivent là, t’as besoin d’en parler là pour tout de suite changer pour le cours d’après.

ES4/EI

Ainsi, la pratique réflexive en contexte pratique semble contenir éventuellement une dimension prospective, capable d’anticiper ou de modifier la situation d’enseignement-apprentissage au cours de son déroulement, dans la perspective d’une résolution de problème actuel.

5. Discussion et conclusion

Les résultats présentés ci-dessus nous amènent à envisager une double conception de la pratique réflexive chez les enseignants stagiaires. Cette double conception reposerait sur une série de variations de la pratique réflexive entre les contextes académique et pratique. Ainsi, en contexte pratique, cette dernière serait stimulée par un besoin issu de la pratique et constituerait un élément inhérent à l’acte d’enseigner des enseignants stagiaires ayant pour finalité l’amélioration de leur pratique. À l’inverse, la pratique réflexive en contexte académique serait essentiellement le résultat d’une obligation, dont la finalité serait l’évaluation.

Les acteurs soutenant la pratique réflexive des enseignants stagiaires varient également entre les contextes académique et pratique. En contexte pratique, les acteurs impliqués dans le soutien à la pratique réflexive sont des experts (enseignants en poste) internes au milieu de stage (maîtres associés, équipes-écoles, etc.) qui établissent avec les enseignants stagiaires des rapports individualisés. Il en résulte des interactions spontanées et immédiates. Par conséquent, les interactions ont généralement une valeur prospective dont le but est d’anticiper des actions à venir pour répondre à une situation en développement. Un parallèle est notable avec la réflexion-dans-l’action de Schön (1983). Au contraire, dans le dispositif académique observé dans cette étude, la pratique réflexive se déroule entre enseignants stagiaires, donc entre acteurs novices et externes au milieu de stage et dans un rapport collectif puisque les outils utilisés sont les séminaires de stage et les listes de diffusion. Les interactions sont alors programmées (c’est-à-dire prévues à des dates fixes), différées par rapport aux événements survenant dans la pratique des enseignants stagiaires et décontextualisées. Par conséquent, elles sont principalement rétrospectives et semblent faire écho à la réflexion-sur-l’action de Schön (1983).

Le tableau I permet de reprendre les variations de la pratique réflexive que nous avons relevées entre les contextes pratique et académique.

Tableau I

Variations de la pratique réflexive suivant les contextes académique et pratique, selon la perception des enseignants stagiaires

Variations de la pratique réflexive suivant les contextes académique et pratique, selon la perception des enseignants stagiaires

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Ces variations des contextes académique et pratique dans la perception des enseignants stagiaires distinguent donc deux types de pratique réflexive : (1) l’une qui s’apparenterait à la réflexion-dans-l’action de Schön (1983) et qui semble informelle dans la mesure où elle n’est pas prise en compte par le dispositif de pratique réflexive à l’oeuvre durant le stage ; (2) l’autre qui correspondrait à la réflexion-sur-l’action de Schön (1983) et qui paraît davantage formelle puisqu’elle est régulée (consignes, évaluation) par l’institut de formation au moyen du dispositif créé à cet effet.

Se pose alors la question de savoir comment manier ces deux types de pratique réflexive dans la formation initiale d’enseignants. Plus de recherches seraient nécessaires pour y répondre. Cependant, nous nous risquons à penser que ces conceptions de la pratique réflexive sont complémentaires pour soutenir la pratique réflexive des futurs enseignants. Bien que la pratique réflexive en contexte académique semble moins « authentique » et « signifiante » que la pratique réflexive en contexte pratique aux yeux des enseignants stagiaires, certains résultats de l’étude initiale (voir Collin, 2010) invitent à penser qu’elle joue un rôle secondaire, mais positif malgré tout pour soutenir la pratique réflexive des enseignants stagiaires. Autrement dit, il est possible de penser que ces deux types de pratique réflexive perçus par les enseignants stagiaires sont complémentaires, d’autant qu’ils opèrent de manière différente, ce qui ne peut a priori que contribuer à enrichir les occasions de réflexion des enseignants stagiaires.

Une des premières pistes de recherches futures consisterait à confirmer et préciser les résultats exploratoires de cette étude. En effet, cette dernière a porté sur un seul dispositif de soutien à la pratique réflexive et ne peut donc aucunement être généralisée à l’ensemble des dispositifs mis en oeuvre en stage d’enseignement. Aussi, des études portant sur d’autres dispositifs seraient souhaitables. Elles permettraient également de tester davantage de variables contextuelles que n’a pu le faire cette recherche exploratoire. De la même manière, le parallèle entre les types de pratique réflexive en contexte académique et pratique et la pratique réflexive-sur-l’action et dans-l’action de Schön (1983) resterait à confirmer. En effet, il s’agit d’un rapprochement suggéré dans le cadre de cette étude, mais dont les tenants conceptuels se devront d’être approfondis par la suite. Enfin, l’idée même d’une pratique réflexive plurielle (ou devrait-on dire « des pratiques réflexives » ?) se devrait d’être interrogée davantage dans le cadre de recherches empiriques et théoriques futures.