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Introduction

Depuis la mise en place des conditions de libre circulation dans les années 1980, l’Union européenne (UE) est impliquée dans le traitement de non-nationaux qui, auparavant, relevait exclusivement de la discrétion étatique. La migration et l’asile deviennent d’abord des questions d’intérêt commun, puis des domaines de compétence partagée entre l’UE et ses États membres. L’Union offre un forum de coopération intergouvernementale. Une politique commune est progressivement mise en place. Dans le cadre de ce processus d’européanisation[1], de nouvelles normes produites au sein de l’UE rapprochent la législation des États. De nouveaux dispositifs de coopération changent les méthodes classiques de contrôle migratoire.

La lutte contre la migration irrégulière occupe une place privilégiée au sein de la politique européenne de migration et d’asile. La présence des étrangers en situation irrégulière est considérée comme un défi tant à la souveraineté territoriale[2] qu’au système de l’État-providence et à la composition culturelle de la nation (Huysmans, 2000 : 771). Nombreux sont les Européens qui associent ce phénomène à la criminalité. Les législations nationales relatives aux étrangers deviennent par conséquent de plus en plus restrictives. Plusieurs mesures de dissuasion et de prévention sont déployées par les États et par l’UE pour limiter le nombre d’étrangers indésirés en Europe (Crépeau et al., 2007 : 311). La migration irrégulière étant perçue comme un problème européen nécessitant une action collective, l’intégration et la coopération interétatique sous l’égide de l’UE sont renforcées.

L’action de l’UE cible non seulement les migrants irréguliers, mais aussi les demandeurs d’asile. La perception de l’asile comme une voie alternative à la migration économique justifie l’établissement des mesures pour restreindre le régime de protection des réfugiés et réduire l’attractivité des conditions d’accueil. Le but de cet article est d’expliquer comment l’européanisation permet aux États de limiter le nombre de demandeurs d’asile sur leur sol et d’analyser l’impact de ce phénomène sur les droits fondamentaux. L’article vise également à souligner le rôle joué par les tribunaux nationaux et européens dans la promotion des droits des demandeurs d’asile.

Dans un premier temps, les dynamiques qui sous-tendent la confusion existant entre les migrants irréguliers et les demandeurs d’asile sont soulignées dans le but de montrer que ce phénomène légitime les mesures ayant un impact négatif sur le droit d’asile. La seconde partie est consacrée à l’européanisation du système d’asile à travers une analyse critique du dispositif Dublin relatif à la détermination de l’État responsable d’examiner une demande d’asile au sein de l’Union. L’objectif est d’étudier de manière comparative les modalités et les conséquences de la transformation du droit de protection des réfugiés sur le plan de l’UE et dans deux États membres de l’UE, la France et le Royaume-Uni. Le choix de ces pays est motivé par certains critères qui permettent des comparaisons utiles : ils figurent parmi les pays les plus peuplés et politiquement les plus influents au sein de l’UE. Ces États sont également soumis à une pression migratoire importante. Une approche défensive et répressive est privilégiée comme réponse politique à cette pression. De plus, dans les deux pays, les tribunaux ont développé une jurisprudence dénonçant les atteintes aux droits humains des migrants. La convergence entre cette jurisprudence nationale et les décisions récentes des cours européennes sont ensuite examinées. La dernière partie traite de la réforme du dispositif Dublin.

Transformation du demandeur d’asile en migrant irrégulier

La frontière qui sépare les réfugiés des migrants économiques n’est pas facile à tracer dans un monde où l’instabilité politique et la guerre civile sont intimement liées au sous-développement économique. Les mouvements migratoires clandestins incluent des personnes qui se qualifient pour obtenir le statut de réfugié. De nombreux demandeurs d’asile se déplacent de manière irrégulière, car, soit ils sont démunis de documents de voyage nécessaires, soit, en raison des mesures d’interception, ils estiment avoir plus de chances d’accéder au statut de réfugié une fois arrivés à destination, fût-ce illégalement. Les mesures de lutte contre la migration irrégulière sont dirigées indistinctement contre les migrants clandestins et les demandeurs d’asile. Or, les demandeurs d’asile sont protégés par le régime international des droits des réfugiés, notamment par la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés (Convention de Genève). Le bénéfice des droits reconnus dans cet instrument leur est souvent refusé lorsqu’ils sont soupçonnés d’être des migrants économiques. Les États procèdent à des mesures d’interception qui ont souvent lieu dans des conditions entraînant l’impossibilité pour les demandeurs d’avoir accès à une protection internationale. En cas d’arrivée massive de clandestins, les États ont tendance à les catégoriser d’emblée comme migrants économiques. Ils sont réticents à les enregistrer, limitent ou refusent leurs contacts avec les représentants du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et peuvent les renvoyer sans procéder au traitement de leurs dossiers. Ce faisant, les États visent à réduire le nombre des demandeurs d’asile. Selon James Hathaway,

If there has been a single overarching trend in refugee protection over the last decade or so, it has been the official drive to rein-in, to control, to constrain, to render orderly and hence manageable the arrival of refugees. The goal has been to render the refugee as much a migrant as possible. [...] There is no ethical or legal barrier to the organisation, constraining or controlling of migration in the way that there is an ethical and legal barrier to the delimitation of refugee flight and reception.

Hathaway, 2007 : 354

La politique d’asile en Europe est motivée par le partage, entre les États, des coûts et des responsabilités liés au traitement des demandes d’asile. Ces mesures, dominées par le souci d’empêcher les « faux réfugiés » d’abuser des systèmes nationaux de détermination du statut de réfugié, comportent un important volet de lutte contre la migration irrégulière. Elles ont pour conséquence de criminaliser les revendicateurs, de limiter leur accès à la protection internationale et l’exercice effectif du droit d’asile. Elles estompent la distinction juridique fondamentale entre le migrant économique et le réfugié.

Matthew Gibney résume l’attitude des États européens comme suit :

[The] anxiety over asylum seekers was, in reality, anxiety over irregular immigration. Low success rates in asylum determination proceedings, partly the result of restrictive application of the Geneva Convention, were generally taken as proof of widespread abuse of the asylum system by irregular immigrants. But the merging of asylum and irregular immigration concerns also appeared to be directly encouraged by the nature of the refugee determination process itself. Lack of resources and bureaucratic inefficiency led to large backlogs, with the result that asylum applicants could expect to wait a number of years for their claim to be decided. (...) The failure of governments to remove unsuccessful asylum applicants did nothing to reduce the number of people with irregular migration status [...] or to discourage an association of asylum with irregular migration in the public’s mind.

Gibney, 2000 : 4

De plus, l’absence d’une application harmonisée par les États des critères de la Convention de Genève exacerbe la confusion entre le migrant irrégulier et le demandeur d’asile. Les décisions nationales de détermination du statut de réfugié ne sont pas fondées sur des critères objectifs communs. Les États ont des interprétations divergentes de la Convention de Genève. Un demandeur peut, ainsi, se trouver dans un pays où ses chances d’obtenir l’asile seront bien moindres ou les conditions d’instruction de sa demande seront non satisfaisantes comparées à un autre pays européen. Par exemple, d’après une étude du HCR, 98 % et 55 % des demandeurs somaliens reçoivent une décision positive respectivement à Malte et au Royaume-Uni. Le taux de reconnaissance est nul pour cette nationalité en Grèce et en Espagne (HCR, 2007).

La lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée contribue à la criminalisation des demandeurs d’asile. À cet égard, Didier Bigo se réfère à « un continuum de menaces reliant terrorisme, drogue, criminalité organisée, mafia, filière et passeurs, immigrants illégaux, immigration et demandeurs d’asile, transférant l’illégitimité des premiers vers les seconds » (Bigo, 1996 : 263). Le système d’asile est perçu comme une voie d’entrée pour les personnes constituant une menace pour la sécurité publique. L’association des réfugiés aux terroristes est apparente dans le discours politique prévalant après les attentats du 11 septembre 2001 (Assemblée générale des Nations Unies, 2001, paragr. 3 F et G).

La criminalisation est préoccupante étant donné que l’Europe est une des régions les plus sollicitées par les demandeurs d’asile. Selon le HCR, les 27 États membres de l’UE ont enregistré 123 400 demandes d’asile au premier semestre de 2011, soit plus de 13 % de plus qu’en 2010 pour cette même période (HCR, 2012a). Malgré cette relative hausse, depuis 2001, le nombre de demandeurs a régressé de plus de la moitié dans l’Union. Ce déclin spectaculaire est lié au renforcement des contrôles migratoires, mais aussi à la position de plus en plus rigide des États par rapport au traitement des demandes. L’européanisation d’asile est un facteur majeur contribuant à ce phénomène.

Européanisation d’asile : principe de partage de responsabilité

La politique européenne d’asile est basée sur la nécessité de définir des principes communs afin de réduire la charge que fait peser le nombre élevé des demandes manifestement infondées sur les administrations nationales. Elle est conçue en lien direct avec la mise en place des conditions de la libre circulation dans les années 1980. L’accord de Schengen (1985) prévoit la suppression graduelle des contrôles de personnes aux frontières intérieures entre les parties contractantes. Il entraîne le report de ces contrôles aux frontières extérieures et l’harmonisation des règles concernant le séjour et la circulation des étrangers à l’intérieur de l’espace Schengen.

En 1990, la Convention d’application Schengen qui complète ce premier accord vise à « compenser » la chute du niveau de sécurité occasionnée par l’absence de contrôle aux frontières internes. Les mesures spécifiques sont prises, non seulement dans les domaines du contrôle des frontières extérieures, de la politique des visas et de la réadmission, mais aussi en matière répressive, comme la sanction des employeurs et des transporteurs, la détention et l’expulsion des étrangers. Les États parties demeurent souverains dans l’examen du statut de réfugié (art. 32). Cependant, la Convention d’application prévoit le principe de partage de responsabilité dans le traitement des demandes, ainsi que les critères pour déterminer l’État responsable (art. 28.3 et 30).

Les principes de partage de responsabilité et de confiance mutuelle sont la pierre angulaire de la Convention relative à la détermination de l’État responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres des Communautés européennes (Convention de Dublin) signée le 15 juin 1990 par onze États membres. Désormais, une demande d’asile doit être examinée par un seul pays, la décision de rejet liant les autres. Le but est de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des États, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur et d’éviter le forum shopping, l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes.

La Convention de Dublin est réformée et retranscrite en 2003 dans le Règlement établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers (Règlement Dublin II). Selon l’article 3, tout État membre conserve la possibilité, en application de son droit national, d’envoyer un demandeur vers un État tiers. Afin de permettre de déterminer l’« État membre responsable », le Règlement énonce une liste de critères « objectifs » et hiérarchisés qui doivent être appliqués dans l’ordre de présentation sur la base de la situation existante au moment de la première présentation de la demande d’asile auprès d’un État membre. Ces critères concernent les mineurs non accompagnés, l’unité des familles, la délivrance d’un permis de séjour ou d’un visa, l’entrée ou le séjour illicite dans un État membre, l’entrée régulière dans un État membre et les demandes formulées dans la zone de transit international d’un aéroport.

En vertu de l’article 19.3 du Règlement Dublin, le transfert du demandeur, de l’État membre auprès duquel la demande d’asile a été introduite vers l’État membre responsable, doit s’effectuer au plus tard dans un délai de six mois à compter de l’acceptation de la demande de prise en charge ou de la décision sur le recours ou la révision en cas d’effet suspensif. Par ailleurs, en vue d’assurer l’application effective du Règlement Dublin II, une base de données intitulée Eurodac est créée pour permettre l’enregistrement et la comparaison des empreintes digitales des ressortissants de pays tiers, âgés de quatorze ans au moins, qui demandent l’asile ou qui sont appréhendés à l’occasion du franchissement irrégulier d’une frontière extérieure d’un État membre. Eurodac est le précurseur des dispositifs européens de contrôle migratoire par recours à des identifiants biométriques.

Le dispositif Dublin instaure un système de retour intracommunautaire des demandeurs d’asile. Sa transposition dans le droit interne des États membres a des répercussions considérables sur le droit d’asile comme le montre le cas de la France et du Royaume-Uni.

Application du dispositif Dublin en France et au Royaume-Uni : légitimer le renvoi forcé des demandeurs d’asile

La procédure Dublin est un motif de refus d’admission sur le territoire français. En vertu du premier alinéa de l’article L. 741-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), l’admission en France d’un étranger qui demande à bénéficier de l’asile peut être refusée si l’examen de la demande relève de la compétence d’un autre pays en application des dispositions du Règlement Dublin. Aux termes de l’article L. 531-2 du CESEDA, l’arrêté de reconduite à la frontière peut être exécuté d’office. La catégorie de la « réadmission » concerne la décision d’éloignement de l’étranger entré irrégulièrement sur le territoire national et remis, dans des conditions définies par la Convention de Dublin, aux autorités compétentes de l’État qui l’a laissé transiter ou séjourner sur son territoire (CESEDA, articles L. 531-1, L. 531-2 et L. 741-4). Les réadmissions dites « simplifiées » consistent à remettre à un autre État membre de l’UE l’étranger appréhendé dans une zone frontalière.

La procédure doit être mise en oeuvre a priori. La loi est peu précise concernant l’application du Règlement Dublin II qui est déterminée par voie de circulaire. Lorsqu’au vu d’éléments vérifiables, la préfecture a des raisons de penser que la responsabilité d’un autre État est engagée pour l’examen de la demande d’asile, elle ne délivre pas l’autorisation provisoire d’admission au demandeur et le place sous « convocation Dublin ». La conviction de la préfecture peut reposer sur le résultat de la consultation du fichier Eurodac ou du système d’information Schengen attestant d’une première requête dans un autre État membre de l’Union, la présence d’un visa ou d’un titre de séjour, les déclarations « avérées et circonstanciées » sur l’itinéraire de l’intéressé, etc. Dans ces cas, le demandeur n’a accès ni à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ni au séjour. La décision qui doit être motivée est susceptible de recours. Cependant, le recours est non suspensif de l’exécution du transfert.

Au Royaume-Uni, en vertu du paragraphe 345 d’Immigration Rules (third country cases), les demandeurs d’asile qui, avant d’entrer au Royaume-Uni, ont transité par l’Islande, la Norvège ou un autre État membre de l’UE sont renvoyés vers ces pays dans le cadre du Règlement Dublin II (Immigration Rules [HC 251], paragr. 345[2]). Ces cas sont prioritaires par rapport aux autres catégories de renvois. Alors qu’un demandeur ne peut, en principe, être retourné tant que l’examen de sa demande ou son appel est en cours, l’Immigration and Asylum Act de 1999[3] prévoit une exception à ce principe dans le cas des standing arrangements avec les pays tiers dont la Convention de Dublin (Nichol et Harrison, 1999 : 465 ; National Audit Office, 2005 : 22).

Avec l’Asylum and Immigration (Treatment of Claimants, etc.) Act, une « première liste de pays sûrs » au titre de la Convention de Genève est établie en 2004, incluant les États membres de l’UE, la Norvège et l’Islande[4]. Le ministre de l’Intérieur n’est pas tenu de certifier la sûreté du pays de destination lorsqu’il s’agit de la mise en oeuvre du dispositif Dublin, alors que pour les États non membres de l’Union, une telle certification est exigée préalablement au renvoi. Le demandeur d’asile peut faire appel de la décision en évoquant, dans le cadre de la section 6 de Human Rights Act (1998), que le renvoi forcé est susceptible de porter atteinte aux obligations internationales du pays découlant de la Convention de Genève et de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). L’appel n’a pas d’effet suspensif[5].

En conclusion, le demandeur d’asile ne peut être renvoyé du Royaume-Uni et de la France tant que l’examen de sa demande est en cours. L’application du dispositif Dublin constitue une exception à cette règle. Mis à part l’accès à l’asile, plusieurs autres droits fondamentaux sont remis en question. Une abondante jurisprudence existe sur des questions soulevées par l’application du Règlement Dublin II.

Un dispositif dénoncé par les tribunaux français et britanniques

En France, le Règlement Dublin II est critiqué par des organismes de protection des réfugiés. La Cimade y voit une procédure opaque, un règlement incompris par les préfets, privilégiant des méthodes expéditives d’arrestation et de transfert (Cimade, 2007 : 8-9). Le contentieux administratif tend à confirmer ces préoccupations. Plusieurs atteintes aux droits causées par l’application du dispositif Dublin sont soulignées dans les décisions : les délais excessifs de transfert, l’absence d’indication relative au délai des reprises en charge (Cours d’appel administrative de Nantes, 2009), la convocation « piège » et le placement en rétention (CA, Toulouse, 2010), et la violation du droit au regroupement familial (Conseil d’État [CE], 2003 ; CE 2004). En outre, l’exercice des garanties procédurales comme le recours suspensif (Tribunal administratif [TA] de Paris, 2011) et le droit de présenter des observations (CE, 2008) s’avère également problématique. Les tribunaux administratifs se sont aussi prononcés sur la compatibilité du dispositif Dublin avec le principe de non-refoulement. Le tribunal administratif de Paris a, par exemple, rendu des décisions suspendant provisoirement la procédure de réadmission des demandeurs d’asile vers la Grèce (TA de Paris, 2009 ; CE, 2010 ; Slama, 2011). De même, en ce qui concerne les modalités de transfert, le Conseil d’État a récemment affirmé qu’un départ à l’initiative du demandeur doit être consenti : le demandeur doit avoir la possibilité d’organiser matériellement son départ et solliciter la prise en charge par les autorités françaises de son titre de transport (CE, 2011). Une autre question fondamentale qui est celle de l’accès aux conditions d’accueil des demandeurs d’asile sous dispositif Dublin fait l’objet d’une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (affaire Cimade et Groupe d’information et de soutien des immigrés, c. Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration, C-179/11). En 2008, le Conseil d’État a souligné que la mise en oeuvre du droit constitutionnel d’asile, qui a pour corollaire le droit de solliciter la qualité de réfugié, implique la possibilité, par les autorités françaises, d’assurer le traitement d’une demande d’asile même lorsque le droit international ou communautaire lui permet de confier cet examen à un autre État et qu’il appartient à ces autorités, sous le contrôle du juge, de faire usage de cette possibilité lorsque les règles et les modalités en vertu desquelles un autre État examine les demandes d’asile méconnaissent les règles ou principes que le droit international et interne garantit aux demandeurs d’asile (CE, 2008).

À l’instar de la France, les tribunaux britanniques ont rendu des décisions dénonçant les atteintes aux droits de la personne dans l’application du dispositif Dublin. Le ministre de l’Intérieur fut empêché d’effectuer des renvois en raison du risque élevé de refoulement à la chaîne (R. c. Secretary of State for the Home Department ex parte Maria Carvelho). Dans l’arrêt R. c. Secretary of State for the Home Department, ex parte Adan, Subaskaran and Aitseguer, la Cour d’appel a examiné si le ministre était en droit de retourner des demandeurs d’asile en France et en Allemagne, sachant que ces deux États ne reconnaissaient pas à l’époque comme des réfugiées les personnes craignant d’être persécutées par des agents non étatiques. Elle a estimé que la protection offerte par la Convention de Genève s’étend à ces personnes, lorsque l’État ne veut ou ne peut pas offrir lui-même cette protection. Les tribunaux britanniques ont, à plusieurs occasions, affirmé que la Convention de Dublin ne saurait être évoquée par le Royaume-Uni pour écarter ses obligations internationales découlant de la Convention de Genève.

It is accepted, and rightly accepted, by the Secretary of State that it is a long standing principle of English law that if it would be unlawful to return the asylum seeker directly to his country of origin where he is subject to persecution in the relevant sense, it would equally be unlawful to return him to a third country which it is known will return him to his country of origin.

Aitseguer [1999] ; Adan and Aitseguer [2000]

En outre, les tribunaux britanniques ont souligné la non-conformité de l’acte administratif à l’exigence d’effectuer le transfert du demandeur au plus tard dans un délai de six mois. Dans d’autres décisions, le dispositif Dublin est contesté pour des motifs humanitaires, de respect de la vie familiale ou des raisons procédurales. Dans l’affaire Razgar, le tribunal a refusé le renvoi vers l’Allemagne d’un demandeur d’asile irakien, au regard du risque existant pour la santé physique et mentale de l’intéressé (R. [on the application of Razgar] c. Secretary of State for the Home Department, 2004). Dans un autre cas concernant un Afghan arrivé au pays via l’Allemagne et la Norvège pour rejoindre son frère, la Cour d’appel a cassé la certification du ministre et reconnu au requérant un droit d’appel suspensif contre la décision de renvoi vers l’Allemagne (Ahmadi c. Secretary of State for the Home Department, 2005).

La position des cours européennes n’est pas différente de celle des tribunaux nationaux.

Remise en question du dispositif Dublin par les cours européennes

La Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH) et plus récemment la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) se sont également penchées sur la compatibilité du dispositif Dublin avec les droits fondamentaux. En 2000, dans une affaire concernant le renvoi par le Royaume-Uni d’un ressortissant sri-lankais vers l’Allemagne, la Cour EDH a considéré qu’un mécanisme désignant l’État membre responsable du traitement d’une demande d’asile présentée dans l’UE ne dispense pas chaque État sous la juridiction duquel se trouve le demandeur de s’assurer qu’en renvoyant celui-ci vers l’État responsable de traiter sa demande, il ne lui fait pas courir, indirectement, le risque de mauvais traitements (Cour européenne des droits de l’homme [EDH], T.I. c. Royaume-Uni, 2000).

Les transferts effectués vers la Grèce en application du dispositif Dublin ont fait l’objet de plusieurs recours devant les tribunaux britanniques, dont un a été tranché en décembre 2008 par la Cour EDH (Cour EDH, affaire K. R. S. c. Royaume-Uni, 2008). Avant cette décision, les normes et pratiques d’accès à l’asile en Grèce avaient été critiquées par des organisations internationales et des associations de défense des réfugiés. Dans un rapport publié le 15 avril 2008, le HCR condamnait la qualité de la procédure de détermination du statut de réfugié, ainsi que les mauvaises conditions de réception et la détention des demandeurs d’asile. Estimant qu’un réel risque de refoulement existe pour des individus envoyés vers la Grèce, le HCR recommandait aux États européens de surseoir aux transferts vers ce pays. La Norvège et l’Allemagne ont, en effet, refusé le transfert des mineurs non accompagnés en Grèce afin d’éviter leur refoulement (Pro Asyl, 2007 ; European Council on Refugees [ECRE], 2008). De même, dans Nasseri portant sur le renvoi d’un Iranien vers la Grèce, la High Court britannique jugeait la mesure contraire aux obligations internationales britanniques puisqu’elle empêchait le ministre de l’Intérieur d’évaluer la compatibilité du droit grec avec le principe de non-refoulement. Dans son jugement du 14 mai 2008, la Cour d’appel a estimé par contre que :

There are clearly concerns about the conditions in which asylum-seekers may be detained in Greece. It is not however shown that they give rise to systematic violations of Article 3. [...] there are currently no deportations or removals to Afghanistan, Iraq, Iran, Somalia or Sudan, and as I understand it no reports of unlawful refoulement to any destination. That seems to me to be critical. I would accordingly hold, [...] that as matters stand Greece’s continued presence on the list does not offend the United Kingdom’s Convention obligations.

R [Nasseri], 2008

La question a été finalement portée devant la Cour EDH qui, en décembre 2008, a rendu une décision d’irrecevabilité dans l’affaire K. R. S. concernant le renvoi par le Royaume-Uni d’un demandeur d’asile iranien vers la Grèce. Il convient de noter qu’au cours de l’année 2008, saisie de plusieurs requêtes individuelles, la Cour EDH avait prononcé quatre-vingts mesures provisoires demandant au Royaume-Uni de surseoir à l’exécution des décisions de renvoi des requérants vers la Grèce. Relativement à ce développement, les Britanniques ont obtenu des assurances des autorités grecques qui se sont engagées à enregistrer les demandes d’asile, à ne pas recourir à la détention plus que nécessaire et à ne pas refouler les demandeurs déboutés vers certains pays, dont l’Iran, l’Irak et l’Afghanistan. Le Royaume-Uni a également convaincu la Cour EDH que les personnes transférées auront la possibilité de demander l’asile en Grèce et qu’un suivi individuel sera assuré à cet égard. Prenant en considération ces assurances, la Cour EDH a décidé que le Royaume-Uni était en droit de renvoyer le requérant vers la Grèce au motif que ce pays sursoit aux retours vers l’Iran.

Toutefois, devant la persistance des problèmes systémiques en Grèce, la Cour EDH a récemment révisé sa position. Le 21 janvier 2011, elle a condamné la Belgique et la Grèce pour le traitement réservé à un demandeur d’asile. M. S. S., un ressortissant afghan, avait introduit une demande d’asile en Belgique, en passant par la Grèce. En application du Règlement Dublin, le requérant avait été reconduit en Grèce en juin 2009 où il avait été placé en détention dans un espace exigu avec vingt autres personnes, dans de mauvaises conditions matérielles, et ensuite libéré, il vivait dans la rue, sans moyens de subsistance.

La Cour de Strasbourg a tenu responsables tant la Grèce que la Belgique des atteintes à plusieurs droits du requérant. En premier lieu, elle a estimé inacceptables ses conditions de détention et le dénuement total dans lequel il s’est trouvé après sa libération. Le sentiment d’arbitraire, d’infériorité et d’angoisse qu’il a dû éprouver ainsi que celui d’une profonde atteinte à la dignité que provoquent ces conditions s’analysaient, selon la Cour, en un traitement dégradant contraire à l’article 3 de la CEDH. Une attention particulière a été portée sur la détresse de l’intéressé accentuée par la vulnérabilité inhérente à sa qualité de demandeur d’asile, du fait de sa migration et de ses expériences traumatisantes. La Cour a considéré que la Belgique aussi a violé l’article 3 de la Convention puisqu’en expulsant le requérant vers la Grèce, elle l’a exposé en connaissance de cause à des conditions de détention et d’existence constitutives de traitements dégradants. Deuxièmement, la Cour a conclu que les deux États ont porté atteinte au droit de M. S. S. à un recours effectif. Elle a précisé que les candidats à l’asile ont très peu de chances de voir leur demande examinée sérieusement en Grèce. Les garanties prévues contre le refoulement n’étaient pas appliquées et la procédure d’asile était caractérisée par des défaillances structurelles importantes (l’information insuffisante sur les procédures à suivre, le manque de formation du personnel responsable des entretiens individuels, une pénurie d’interprètes et un défaut d’assistance judiciaire, etc.). Par ailleurs, la Cour a dénoncé la décision de la Belgique d’exposer le requérant à la procédure d’asile en Grèce, alors que les dysfonctionnements dans ce pays étaient bien connus. À la lumière de cette jurisprudence, la Cour EDH a demandé aux États membres de l’UE de ne plus procéder à des réadmissions vers la Grèce de demandeurs d’asile. Il y aurait actuellement environ 960 affaires pendantes devant la Cour concernant l’application du dispositif Dublin.

Le 21 décembre 2011, la CJUE a rendu un arrêt similaire à celui de la Cour EDH. Dans cette affaire, N. S., un demandeur d’asile afghan entré au Royaume-Uni en janvier 2009 en transitant par la Grèce, avait été empêché de former un recours avec effet suspensif, à l’encontre de la décision ordonnant son transfert en Grèce. La Court of Appeal a décidé de surseoir au fait de statuer et de poser à la Cour de Luxembourg les questions préjudicielles sur l’application du Règlement Dublin II. La CJUE a rappelé en premier lieu que le système européen commun d’asile est fondé sur l’application intégrale et globale de la Convention de Genève et l’assurance que nul ne sera renvoyé là où il risque à nouveau d’être persécuté. La Cour a aussi souligné que le respect de la convention de Genève est prévu à l’article 18 de la Charte des droits fondamentaux et à l’article 78 du traité de Lisbonne (Cour de justice de l’Union européenne [CJUE], N. S., 2011 : paragr. 75).

La CJUE a reconnu en outre que la Grèce était, en 2010, le point d’entrée dans l’Union de près de 90 % des migrants illégaux, si bien que la charge supportée par cet État membre en raison de cet afflux est disproportionnée par rapport à celle supportée par les autres États membres et que les autorités grecques sont dans l’incapacité matérielle d’y faire face. Selon la Cour, il incombe aux États membres de ne pas transférer un demandeur d’asile vers l’« État membre responsable » au sens du Règlement Dublin lorsqu’ils ne peuvent ignorer que les défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans cet État membre constituent des motifs sérieux et avérés de croire que le demandeur courra un risque réel d’être soumis à des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE. L’État membre dans lequel se trouve le demandeur d’asile devrait, d’après la Cour, au besoin, examiner lui-même la demande. De plus, la CJUE a apporté des précisions importantes sur la notion de « pays sûr » sur laquelle est fondé le dispositif de renvoi intracommunautaire. Elle a estimé que le pays tiers ne peut être considéré comme « sûr » que lorsque, non seulement il a ratifié la Convention de Genève et la CEDH, mais encore qu’il en respecte les dispositions. D’après la Cour, la simple ratification des conventions par un État ne saurait entraîner l’application d’une présomption irréfragable de respect de ces conventions par cet État (CJUE, N. S., 2011 : paragr. 94, 102-105).

Les arrêts des cours de Strasbourg et de Luxembourg sont importants à plusieurs égards. Premièrement, ils envoient un signal fort aux pays qui de manière systématique portent atteinte au droit d’asile et aux autres droits fondamentaux des étrangers. Afin d’éviter des condamnations similaires, ces pays doivent rapidement prendre des mesures nécessaires et offrir aux demandeurs d’asile une protection effective.

Deuxièmement, les cours rappellent qu’un État ne peut se décharger de sa responsabilité d’examiner les demandes d’asile au détriment de pays comme la Grèce. Tout au moins, il doit s’assurer qu’en renvoyant une personne vers l’État responsable de traiter sa demande, il ne lui fait pas courir, indirectement, le risque de mauvais traitements.

Troisièmement, les arrêts remettent en question la compatibilité du dispositif Dublin avec les droits et libertés découlant de la CEDH et de la Charte des droits fondamentaux. Il convient de noter que dans son analyse sous l’angle de l’article 4 de la Charte, la Cour de Luxembourg se réfère abondamment à l’arrêt M. S. S. On peut prévoir une convergence entre les jurisprudences des deux juridictions. Ce développement préfigure sans doute les relations hiérarchiques que la Cour EDH et la CJUE auront lorsque l’UE aura ratifié la CEDH.

Finalement, l’arrêt montre que le Règlement Dublin II est loin de fonctionner de manière efficace et que son application a des répercussions négatives considérables sur le droit d’asile. En ce sens, il est susceptible de précipiter la réforme envisagée du dispositif.

De la nécessité de réformer le dispositif Dublin

Le Règlement Dublin II est fondé sur les principes de solidarité et de partage de responsabilité entre les États membres. Or, ces principes ne sont pas dûment respectés. Les demandes d’asile ne sont pas réparties de manière égale dans l’Union. Selon le HCR, sur les 277 400 demandes d’asile introduites dans 27 États membres de l’UE en 2011, les 15 « anciens » États membres ont enregistré une hausse de 17 % par rapport à 2010, alors que dans les « nouveaux » États membres, les demandes ont baissé de 2 %. Le nombre des demandes d’asile varie considérablement d’un État à l’autre. À titre d’exemple, en 2011, ce nombre est de 51 910 en France, 34 100 en Italie, 29 650 en Suède et 25 420 au Royaume-Uni alors qu’au Portugal, il est de 280, en Irlande de 1290, en République tchèque de 490 et en Estonie de 70 (HCR, 2012b). De même, la crise de l’espace Schengen provoquée pendant le « printemps arabe » a montré que les pays situés aux frontières extérieures (Grèce, Malte, Italie, etc.) et soumis à des afflux migratoires importants ont une capacité d’accueil limitée et un niveau insuffisant de protection des demandeurs d’asile (Commission européenne, 2011b). Dans les deux cas, le système européen d’asile n’apporte pas de solution adéquate aux problèmes.

Lorsqu’ils déterminent le pays responsable d’examiner une demande d’asile, les États doivent, avant tout, considérer l’impact sur les droits de la personne du renvoi du demandeur d’asile vers un autre État membre. Ils sont également tenus de se conformer aux critères hiérarchisés retenus dans le Règlement. Or, ces critères ne font pas l’objet d’une application uniforme. Les États membres considèrent souvent le premier pays d’entrée sur le sol européen comme celui responsable de l’examen de la demande, alors que, d’après le Règlement, ce critère est hiérarchiquement moins important que le respect de l’unité des familles ou la délivrance d’un permis de séjour ou d’un visa. Comme le montrent les décisions des tribunaux, cette situation engendre des atteintes aux droits et libertés fondamentaux des étrangers. L’accès à l’asile est particulièrement restreint puisqu’une personne dont la requête a été rejetée par un État qui n’a pas un système fonctionnel et équitable de détermination du statut de réfugié ou qui suit une interprétation restrictive de la Convention de Genève ne peut plus solliciter l’asile dans un autre État qui aurait peut-être accédé à sa demande. L’arrêt N. S. de la CJUE rappelle avec force que la confiance mutuelle entre les États membres n’est pas une garantie de protection suffisante des droits de la personne.

Par ailleurs, le dispositif Dublin n’a pas produit l’effet escompté sur les mouvements d’asile secondaires. Les transferts effectués n’auraient ni majoré ni minoré de plus de 5 % le nombre total des demandeurs d’asile dans la plupart des États membres (Commission européenne, 2007 : 4-13). Il n’a pas, non plus, exercé un impact dissuasif sur les réfugiés. Au cours des dernières années, les requêtes multiples n’ont pas diminué et représentent entre 15 à 20 % des demandes totales (Commission européenne, 2008a : 15). En outre, le dispositif encourage le recours à la détention. Des mesures privatives de liberté sont favorisées à l’égard des personnes faisant l’objet d’une décision de transfert, pour les empêcher de prendre la fuite.

La Commission européenne reconnaît qu’il existe plusieurs lacunes en ce qui a trait à l’efficacité du système et au niveau de protection offert aux demandeurs d’une protection internationale soumis à la procédure de Dublin. Déjà revu et corrigé en 2003, une nouvelle révision du système est à l’ordre du jour (Commission européenne, 2008a : 1-6). La Commission propose cette fois-ci un « bilan de qualité » complet qui sera effectué sous la forme d’un examen factuel des effets juridiques, économiques et sociaux (Commission européenne, 2011b : 8). Le projet de modification s’inscrirait dans une démarche de révision générale du système européen d’asile, y compris le rôle du Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEA) inauguré en juin 2011 relatif à l’harmonisation des législations nationales d’asile, et des procédures qui facilitent le détachement de fonctionnaires entre les États membres afin d’aider les pays subissant des pressions particulières. La possibilité d’un traitement conjoint des demandes d’asile comme outil de solidarité utile est également envisagée afin de « renforcer la résilience du système de Dublin » tout comme l’idée d’un mécanisme d’évaluation et d’alerte rapide (Commission européenne, 2011b : 13).

Conclusion

Une démarche défensive caractérise la politique européenne qui est basée sur la problématisation de la présence de l’étranger perçu au mieux comme un fardeau, au pire comme un criminel. Un accent exagéré est mis sur la vulnérabilité de l’État face aux mouvements migratoires clandestins. L’européanisation de l’asile est motivée par le souci du partage de fardeau administratif et financier découlant de la « gestion » de cette population.

Bien que l’UE ait déjà établi certaines normes minimales concernant la réception des demandeurs d’asile, la qualification des réfugiés et la procédure à suivre par les États membres dans l’examen du statut de réfugié, il n’existe pas encore une politique d’asile harmonisée sur le plan européen. Les demandes d’asile ne sont pas réparties de manière égale entre les États. Le processus de détermination du statut de réfugié diffère considérablement d’un pays à l’autre. Dans ce contexte, la mise en oeuvre du dispositif Dublin, même une fois réformé, représente des défis majeurs pour l’accès à l’asile. Les requérants ne bénéficient pas d’une protection effective de leurs droits fondamentaux. Dans un contexte où, grâce au droit européen, certaines catégories d’étrangers jouissent de droits et libertés de plus en plus similaires à ceux des citoyens européens, l’européanisation de l’asile a pour effet d’exclure les demandeurs d’asile de la protection du droit.

Depuis le début de la mise en place des conditions de libre circulation, les tribunaux forment un contrepoids relativement aux exécutifs nationaux et européens en veillant à la conformité des actes de l’administration aux droits de la personne. Il n’est pas rare qu’ils imposent aux législateurs la révision des dispositifs litigieux. La politique européenne est façonnée par cette tension permanente entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Comme il est noté dans le programme de Stockholm, « la difficulté consistera à garantir le respect des libertés fondamentales et l’intégrité, tout en assurant la sécurité en Europe. Il est primordial que les mesures répressives et les mesures permettant de préserver les droits de la personne, l’État de droit et les règles relatives à la protection internationale aillent dans le même sens et soient complémentaires » (Conseil européen, 2010).