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Le suicide chez l’adolescent : un défi pour les professionnels de la santé

Les taux de suicide chez l’adolescent sont élevés à travers le monde, y compris au Canada. Au Québec, le suicide demeure une des principales causes de décès chez les jeunes personnes âgées de 14-19 ans (Farand et al., 2004 ; Skinner et McFaull, 2012).

Le suicide est un phénomène très complexe, dont le traitement et la prévention sur les plans biologique, psychosocial et environnemental représentent un défi pour les infirmières. Lorsqu’un adolescent à risque suicidaire se présente à l’hôpital, le personnel joue un rôle significatif dans son traitement et son rétablissement. L’infirmière passera plus de temps auprès du patient pendant son séjour hospitalier comparativement aux autres intervenants. Dès l’admission et jusqu’au moment du congé, l’infirmière demeure présente, offrant des interventions thérapeutiques au quotidien le jour, le soir et la nuit. Elle accompagne l’adolescent dans son cheminement en lui fournissant des soins intensifs pendant les périodes de crise, ainsi qu’un suivi adapté à ses besoins au fil du temps. Le niveau de contact (direct, élevé et soutenu) entre l’infirmière et le jeune permet l’engagement de ce dernier dans une thérapie relationnelle unique et importante. Malgré cela, nos connaissances sur la contribution infirmière dans le rétablissement de l’adolescent à risque suicidaire demeurent limitées.

Jusqu’à présent, il n’existe aucune recherche sur les interventions infirmières relationnelles offertes aux patients à risque de suicide. La majorité des études cliniques se concentre sur les interventions effectuées par d’autres professionnels, tels que les psychiatres, les psychologues et les psychothérapeutes (Mulvogue et al., 2011). Or, les soins infirmiers dans le domaine de suicide sont peu connus et peu développés.

Cette recherche exploratoire a pour but d’identifier les interventions infirmières estimées bénéfiques selon la perspective des patients. Quelle est la contribution actuelle et potentielle de l’infirmière pour la santé, le bien-être et le rétablissement de l’adolescent à risque de suicide ? En quoi consistent les interventions bénéfiques infirmières offertes au jeune lors son traitement sur une unité de soins psychiatriques ?

Les soins relationnels : un rôle central pour l’infirmière

La mise en pratique d’une approche humaniste et « soignante » ou « caring » demeure la responsabilité de chaque intervenant de l’équipe interprofessionnelle. (Santé Canada, 1997). Selon Watson, (2009, 2008) la discipline infirmière est définie comme « The Science of Caring ». Effectivement, le caring représente un processus interactif complexe entre des êtres humains (Mayeroff, 1971), dans lequel les interventions infirmières sont ancrées (Krol et Legault, 2008).

Les avancements scientifiques dans le domaine de l’épigénétique mettent en évidence une association entre les expériences de vie relationnelles, l’expression des gènes, la neurobiologie moléculaire et développementale ainsi que les changements comportementaux, incluant la santé mentale et le suicide (Weaver et al., 2004 ; McGowan et al., 2009).

Ces données soulèvent des questions sur l’impact thérapeutique que l’accompagnement infirmier et que les actes « soignants » pourraient avoir sur la santé mentale et le fonctionnement du patient à risque de suicide. Effectivement, les découvertes épigénétiques provenant de la recherche sur les interactions maternelles « caring » (Weaver et al., 2004), nous incitent à examiner, plus en profondeur, les soins relationnels de type « caring » offerts par l’infirmière aux jeunes patients suicidaires.

Intervenir auprès des adolescents à risque de suicide : « Surveillance » ou accompagnement infirmier ?

Les infirmières de deuxième et troisième ligne qui travaillent dans les milieux hospitaliers jouent un rôle clef dans la prestation des soins aux jeunes personnes à risque de suicide. Lors de l’identification d’un risque élevé, les soins intensifs sont fournis. Les protocoles de suicide tels que prescrits exigent de l’infirmière une évaluation régulière du risque suicidaire, ainsi que la mise en place de certaines mesures de contrôle. La gestion de risque implique un niveau précis de « surveillance » infirmière sur une échelle allant d’intermittente à constante (Stewart et al., 2010). La fouille de la personne et de ses effets personnels, leur retrait et l’imposition de limites dans son environnement physique et social représentent d’autres « tâches » que l’infirmière doit effectuer (Townsend, 2012). Le but ultime est de réduire tout accès aux moyens de passage à l’acte, afin d’assurer la sécurité physique du patient (Cutcliffe et Stevenson, 2008 ; Duffy, 1995 ; Fletcher, 1999 ; Stewart et al., 2010).

La plupart des études cliniques en milieu hospitalier psychiatrique sont centrées sur la mise en place de protocoles standardisés et de mesures de protection tels que décrits précédemment. Toutefois ces tâches, appliquées systématiquement à tous les patients à risque pour suicide, ont été remises en question durant les dernières années. Selon Cutcliffe et Barker (2002), l’intervention de surveillance infirmière représente une approche aliénante et inefficace qui échoue dans 20 à 33 % des cas. Cependant, bien que ce protocole puisse avoir des conséquences négatives, la recherche démontre que l’accompagnement infirmier peut aussi avoir des effets positifs sur la santé et le bien-être du patient. L’obtention de résultats thérapeutiques semble en effet reliée à la qualité de l’interaction entre le patient et le personnel. Ainsi, les sentiments d’espoir et d’estime de soi peuvent être augmentés selon la façon dont les protocoles de surveillance, de protection et de contrôle sont appliqués (Jones et al., 2000 ; Cardell et Pitula, 1999). Les auteurs suggèrent que la « surveillance » étroite est une intervention beaucoup trop simple pour répondre aux besoins complexes des patients suicidaires, et ils prônent plutôt une approche où les soins sont axés sur l’engagement relationnel, visant ultimement à faire renaître l’espoir chez la personne suicidaire. Que se passe-t-il entre l’infirmière et l’adolescent pendant la période de « surveillance » constante ? Que fait l’infirmière pour aider le jeune à gérer sa douleur ou pour réduire l’intensité de ses pensées suicidaires ? Qu’est-ce que l’infirmière fait pour réanimer le « goût de vivre » chez un jeune lorsqu’il cherche à mettre fin à sa vie ?

Dans une étude réalisée par Lakeman et Fitzgerald (2008), les patients décrivent la façon dont les soins relationnels les ont aidés à surmonter leurs idées suicidaires. À la lumière de cette recherche, des études cliniques qui visent à répondre aux questions exposées plus haut deviennent dès lors une priorité. Bien que les interventions relationnelles infirmières auprès des clients suicidaires n’aient jamais été un sujet d’étude majeur jusqu’à présent, l’importance de la relation thérapeutique entre le patient et l’infirmière est soulignée dans les lignes directrices cliniques professionnelles (AIIAO, 2008). Cependant, les directives axées sur les soins relationnels sont peu étayées, reflétant un manque de connaissances et une absence de spécificité.

Cadre conceptuel de recherche infirmière

Le modèle de soins infirmiers McGill (Allen et Warner, 2002 ; Gottlieb et Ezer, 1997) représente le cadre conceptuel de cette étude. Lors d’un essai aléatoire contrôlé, cette approche a mené à des résultats significatifs sur la santé du patient et de sa famille (Pless et al., 1994).

En lien avec la philosophie du rétablissement dans le domaine de la santé mentale, (Anthony, 1993), le modèle McGill représente une approche collaborative dans laquelle la personne et sa famille jouent un rôle primordial dans l’évaluation de leur état de sante ainsi que dans la planification, l’intervention et l’évaluation de leurs propres soins (Gros et Young, 2007). L’infirmière s’attarde à comprendre la perspective de la personne et de sa famille à propos de leur situation, et adapte ses interventions en fonction des préférences, des priorités et des besoins particuliers de ces derniers. A l’intérieur du modèle McGill, se retrouvent le partenariat, le travail à partir des forces et des capacités, la promotion du contrôle et la prise de décision par le client (Gottlieb, 2013, Gottlieb et Feeley, 2005 ; Feeley et Gottlieb, 2000 ; Gottlieb et Gottlieb, 2007). Une étude sur les perceptions et les expériences du client qui approfondiront nos connaissances cliniques est en lien avec le cadre conceptuel décrit précédemment.

But et objectifs

L’objectif de cette recherche est d’explorer et d’identifier les interventions infirmières estimées bénéfiques par les adolescents à risque de suicide dans un milieu hospitalier. Le projet répond à la question suivante : Quelles sont les perceptions des adolescents à risque de suicide par rapport aux interventions infirmières « bénéfiques » offertes au cours d’une hospitalisation psychiatrique ?

Méthodologie

Une méthode mixte a été utilisée dans cette recherche (Polit et Beck, 2008). Elle comporte des entrevues qualitatives suivies par une mesure quantitative, le « Questionnaire des Interventions Infirmières Bénéfiques » (QIIB). La description, la validation et le développement de cet instrument sont présentés ailleurs (Cudrasov et al., 2012) [1].

Collecte des données

Les adolescents de cette recherche ont participé à des entrevues individuelles, semi structurées qui furent enregistrées sur bande sonore. Chaque entrevue, qui durait une heure maximum, était composée d’une série de questions ouvertes suivies de questions pointues afin d’obtenir des exemples cliniques concrets et détaillés. Les enregistrements audio des entrevues furent transcrits et le contenu des verbatim analysé afin de cerner les catégories et les thèmes principaux, (Burnard, 1991).

Résultats : échantillon

Neuf adolescents, 2 garçons et 7 filles, âgés de 15 à 18 ans, ont complété l’entrevue. Une variété de diagnostics psychiatriques était représentée dans l’échantillon incluant la dépression, les troubles d’alimentation, (anorexie, boulimie), et les troubles de la personnalité limite. Les participants avaient tous vécu au moins un épisode de risque pour suicide au cours de la dernière l’année, épisode pour lequel ils ont suivi un traitement sur une unité de soins psychiatriques. Pour chaque répondant, le nombre d’hospitalisation et la durée de chaque séjour étaient variables (d’une nuit à plusieurs semaines). Au moment de l’étude, 2 répondants étaient hospitalisés et 7 recevaient des soins psychiatriques en clinique externe (voir tableau 1).

Tableau 1

Description de l’échantillon

Description de l’échantillon

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Résultats qualitatifs

Selon les adolescents, les interventions infirmières « bénéfiques » sont offertes à l’intérieur de trois domaines de soins distincts et interreliées (Gros et al., 2011) :

  1. accompagner au quotidien de façon humaine et individualisée ;

  2. travailler en partenariat afin de gérer la maladie et le risque suicidaire ;

  3. créer un milieu physique et social propice au rétablissement (cf. la figure 1).

Figure 1

Résultats qualitatifs : Les domaines de Soins Infirmiers et les catégories d’intervention estimées bénéfiques par les adolescents à risque de suicide

Résultats qualitatifs : Les domaines de Soins Infirmiers et les catégories d’intervention estimées bénéfiques par les adolescents à risque de suicide
adaptée selon Gros et al., 2011

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a) Accompagner au quotidien de façon humaine et individualisée

Ce domaine d’intervention « bénéfique » représente des actes infirmiers offerts au patient quelque soit son âge, son état de santé actuel, sa maladie ou la raison pour laquelle il est hospitalisé. En voici des exemples :

  • accompagner le jeune dans sa vie quotidienne et participer avec lui dans des activités « normales » de tous les jours ;

  • offrir le contact humain et des gestes de « caring » ;

  • engager l’adolescent dans une relation d’aide basée sur la reconnaissance des particularités de l’individu et sur le respect de ses préférences ;

  • démontrer un esprit ouvert et une orientation positive.

Les données suivantes telles que présentées par Gros et al., (2011) reflètent l’importance de ces « soins de base » en soulignant l’impact bénéfique sur le jeune patient suicidaire :

Demeurer disponible et solliciter mon feed-back : « [L’infirmier doit] dire : “Je suis là si tu as besoin de quoi que ce soit” ou “Si je fais quelque chose qui te dérange, n’hésite pas à me le dire”. »

Soyez proche et intime : « [Ne pas] parler dans le cadre de porte. » « [L’infirmière] qui est plus proche va venir s’asseoir avec moi… sur mon lit. »

Soyez Humain : « Raconter des histoires personnelles de temps en temps. »

Identifier et combler mes préférences individuelles : « Remarquer [ce qui] m’est particulier… » « Si j’ai une préférence spéciale, comme du lait au chocolat, essaye de l’obtenir pour moi. »

Engagez-moi dans la conversation : « Ça aide vraiment quand quelqu’un essaie de t’engager dans une conversation… on se sent comme si la personne réalise qu’on est là, et qu’elle veut aider. » « Posez des questions sur ma vie. Posez des questions de tous les jours, comme : “Comment a été la journée ?” « (L’infirmière qui) demande : “Comment ça va ?” et qui démontre de l’intérêt en ce qu’on fait, nous aide à sentir en sécurité.” »

Offrir un Sourire : « Si quelqu’un sourit, on sourit ; c’est contagieux. »

Ces exemples renforcent la valeur thérapeutique associée aux techniques de communication interpersonnelle chez l’humain. L’idée que le sourire de l’infirmière est « contagieux », et qu’il peut amener une personne suicidaire à sourire à son tour, reflète l’ampleur de ce simple geste. De même, poser des questions de « tous les jours » est, selon le jeune, une intervention bénéfique infirmière qui contribue au sentiment de sécurité chez l’adolescent ; résultat clinique d’une grande importance pour le patient suicidaire.

b) Travailler en partenariat afin de gérer la maladie et le risque suicidaire

Telles que présentées par Gros et al., (2011), les interventions « bénéfiques » à l’intérieur de ce domaine incluent de nombreuses stratégies collaboratives reliées au traitement de la maladie et au contrôle des symptômes ; incluant l’évaluation et la gestion du risque suicidaire.

Offrir de l’information : « Dites-moi ce qui se passe… Donnez-moi une idée de ce qu’ils (les membres de l’équipe traitante) font pour moi. »

Avoir confiance en moi : « Croire en nous. Nous sommes les meilleurs juges. Personne ne sait mieux que moi si je vais me tuer. »

Écouter sans imposer les conséquences : « Si je parle de mes idées suicidaires, restez présente et écoutez. Ne pas paniquer et enlever mes privilèges ! On a juste besoin de parler quand on se sent mal. »

Gagner ma confiance : « [d’avoir confiance en l’infirmière] vous aide à guérir, parce que… c’est vraiment dur de trouver quelqu’un à qui tu peux faire confiance quand tu es dans cette situation [suicidaire]. »

Comprendre ma douleur : « … la chose la plus importante [est] de comprendre, non seulement sur le niveau scientifique, mais sur le niveau émotionnel, la profondeur du désespoir »

Offrir une autre perspective : « Donnez un point de vue différent… parce que lorsqu’on est dans cet état [suicidaire], on a une vision très étroite, alors d’ouvrir l’esprit [du patient] peut réellement faire une différence. »

Identifier et travailler avec mes forces : « Se concentrer sur le positif… ça aide tellement, parce que… quand tu participes en thérapie, et tu parles de tes problèmes, c’est négatif, négatif… Le positif peut rendre l’environnement plus joyeux. » « [Indiquer les choses dans lesquelles on est bon] te donne le goût de vivre. C’est vrai ! Ça te fait penser que tu n’es pas complètement nulle. »

Tel qu’illustré par les exemples ci haut, les interventions dans ce domaine varient en complexité. Selon Gros et al., (2011) « Offrir de l’information » représente un acte assez simple. Tandis que « gagner la confiance » d’un adolescent fait partie d’un processus d’intervention de plus haute complexité. La confiance du jeune dans son infirmière est un résultat clinique qui se développe au fil du temps, lors de la mise en pratique de plusieurs actions interpersonnelles de la part de l’infirmière. De même, un processus d’apprentissage et de développement professionnel complexe est nécessaire pour que l’infirmière puisse avoir confiance en un jeune a risque de suicide. Ce processus requiert un changement d’attitude de la part de l’intervenant, l’intégration des connaissances théoriques associées aux approches collaboratives, tel que le rétablissement, et le développement des habiletés cliniques pour pouvoir enfin « lâcher prise ». Pareillement, l’intervention bénéfique de « écouter sans imposer les conséquences » provoque une réflexion critique envers les protocoles et procédures normalement employées lors de l’évaluation et de la gestion du risque suicidaire. Bien qu’il soit essentiel de maintenir la sécurité du patient lorsqu’il nous parle de ses idées suicidaires, l’emploi de mesures de contrôle, telles que les restrictions et la surveillance accrue, ne sont peut-être pas toujours la meilleure façon de répondre. Cette constatation se fait à la lumière des résultats de Cardell et Pitula (1999) qui démontrent que les patients suicidaires ne divulguent pas toujours leurs vrais sentiments à l’infirmière, et ce, afin d’éviter les conséquences restrictives imposées par le personnel.

Dans l’ensemble, les résultats présentés renforcent l’emploi des interventions qui visent à engager l’adolescent dans une relation d’aide collaborative, dans laquelle la prise de décision se fait en partenariat. En meme temps, ces données renforcent l’importance d’une approche infirmière basée sur les forces et les capacités du patient. L’idée qu’en reflétant ses points forts l’infirmière peut « donner le goût de vivre » à un adolescent suicidaire est un témoignage qui démontre l’importance de cette approche (Gros et al., 2011).

c) Créer un milieu physique et social propice au rétablissement

Les interventions bénéfiques dans ce domaine soulignent l’importance de créer et de maintenir un environnement thérapeutique sur les plans social et physique. Voici quelques exemples selon Gros et al., (2011)

Faire le pont entre l’hôpital et ma vie externe : « Essayez de nous faire sentir moins détachés de notre monde normal… [de sentir] plus comme dans notre vraie vie. » « [Offrir] plus d’activités, plus souvent. Ajouter une activité artistique. » « Je n’avais pas été dehors pendant 5 jours et… ça semblait vraiment bizarre »

Créer un environnement de soins accueillant : « Les infirmières essayaient de construire une atmosphère coopérative familiale. Comme : “Oh, Entrez s’il vous plaît et suivez-moi. Je vous accompagne.” Tous les papiers [à l’admission] me faisaient sentir comme bureaucratique et froid, mais les infirmières m’ont posé des questions sur ma vie… Je n’étais pas juste un objet. »

Accompagnez-moi à l’extérieur : « [De sortir dehors]…me faisait sentir comme si je n’étais pas en prison… » « La sensation du soleil tout simplement… c’était tellement agréable… ça m’a réellement aidé… Le fait de sortir te donne un sentiment de libération »

Ces données illustrent l’importance des interventions infirmières sur l’environnement physique et social. Un aspect central des soins infirmiers est la modulation des conditions environnementales (ex : fournir de l’air frais, de la lumière) (Nightingale, 1960). Les témoignages des adolescents appuient les preuves émergentes qui lient l’environnement physique aux sentiments de bien-être des patients (Dijkstra et al., 2006). Ces données remettent en question les protocoles cliniques actuels, à l’intérieur desquels les patients à risque de suicide et sous « surveillance » infirmière, sont habituellement confinés sur l’unité ou même dans leur chambre, plutôt que d’être accompagnés à l’extérieur. (Gros et al, 2011).

Les interventions qui comblent le fossé entre la vie à l’hôpital et celle à l’extérieur représentent une autre composante des soins bénéfiques. En facilitant la transition entre l’hôpital et la maison, ces interventions pourraient rendre la planification du congé plus aisée, et réduire le temps nécessaire pour préparer le jeune à retourner chez lui lors de la fin du séjour hospitalier. (Gros et al, 2011).

Limites de l’étude

Cette recherche a certaines limites, dont plusieurs concernent le petit échantillon (n = 9) et la variabilité du profil des répondants. La gamme d’âge des participants de 15-18 ans représente un écart assez large étant donné la croissance rapide des jeunes pendant cette période de vie : si une variété de diagnostics psychiatriques est représentée, la grande variabilité des séjours hospitaliers durant l’année précédente doit aussi être considérée. La fréquence et la répartition dans le temps des admissions hospitalières, ainsi que la durée de chaque séjour représentent une importante limite. De même, l’échantillon inclut 2 participants hospitalisés, alors que les 7 autres fréquentaient les cliniques externes. Les profils divergents des participants mentionnés ci haut affectent la représentation du patient des soins bénéfiques, sa mémoire et sa capacité de raconter ses expériences, son habilité de comprendre et d’articuler les soins bénéfiques, ainsi que leur impact sur sa santé. Les résultats ne sont pas généralisables et aucune comparaison entre participants ne peut se faire. Bien que les résultats de cette étude offrent de nouvelles idées par rapport aux interventions infirmières bénéfiques, davantage de recherche est exigé pour pouvoir répondre aux limites mentionnées.

Les profils divergents des participants mentionnés ci-haut affectent la perspective du patient quant aux soins bénéfiques, à sa mémoire et à sa capacité de raconter ses expériences, son habilité de comprendre et d’articuler les soins bénéfiques et leur impact sur sa santé.

Implications cliniques et conclusion

Les résultats de cette recherche exploratoire suggèrent que les interventions infirmières peuvent influencer, de façon positive, la santé et le rétablissement du jeune à risque de suicide lors d’une hospitalisation. L’importance des interactions « humaines » et le développement d’une relation d’aide infirmière « caring » sont soulignés. Une panoplie de stratégies infirmières a été identifiée, dont la valeur clinique, selon le patient, est mise en évidence. Ces résultats incitent le clinicien à travailler en collaboration avec l’adolescent suicidaire, en utilisant de façon délibérée et systématique des stratégies infirmières particulières. Bien qu’il soit nécessaire de mener des recherches supplémentaires, les données présentées permettent de prendre conscience des interventions relationnelles qui peuvent être intégrées au sein de la pratique clinique infirmière.

Les données de cette recherche sont à la base de futurs projets qui aborderont les soins infirmiers « bénéfiques » offerts aux personnes à risque de suicide. Cette recherche a mené à la création d’un outil clinique quantitatif dont un projet sur l’élaboration et la validation du contenu a récemment été complété (Cudrasov et al., 2012). De plus, la richesse des données provenant des adolescents a donné lieu à un projet présentement en cours. Ce projet vise à explorer les perceptions des soins bénéfiques infirmiers par les plus jeunes enfants (7-13 ans) qui ont des facteurs de risque de suicide, et par leurs parents, (Butler et al., 2012).