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Dans cet ouvrage de 109 pages, Louis Cornellier présente de façon concise, précise et accessible les éléments qui constituent et organisent un bon texte argumentatif, écrit ou oral. Après un chapitre d’introduction, le chapitre II (Le coffre à outils) esquisse le cadre d’analyse et introduit les éléments essentiels de l’argumentation, soit une question, une opinion, un ensemble d’arguments, un modèle d’organisation et une tonalité. Le chapitre III (Typologie des arguments, p. 25-49) constitue près du quart de l’ouvrage. Cornellier y identifie et définit huit types d’arguments, avec exemples et critères de validité. Ainsi, l’argument d’autorité, qui consiste à s’appuyer sur un expert dans la matière, augmente en validité avec la crédibilité de l’expert. L’auteur distingue soigneusement les types d’arguments et souligne les liens entre eux. Par exemple, la référence au fait s’accompagne souvent d’un argument cause-conséquence (p. 28) ; l’analogie, souvent frappante pour l’imagination, gagne à être étoffée d’arguments d’autres types (p. 42). Une section fort originale, consacrée aux […] arguments insignifiants, explique l’absence de poids de l’appel au gros bon sens ou au juste milieu (p. 47), ou encore de leurres plus subtils comme l’appel à la majorité ou le recours à l’étymologie d’un mot (p. 48). Ce chapitre indique déjà que, loin de dépendre de l’accumulation aveugle d’arguments, l’art de l’argumentation réside à la fois dans le choix et dans l’organisation des arguments. Ce dernier point fait l’objet du chapitre IV, Les formes de l’argumentation (p. 51-62), qui traite de trois modèles d’organisation reconnus, soit la démonstration, la délibération et la réfutation.

Au chapitre V, Cornellier procède à l’examen de trois textes argumentatifs illustrant chacun un modèle d’argumentation différent (Pratte sur l’exercice du droit de vote, La Presse, 2003 ; Nuovo sur la contention des personnes âgées dans les centres de soins, Le journal de Montréal, 2002 ; Cornellier lui-même sur la légitimité du Bloc québécois, L’Action, 2008). L’analyse permet d’approfondir utilement les éléments déjà présentés : chaque argument se voit assigner un type et est lié au modèle ; les tonalités des textes sont également discutées. Par ailleurs, les textes utilisés servent très bien le propos, et leurs thèmes demeurent d’actualité. Le choix d’analyser son propre texte s’apparente au modelage, une stratégie d’enseignement préconisée notamment pour l’enseignement de l’écriture, et peut servir de modèle du genre.

Le chapitre VI, Débattre comme on fait la guerre ou l’art de la controverse selon Schopenhauer, contient un exposé passionnant sur les stratagèmes argumentatifs comme la généralisation vicieuse, la diversion, la contradiction ad hominem ou le renversement, stratégies fort utiles à connaître pour comprendre un interlocuteur moins outillé ou moins honnête. L’auteur conclut au chapitre VII en soulignant la valeur de l’argumentation non seulement pour tenter de convaincre autrui, mais également pour se forger sa propre opinion, un aspect présent en filigrane dans l’ensemble du livre.

En plus de présenter un grand intérêt pour la didactique du français, ce livre est un plaisir à lire : les fondements de l’argumentation y sont présentés dans une écriture limpide, nuancée et parsemée de touches d’humour.