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L’ouvrage d’économie dirigé par Gaston et Khalid porte sur une zone particulière du monde et sur les effets de la globalisation dans cette zone. Il reprend des contributions à un colloque qui s’est tenu en septembre 2008 en Australie, à un moment où le mode entrait dans une crise financière. Il prétend contribuer à une nouvelle architecture financière et commerciale, et manifeste un certain scepticisme à l’égard de la globalisation et de la libéralisation des marchés. Après une introduction générale, il se divise en trois parties qui portent respectivement sur les perspectives de la globalisation, la coordination macroéconomique et l’intégration des marchés financiers, l’immigration et le marché du travail dans un monde globalisé.

Selon les auteurs, l’avenir de la globalisation pourrait bien, pour plusieurs raisons, n’être que son crépuscule. On peut en repérer deux qui se renforcent l’une l’autre. D’une part, les institutions internationales issues des accords de Bretton Woods ont besoin de réformes pour s’adapter au monde d’aujourd’hui, mais ces réformes sont refusées par les grandes puissances de jadis ; la globalisation se trouve donc sans gouverne légitime. D’autre part, dans plusieurs pays, cette même globalisation est attaquée par ceux qui en souffrent. La récession actuelle ne fait que renforcer ceux qui la condamnent. Il en découle que des accords régionaux ou bilatéraux se substituent à la libéralisation mondiale. Cela apparaît peut-être d’abord dans la région Asie-Pacifique, mais il se peut aussi que des accords régionaux promouvant la libéralisation de façon limitée soient aussi des avancées dans la direction d’une libéralisation plus large. En tout cas, on ne sait pas si les peuples accepteront ou refuseront que la globalisation continue. Il se peut que celle-ci connaisse des reculs comme cela s’est déjà produit après 1914 et après 1929.

Dans la deuxième partie, on commence par insister sur la difficulté de mesurer l’intégration financière en Asie et les bénéfices éventuels de celle-ci. On met l’accent sur la méfiance de la région vis-à-vis d’une telle intégration et on constate que les pays de la région sont plus intégrés au reste du monde qu’entre eux. On montre l’impossibilité de prévoir ou de modéliser de façon satisfaisante les fluctuations de la bourse et des taux de change, ce qui peut renforcer la méfiance à l’égard de l’intégration. On examine la variation de l’emploi et de la valeur des devises nationales à la suite de restrictions du commerce international. On examine également comment les fluctuations d’une devise peuvent annuler les bénéfices d’un accroissement de l’emploi. Enfin est posée la question de l’inégalité ou de la polarisation des salaires après la libéralisation des échanges. La question se corse lorsque l’on tient compte des productions particulières (ou des phases d’une production fragmentée) dans lesquelles se spécialise chaque pays : le travail non qualifié peut être plus ou moins en demande selon la spécialisation de tel pays par rapport à tel autre ; il n’est donc pas fatalement, toujours et partout dévalué.

La troisième partie traite des flux migratoires et du marché du travail dans la zone Asie-Pacifique. On rencontre évidemment des situations très différentes dans cette zone. Un premier chapitre envisage l’effet à la fois de la globalisation et d’un salaire minimum légal sur l’emploi. Il envisage aussi la réduction de la pauvreté dans divers pays. Les trois autres chapitres ne portent que sur le Japon. Comment celui-ci peut-il répondre à la diminution de sa main-d’oeuvre due au vieillissement de sa population ? Quelles seraient les conséquences d’une immigration de travailleurs au Japon ? Comment le travail des femmes pourrait-il compenser la diminution du nombre des hommes ? Quelle est leur part dans la main-d’oeuvre japonaise ? Pourquoi et comment le travail à temps partiel a-t-il augmenté chez les femmes ? Dans quelle mesure la délocalisation des multinationales japonaises, contrairement à ce qu’on attendrait, a-t-elle un effet positif sur le niveau d’emploi au Japon ?

Ce livre comprend des contributions très pointues, économétriques ou théoriques, des contributions qui traitent les données statistiques avec beaucoup de prudence et posent des questions plutôt que d’apporter des réponses simplistes. Il ouvre des problématiques et propose des méthodes. Il met certainement en doute les bienfaits de la globalisation dans la perspective de la dure expérience de l’Asie-Pacifique au moment de la crise financière de la fin du 20e siècle et des erreurs d’appréciation du fmi lors de cette crise. Il demeure cependant un ouvrage technique et spécialisé qui ne tire pas de conclusions faciles. Il est écrit par des économistes pour des lecteurs qu’intéressent l’économie et la statistique.

Une critique que je pourrais adresser à cet ouvrage concerne les « winners and losers », dont il parle peu. J’attendais qu’il les distingue davantage.