Corps de l’article

En 2009, une étape charnière a été franchie vers la mise en place du marché européen de défense avec l’adoption par le Conseil et le Parlement européen du « paquet défense », proposé par la Commission européenne[1]. L’acquisition d’équipements de défense est désormais incluse dans le marché intérieur de l’Union européenne (ue). Nombre d’auteurs (Howorth 2001 ; Müller-Brandeck-Broquet 2002 ; Cameron et Spence 2004 ; Spence 2006 ; Kirchner et Sperling 2007) ont souligné la contribution de la Commission dans le cadre de la Politique de sécurité et de défense commune (psdc)[2]. Mérand, Hoffman et Irondelle (2011), s’appuyant sur une analyse de réseau, ont confirmé qu’avec cette politique la gestion de la sécurité a certes été transférée à l’échelle européenne, mais qu’elle demeure contrôlée par les États. Qu’en est-il alors du rôle de la Commission dans l’établissement du marché européen de défense ?

L’approche holiste de la sécurité, préconisée par la Stratégie européenne de sécurité, encourage une coordination accrue entre les différents acteurs et leurs instruments. Selon Biscop (2008 : 8), la stratégie omniprésente dans les discours de l’ue s’est imposée comme cadre de référence. Mais qu’en est-il de son effet sur les pratiques des acteurs ? En raison des impératifs économiques et stratégiques liés aux contraintes du marché de la défense et au renforcement de la psdc, la poursuite de la coopération européenne en matière d’armement[3] est un cas intéressant. À cet égard, Mörth (2003), inspirée par les travaux de Pierre Bourdieu sur la notion de champ (Bourdieu 2000 ; voir aussi Bourdieu et Wacquant 1992), s’intéresse à l’émergence du champ organisationnel de l’armement, né du rapprochement entre le domaine communautaire du marché et celui intergouvernemental de la défense avec la psdc. Selon elle, nous assistons à l’émergence d’un champ organisationnel, où de nouveaux types d’arrangements coopératifs apparaissent en fonction des relations de pouvoir et d’autorité entre les acteurs, étatiques et communautaires, publics et privés, et à différents niveaux d’action. Comme Mörth et Britz (2004), nous considérons que le paradigme du champ est indispensable pour mettre en lumière la configuration de relations objectives entre des positions et « la façon dont les structures formelles et informelles de domination et d’autorité se sont formées » dans l’établissement du marché européen de défense (Mörth 2003 : 8). L’analyse des pratiques au sein du marché européen de défense, en mettant l’accent sur les règles données et construites qui donnent un sens à la défense européenne, nous aide à comprendre comment fonctionne le champ européen de la sécurité et de la défense.

Afin de démontrer que le marché européen de défense n’est pas le résultat de la convergence des politiques nationales, mais un espace de luttes de pouvoir et de stratégies entre les acteurs, étatiques et non étatiques, pour mieux se positionner au sein de celui-ci, cet article analyse les pratiques et leurs effets. Il cerne la façon dont s’articulent les relations entre les positions des acteurs du domaine, c’est-à-dire les représentants étatiques et ceux des institutions européennes, mais aussi les industriels et les experts issus du milieu universitaire, des think tanks et des organisations non gouvernementales (ong). D’abord, nous présentons les grandes étapes et les processus qui ont transformé le paysage industriel européen, en introduisant de nouvelles pratiques et coopérations multiformes. Puis nous précisons les initiatives de la Commission européenne, qui vise à faciliter ces coopérations et à se positionner comme un acteur légitime au sein de ce champ. Enfin, nous analysons dans l’article la manière dont les rapports de force structurent la mise en place du marché européen de défense.

I – Vers un nouveau paysage industriel européen

L’échec de la Communauté européenne de défense en 1954 confirme les résistances nationales face à l’intégration politique. Les représentants des États membres concentrent alors leurs efforts sur l’intégration économique dans la Communauté économique européenne (cee). La cee regroupe un nombre élevé de domaines, mais exclut du champ communautaire les questions jugées trop sensibles, dont celle de l’industrie de l’armement. La période de la détente favorise certes la mise en place de la coopération politique européenne qui encourage les États membres à se concerter en matière de politique étrangère, mais exclut les questions de défense (Nuttall 1997). En 1975, le Parlement européen propose la création d’une agence européenne de l’armement, puis, en 1978, la mise en place d’un marché communautaire des équipements militaires, mais ces propositions suscitent peu d’intérêt chez les États membres. Les plus atlantistes craignent la création d’une « Europe forteresse », fermée aux fournisseurs américains (Grevi et Keohane 2009). Des résistances qui n’empêchent toutefois pas plusieurs expériences de coopérations bilatérales et multilatérales en matière de production d’armements à partir des années 1950 (Hébert et Hamiot 2004).

La nature du débat change dans le contexte de la fin de la guerre froide et des restrictions budgétaires drastiques. Selon Dumez et Jeunemaitre (2002), les impératifs stratégiques liés à la compétitivité et à l’autonomie exigent de consolider la demande, de structurer l’offre et, enfin, d’établir un cadre réglementaire commun. Ces trois objectifs guident l’évolution de la coopération interétatique dans les années qui suivent, d’autant plus que :

[l]e marché mondial de l’armement, évalué à 300 milliards d’euros, est largement dominé par l’industrie américaine, qui détient à elle seule plus de 50 % de parts du marché. L’activité industrielle de défense en Europe représente […] un chiffre d’affaires total d’environ 55 milliards d’euros. Elle est concentrée, à 90 %, sur six pays : Allemagne, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni et Suède.

France 2008 : 261

Dans la Déclaration relative à l’Union de l’Europe occidentale [ueo], annexée au traité de Maastricht, les États membres de l’ue envisagent « une coopération renforcée en matière d’armement, en vue de créer une agence européenne des armements » (ue 1992). Les discussions s’amorcent aussi au sein du Groupe armement de l’Europe occidentale (gaeo), mais achoppent « en raison de divergences d’intérêts existant entre les pays dotés d’une industrie d’armement et ceux qui en [sont] dépourvus » (Maulny 2002 : 141). La France et l’Allemagne s’entendent alors, en 1995, pour mettre en place une agence franco-allemande dans le domaine de l’armement. Ils sont rejoints par le Royaume-Uni et l’Italie, et parviennent alors à se mettre d’accord sur des règles communes qui permettent de créer l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (occar), l’année suivante. Les États membres de l’ueo s’entendent quant à eux pour créer l’Organisation de l’armement de l’Europe occidentale (oaeo) qui veille à la mise en oeuvre des décisions du gaeo. Si elle dispose d’une personnalité juridique permettant de passer des contrats, cette organisation ressemble à une cellule de recherche. Les pays de l’occar ainsi que la Suède et l’Espagne signent, en 1998, une lettre d’intention (LoI)[4] dans laquelle les pays européens dotés d’une base industrielle et technologique de défense (bitd)[5] s’entendent pour définir les principes de la restructuration de l’industrie européenne de défense. Cependant, comme le soulignent Grevi et Keohane (2009), les effets de cette entente demeurent limités, car la LoI ne crée pas de marché commun, et peu d’États européens invités à joindre la LoI disposent d’une bitd.

La LoI est néanmoins transformée en accord-cadre à Farnborough, en 2000, définissant des mesures concrètes pour accroître la coopération. En matière de politiques d’exportation vers les pays tiers, cet accord renvoie à la liste des critères fixés par le Code de conduite de l’Union européenne en matière d’exportation d’armements, adopté en juin 1998 par le Conseil. Ce code est une initiative du Royaume-Uni, en partie sous la pression d’ong comme Oxfam et Saferworld, pour accroître le contrôle et la transparence des exportations (Matelly 2010). Il a été élaboré par le groupe ad hoc sur la coopération en matière d’armement qui, sous l’autorité du Comité politique et de sécurité, est composé des représentants nationaux des États membres et de représentants de la Commission (Masson 2004). Ce code a été remplacé par une action commune du Conseil (2008c) dans le cadre de la Politique étrangère et de sécurité commune, qui renforce et élargit son champ d’application, en plus de le rendre juridiquement contraignant. L’action commune fait de la Liste commune des équipements militaires de l’Union européenne la référence pour les listes nationales de technologie et d’équipements militaires. Elle vise à accroître l’harmonisation des critères d’autorisation et la transparence des politiques nationales d’exportation.

Les discussions interétatiques qui se déroulent dans le contexte des restrictions budgétaires entraînent, dans les années 1990, des restructurations importantes, et même la privatisation de nombreuses entreprises, bien que les États demeurent des actionnaires importants. Le phénomène culmine au tournant de l’an 2000, conduisant à une diminution significative des entreprises de cette industrie qui doivent faire face à la concurrence américaine (Hébert 2004). Dans ce contexte, certaines entreprises comme bae Systems et Thalès (2011) sont amenées à coopérer, notamment dans la construction de deux porte-avions pour la Royal Navy. Il s’agit aussi d’une décision politique du ministère britannique de la Défense, qui s’inscrit dans le contexte du rapprochement avec la France en matière de coopération militaire et navale (Loisel 2004). D’autres entreprises fusionnent, par exemple l’allemande dasa, la française Aérospatiale Matra et l’espagnole casa, qui constituent le premier groupe industriel de défense en Europe sous l’appellation European Aeronautic Defence and Space Company (eads).

Dans ce nouveau paysage industriel européen, « ces champions européens et non plus nationaux ont parallèlement avantage à voir la demande européenne se coordonner et harmoniser ses commandes afin de lisser au mieux leur plan de charge » (Masson et Paulin 2005 : 5). Les entreprises ont ainsi encouragé fortement de façon formelle et informelle les États à rationaliser le marché européen des équipements de défense avec, entre autres, la mise en place d’une agence[6]. En juin 2002, la présidence espagnole de l’ue confirme l’importance de poursuivre la coopération en matière d’armement afin d’assurer la viabilité de la psdc (Conseil de l’Union européenne 2002). Puis, en février 2003, lors du sommet franco-britannique du Touquet, les représentants des deux pays s’entendent sur la nécessité de créer une agence à même d’approfondir cette coopération (France 2003).

L’Agence européenne de défense (aed) voit finalement le jour en juillet 2004. Elle est dotée d’une personnalité juridique et placée sous le contrôle politique du Conseil. Le chef de l’Agence est le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Il veille à la mise en oeuvre des orientations transmises par le Conseil. Il convoque et préside le comité directeur qui se compose des ministres de la Défense des États membres[7] et d’un représentant de la Commission européenne qui est associé aux travaux de l’aed, mais n’a pas le droit de vote. Les décisions ont quand même la particularité d’être prises à la majorité qualifiée, même si les États ont prévu un mécanisme de « frein d’urgence » qui leur permet pour une raison de politique nationale de renvoyer la décision au Conseil, qui statue alors à l’unanimité (Conseil de l’Union européenne 2004). L’Agence veille au « développement des capacités de défense, de la recherche, des acquisitions et de l’armement » (ibid. : 18). En matière d’acquisition, depuis 2006 l’aed encourage la concertation entre les États membres en matière de réglementation des marchés publics de défense avec le code de conduite sur les acquisitions de défense. Ce code propose sur une base volontaire les principes et les modalités d’acquisition. Il ne remet pas en question l’article dérogatoire qui permet, à certaines conditions, de favoriser des fournisseurs nationaux. Le code n’étant pas juridiquement contraignant, il a donc des effets limités sur la fragmentation des marchés qui perdure avec son lot de duplications : « Ensemble les États membres de l’ue ont 89 programmes d’armement en cours, alors que les États-Unis n’en ont que 27, et ce, même si son budget est plus du double que les budgets défense combinés de l’ue » (O’Donnell 2009).

La fragmentation des marchés n’est pas le seul défi qui se pose aux États européens. Au cours des dernières années, le fossé technologique n’a cessé de se creuser entre l’Europe et les États-Unis, qui dépensent « cinq fois plus que les vingt-sept pour la recherche de défense » (de La Grange 2007). La mise en place d’une base industrielle et technologique de défense européenne (bitde) s’impose, alors que le coût des technologies est en hausse et que la compétition s’intensifie à l’échelle mondiale, mais que les budgets nationaux baissent drastiquement : « L’industrie européenne de défense pèse 93 milliards d’euros, 30 % de la production mondiale et près de 400 000 emplois. Mais elle souffre des restrictions budgétaires – les dépenses militaires de l’ue sont passées de 3 % à moins de 1,7 % du pib en trente ans » (Peters 2011).

Les 26 ministres de la Défense du comité directeur de l’aed (2007, 2008b) ont reconnu que l’industrie de la défense n’est plus viable sur une base seulement nationale et que sa compétitivité passe désormais par la consolidation des deux aspects du marché en Europe. D’une part, les États doivent coopérer dans l’acquisition d’équipement et, de l’autre, ils doivent faire suffisamment converger leurs besoins vers une bitde véritablement intégrée « qui est plus que la somme de ses parties nationales ». De même, ils réitèrent l’importance de mettre en place « une solide base industrielle européenne [qui] est un préalable à une coopération européenne en matière d’armement » (aed 2008a : 8). Les États membres ont d’ailleurs adopté le Programme de recherche européen sur la sécurité, proposé et géré par la Commission.

L’Agence européenne de défense veille également à améliorer les capacités militaires et civiles dont l’ue a besoin pour atteindre ses objectifs stratégiques tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Le processus d’évaluation des besoins et des forces disponibles a permis d’élaborer le plan de développement des capacités (pdc) qui doit faciliter la prise de décision, stimuler la coopération et surtout permettre d’adapter les différents programmes en la matière. Dans le but d’optimiser les capacités disponibles et leur interopérabilité ainsi que de diminuer les coûts, les représentants des États membres se sont résolus à envisager différentes options, telles que la mutualisation des forces, la spécialisation et l’acquisition en commun. Certains se sont ainsi engagés à constituer une flotte européenne de transport aérien sous l’autorité de l’aed[8], une unité multinationale de 118 Airbus A400M[9] et à favoriser l’interopérabilité aéronavale européenne[10] (Conseil de l’Union européenne 2008a). À cet égard, en 2010, le commandement européen du transport aérien a été inauguré ; il regroupe les moyens de transport de l’Allemagne, de la Belgique, des Pays-Bas et de la France (2011a).

Par ailleurs, la crise économique et financière de 2008 et la pression énorme qu’elle exerce sur les budgets publics ont encouragé des coopérations bilatérales. Notamment, les gouvernements français et anglais ont conclu en novembre 2010 deux traités qui viennent renforcer leur coopération militaire. L’un, en matière de nucléaire, vise la construction d’installations radiographiques et hydrodynamiques communes. L’autre porte sur la coopération en matière de défense et de sécurité et prévoit, entre autres, « le partage et la mutualisation de matériels et d’équipements, y compris par une interdépendance mutuelle, la construction d’installations communes, l’accès mutuel [aux] marchés de défense [et aux contrats publics] et la coopération industrielle et technologique » (France 2010b : 1). Une initiative saluée par le Conseil dans la mesure où elle contribue « à créer une dynamique propre à favoriser de nouvelles possibilités de coopération entre les États membres » (Conseil 2010b : 2).

En somme, la coopération intergouvernementale a progressé sous différentes configurations. Elle demeure toutefois fragile puisque tributaire des relations de pouvoir entre des acteurs étatiques qui coopèrent sur une base volontaire et sans cadre légal contraignant. Le risque de voir les politiques d’armement être renationalisées demeure présent, notamment parmi les pays qui se sont dotés d’une véritable bitd afin de stimuler l’investissement, de protéger leurs industries nationales et, surtout, les emplois qui s’y rattachent. Par exemple, en France (2008 : 262), il est question de 165 000 emplois directs et d’autant d’emplois indirects. La nécessité de consolider la psdc change néanmoins la donne, car cela exige des capacités militaires crédibles et compétitives. Dans ces circonstances, les représentants étatiques ont certes mis en place l’Agence européenne de défense, mais celle-ci dispose de peu de moyens, sans pouvoir de sanction. La consolidation ne permet pas non plus d’harmoniser les réglementations et les procédures qui varient encore d’un pays à l’autre. À ce chapitre, la Commission européenne s’est montrée proactive afin de mettre à profit les politiques et les instruments communautaires et de légitimer son rôle au sein du champ européen de la sécurité et de la défense.

II – Le rôle moteur de la Commission dans la structuration du marché européen de défense

Dès 1975, la Commission européenne propose la mise en place d’une agence européenne de l’armement. Une proposition qui reste lettre morte jusqu’à la communication qu’elle fera, vingt ans plus tard, sur Les défis auxquels sont confrontées les industries européennes liées à la défense – Contribution en vue d’actions au niveau européen (Commission européenne 1996). Prenant en compte la nouvelle donne internationale et une volonté accrue des États à coopérer, elle y présente des mesures adaptées aux spécificités des marchés de défense qui mobilisent les moyens d’action dont elle dispose pour faciliter la coopération interétatique. Puis, en 1997, une seconde communication encourage l’adoption d’une politique européenne de l’armement et d’un plan d’action pour les industries du secteur. La Commission (1997 : 2) affirme qu’un « grand marché européen pour les produits de défense doit être mis en place en utilisant d’une façon combinée la gamme d’instruments, législatifs ou autres, communautaires ou de politique étrangère et de sécurité commune, dont l’Union dispose ». Comme le mentionnent Mörth et Britz (2004 : 964), la Commission propose dès lors « une nouvelle compréhension des enjeux d’armements » et, par conséquent, de nouvelles règles pour régir le marché européen de la défense.

Les États membres, s’ils reconnaissent l’importance de restructurer l’industrie aéronautique et militaire européenne, demeurent réfractaires aux propositions de la Commission qui ambitionne de limiter le recours à l’article dérogatoire 296 du traité instituant la Communauté européenne (tce), devenu avec le traité de Lisbonne l’article 346 du traité sur le fonctionnement de l’ue (tfue). Cet article leur accorde une dérogation aux exigences du marché intérieur, concernant la libre circulation des marchandises et les directives sur la passation des marchés publics, et leur permet de maintenir en dehors des traités les questions de l’armement (Irondelle 2005). Les États membres peuvent favoriser des fournisseurs nationaux lorsqu’il est question de contrat en matière de défense, ce qui explique la faible compétitivité des marchés nationaux responsable de la hausse des prix.

Malgré les résistances des États membres, la Commission propose la communication Vers une politique de l’Union européenne en matière d’équipements de défense. Dans ce document, la Commission (2003 : 8) stipule que, si l’ue ne réussit pas « à renforcer la contribution des politiques communautaires, notamment en matière de commerce, de développement, de marché intérieur, de recherche et de concurrence, il en résultera des solutions non optimales pour l’efficacité de la pesd [psdc] ». Elle appuie son action sur le principe de subsidiarité[11] pour mettre fin à la fragmentation avec l’établissement du marché européen d’équipements de défense ouvert et concurrentiel, en limitant de façon significative le recours à l’article dérogatoire.

La Commission poursuit ses efforts pour concrétiser le marché européen avec le Livre vert – Les marchés publics de la défense, présenté en 2004, quelques mois après la création de l’Agence européenne de défense. S’appuyant sur l’analyse de ce livre vert et devant les questions qu’il soulève, la Commission a lancé une consultation publique, liée au cloisonnement, aux spécificités et au cadre juridique des marchés de défense. Cette consultation s’est échelonnée sur une période de six mois, au rythme de réunions et de séminaires, regroupant des représentants des États membres, des institutions européennes, des entreprises et des groupements professionnels ainsi que des experts du milieu universitaire et des think tanks. Les contributions recueillies à la suite de cette consultation publique ont permis à la Commission de formuler deux initiatives.

D’abord, en 2006, avec la Communication interprétative sur l’application de l’article 296 du traité dans le domaine des marchés publics de la défense, elle souligne de manière stricte ce que la jurisprudence de la Cour de justice de l’ue a réitéré, à maintes reprises, concernant les conditions du recours à l’article dérogatoire. Il s’agit pour la Commission (2006 : 5) « de prévenir d’éventuels usages abusifs et de s’assurer que la dérogation reste une exception limitée aux cas où les États membres n’ont pas d’autres choix pour protéger leurs intérêts de sécurité que de le faire au niveau national ». En tant que gardienne des traités, elle s’assure du bon usage de cette dérogation et, en vertu de l’article 348 du tfue, elle peut saisir la Cour de justice en cas d’abus.

Puis, en 2007, elle présente au Parlement européen et au Conseil un ensemble de mesures qui reprend l’essentiel des propositions formulées dans sa communication dix ans plus tôt. Y figure la communication Stratégie pour une industrie européenne de la défense plus forte et plus compétitive, proposant des mesures susceptibles d’encourager la compétitivité du secteur, à commencer par une nouvelle législation qui prend la forme de deux directives. La directive 2009/43/CE vise à simplifier les conditions des transferts des produits liés à la défense à l’intérieur de l’ue (2009a). La directive 2009/81/CE sur les marchés publics de sécurité et de défense s’inscrit pour sa part à la suite de la communication interprétative de 2006 sur l’application de l’article dérogatoire, avec des règles communautaires visant à clarifier encore davantage son usage pour accroître la transparence et l’ouverture des marchés de défense au sein de l’ue (2009b).

Les États membres n’ont manifesté aucune réaction hostile à l’égard des directives, dont la négociation a été rapide. Un dialogue permanent s’est établi avec la Commission dans le processus d’élaboration et les directives ont fait partie des priorités, au chapitre du renforcement de l’Europe de la défense, de la présidence française en 2008 (Commission 2007b). En outre, la détermination de la Commission a fait dire à certains représentants nationaux qu’il valait mieux accepter le « paquet défense », d’autant plus qu’il répondait à un besoin réel et que la Commission poursuivrait son activisme jusqu’à ce qu’un accord soit conclu[12]. Les directives ont été adoptées en 2009 après qu’un compromis eut été trouvé entre le Parlement européen et le Conseil selon la procédure de codécision. Par la suite, les États membres ont disposé de deux ans pour modifier leur législation nationale à la lumière de ces directives, jusqu’au 30 juin 2011 pour la directive 2009/43/CE et au 21 août 2011 pour la directive 2009/81/CE. Toutefois, les retards pris dans la transposition ont amené la Commission à jouer son rôle de contrôle, en envoyant une lettre de mise en demeure aux États retardataires. Elle applique d’ailleurs la même procédure que pour les autres secteurs du marché intérieur, car la sensibilité liée au domaine est déjà prise en compte dans la formulation des directives. En outre, les représentants de la Commission ont accompagné les administrations nationales dans le processus de transposition, notamment en organisant des séances d’information dans les capitales et à Bruxelles et en fournissant un mode d’emploi sur la transposition des aspects techniques[13].

En somme, la Commission a réussi dans ses initiatives à se positionner stratégiquement dans un domaine jusque-là intergouvernemental. Elle justifie son rôle en invoquant le principe de subsidiarité en faveur de la Communauté afin d’assurer la compétitivité de l’industrie européenne et d’ainsi renforcer la psdc. Elle appuie son action sur la Stratégie européenne de sécurité dans laquelle les représentants des États membres reconnaissent l’importance d’une approche holiste qui met à profit tous les instruments de l’ue pour une action extérieure efficace (Conseil de l’Union européenne 2003b). Par conséquent, la Commission joue un rôle moteur par ses initiatives et d’interface entre les acteurs étatiques et non étatiques par son approche (Lavallée 2011), ce qui structure le marché européen de défense.

III – Les paramètres du marché européen de défense

Dans les sections précédentes, on a pu prendre la mesure de la convergence entre les coopérations intergouvernementales et les innovations communautaires qui génère une configuration de relations avec de nouveaux arrangements coopératifs. Dans un souci de cohérence et de multilatéralisme efficace[14], le marché européen de défense est échafaudé sur la base du travail déjà amorcé par les organisations intergouvernementales dans le domaine de l’armement à l’échelle européenne, notamment l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (occar) et l’Union de l’Europe occidentale (ueo) (gaeo/oaeo). L’action commune qui institue l’Agence européenne de défense (aed) a prévu des relations de travail avec ces organisations afin de mettre à profit leur savoir-faire, leurs pratiques et leurs principes (Conseil de l’Union européenne 2004). En 2008, les chefs d’État et de gouvernement de l’ue, reconnaissant en l’occar un partenaire privilégié, en font une organisation de gestion des programmes européens d’armement qui devient dès lors le bras exécutif de l’aed. Une association qui comporte, selon le Conseil, de nombreux bénéfices « en termes de réduction des coûts administratifs et de réduction de délais entre la définition des besoins et la réalisation des capacités correspondantes » (ibid. 2008a : 13). Un accord sur la sécurité de l’information est également en cours de négociation entre l’ue et l’occar, permettant un transfert « des besoins en matière de capacités vers des programmes d’achats fondés sur la coopération » (ibid. 2010a : 10). Par ailleurs, les structures de l’ueo ont été dissoutes à la suite de son inclusion au sein de l’ue et de la création de l’aed. Le Groupe armement de l’Europe occidentale (gaeo), en 2005, et l’Organisation de l’armement de l’Europe occidentale (oaeo), en 2006, « et leurs documents ont été transférés à l’aed, qui a ainsi bénéficié de leurs travaux » relatifs à l’harmonisation des normes et des « besoins opérationnels en matière d’armement » (Assemblée de l’ueo 2010 : 1). Également, un comité consultatif permet aux membres de l’otan qui ne font pas partie de l’Union européenne de discuter avec l’Agence européenne de défense des questions d’intérêt commun et de veiller à la cohérence de leurs initiatives (Conseil de l’Union européenne 2004).

Par ailleurs, l’action commune de l’aed a prévu des relations de travail avec des États et des entités tiers qui peuvent participer à des projets et à des programmes de l’Agence. En ce qui concerne les relations avec des États tiers, « la Norvège est associée aux activités de l’Agence dans le cadre de l’Accord administratif du 7 mars 2006 » (Assemblée de l’ueo 2010 : 1). La Turquie, seul autre membre du gaeo non membre de l’ue avec la Norvège, sollicite aussi un accord d’association avec l’Agence européenne de défense, mais les discussions n’ont pas encore abouti. En outre, les relations entre l’aed et les signataires de l’accord-cadre résultant de la Lettre d’intention ont été consolidées (Conseil de l’Union européenne 2010a).

La Commission, quant à elle, veille à renforcer les mesures du « paquet défense ». Dans cette perspective, le président de la Commission, Manuel Barroso, a mandaté en novembre 2011 le commissaire au Marché intérieur et services, Michel Barnier, et le commissaire aux Entreprises et industrie, Antonio Tajani, pour mettre en place un groupe de travail sur la défense européenne (Peters 2011). Dans un objectif de cohérence et d’efficacité, celui-ci « réunit tous les services de la Commission dont les activités peuvent avoir un impact sur le marché et les industries de défense et travaillera en étroite coopération avec l’Agence de Défense et le Service extérieur » (Barnier 2011 : 3). Au sein de la Commission, la direction générale Entreprises et industrie veille à accroître la transparence et l’harmonisation des normes au sein du marché, la direction générale Recherche encourage et finance la recherche en matière de sécurité et la direction générale Marché intérieur veille à l’application de la législation en vigueur. La structure multidimensionnelle de la Commission explique que la mission du groupe de travail « défense » est à la fois de finaliser la transposition des directives et d’évaluer leurs effets, de stimuler le débat sur la politique industrielle et de poursuivre la réflexion sur les synergies sécurité et défense, de même que sur la sécurité d’approvisionnement (Barnier 2011).

Par ailleurs la Commission, dans l’élaboration de ses initiatives, consulte les représentants étatiques, les industriels et les experts du milieu universitaire et des think tanks, car elle ne possède pas toute l’expertise technique nécessaire sur les enjeux liés à l’armement. Elle a toutefois décidé de régir les contacts de travail avec les « représentants d’intérêts », ceux dont l’activité auprès des institutions européennes consiste à influencer tant les politiques que le processus décisionnel. Elle veille ainsi à garantir la transparence, entre autres, avec la communication intitulée Initiative européenne en matière de transparence. Cadre régissant les relations avec les représentants d’intérêts (registre et code de conduite) qui vise à encadrer leur activité, dont le respect devient le préalable à l’inscription dans un registre, lancé en juin 2008. Ce registre de la Commission (2011) comprend différents types d’acteurs, tels que des entreprises de défense comme Thalès et eads, de même que des groupements professionnels comme l’AeroSpace and Defence Industries Association of Europe (asd). L’asd, créée en 2004 par la fusion de plusieurs associations du secteur[15], est le fruit de plus de 50 ans « de coopération institutionnelle entre les entreprises aéronautiques, spatiales et de défense européennes », « inscri[vant] ses actions dans une perspective européenne » (Assemblée de l’ueo 2009 : 19). Les entreprises, quant à elles, ont longtemps été en compétition à l’échelle nationale puis européenne pour accroître leur part du marché. Elles continuent à l’être pour les appels d’offres des États membres et des programmes de la Commission et de l’aed, d’où le recours aux représentants d’intérêts et aux associations pour influencer les politiques européennes.

Au-delà de cette coordination interne et externe pour consolider sa position, la Commission contribue à structurer le marché européen de défense par son association aux travaux de l’Agence. Elle siège au comité directeur et coopère étroitement dans des programmes, notamment en matière de recherche sur la sécurité. Sur le plan des technologies de sécurité, nombre d’applications peuvent être autant civiles que militaires. Avec les encouragements répétés du Conseil (2010b), la Commission et l’aed se concertent au sein du cadre européen de coopération en matière de recherche sur la sécurité et la défense. L’idée est de favoriser « une meilleure synergie entre la recherche civile et militaire afin d’obtenir une effectivité maximum des crédits affectés à la recherche » et de garantir l’autonomie stratégique de l’Union (Maulny 2004 : 80).

Il y a en effet des avancées parallèles importantes dans le cadre des activités de l’Agence européenne de défense et de la Commission pour renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne. Il existe un projet commun, mais la coopération demeure encore imparfaite, avec des tensions inévitables en raison de la sensibilité du sujet et du rapport de force lié à leurs ressources, au pouvoir décisionnel, au savoir-faire pratique et technique ainsi qu’au budget. La Commission dispose de moyens financiers considérables qui font défaut à l’Agence. Elle a notamment « investi 2,8 milliards d’euros pour la période 2007-2013 pour les chapitres “sécurité” et “espace” du 7e pcrd[16]. Ces domaines de recherche concernent souvent des technologies duales » (Assemblée de l’ueo 2010 : 2). L’Agence dispose quant à elle d’un budget plus modeste qui lui vient des États membres, 28,6 millions d’euros pour l’année 2009 (France 2010a). En outre, chaque structure n’a pas la même culture, ne fonctionne pas dans la même logique ni avec la même méthode, et ne poursuit pas nécessairement les mêmes buts. La Commission se concentre seulement sur le marché intérieur, alors que l’aed traite de l’ensemble des enjeux liés à l’industrie de la défense. Son approche intégrée est d’ailleurs perçue comme un avantage comparatif pour les États membres[17]. Il s’agit de structures différentes, l’une intergouvernementale et l’autre supranationale, ce qui influence leur approche et la portée de leur action. Pour certains (O’Donnell 2009), l’Agence européenne de défense est davantage une solution temporaire, voire transitoire, vers un cadre réglementaire européen à long terme dans lequel la Commission jouerait un rôle central. Pour d’autres (Chang 2011), le traité de Lisbonne positionne l’aed en tête du processus de renforcement des capacités et confirme son rôle en matière de marché. Par conséquent, l’Agence serait au coeur du processus de restructuration et de coopération en matière d’armement au sein de l’ue.

Le rapport de force entre l’Agence européenne de défense et la Commission traduit plutôt une interdépendance. Le rôle de l’aed dépend d’une législation précise qui limite le recours à l’article dérogatoire garanti par le contrôle de la Commission et la volonté politique des États. En effet, sur le plan juridique, depuis l’adoption de la directive 2009/81/CE qui limite le recours à l’article dérogatoire, le code de conduite de l’aed ne s’applique que pour les contrats de défense conclus dans le cadre de cette dérogation (Commission européenne 2007a). La consolidation du rôle de la Commission alimente dès lors le débat sur l’avenir de la fonction « acquisition » de l’aed. Du point de vue de la Commission, cette fonction perd son sens dès lors que l’article dérogatoire affecte la transparence et la concurrence. Pour les États membres, d’une part, l’Agence européenne de défense reste un forum important de discussion entre les ministres de la Défense et la Commission et, d’autre part, l’Agence sert de plateforme à la coopération et peut même jouer un rôle de pédagogie sur cet enjeu auprès des États membres[18]. Par exemple, en l’absence du représentant de la Commission lors d’une réunion de l’aed, les ministres de la Défense de grandes puissances comme la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont insisté auprès de leurs homologues sur l’importance de respecter strictement les contours de l’article dérogatoire afin d’éviter tout abus qui risquerait de renforcer le contrôle de la Commission[19].

Dans le processus de mise en place du marché européen de défense, les logiques intergouvernementales et communautaires s’entrecroisent, se confrontent et se compensent. Nous avons relevé la diversité des intérêts parmi les États membres entre ceux qui détiennent une véritable base industrielle et technologique de défense et les autres. Néanmoins, même entre les six pays dotés d’une bitd, il y a des divergences qui perdurent, notamment sur leur degré de coopération et leur rapport à l’industrie américaine. Des divergences qui expliquent que les coopérations intergouvernementales vont probablement continuer à côtoyer les innovations communautaires. En effet, force est d’admettre, d’une part, que la marge de manoeuvre de la Commission évoluera en fonction de la volonté politique des États membres de recourir aux instruments communautaires pour échafauder le marché européen de défense, et, d’autre part, que la portée des directives dépend du respect de leurs engagements et de la capacité de la Commission à aller au bout de la procédure en cas de manquement (O’Donnell 2009). Il est évident que celle-ci n’aura pas les moyens de vérifier chaque cas de marché public, mais, s’il devait y avoir une plainte importante, l’action de la Commission aurait vraisemblablement un effet pédagogique pour les acteurs étatiques et privés dans la définition du cadre d’action et du système des recours.

En outre, le croisement des approches intergouvernementale et supranationale se trouve de façon générale dans les deux directives avec la procédure de comitologie qui permet aux États d’encadrer le rôle régulateur de la Commission dans l’application des directives. Toutefois, dans les deux cas, il ne s’agit pas d’un enjeu majeur : la comitologie intervient sur des détails techniques que la Commission adopte automatiquement et facilite plutôt l’échange d’information, ce qui explique que des représentants de l’aed, à titre d’observateurs, puissent assister aux réunions du comité[20]. Cette double approche se retrouve également dans l’application de la directive simplifiant les transferts intracommunautaires de produits liés à la défense. Certains (Goffinet 2010 : 6) envisagent « une transformation du mode d’acquisition vers un système dual dans lequel la majorité des transferts seraient réalisés dans un cadre libéralisé, tandis que les programmes coûteux et/ou jugés sensibles resteraient encore conçus sur une base bi- ou multinationale ». Cette double approche concernant les transferts intracommunautaires est d’ailleurs envisagée dans le livre blanc de la France (2008a). Une double approche également favorisée par le choix de la Commission de proposer des directives, plus souples et flexibles dans leur application pour les États que des règlements, dont l’application est directe et uniforme. Ce choix tient donc compte des spécificités liées aux marchés de la défense, qui varient d’un pays à l’autre, et de l’objectif d’harmonisation des normes pour accroître la transparence et la compétitivité du marché européen, en mettant fin à la fragmentation et à la duplication. La Commission ne devient donc pas une agence de licence d’autorisation à exporter, car ce sont les États membres qui prennent les décisions selon la Liste commune des équipements militaires de l’Union européenne, annexée à la directive et révisée périodiquement. Par ailleurs, cette directive ne touche pas aux transferts extraeuropéens, beaucoup plus sensibles. À cet égard, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne se sont mis d’accord pour limiter le rôle de la Commission à la dimension intracommunautaire, partageant la crainte d’ouvrir la porte à une compétence exclusive dans une dimension des exportations qui touche directement la question de la souveraineté nationale[21].

L’approche du champ organisationnel, à laquelle ont recours Mörth et Britz (2004), nous permet de saisir les nouveaux types d’arrangements coopératifs selon les relations de pouvoir entre les acteurs. En adoptant l’approche holiste de la sécurité, nous sommes par ailleurs à même de considérer le rôle de la Commission dans ce domaine sensible que la littérature savante a tendance à minimiser. En nous référant à la notion de champ, nous cernons la position de celle-ci en relation avec les autres acteurs, ce qui diminue le risque de surestimer son influence, mais permet néanmoins de démontrer l’effet structurant de son activité sur la définition du marché européen de défense.

Conclusion

À la lumière de cette analyse, nous prenons la mesure de l’évolution de la coopération européenne en matière d’armement et de la convergence qui s’est opérée entre les initiatives intergouvernementales et communautaires dans l’établissement du marché européen de défense. La convergence donne lieu à un véritable équilibre dynamique entre les logiques intergouvernementales et communautaires qui s’entrecroisent, se confrontent et se compensent. Les pratiques des acteurs, étatiques et non étatiques, dans la coopération européenne en matière d’armement traduisent les luttes de pouvoir et les stratégies qui structurent le champ européen de sécurité et de défense.

La mise en place du marché européen de défense est certes un long processus, mais une étape décisive a été franchie avec l’adoption du « paquet défense ». La prochaine étape de notre recherche portera donc sur le fonctionnement de ce marché, notamment avec l’application des directives, leur respect par les États membres et la capacité de la Commission à exercer son rôle régulateur dans leur application. Il sera alors intéressant d’étudier l’impact des prochaines initiatives, visant le renforcement et la consolidation du marché européen de défense, sur la position des acteurs et sur l’équilibre dynamique entre les coopérations intergouvernementales et les innovations communautaires.